Il est ressuscité !
N° 216 – Décembre 2020
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
« Fraude mystique de Marthe Robin »
et « méthodique » forfaiture de Rome !
La fraude mystique de Marthe Robin est le dernier ouvrage du Père Conrad de Meester, carme déchaux de la province de Flandre, docteur en théologie, internationalement connu et apprécié pour le sérieux de ses travaux sur les plus célèbres saintes mystiques de l’Église : Thérèse de Lisieux, Élisabeth de la Trinité, Édith Stein, etc. Le titre, on ne peut plus explicite, est la conclusion d’une démonstration scientifique et d’une enquête minutieuse.
QUE VÉRITÉ SOIT FAITE ET RAISON GARDÉE !
Le supérieur et les confrères carmes du Père de Meester considèrent cet ouvrage, « fruit d’un immense travail », comme « son chef-d’œuvre ». Publié à titre posthume par les éditions du Cerf, celles-ci n’ont pas hésité à engager toute leur autorité morale dans sa promotion : « Il est des livres d’investigation dont les révélations provoquent un avant et un après. Parce qu’ils dévoilent un mensonge établi, en démontant chaque raison secrète, chaque rouage caché, en démasquant les auteurs, les complices et les victimes. » Dans un remarquable “ Avertissement de l’éditeur ”, le directeur des éditions du Cerf, Jean-François Colosimo, calme les passions, mais pour mieux imposer ensuite la dernière volonté du Père Conrad : « Que vérité soit faite », et nous faire part, à titre personnel, d’un intérêt majeur de l’ouvrage :
« Disons-le d’emblée : ce livre n’a pas été conçu comme une machine de guerre. Ni contre Marthe Robin, ni contre les Foyers de charité qu’elle a inspirés ou encore contre les communautés nouvelles qui se réclament de son héritage (...). Vérité et liberté, mais aussi foi et raison : tel est bien le leitmotiv de ce livre. Réquisitionné pour sa qualité incontestée de spécialiste de la littérature mystique, particulièrement contemporaine et féminine, le Père Conrad de Meester a conclu, en recourant à des méthodes critiques objectives, à l’inauthenticité des textes de Marthe Robin. Ce constat établi, il a enquêté sur le contexte de leur élaboration et il en a pareillement déduit, en rassemblant des charges argumentées, qu’il comportait divers aspects frauduleux (...).
« Il (cet ouvrage) dresse également le bilan des années qui ont suivi [précédé aussi] le concile Vatican II et qui ont vu abonder, à rebours de la grande tradition spirituelle, de paradoxales illuminations et d’illusoires lumières. Aujourd’hui, elles-mêmes déboussolées sous l’effet des succès fugitifs et des consolations fragiles qu’elles ont produits, elles s’éteignent les unes après les autres. »
ROME AU-DELÀ DU VRAI ET DU FAUX
Paru le 8 octobre 2020, « cet ouvrage, appelé à causer un séisme au sein de l’univers catholique » est passé presque inaperçu ; le « séisme » a été maîtrisé le jour même par une mise au point de Vatican News sans équivoque possible :
« Dans son rapport, le théologien [de Meester] soulevait certains problèmes liés notamment à la dimension mystique de Marthe Robin, expliquant notamment qu’elle était certes handicapée, mais non pas paralysée, ni aveugle comme elle l’affirmait, car elle avait rédigé certains écrits de sa propre main. Il soulignait par ailleurs que presque tous ses écrits ou récits d’expériences mystiques peuvent être attribués à d’autres auteurs spirituels, qui ne sont jamais cités.
« L’ensemble des positions critiques du Père de Meester, avec aussi d’autres éléments concernant notamment l’étude graphologique et l’évaluation médicale, avaient été intégrés dans la Positio super virtutibus, c’est-à-dire le rapport sur l’héroïcité des vertus établi par la Congrégation pour les causes des saints. Tous ces éléments ont donc été étudiés de façon très méthodique, d’abord par les consulteurs théologiques, et ensuite par les cardinaux et évêques membres du dicastère, qui en sont arrivés à un jugement positif sur l’exercice héroïque des vertus de la part de Marthe Robin. »
Le 7 novembre 2014, « cédant à diverses pressions propagandistes », précise Jean-François Colosimo qui est bien renseigné, le pape François signait le décret de « l’héroïcité des vertus ».
QUELLES DONC « PRESSIONS PROPAGANDISTES » ?
Avant même d’entrer dans le vif de la démonstration de Conrad de Meester, il nous faut d’abord répondre à cette question, capitale en ce sens qu’elle va situer l’ouvrage du carme belge dans son contexte ecclésial.
À sa mort, le 6 février 1981, Marthe Robin jouissait d’une aura de gloire sans pareille : quatre évêques, deux cents prêtres, plus de six mille personnes assistèrent à ses funérailles. Ses prouesses ascétiques et mystiques, ses souffrances et sa charité, le nombre des apparitions de Jésus, de la Sainte Vierge, de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, sans oublier celles du démon, surpassaient, et de loin, celles de tous les saints mystiques de l’Église catholique réunis.
Chaque semaine, durant cinquante ans, Marthe Robin, tétraplégique au dernier degré, a revécu la Passion. Elle n’a jamais ni bu, ni mangé (inédie : abstention totale de nourriture et de boisson), elle s’est uniquement nourrie d’une seule hostie consacrée par semaine ; stigmatisée par le Christ en personne depuis 1930, elle a vécu dans la pénombre car ses yeux, aveugles depuis 1940, ne supportaient pas la lumière, prétendue raison pour laquelle elle n’a jamais assisté au Saint-Sacrifice de la messe, etc.
LE CHARISMATISME FRANÇAIS À “ LA MANŒUVRE ”.
Lorsqu’en 1988, les Foyers de charité entreprirent le procès de béatification de Marthe Robin, ils se trouvèrent confrontés par les autorités romaines à deux défis, et à un troisième de taille par le Père Conrad.
Les prouesses extraordinaires de Marthe nuisaient à la Cause, car Rome traditionnellement très méfiante en ce domaine ne se prononcerait pas sur les états mystiques d’une pareille grande malade. Il ne s’agissait pas de nier les faits, mais de jouer sur ce registre de l’extraordinaire avec beaucoup plus de discrétion, et donc davantage insister sur le rôle social de Marthe, le nouvel apostolat des Foyers de charité instauré par elle, en précurseur de Vatican II.
D’autre part la béatification de Marthe serait définitivement compromise, si l’on persistait à prétendre qu’elle avait été tuée par le démon le 6 février 1981, comme elle l’avait pourtant elle-même annoncé. La mort devait être naturelle.
Les Foyers de charité et la communauté de l’Emmanuel devaient donc absolument changer l’image de marque de leur “ vedette ” ; ce travail d’impresario ne leur faisait pas peur. Mais quand ils prirent connaissance des quatre cents pages du rapport de Conrad de Meester, publiées aujourd’hui sous le titre : La fraude mystique de Marthe Robin, ce fut l’affolement : en France dans le milieu fermé des chefs du charismatisme, comme à Rome dans le milieu tout aussi fermé des “ décideurs ” du riche dicastère de la cause des saints. Le Père Conrad était un homme d’Église, lié par le secret pontifical, il y serait fidèle. Mais les évêques, prêtres, théologiens avec qui il avait collaboré et controversé aussi, durant la phase diocésaine de la Cause, tous avaient compris que ce carme flamand, fils de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila ne s’en laisserait pas conter. Pour cause de perfection divine, la vérité n’était pour lui ni un vain mot, ni négociable...
Si le scandale éclatait, si Marthe Robin convaincue de fraude tombait, ce serait, “ effet domino ” oblige, le charismatisme français, et même l’Église de France qui seraient atteints par ce scandale. Les Foyers de charité, la promotion du laïcat, les communautés nouvelles, les fruits du Concile, et jusqu’au concile Vatican II lui-même, tous seraient entraînés dans la chute à la suite de Marthe. “ Ce choc, cet anathème ” qui aurait pu arriver, qui arrivera forcément un jour, n’a pas eu lieu.
BERNARD PEYROUS, L’IMPRESARIO DE MARTHE ROBIN.
Le mérite en revient au postulateur de la Cause, le Père Bernard Peyrous, prêtre de l’Emmanuel, aujourd’hui mis à l’écart pour inconduite notoire. C’est lui qui a réussi le tour de force de changer l’image de marque de Marthe Robin ; sans renier les faits extraordinaires ni cacher la surprenante vérité, mais tout en dissimulant le plus possible la honte du mensonge qu’elle suppose, le justifiant même jusqu’à le faire paraître normal, naturel, humain. Aucune vérité, aucun mensonge n’a pu résister à la conciliation des contradictoires opérée par ce gaillard bordelais, tout au long de La vie de Marthe Robin, biographie de référence.
Marthe Robin revue et corrigée en 2006 par Bernard Peyrous est une sainte malade, que le Père Finet a travestie en “ super-mystique ”. Tétraplégique, inédique depuis les années trente, elle peut tout de même se déplacer, satisfaire ses besoins intimes de temps en temps, grignoter ceci cela à la cuisine... et honni soit qui mal y pense : « Marthe n’est pas un corps glorieux » que diable ! Accablée par la souffrance d’une maladie « destructurante », elle a rempli au service du prochain et de l’Église, en précurseur de Vatican II, un merveilleux et héroïque apostolat de direction spirituelle des âmes. Des plus petits aux plus grands, ils sont plus de cent mille à avoir profité de ses “ lumières ”...
Peyrous nous affirme qu’elle mourut dans ce plus haut service des suites d’un cancer généralisé, dans un grand état de faiblesse causé par deux semaines de bronchite. Le matin du 6 février 1981, premier vendredi du mois, le Père Finet retrouva la tétraplégique en dehors de son lit, des chaussons sales et usés aux pieds, gisant la bouche grande ouverte à côté d’une cuvette de méléna nauséabonde : “ La mort du juste ”, précise le postulateur.
En 2006, Marthe Robin pouvait donc intégrer le club des très humains bienheureux postconciliaires. Les éditions de l’Emmanuel s’en félicitaient : « Bernard Peyrous nous dresse le portrait le plus complet à ce jour de Marthe Robin. Celui d’une femme qui, loin des excès prêtés aux mystiques, se révèle au contraire désarmante de simplicité et admirable de courage. »
MAIS ALORS, QUI EST MARTHE ROBIN ?
Est-elle la mystique des mystiques, ou bien une personne « désarmante de simplicité », « loin des excès prêtés aux mystiques » ? Pour donner une première réponse en avant-garde de la démonstration du Père Conrad, et pour davantage l’apprécier, il faudrait ici relire notre article d’avril 2015 d’Il est ressuscité n° 150, p. 1-14 : Toute la vérité sur Marthe Robin, mystère d’Apocalypse. Il est toujours d’actualité, confirmé par l’analyse du Père Conrad, désormais ancré sur le roc de sa démonstration scientifique. Pour les lecteurs qui ne peuvent se le procurer, voici donc un rapide survol des principales étapes de la vie de Marthe Robin.
1. 1902-1918 : UNE PAUVRE FILLE ANOREXIQUE.
Au jour de sa naissance le 13 mars 1902, Marthe, la dernière d’une famille de quatre filles et un garçon, ne sait pas encore qu’elle est une enfant illégitime, et que son “ géniteur ” employé dans la ferme voisine était de surcroît syphilitique. C’est une enfant joyeuse, volontiers espiègle, mais elle n’apprend pas bien son catéchisme et n’est pas très pieuse. Elle, ses sœurs et sa mère se signalent à l’attention d’autrui sous le rapport de la danse ; elles s’y entendent pour mettre de l’ambiance à la veillée... Marthe se distingue surtout par une santé fragile, évidemment causée par sa lourde hérédité. Pour tout dire en un mot, elle est anorexique, elle mange très peu. Elle est aussi très sensible, le moindre changement de son univers relationnel l’angoisse.
2. 1918-1922. LES GRANDES SOUFFRANCES D’UNE ÉTRANGE MALADIE.
Le départ pour la guerre de son frère Henri en mai 1918 est pour elle un choc émotionnel ; elle y réagit par l’anorexie. Le 1er décembre 1918, elle s’effondre et ne peut pas se relever. C’est vraiment la grande souffrance : elle ne supporte plus la lumière, elle a des maux de tête qui la font hurler de douleur, jour et nuit. Les médecins pensent tout d’abord à une tumeur cérébrale, puis à une encéphalite léthargique ; le docteur Modrin, d’Hauterives, diagnostique tout de suite l’hystérie, et cela va se savoir...
3. 1922-1928 : VIE CACHÉE EN DIEU ?
Le 25 mars 1922, selon Peyrous, Marthe Robin va tout d’un coup basculer dans un autre univers par l’irruption objective dans sa vie d’une personne, d’un esprit ? « Alice, sa sœur, qui couche dans sa chambre est réveillée par un grand bruit et elle voit une grande lumière. “ Oui la lumière est belle, lui répond Marthe, mais j’ai vu aussi la Sainte Vierge (sic). ” » Quelques mois plus tard, elle reçoit dans l’église de Châteauneuf une blessure d’amour alors qu’elle prie devant l’autel de la Sainte Vierge.
Pour quel changement dans sa vie ? Un seul. Marthe, pauvre petite jeune fille de la campagne, qui n’a même pas son certificat d’études, elle qui, à vue humaine, n’a aucun avenir ici-bas, la voici qui sous l’impulsion d’une apparition de l’autre monde, se met à lire et à assimiler les faits, les gestes, les dits des plus extraordinaires mystiques de l’Église catholique, en autodidacte jusqu’en 1928. Ce sont ces lectures qui vont peu à peu transformer « Marthe la pauvre petite paysanne malade » en « Marthe la mystique des mystiques ». Miracle de la grâce, diront les uns ; non ! objecteront les autres, c’est par une réaction hystérique qu’elle va les assimiler, les incorporer à sa propre personnalité... Constatons le fait, et remarquons qu’une telle métamorphose s’opère sans grande transformation de son âme.
UNE JEUNE FILLE SOUFFRANTE, AVIDE D’AFFECTION.
La correspondance des années 1923-1928 avec madame Delatour, sans artifice et des plus humaines, le prouve. Celle qui a déjà vu la Sainte Vierge et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus est la même dont le cœur chavire dès qu’un jeune homme entre dans son univers. Qu’il s’agisse de l’électricien qui vient travailler dans sa chambre ou du jeune dentiste qui la caresse après lui avoir arraché deux dents, la voici qui fait “ la coquine ” et amuse sa correspondante à la pensée d’un éventuel mariage... Son amie n’est pas très pieuse, Marthe qui a pourtant vu la Sainte Vierge et reçu une blessure d’amour ne songe pas à incliner son cœur vers des considérations plus religieuses, ni ne semble rayonner le moindre amour autre que celui tout “ humain ” qu’elle se porte à elle-même à travers cette amie.
4. 1928-1936 : L’ENTREPRISE MYSTIQUE MARTHE ROBIN.
En novembre 1928, la mission paroissiale prêchée par le Père Marie-Bernard, va faire entrer Marthe Robin dans sa vie publique. Tout d’abord subjugué par “ la sainteté ” de Marthe, le bon Père capucin va en persuader à son tour le curé de Châteauneuf, l’abbé Faure, qui jusqu’à cette date n’y croyait pas du tout. Celui-ci devient du même coup, et le secrétaire dévoué des élévations de Marthe, et l’organisateur avec maman Robin, d’une noria de pèlerins : entreprise mystique, apostolique et commerciale. Car ce qui attire les foules depuis octobre 1930, c’est de voir « la stigmatisée de la Drôme », acheter un chapelet qu’elle a touché ou un mouchoir taché de son sang.
De 1928 à 1936, outre les braves gens, c’est surtout le gotha de l’intelligentsia sillonniste et démocrate-chrétienne de la région qui va voir une jeune femme, une sainte qui est vraiment de “ leur paroisse ”, et qui souffre énormément. Depuis le 2 février 1929, ses jambes recroquevillées sous ses cuisses sont paralysées pour la vie, les bras ne peuvent plus servir et deviennent raides. « Les mains sont atteintes » (Peyrous, édition de poche, p. 75) ; stigmatisée, elle souffre la Passion chaque vendredi depuis octobre-novembre 1931 ; quelques mois plus tard, elle ne dort plus ni ne mange plus.
En février 1936, après sa première visite à La Plaine, alors que le Père Finet hésite vraiment beaucoup à se jeter dans l’aventure que Marthe lui propose, la création des « Foyers de charité », tous ses plus éminents confrères et supérieurs, tous démocrates-chrétiens lui conseillent d’accepter : « Marthe, c’est sainte Catherine de Sienne, elle est d’Église... »
5. 1936-1981 : MARTHE ROBIN
AVANT, PENDANT ET APRÈS VATICAN II.
Grâce aux relations du Père Finet et à sa prodigieuse capacité de travail, le rayonnement de Marthe va prendre une dimension nationale de haut niveau, et les Foyers de charité se multiplier dans le monde entier... De 1945 à 1981, des évêques par dizaines, des prêtres par centaines, des théologiens, des philosophes, des vedettes de cinéma, des ministres, etc., plus de cent mille personnes vont la rencontrer personnellement. Sa prière est efficace, ses conseils avisés : n’est-elle pas selon ses propres paroles « prêtre spirituel » ? Comme elle revit chaque vendredi la Passion du Christ, on attribue la faveur obtenue à Marthe qui souffre tant pour la conversion des pécheurs.
Les témoignages sont là, formels, irrécusables, parfois incongrus ou contradictoires, souvent justes et édifiants. Rien ni personne n’a résisté à son charme, pas même les Papes. Pie XII s’intéresse à son cas et envoie le Père Garrigou-Lagrange enquêter. Marthe lui parle de la Sainte Vierge, le bon Père en ressort les larmes aux yeux, convaincu de la pauvreté de sa théologie en regard de la science et de la piété de Marthe. Paul VI est en relation avec elle et il la consulte par l’intermédiaire de Jean Guitton, notamment à propos de la nouvelle messe. L’abbaye de Fontgombault accepte la réforme liturgique sur le conseil de Marthe, et celle-ci encourage Mgr Lefebvre à fonder son séminaire d’Écône. Tout le monde est content...
« La Pentecôte d’amour » qui devait résulter de Vatican II, c’est Marthe qui l’a prophétisée bien avant les papes Jean XXIII et Paul VI, et qui l’a mise en œuvre, bonne première, car sa fondation des « Foyers de charité » repose sur la promotion d’un laïcat consacré et envoyé en mission pour une nouvelle évangélisation... Prophétesse puissante en paroles et en œuvres, elle fut l’inspiratrice de la plupart, pour ne pas dire de toutes, les communautés charismatiques dites nouvelles. Les fruits du Concile, c’est elle.
Si leurs chefs et leurs membres ont donné et donnent encore du scandale, ce n’est pas en raison de la seule faiblesse humaine... mais c’est à cause d’une conception quiétiste de l’amour de Dieu et du prochain, enseignée à Châteauneuf, et aussi en raison d’une “ faiblesse congénitale ”, d’un péché originel que le Père Conrad de Meester va dévoiler.
ENFIN CONRAD DE MEESTER VINT...
En 1988, le Père de Meester ne connaissait Marthe que de réputation et avait un a priori favorable. Cela se savait. L’évêque de Valence fit donc appel à lui en tant que « censeur théologique ». En février 1988, il lui confiait l’analyse de 4 000 pages autographes ou dactylographiées, la plupart rédigées avant 1942... Après un rigoureux travail d’un an et demi, il rédigea son Rapport pour la Cause, qui fut ensuite communiqué au Vatican.
Le Père Conrad resta sans réponse ni réaction de Rome pendant plus de vingt-cinq ans. Il était lié par le secret pontifical, mais pas les partisans de Marthe, qui publiaient pendant ce temps-là une foule d’ouvrages pour petits et grands, incomplets et mensongers. En 2012, ses forces déclinant il estima qu’il était de son « devoir de parler », et il signa un contrat avec les éditions du Cerf pour La fraude mystique de Marthe Robin. Rappelé à Dieu le 6 décembre 2019, son « chef-d’œuvre » parut le 8 octobre 2020 ; le jour même, les autorités romaines réagissaient, comme nous l’avons vu, soulignant que le théologien carme était lié au secret pontifical... Mais quand le secret est celui du mensonge, de l’injustice, de l’argent, il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, car c’est alors « le temps de parler et non plus de se taire » (cf. Qo 3, 7).
Le Père Conrad s’en est très clairement expliqué :
« Il y va de l’Église du Christ, invitée à marcher selon les exigences de la vérité. Il y va du discernement des véritables grâces que l’Esprit de Dieu est capable d’accorder (...). Il y va aussi de tous ceux qui ont entendu ou lu les paroles de Marthe et qui ont droit à une information exacte. Il y va enfin de l’œuvre du Foyer, appelée à porter des fruits abondants, à la condition d’un christianisme authentique... » (La fraude mystique de Marthe Robin : F. M. p. 17-18)
MARTHE ROBIN :
« DIABOLIQUE OU RUSÉE MADRÉE » ?
Le Père Conrad a retrouvé les mémoires du Père capucin Marie-Bernard qui avait tout d’abord été séduit par Marthe et persuadé de sa sainteté. Il la rencontra en 1928 et la fréquenta jusqu’en 1930, laps de temps qui lui permit de voir comment Marthe, sa mère ainsi que le curé Faure faisaient fructifier leur “ affaire ”. Inquiet, il consulta deux spécialistes des états mystiques, dont le très éminent chanoine Auguste Saudreau (1859-1946) aumônier des sœurs du Bon Pasteur d’Angers.
« Tous les deux me conseillèrent vivement d’éprouver l’esprit qui dirigeait cette âme, en utilisant au mieux les principes théologiques : bonum ex integra causa... malum ex quocumque defectu (le bien procède d’une cause dont tous les éléments doivent être bons, le mal se reconnaît à n’importe quel défaut). Quatre épreuves me furent suggérées... et je les fis subir à cette âme.
« Pour percer à jour sa vanité... je lui conseillai de se faire photographier : le 11 août 1930, deux photographies furent prises par le curé, l’une où elle était affreuse, l’autre où, revêtue sur le front d’une dentelle de Valenciennes, elle ressemblait à Sarah-Bernhardt plus qu’à la pauvre paysanne qu’elle était (...). Elle m’offrit Sarah-Bernhardt... et oublia de me donner son vrai portrait – mesquinerie féminine me dira-t-on, oui, mais je fus un peu éclairé sur sa valeur mystique et son humilité. » Peyrous sourit de commisération à cette évocation...
« Orgueil... à l’instigation du curé de l’endroit, des pèlerinages s’organisaient déjà. La soi-disant petite sainte se faisait remettre des chapelets, les touchait, puis les distribuait. Je conseillais la suppression de ces cortèges et de ses maniements d’objets. Ceci ne fut pas de son goût (...). “ Bénissez-les vous-même, ces chapelets, aurait dit sainte Bernadette ”. » Peyrous trouve à justifier ce commerce et l’assimile à un innocent et charitable petit artisanat, mais il se garde bien de mentionner la suite de l’épreuve.
« Amour de l’argent... “ Faites-lui offrir de l’argent... vous verrez ses réactions... ” Elles furent subites... Marthe réclama d’abord des douceurs... les meilleures que fabriquait un pâtissier et confiseur de Lyon. On prétendait plus tard qu’elle ne vivait que de l’hostie consacrée. J’ai eu la preuve évidente du contraire (...). »
Une dirigée du Père Marie-Bernard, madame du Baÿ, baronne d’Alboussière, que Marthe connaissait bien, devint sa bienfaitrice attitrée. Marthe sollicita de l’argent tantôt pour acheter une vache à son père, tantôt pour ses bonnes œuvres...
« La baronne lui laissa entre les mains une fortune. Elle et le curé de l’endroit se chargèrent de l’employer. Mais défiante et rusée, et craignant qu’un jour ou l’autre la baronne, à mon instigation, se sépare d’elle, elle me fit signifier par monsieur le Curé de ne plus revenir la voir... et d’autre part sachant l’esprit de pusillanimité et de terreur de la baronne au sujet du démon, pour la retenir auprès d’elle et capter sa fortune... elle lui dit à brûle-pourpoint un jour : “ Si vous m’abandonnez, tous les démons se mettront après vous. ” La baronne terrifiée n’essaya pas de se défendre. Elle la tondit un peu plus à son aise. » (F. M., p. 204-206)
Conclusion du Père Marie-Bernard : « Attachement à l’argent, attachement à sa personne, recherche de la gloriole... Il ne restait plus qu’à être fixé sur sa santé physique et morale. N’était-elle pas hystérique ? Bien des symptômes me le faisaient croire... Ce fut alors la catastrophe finale. Craignant d’être découverte et prise au piège par les médecins – et le curé redoutant de perdre sa proie, l’un et l’autre me signifièrent de ne plus revenir...
« Je rapportais à mes deux juges le résultat des épreuves. Ils conclurent aussitôt : “ Le malin a découvert le bout de l’oreille. Il n’y a rien de surnaturel là-dedans. Votre mystique est diabolique ou à tout le moins une rusée madrée. » (F. M., p. 206)
Ce témoignage est le premier sérieux jugement de l’Église, avant Vatican II, hélas ! resté sans lendemain. Il n’a pas fait impression sur les théologiens et cardinaux de Rome, c’est dire l’épaisseur de la désorientation diabolique, le mystère d’Apocalypse qui afflige l’Église.
UNE PLAGIAIRE COMPULSIVE
Que Marthe ait plagié de nombreux auteurs mystiques, c’était connu, mais le Père Conrad va nous en révéler l’ampleur et l’utilisation systématique. Il nous faut ici démasquer la malice de Bernard Peyrous, et la prétendue analyse « très méthodique » des autorités romaines sur cette « question plus aigüe » du dossier Robin.
LA JUSTIFICATION DU POSTULATEUR.
Bernard Peyrous, ce « cher ange », connaît parfaitement les objections du Père Conrad, il pense les réfuter ou du moins en atténuer la pertinence ainsi :
« Marthe emprunte des textes d’autres auteurs en s’attribuant les états qu’ils décrivent. Y a-t-il mensonge ou falsification ? Pour mentir, il faut d’abord en avoir l’intention. À qui Marthe mentirait-elle ? Ses écrits ne sont que pour le Père Faure [une personne humaine tout de même]. Il peut vérifier les citations faites par Marthe qui viennent de son propre presbytère. » [Ces livres dépassaient de beaucoup “ la comprenette ” du curé Faure, et il n’a rien vu du plagiat, qu’un expert comme Conrad de Meester pouvait tout de suite identifier.]
« Ces livres sont d’ailleurs conservés au Foyer jusqu’à aujourd’hui. Il n’y a pas volonté de dissimuler les sources. [Leur existence même prouvera la fraude, le Père Conrad en donnera la preuve.]
« Marthe ne souhaite que le secret sur ce qu’elle vit et se montre indisposée quand on soupçonne quelque chose de ses états intérieurs (...). Elle vit des choses qu’elle ne saurait dire, elle qui n’a aucune instruction et le sait parfaitement (...). D’autres ont trouvé les mots, ils ont dit les choses mieux qu’elle ne saurait le faire, elle se coule dans ces mots. » (Peyrous, p. 101-102)
Marthe ment, Peyrous qui connaît la démonstration du Père Conrad le sait, mais il persiste en mentant à son tour, tandis que les autorités romaines vont « très méthodiquement » analyser la « critique » du théologien belge, et “ cuber ” le même mensonge.
RÉPONSE ET RÉFUTATION DU PÈRE CONRAD.
« On peut m’objecter qu’on ne peut pas exiger d’une simple paysanne comme Marthe de “ citer ses sources comme le fait tout bon universitaire dans ses publications ”. Certes. Mais la claire intention de Marthe – et elle le répétera plusieurs fois, nous le verrons – est d’informer son “ père spirituel ” au sujet des vicissitudes de son âme à elle, de l’informer des sentiments qu’elle éprouve, des intuitions et désirs qui l’animent, des grâces qu’elle reçoit, des combats qu’elle mène, éventuellement des phénomènes extraordinaires qui lui surviennent. Dire son chemin personnel, et non pas répéter l’itinéraire et les expériences spirituelles d’une autre, de Madeleine Sémer en l’occurrence. »
Fort de l’autorité de saint Jean de la Croix, le Père Conrad conclut qu’il est « tout à fait improbable, disons-le simplement impossible, que l’évolution intérieure, spirituelle, personnelle de Marthe Robin se soit réalisée dans une succession d’illuminations identiques à celles de Madeleine Sémer, dans le même “ ordre ” que chez celle-ci. Et donc : “ Elle plonge son directeur dans le fictif ”. » (F. M., p. 41-42) En voici encore un autre exemple parmi beaucoup d’autres :
« Marthe débute une Note intime non datée, adressée à son “ Père ” spirituel Léon Faure [les mots en gras sont de Marie-Antoinette de Geuser dans Lettres à une carmélite, les mots en italiques sont des équivalents trouvés par Marthe, en caractères normaux, les ajouts] :
« Après avoir demandé à Dieu par l’intercession de la Sainte Vierge, ma Mère bien-aimée, la grâce de bien dire la vérité et aussi clairement que possible, je viens, mon Père, répondre à votre demande de l’autre jour, laquelle était de mettre par écrit comment le Seigneur emporte avec Lui sa petite proie. Notre Grand Dieu d’Amour vient à moi ou plutôt fond sur sa petite proie à peu près toutes les fois que je me présente devant Lui (je parle ici des jours où je ne fais pas ma sainte communion). Souvent aussi il arrive à l’improviste, au milieu d’autres occupations ou en pleine conversation quelquefois. Il m’attire alors comme un grand aimant attirerait une petite aiguille. Si l’aiguille est libre, il l’emporte complètement ; si elle ne l’est pas, c’est-à-dire si elle doit rester tout entière à quelque chose d’extérieur, par exemple si je suis dans une conversation seule avec une autre personne, je peux, le plus souvent, résister. Je sens seulement cette très douce attirance, j’adhère à Lui fortement, et dès que je suis libre, je me laisse emporter par Celui qui m’attend généralement (Lettre à une carmélite, L. C., 164-165).
« Dans cette même Note intime (au total, deux pages dactylographiées), Marthe attire par trois fois l’attention de son interlocuteur privilégié : “ Je me permets, mon Père, de vous faire remarquer en passant, que... ” “ J’ai l’impression de vous avoir bien mal dit ces choses, mon Père, j’aurais tant aimé pourtant pleinement répondre à votre désir ! ” et encore :
« “ Soyez sûr, cependant que s’il y a des choses que je ne vous dis pas, c’est uniquement parce qu’elles ne se présentent pas à mon esprit au moment où j’écris, ou que je ne puis pas les traduire assez clairement pour les confier au papier, sans risquer des malentendus, car il n’y a rien en mon âme que je ne veuille vous dévoiler ; peut-être qu’à votre prochaine visite, je vous le prouverai plus facilement de vive voix. Enfin, je l’aime, Lui seul, follement. (L. C., p. 127) ”
« Mais quelle information exacte, quelle “ vérité ” apparemment décrite “ aussi clairement que possible ”, le pauvre Père Faure aurait-il pu retenir de cette Note intime s’il avait su que tous les mots mis en gras avaient été tirés d’un livre écrit par une autre personne ? » (F. M. p. 63-64)
Dans le troisième cahier de son Journal, Marthe « déploie sa mystique, c’est-à-dire à la fois l’expérience qu’elle a eue à titre personnel, la reddition qu’elle en opère en son nom propre ». Conrad de Meester identifie des pages entières empruntées à saint Jean de la Croix, et au dominicain Louis Chardon (1595-1651), connu par son traité La Croix de Jésus. Il conclut : « La question outrepasse les transgressions habituelles que sont le détournement intellectuel et la forgerie littéraire... » (F. M., p. 355)
Voici maintenant ce qui renvoie au néant, sans commentaire, les laborieuses justifications du postulateur : Faute de pouvoir “ trouver les mots ” pour exprimer ses péchés, l’héroïque “ vénérable ” s’est coulée dans les mots, dans les péchés d’une autre :
« Dans une autre Note intime, non datée, Marthe se livre à une confession générale où elle énumère les fautes de sa vie et qu’elle profère dans un état de ravissement mystique devant le Seigneur et toute la cour céleste. Mais ce ne sont pas ses péchés et ses manquements à elle que Marthe confesse, car son long récit (environ quatre pages et demie) est une fois de plus emprunté à sainte Véronique Giuliani. » (F. M., p. 86)
Comme le reconnaissait Marie-Lucile Kubacki dans l’hebdomadaire La Vie du 3 octobre : « Sur ce point, Conrad de Meester, qui montre les preuves de ce qu’il avance, est inattaquable. »
LE CARDINAL DECOURTRAY FACE À LA VÉRITÉ.
Ce que les Foyers de charité et les autorités romaines persistent à ne pas voir dans leur aveuglement, le cardinal Decourtray, lui, l’a tout de suite appréhendé. Il admirait beaucoup en Marthe Robin la conseillère et l’ “ accoucheuse ” de la plupart des communautés nouvelles : « Quand on regarde ce qui naît dans l’Église, souvent on trouve Marthe. » Mais comme il tenait aussi le Père de Meester en grande estime, il écouta avec une attention soutenue son réquisitoire contre Marthe Robin.
Pour toute réponse, il prit un livre et « déclama alors un texte sublime de Marthe. Je le reconnus tout de suite (...). Je promis au cardinal de lui envoyer ce passage puisé dans le Journal de sainte Véronique Giuliani, avec la photocopie des pages imprimées du livre où Marthe l’avait trouvé (...). Je lui transmis les documents quelques jours plus tard. Le cardinal me répondit qu’il demeurait “ pantois ” et qu’il se recommandait à la Providence... » (F. M., p. 119-120)
LE PLAGIAT EXPLIQUÉ PAR LA MÉDECINE ?
Pour finir sur ce sujet du plagiat, le Père Conrad évoque le souvenir de ses entretiens avec le docteur André Cuvelier, neuropsychiatre à Nancy, spécialiste de la littérature mystique. Celui-ci s’était penché sur le cas de Marthe Robin après que les sœurs carmélites de cette ville lui aient révélé que certains textes attribués à Marthe et publiés dans L’Alouette, la revue des Foyers de charité, provenaient des Lettres à une carmélite de Marie-Antoinette de Geuser.
Mais alors qu’ici le Père Conrad ne semble pas tirer avantage des travaux de son ami, Peyrous, lui, ne va pas manquer l’occasion. Il nous brosse un tableau dramatique de l’état psychique de Marthe Robin, puis il nous explique que son engouement pour la lecture des mystiques a été l’indispensable remède qui lui a permis de « recomposer son moi » et empêchée de sombrer « dans la folie ou dans la mort » (cf. Peyrous, p. 98). Puis il invoque l’autorité du docteur André Cuvelier et le cite : « Marthe Robin passe de la mémorisation à la mémoration, c’est-à-dire que par le biais de sa maladie, elle incorpore à sa personnalité des souvenirs acceptés comme réalité actuelle. Un tel processus devrait aboutir à la confusion mentale alors qu’ici le “ moi ” en sort renforcé. C’est là à notre avis que se manifeste l’intervention de la grâce. » (Peyrous, p. 102)
Le docteur juge ici sur les apparences et la réputation de sainteté de Marthe Robin, et reconnaît donc l’intervention de la grâce. S’il avait connu les travaux de Conrad de Meester, il aurait tout de suite compris que ceux-ci allaient à la rencontre d’un principe de discernement capital, propre à sa profession de psychiatre, antérieur à l’analyse de la maladie comme de l’explication qu’il en donne.
LE DISCERNEMENT DU PSYCHIATRE CATHOLIQUE.
« Nous sommes consultés le plus souvent pour savoir si les faits qui nous sont présentés ressortissent ou non de la psychiatrie. “ Ces phénomènes sont-ils authentiques ? Viennent-ils de Dieu ou du Diable ? La personne est-elle malade ? ” Toutes ces questions naïves sont en réalité de fausses questions qui sous-entendent déjà une partie de la réponse.
« Le vrai problème que le psychiatre doit résoudre c’est celui-ci : Le sujet examiné est-il un simulateur ? Est-il capable de participer consciemment à la construction d’un jeu de rôle dont il serait la vedette ? Peut-il y avoir une supercherie dictée par la satisfaction narcissique, le désir de paraître ou la volonté de puissance ? » (Le psychiatre face aux phénomènes mystiques, par le docteur André Cuvelier, dans Médecine de l’homme, n° 229, mai-juin 1997)
Le docteur Cuvelier a posé « le vrai problème ». Ce que nous découvrons à la suite du Père de Meester, c’est que Marthe Robin répond point par point au portrait-robot du « simulateur », du « jeu de rôle dont elle a été la vedette », de la « supercherie dictée par la satisfaction narcissique, le désir de paraître ou la volonté de puissance ». Elle agit ainsi en étant tout à la fois, malade, rusée madrée, et prise en main aussi, guidée par un esprit. C’est en ce sens que le premier jugement du docteur était pertinent ; mais l’identité de cette force préternaturelle ne peut plus d’ores et déjà faire de doute...
MARTHE ROBIN HÉROÏQUE SECRÉTAIRE
Peyrous, qui excelle dans l’art difficile de dire la vérité tout en atténuant la honte du mensonge qu’il est bien obligé de découvrir un peu, reste étrangement silencieux sur une question lancinante, celle de l’identité des secrétaires de Marthe Robin. Paralysée des bras et des mains depuis le 2 février 1929, Marthe dictait donc ses révélations ou ses notes intimes à des secrétaires ; certaines sont connues, il restait cependant une quantité considérable de manuscrits écrits avant 1942, qui ont été copiés sous sa dictée, mais dont les Foyers de charité eux-mêmes ignoraient l’identité du rédacteur ou de la rédactrice. Notamment ceux sur la Douloureuse Passion du Sauveur. Problème : dans le champ clos de la ferme du chemin de La Plaine et du foyer de Châteauneuf, comment se fait-il que l’on n’arrive pas à identifier ces intimes ?
C’est là que notre “ fin limier ” de Meester est génial, car en plus d’un repérage des nombreuses et identiques fautes d’orthographe que Marthe commettait, il identifie cinq écritures différentes, mais provenant d’une même source : l’écriture de Marthe Robin elle-même ! Le Père Conrad nous la montre en flagrant délit de mensonge, car celle qui fait soi-disant écrire à sa correspondante que sa voix se fatigue à force de dicter, et qu’elle est donc obligée de s’arrêter, est en réalité Marthe Robin en personne qui écrit cela porte-plume à la main ?!...
« Si façonner une écriture étrangère peut être fastidieux, l’effort est à plus forte raison exorbitant lorsqu’il s’agit de façonner plusieurs écritures en les utilisant couramment (...). » (F. M., p. 116)
De la part d’une personne paralysée des bras et des mains, ayant tout juste la force de faire glisser les grains de son chapelet dans ses doigts, oui vraiment, Rome a raison, c’est héroïque !...
Confrontés à une démonstration si implacable, les Foyers de charité consultent dès 1990 une experte graphologue « hautement qualifiée », et lui confient l’analyse d’un grand nombre d’écrits de Marthe Robin. La graphologue conclut qu’à l’exception des pages écrites par des secrétaires bien identifiées, tous les autres écrits – les plus nombreux – sont de la main de Marthe Robin.
« Furent ainsi confirmées – et de façon indépendante – les conclusions que j’avais formulées en 1988 dans mon Rapport pour la Cause. » De Meester ajoute avec simplicité et une magnanimité de grand savant : « Cette confirmation me fit plaisir, mais à vrai dire, je n’en avais pas besoin. » (F. M., p 117-118)
Aux abois, les Foyers demandent une contre-expertise à une graphologue de moindre réputation ; elle estime à treize ou quatorze le nombre de scripteurs. Treize secrétaires et donc treize intimes de Marthe en plus des cinq ou six bien connues, dans les années 1929-1942, c’est impossible... Peut-être les Foyers de charité ont-ils trouvé l’oiseau rare, un graphologue de profession, pour atténuer l’effet des autres ?
« UN VOLUME... QUI PARLE. »
Lors de son enquête à Châteauneuf, le Père Conrad se fit remettre le volume des Lettres à une carmélite de Marie-Antoinette de Geuser qui avait été si souvent utilisé par Marthe.
« L’exemplaire était dans un mauvais état. Des mains sales y avaient laissé bien des traces et, çà et là, de véritables empreintes digitales. Il comportait aussi des taches d’encre, parfois même de véritables empreintes faites à l’encre, signe qu’on avait attentivement pris des notes. Il y avait enfin de nombreuses marques au crayon : j’en comptais quelque deux cent trente-sept ( !) la plupart sous forme de petites croix.
« Surprise ! Dans les marges de la page 218, notre paroissienne (je parle évidemment de Marthe) avait ajouté au crayon de petites remarques, ensuite effacées à la gomme, mais dont on voyait encore les traces. Au milieu du texte imprimé, on discernait encore les chiffres 1, 2 et 3, apportés au crayon pointu et dont les empreintes étaient restées assez visibles (...).
« Dans une Note intime, datée du 22 janvier 1936, soit quinze jours avant sa première rencontre avec le Père Finet, Marthe va utiliser les trois passages des Lettres à une carmélite indiqués dans la marge gauche du volume par les chiffres 1, 2 et 3 (...). Cette activité préparatoire d’une personne qui lit, juge, range, annote, insère est significative ! Même des réalités si petites comme le graphisme des trois chiffres insérés dans le texte imprimé trahit la main [paralysée] de Marthe. Les chiffres sont de sa main : on n’a qu’à comparer avec ceux qui figurent dans la datation de ses lettres. » (F. M., p. 127-128)
De Meester remarque aussi que l’ordre chronologique des trois cahiers du Journal de Marthe est faux. Les dates de composition du second cahier sont vraies, il est exempt de tout plagiat, transcrit par des secrétaires bien connues. Le premier et le troisième sont postérieurs, écrits par Marthe Robin elle-même, tous deux n’étant qu’une compilation de plagiats parfaitement identifiés par notre Père carme. Ce qui lui fait dire : « Marthe n’aura pas été que sa propre secrétaire, elle aura été aussi sa propre éditrice. » (F. M., p. 353)
« L’ACTIVITÉ PHYSIQUE DE MARTHE ÉCRIVAIN. »
« Les activités littéraires de “ Marthe écrivain ” et de “ Marthe lectrice ” excluent une paralysie générale [sans parler de sa cécité à partir de 1939]. Ce serait céder à un mythe mensonger, créé et alimenté par ses soins – bien qu’une forme de paralysie relative ait été réelle dans une phase initiale et ait peut-être réapparu plus tard pendant des périodes plus ou moins longues. » Même handicapée des deux jambes, Marthe peut se lever et se déplacer. Jusqu’à la mort de sa mère le 22 novembre 1940, elle a pu le faire en toute impunité avec sa complicité, et se mettre dans une position suffisamment confortable pour bien écrire la plupart de ses écrits. En 1942, sur les plans de Marthe est construit « un petit appartement pensé en fonction de ses besoins personnels, mais aussi comme lieu d’accueil » ; le verrou qui ferme sa porte de l’intérieur de sa chambre est situé « à quarante centimètres (sic) du sol, tandis que celle-ci communique avec la cuisine... »
La graphie de Marthe, le plus souvent souple et régulière, incite le Père Conrad à penser que, « pour écrire, Marthe sait quitter son lit, s’asseoir, comme elle le peut, poser son papier sur une base solide afin de se livrer efficacement à l’exercice sans recourir à une quelconque assistance » (F. M., p. 291-297).
LES BRAS ET LES MAINS DE MARTHE MORTE NOUS PARLENT...
La preuve de son activité littéraire ressort du rapport du professeur Replumaz, chirurgien et expert près les Tribunaux et la cour d’appel de Lyon dépêché le 10 février 1981 par le cardinal Renard pour procéder à l’examen clinique de Marthe Robin défunte. Aucune trace d’escarres et d’ankylose sur l’ensemble du corps. Les membres supérieurs étaient souples « de mouvement et de peau ». « Étonnant, poursuit le Père Conrad, après quarante ans de paralysie sans aucune kinésithérapie, parce que trop douloureuse. » (F. M., p. 284) Le bras gauche prétendument paralysé le long du corps, et le droit en permanence sur la poitrine, avaient pu être déployés sans difficulté, à la différence des membres inférieurs qui se repliaient sans cesse sous les cuisses, preuve que leur paralysie avait été effective.
En revanche, si les doigts de la main droite avaient pu être déployés sans difficulté, alors qu’ils étaient paralysés depuis plus de cinquante ans, enfermés dans le poing, le pouce non complètement inclus entre les doigts et la paume, n’est-ce pas la preuve qu’ils avaient toujours connu une intense activité ?... (cf. F. M. p. 253)
MAINMISE SUR LE PÈRE FINET
Il résulte du témoignage du Père Marie-Bernard, comme des plagiats et de la fraude des années 1921-1936 une vérité capitale, évidente, vigoureusement affirmée par le Père Conrad, mais obstinément refusée par les Foyers de charité, la communauté de l’Emmanuel et l’ensemble de la presse catholique : la mainmise sur le Père Finet par la stigmatisée de Châteauneuf. Marthe Robin est assurément une grande malade, mais elle n’en est pas moins rusée-madrée, intelligente.
En 1936, “ l’entreprise mystique Marthe Robin ” a huit ans d’existence, elle est bien rodée ; le Père Marie-Bernard s’en est retiré, mais elle reste parrainée par le Père Faure et l’abbé Perrier pour ce qui est des “ pèlerinages ”, ainsi que par le Père Betton, un théologien illuminé, disciple de Bergson, pour ce qui est de la formation “ ès états mystiques ” de la “ sainte ”. Marthe a trente-quatre ans et s’apprête à entrer dans sa vie publique pour réaliser une mission bien particulière. Si le Père Faure est dévoué, il n’a pas l’envergure pour mener à bien la création des Foyers de charité. Marthe a besoin d’un homme taillé à sa mesure.
Elle le veut, elle le trouve, c’est le meilleur, Georges Finet. Sa tradition familiale, ses états de service pendant la Grande Guerre, son zèle apostolique, marial, tout est chez lui admirable. Il fait cependant partie du réseau de cette élite démocrate-chrétienne qui prospère sous le règne de Pie XI à contre-courant des enseignements de saint Pie X. Ce sont les théologiens, les évêques de ce christianisme déjà falsifié, qui vont persuader le Père Finet d’accepter l’invite de cette autre “ sainte Catherine de Sienne ”, et le faire ainsi tomber, lui et l’Église, dans un piège sans précédent, unique dans toute l’histoire de l’Église...
L’ÉTRANGE RENCONTRE DU 10 FÉVRIER 1936.
Dès le premier instant, alors que le Père Finet paraît en présence de Marthe, voilà qu’il ressent un certain trac en présence de celle dont son confrère, le Père Faure, vient de lui faire les plus grands éloges. Marthe Robin perçoit cette timidité, et d’emblée elle le subjugue ; d’abord par sa piété mariale, puis en traçant la ligne à suivre, en force, sans appel.
« Elle m’a dit, déclare l’abbé Finet, que l’Église allait totalement se rajeunir par l’apostolat du laïcat. Elle m’a beaucoup parlé de ça. Elle m’a même dit : le laïcat va avoir un rôle très important à jouer dans l’Église (...). Ce sera quelque chose de tout nouveau dans l’Église ; ça ne s’est encore jamais fait. Ce sera du laïcat consacré, ce ne sera pas un ordre religieux (...). Ces Foyers de charité auront un rayonnement dans le monde entier... » (Peyrous, p. 141)
Il ne faut pas que « l’abbé » prenne la chose à la légère, car il se fait rudement rappeler à l’ordre par “ le Jésus de Marthe ”, et il n’est pas commode : « Dis à l’abbé de ma part expresse que je veux qu’il s’occupe, beaucoup plus qu’il ne le fait et qu’il ne l’a fait, de Châteauneuf. S’il n’obéissait pas à cette parole expresse, je lui enlèverais sa mission et de grandes et immenses épreuves fondraient sur lui. Qu’il laisse plutôt les retraites en dehors et les surcharges que lui impose Mère Scat [visitandine organisatrice d’une conférence mariale donnée par le Père Finet chaque mois au Cénacle, près de la basilique de Fourvière]. Tout son temps en dehors de son devoir d’état à la Direction de l’Enseignement et son confessionnal à Saint-Jean doit être consacré à Châteauneuf. Il y a une formation à donner là-bas. Il entreprend trop de choses (2 juillet 1937). » (F. M., p. 150)
Ce n’est donc pas le Père Finet qui a transformé une pauvre fille de la campagne en championne mystique toute catégorie, comme les Foyers veulent le faire pourtant accroire. C’est elle, Marthe Robin, qui dès le début domine et influence, non seulement Finet, mais tout son entourage, puis la majeure partie du clergé français jusqu’au jour de sa mort, et qui subjugue encore aujourd’hui le « très méthodique » dicastère pour les causes des saints... Quel prestige !
PASSION DU CHRIST
OU PÉCHÉ DES ORIGINES ?
Les mensonges sur l’inédie, la paralysie, le plagiat, la contrefaçon de son écriture sont à mettre au crédit de Marthe « rusée madrée », de Marthe « très intelligente » dévoilée par le Père Conrad. Mais ils ne sont que des moyens en vue d’une fin, le service d’un maître qui n’est pas Jésus-Christ, mais son adversaire, déchaîné aux derniers temps du monde. Marthe Robin n’assistait pas au Saint-Sacrifice de la messe et ne recevait qu’une hostie consacrée par semaine, exceptionnellement deux, mais elle revivait la Passion du Christ... à moins qu’il ne s’agisse d’un autre sacrifice, d’une autre messe...
« La stigmatisée de la Drôme » est censée revivre la Passion du Christ chaque vendredi depuis le 13 janvier 1933. À partir de 1936, c’est le Père Finet qui succède au Père Faure, et qui assiste Marthe en prenant des notes. Mais comme il ne saisit pas tout des paroles et des prières de Marthe, celle-ci lui remet ensuite un écrit plus complet de ce qu’elle a dit lors de sa “ Passion ”. Cet écrit ne peut qu’avoir été dicté à une secrétaire, or, ils sont tous l’œuvre de Marthe elle-même sous le travestissement d’une de ses cinq écritures. Le plus saisissant c’est que le Père Conrad nous montre dans la “ Passion ” du 31 décembre 1937, un énorme plagiat de la bienheureuse Dina Bélanger, avec la preuve redondante, que les passages notés à la hâte par le Père Finet, sont similaires à ceux de la copie écrite... Le Père Conrad nous prouve donc qu’à l’heure de sa “ Passion ”, Marthe connaît le texte qu’elle doit dire et ponctuer de gestes corporels... Ce texte elle l’a pour ainsi dire appris, assimilé, intégré puisqu’elle ajoute, çà et là, des pensées équivalentes ou des transitions de son cru.
De Meester est navré du constat qui s’impose à lui : « Au fond, cette façon de faire est proche de celle qu’elle utilise pour composer ses lettres, ses notes intimes, ses journaux spirituels et ses récits de la Passion... C’est son style, son jeu, sa fraude. Il est pénible de le dire, mais Marthe “ joue ” sa “ Passion ”... » Mais cette fois au rendez-vous de ce mensonge énorme, il me semble que l’on retrouve le Père du mensonge en personne.
DISCERNEMENT DES ESPRITS.
« C’est une leçon de l’histoire que les visionnaires ou les faux mystiques qui font courir les foules, qui trompent durablement les théologiens, les évêques, les cardinaux, ne sont jamais de simples malades mentaux, ni même, oserai-je ajouter, de purs imposteurs. Le plus souvent le déséquilibre psychopathologique et la simulation vont de pair avec une intervention diabolique plus ou moins forte, plus ou moins constante, plus ou moins ouverte. Sans quoi la comédie est vite démasquée ! » (Medjugorge en toute vérité (M. T. V.) : Le discernement des esprits, p. 202)
Durant les Passions de Marthe, le démon est présent, pour ne pas dire omniprésent, c’est une évidence que personne ne conteste ; on pourrait même dire qu’il fait partie de la famille des Foyers de charité dès les origines. On ne s’étonne plus de sa présence ni de ses manifestations (cf. Il est Ressuscité n° 150, avril 2015 p. 9-10).
QUEL SPECTACLE !
On n’a pas de mal à imaginer la scène puisqu’elle a été tant de fois décrite : douleurs extrêmes, cris, gémissements, gestes fous pour sortir de son lit ; elle se cogne la tête contre les montants de son divan, le sang lui jaillit des yeux, des tempes, du cœur ; elle gémit doucement ou râle d’une voix rauque terrifiante... c’est le démon qui l’infeste, ne se contentant pas de la posséder, mais gagnant son cœur.
À la lumière des démonstrations scientifiques du Père Conrad, que doit-on voir à travers ces apparences ? Une femme qui crie, une tétraplégique qui gesticule tourmentée par un esprit de mensonge ; à ses côtés un homme, un prêtre qui est là pour l’assister, lui éviter un accident, chasser le démon (sic). Mais il est surtout présent pour être par elle subjugué, fasciné par la sublimité de ses prières, pénétré par son esprit de mensonge.
N’est-ce pas là le renouvellement du pitoyable péché des origines ? Avec le Démon foncièrement menteur pour acteur principal, Marthe Robin dans le personnage d’Ève, et le Père Finet, pauvre Adam qui se fait non seulement piéger, mais contaminer. En effet, celui qui célébrait les gloires de Marie Immaculée à l’école de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, le voici maintenant étrangement “ marié ” à cette Ève rusée madrée, malade et diabolique. Il ne va pas tarder à choir dans le déshonneur. Les Foyers de charité et la communauté de l’Emmanuel viennent en effet de révéler qu’il s’est rendu coupable d’abus sur mineures, dès 1945 ! et jusqu’en 1983, avec une augmentation des cas à partir de 1961...
Dans le secret d’une chambre noire, chaque vendredi, pendant plus de cinquante ans s’est donc renouvelé le péché des origines, entre Satan, une femme de mensonge et un prêtre vicieux... Des cardinaux, des évêques, des prêtres, des messieurs et des dames de toutes conditions, ont assisté à ce simulacre et en sont ressortis bouleversés, complètement désorientés aussi... Désorientation diabolique, en avant-garde de Vatican II, présentée ensuite comme le seul fruit de ce funeste Concile : en apparence tout beau, tout gentil, comme la pomme originelle, mais au-dedans tout pourri, tout vicieux, beaucoup plus contagieux
et dangereux pour l’âme que la covid ou le sida...
Ah ! il est beau, le foyer initial dont la flamme s’est transmise aux Foyers de charité ainsi qu’à tous les fondateurs des communautés charismatiques... Et l’on s’étonne que les chefs soient tombés les uns après les autres dans les pires désordres ?!
LES FOYERS DE CHARITÉ
Au principe des Foyers de charité, on peut “ admirer ”, une fois de plus, le prodigieux esprit d’entreprise, commercial et financier de Marthe Robin, sa manière sui generis de “ rançonner ” ses bienfaitrices, mais par ses mensonges. Outre celui de sa grande activité littéraire, ne retenons que le mensonge capital à propos du texte fondateur des Foyers de charité. Puisque Marthe a dit et ne cessera de dire que depuis le 2 février 1929, elle est totalement paralysée, incapable d’écrire, le Père Conrad conclut selon les principes premiers de la raison, et comme pourrait le faire n’importe quel élève du secondaire :
« La crédibilité du document, en tant que recueil présumé d’une parole divine, est d’emblée minée du fait que ce texte [quatre pages pleines] est rédigé de la propre main [paralysée] de Marthe. » (F. M., p. 238)
De plus, le Père Conrad qui a repéré de nombreux passages de la bienheureuse Dina Bélanger, conteste la date de rédaction du “ divin ” texte fondateur avancée par les Foyers, 1933. Pourquoi ? Parce qu’en 1933 les écrits de cette religieuse canadienne-française, membre de la congrégation des sœurs de Jésus-Marie, n’étaient pas encore édités au Canada ; ils ne le seront que dans la deuxième moitié de 1934 (cf. F. M., p. 239). Il est fort, notre carme détective ! Et un mensonge de plus qui a échappé à l’analyse « très méthodique » des théologiens romains...
Le Christ n’est donc pas apparu à Marthe pour lui ordonner la fondation des Foyers de charité ni pour lui donner une mission de corédemptrice et d’amour universel avec « un prêtre choisi sous l’inspiration de l’Esprit-Saint ». Le Père Finet et Marthe sont liés à la vie à la mort, mais pas pour reproduire « une union » semblable à celle du Christ et de la Vierge Marie.
Si après la guerre, les “ Passions ” de Marthe sont moins bavardes, si elle ne fait plus de confidences sur elle-même, c’est pour une raison que nous allons découvrir, masquée par cette autre : la “ sainte ” a franchi un seuil. « Maintenant, je suis dans les attributs de Dieu et même je m’enfonce... dans l’essence de la divinité. » (Peyrous p. 223) Cela fait sourire, mais c’est tragique, car désormais elle délaisse ses laborieux et mensongers travaux d’écriture pour se consacrer pleinement à un double objectif : la prolifération des Foyers de charité et la désorientation de l’élite catholique, laïque et cléricale, préparant la voie aux désorientations de Vatican II, et les prolongeant ensuite. Le tout avec un charme, une science, un prestige fascinant qui dépasse les capacités humaines, fruit de son “ sacrifice ” de sa “ messe ” de chaque vendredi...
Le Père Conrad a lui aussi remarqué ce prestige qu’elle exerce : « Mais si la stigmatisée se montre plus qu’intéressée par ce monde ecclésial, intellectuel et culturel pour lequel elle est censée prier et souffrir dans le silence et l’obscurité, c’est qu’elle entend l’influencer et le dominer. Les dissimulations et les manipulations de Marthe concourent ainsi à l’instrumentalisation par elle de tout un monde institutionnel [démocrate-chrétien] qui par ailleurs s’y prête volontiers. » (F. M., p. 355)
LES GENS D’ÉGLISE
ENTRE DEVOIR ET COMPLICITÉ
Mgr Pic, évêque de Valence (1932-1952) et dévot de Marthe Robin, va pourtant remplir, formellement, ses devoirs d’évêque. Il demande à un prêtre de la Vallée, de “ formation philosophique ”, de lui faire un rapport. Il sera favorable. Aucun excès n’est à noter. Ni chez Marthe, ni de la part de sa famille, ni de la part des prêtres qui l’entourent. L’évêque est rassuré. On croit rêver !
1942 : LE « RAPPORT MÉDICAL » INACHEVÉ.
En avril 1942, encore sur ordre de Mgr Pic, le professeur Dechaume et le docteur Ricard vont procéder à un examen clinique de Marthe Robin. Apparentés au Père Finet, ces amis de Marthe animés de la même « certitude morale » éliminèrent d’emblée « la supercherie et la simulation ». Ils furent cependant stupéfaits de ne constater chez cette paralysée et aveugle depuis treize ans, aucune dégénérescence anatomique.
La peau est douce, sans escarres, « les articulations qui paraissent comme soudées ne sont pas ankylosées, les muscles n’apparaissent pas contracturés, ils ne le sont pas du reste au palper, mais la contracture apparaît dès qu’on essaie de mobiliser un segment de membre. Il s’agit alors d’une contracture massive, frappant non seulement le membre en cause, mais tout le corps, créant un état de rigidité totale et entraînant des douleurs très intenses (...). » La douleur extrême que Marthe éprouve dès qu’elle voit la lumière va aussi empêcher les médecins de poursuivre plus avant leur examen. Ils ont tout de même eu le temps de faire une sommaire analyse des yeux, ceux-ci sont normaux.
Commentaire du Père Conrad : « Les lettres et autres textes composés après 1939 démontrent que même à cette période et par la suite, elle voit. Elle n’est donc pas aveugle comme elle le prétendra le 14 avril 1942 en présence de son évêque Mgr Camille Pic, et de son confesseur le Père Georges Finet. » (F. M., p. 256-257)
Les médecins constatent évidemment l’existence des stigmates sanglants, mais ils n’ont trouvé « en aucun point du corps la moindre exulcération, ni même la moindre lésion qui pût expliquer la provenance de sang et de sang abondant » (F. M., p. 260).
Marthe Robin n’est pas saint François d’Assise, des cas semblables au sien abondent depuis toujours dans les hôpitaux psychiatriques. Ricard et Dechaume le savent, mais ils restent persuadés de l’origine surnaturelle des “ stigmates ” de leur amie...
AVANT ET APRÈS OCTOBRE 1942
Très impressionnés par la souffrance de Marthe Robin, ils n’en concluaient pas moins, avec rigueur et honnêteté, à la nécessité d’une observation de plusieurs semaines pour contrôler scientifiquement leur « certitude morale ».
En octobre 1942, Mgr Pic en convenait, et le Père Finet aussi. Le chanoine Bérardier affirme dans son rapport : « Au mois d’octobre, un contrôle devait être exercé par quatre infirmières, deux religieuses et deux civiles, qui, après avoir prêté serment entre les mains de Mgr Pic, évêque de Valence, se relaieraient jour et nuit, pendant quatre semaines continues dans la chambre de Marthe sans la quitter une minute, afin de bien attester de cette carence totale de nourriture, de boisson, de sommeil. » (F. M., p. 261) On dit que l’invasion de la zone libre par les Allemands a tout compromis... On admet un léger retard dans l’exécution, mais pas un report définitif...
Que s’est-il passé pour que ce contrôle n’ait pas lieu, alors que tous les intervenants étaient d’accord ? Les auteurs donnent des raisons qui n’en sont pas.
LE PACTE ROBIN-FINET.
Il a été scellé à partir du jour où le Père Finet a pris Marthe en flagrant délit de déplacement ou d’écriture et donc aussi de plagiat. Marthe mentait sur la réalité de son inédie, sur l’ampleur de sa paralysie, et sur ses élévations mystiques ?! On comprend dès lors pourquoi les rédactions plagiaires de chaque vendredi, laborieuses pour Marthe, prirent fin ; elles étaient devenues sans objet ; le Père Finet, lui, était pris au piège, et bien pris.
Cette découverte arriva forcément, nous semble-t-il, entre octobre 1942 et avant le jour de 1945, première chute du Père Finet. Ah ! elle était belle, la “ sainte Catherine de Sienne ! ” du très démocrate jésuite Albert Valensin : « Elle ne vous trompera jamais, elle est d’Église ! Vous devez faire tout ce qu’elle vous dira, elle ne vous trompera jamais. » L’œuvre des Foyers était lancée, bien partie, et comme le signale Peyrous, « engagé tout entier, tête et cœur dans une entreprise », Finet n’était pas homme à se remettre en cause. Il alla donc de l’avant.
L’un et l’autre, complices, devaient absolument échapper à tout contrôle de l’inédie, et continuer sur ce haut registre ascétique et mystique, avec désormais et plus que jamais “ le Père du Mensonge ” pour partenaire dans une mesure qu’il ne nous appartient pas de déterminer ici.
LIBERTÉ SURVEILLÉE DE MARTHE OU DU DÉMON ?
À partir de 1943, Marthe fut surveillée d’une manière très rigoureuse et réglementée ; durant le jour afin de veiller au bon déroulement des visites, et la nuit afin de lui laisser une certaine initiative pour ses activités littéraires ou autres, et celles de première nécessité que nous savons. Elle le fut par deux femmes absolument dévouées à la personne du Père Finet.
Quand l’une ou l’autre entrant tard dans la cuisine surprendra Marthe et la verra s’enfuir en rampant, elles le diront au Père. Il leur répondra que c’était le démon qui prenait la forme de Marthe, et elles poursuivront leur service « sans se poser de problèmes »...
Le Père Conrad a recueilli leur témoignage le 20 octobre 1988 lors d’une seconde visite à la ferme de La Plaine. L’une d’elles a même imité la manière dont Marthe se déplaçait, glissait sur le sol « adoptant comme points d’appui le derrière, les mains et les pieds » (F. M., p. 282).
Durant cette visite, le Père Conrad voulait surtout « recueillir le plus d’informations possible sur certains phénomènes qui s’étaient présentés dans la chambre de Marthe. Parmi eux figuraient les bruits qu’on entendait régulièrement lorsqu’elle était seule dans la pièce – surtout le jeudi, le vendredi, et plus tard, le samedi et dimanche aussi – et que l’on attribuait au démon. Ou “ les objets déplacés ” d’un point à l’autre par quelque intervention pareillement maléfique. Ou les “ tasses cassées ” dont j’avais vu les morceaux conservés dans une commode. Ou encore “ la chaise ” qui barricadait la porte lorsque, le matin, le Père Finet voulait entrer dans la chambre. » (F. M., p. 281)
Ces bruits insolites sont-ils de Marthe ou du Démon prenant son apparence ? L’une ou l’autre solution est possible, comme aussi la plus probable combinaison des deux, si l’on suit la sage main courante du discernement des esprits :
« Lorsque le doigt de Dieu n’est pas là, l’Esprit du mensonge conjugue habilement de manière inextricable ses propres “ prestiges ” préternaturels, avec les simagrées d’un psychisme plus ou moins délabré et les comédies d’une volonté perverse qui lui est secrètement livrée, ou pour le moins qui est tombée sous son terrible esclavage. » (M. T. V. : Le discernement des esprits, p. 202)
DES EXORCISTES ÉTUDIENT LE DOSSIER
Dans le cadre de l’enquête diocésaine, le 14 janvier 1993, Mgr Marchand remettait au Père Paul Glatard, exorciste du diocèse de Valence un dossier de cinquante-six pages concernant les phénomènes diaboliques se rapportant à Marthe Robin. Celui-ci consulta deux confrères du diocèse de Lyon. Les trois exorcistes remirent leur rapport au postulateur, mais celui-ci n’en tint aucun compte. En voici les premières conclusions qui nous renseignent sur la vie nocturne de Marthe, et aussi sur la volonté des exorcistes de laver la vénérable de tout soupçon.
« 1. Les indices d’intervention du démon. Situées souvent la nuit, des interventions inexpliquées consistent en des bruits (papier froissé), des souillures (toilettes souillées, crotte dans la chambre, liquide noir et nauséabond), du feu (chemise brûlée), de la fumée. On note deux fois des chaussons usés et sales, objet inutile et grotesque.
« 2. Sévices physiques. Frapper très souvent la nuit une femme seule et paralysée, il y a là une sauvagerie et une répétition typiques du Mauvais.
« 3. Les attaques spirituelles. Satan essaye de désespérer Marthe, ce qui est la tentation la plus profonde et caractérisée : “ Je t’aurai à la fin ”. Marthe en venait à s’interroger sur l’utilité de l’œuvre.
« 4. La forme mystérieuse. Cette forme qui se déplace surtout la nuit [p. 203, un des exorcistes, le Père Sagne, précise : “ toutes lumières étant allumées ”], glisse, sans indication d’un effort musculaire. Elle ignore les témoins. Elle se donne à voir... Nous pensons que le Démon prenait la forme de Marthe pour la faire passer pour une simulatrice (se levant la nuit en cachette). » (Vénérable Marthe Robin, V. M. R., p. 72-73)
Les exorcistes reconnaissent ensuite que le verrou fermant de l’intérieur la porte de sa chambre se trouvait « à quarante centimètres du sol » ; à hauteur de Marthe rampante ou du Démon ? Les gardiennes choisies par le Père Finet ont été interrogées et leur témoignage a été jugé franc. L’une d’elles, Thérèse R. témoigne : « ... Marthe aurait pu être ennuyée que je l’aie découverte ». « Impression que je gênais, je me retirais après un moment. » « Je ne me posais pas de problème. » (V. M. R., p. 77)
« 5. Fruits spirituels. Ce qui peut indiquer l’intervention du Démon dans la vie de Marthe, c’est l’intimité mariale exceptionnelle, la participation inégalée à l’Agonie de Jésus. Le cachet d’authenticité est la simplicité, la paix, l’obéissance spirituelle et la confiance en Marie (...). Les attaques sataniques dans la vie de Marthe sont indissociables de ces grâces mystiques et de ces appels spirituels. » (V. M. R., p. 73-74)
Les vertus mentionnées ci-dessus sont pour les exorcistes « le cachet d’authenticité », la preuve que « dans la vie et l’œuvre de Marthe Robin, “ le Prince de ce monde a été condamné et jeté bas ” ». (V. M. R., p. 81)
De fait : simplicité, paix, obéissance spirituelle surtout et confiance en Marie, sont des critères de sainteté catholique. Marthe Robin, c’est un fait qui a trompé les exorcistes et qui continue de tromper tout le monde, ne donne pas l’impression d’être une hystérique échevelée et compulsive. Elle est très maîtresse d’elle-même, s’exprime avec une voix douce, affectueuse ; elle est charmante, aimable, d’une intelligence supérieure qui s’est imposée à tous.
Si donc le Démon la tourmente, en concluent les exorcistes, c’est que c’est une sainte, qui a de surcroît – in cauda venenum – une mission de guide spirituel. On lit cela dans la vie des saints... Oui, mais encore faut-il savoir lire... Or, ces exorcistes ne savent pas lire. Afin d’expliquer cette familiarité avec le Démon, et laver Marthe de tout soupçon de simulatrice, ils vont chercher dans la vie de Gemma Galgani un exemple où Satan prend les apparences de qui ? de la sainte ? non mais de son confesseur afin de la tromper, mais elle ne se laissera évidemment pas piéger...
On ne peut comparer aucune de nos saintes avec Marthe Robin, pour la bonne et simple raison sans cesse prouvée par Conrad de Meester : nous avons affaire à une personne qui ment et joue un “ jeu de rôle ” mystique depuis 1922. Dans quel but ? Sur le désir de paraître et d’être aimée des débuts, s’est greffée une étrange volonté de dominer et d’influencer qu’il faut maintenant analyser à la lumière du sage discernement des esprits. Car à partir de 1942, c’est de fait sa « mission de guide spirituel » qui devient le véritable enjeu de toute cette vie, comme de l’Esprit diabolique de désorientation qui la guide.
DISCERNEMENT DES ESPRITS.
« Il y a de faux voyants (faux mystiques) à qui le Démon laisse faire beaucoup de bien parce que ce bien est pour lui la caution rassurante indispensable de messages pernicieux pour l’Église ; parce que c’est pour lui le seul moyen d’impressionner favorablement et d’abuser les Pasteurs chargés de discerner la nature des phénomènes extraordinaires et des oracles dont il est l’auteur. »
C’est pourquoi l’Église dans sa sagesse divine et son expérience multiséculaire n’ignore pas que « toutes les impostures humaines diaboliques de grande envergure ont attiré d’innombrables fidèles, qui ont prié, qui se sont confessés, ont communié, parfois même se sont convertis ! Cela a pu durer pendant des années, tant que les autorités de l’Église n’ont pas dénoncé la supercherie. » (M. T. V., p. 210-211)
Le Père Conrad de Meester a tant et plus démasqué et dénoncé la « supercherie », mais cela n’a pas empêché les autorités romaines de déclarer Marthe Robin vénérable en considérant quelques bons fruits, sans égard pour tant d’autres, scandaleux... Serait-ce donc « l’heure et le pouvoir des Ténèbres » (Lc 22, 53) ?
DÉSORIENTATION DIABOLIQUE
« Toute manifestation divine, comme aussi bien toute intervention satanique a une fin. C’est cette fin qu’il importe de mettre au jour. » (M. T. V., Le discernement des esprits, p. 212).
Quel est donc l’objectif poursuivi par le Démon tout au long de la vie de Marthe Robin ? Quel but poursuit-il à travers ce prodigieux rayonnement, cette influence inouïe, car indiscutée, sur l’Église hiérarchique pendant plus de cinquante ans ?
Si Marthe Robin “ la mystique des mystiques ” a pu grandir et se développer à ce point, nous l’avons vu, ce fut avec le soutien moral et les conseils de certains hommes d’Église, tous démocrates-chrétiens (cf. Il est ressuscité n° 150, avril 2015, p. 7). Marthe Robin appartient donc à une famille d’esprit opposée ou indifférente à saint Pie X, comme à Notre-Dame de Fatima. Quelle que soit la sincérité ou l’éminence des hommes, ils mirent en œuvre leurs principes, et furent par conséquent ce que saint Pie X avait prévu : les pourvoyeurs de la grande Apostasie, et donc de la ruine de l’Église.
Face à ce christianisme frelaté des années 1930-1980, qui ne s’aime plus catholique, et dont les élites “ clignent de l’œil ” en direction des “ frères séparés ” protestants et des “ frères aînés ” juifs, comment Marthe Robin va-t-elle réagir ? Avant d’encourager ces déviances, elle va proposer une solution d’avenir, novatrice : la promotion du laïcat, les Foyers de charité, présentés comme les préliminaires et les pourvoyeurs d’une nouvelle Pentecôte.
LA PROMOTION DU LAÏCAT.
Quand en 1952, le chanoine Naz, célèbre canoniste, proposa aux Foyers de charité, qui ne cessaient de se multiplier, le statut d’institut séculier, Marthe garda longtemps le silence, puis de sa voix terrible d’un autre monde, qu’il lui arrivait parfois de prendre, elle explosa : « Un Foyer de charité, ce n’est pas un machin ajouté à un autre machin. C’est quelque chose de très nouveau dans l’Église. C’est à l’Église de nous prendre tels que nous sommes (...). Jamais de constitutions dans les Foyers. Les Constitutions nous limiteraient et nous assimileraient à des ordres religieux (...). Les membres des Foyers de charité ne sont ni des religieux, ni des religieuses, ce sont des communautés de laïcs, hommes et femmes consacrés à Dieu, sans vœux, avec un prêtre à leur tête : le Père. » (cf. Peyrous, p. 291-292)
Cette contrefaçon de la vie paroissiale, cause de beaucoup de scandales de mœurs ou d’argent, n’est pas dans l’esprit de l’Église, même si un certain bien peut s’y faire à la condition, précise le Père Conrad, « d’un christianisme authentique ». Marthe a raison, les Foyers de charité c’est quelque chose de très nouveau dans l’Église ; l’abbé de Nantes nous explique pourquoi il faut s’y opposer au point 30 des 150 points de la Phalange, La paroisse, communauté chrétienne :
« À l’encontre de tous les efforts des révolutionnaires et réformistes pour substituer à cette cellule de base de l’Église, territoriale et immémoriale, des communautés de personnes individuelles librement rassemblées, sans autre lien que de pure spontanéité, donc flottantes, sans lieu et sans passé, la paroisse doit demeurer. Elle seule, par son assise territoriale, peut et doit assurer, nonobstant les caprices de chacun, la prédication de l’Évangile, le service du culte et des sacrements, le gouvernement des âmes. Ainsi s’efforcera-t-elle de retenir sous ses ailes tous ses enfants, de la naissance jusqu’à la mort. »
LA RÉVOLUTION CHARISMATIQUE
Avec l’aide de Marthe Robin, « le séducteur » cherche à conquérir et à désorienter ce qui est encore sain et de bonne volonté dans l’Église, avant, pendant et après Vatican II : la majorité des bons prêtres tellement éprouvés et privés de toute consolation dans leur ministère si difficile ; une jeunesse catholique et tant de braves gens désemparés par les bouleversements de l’après-guerre, scandalisés par ceux de l’après-Concile.
Les catholiques qui souffraient tellement du progressisme sans piété des années soixante-dix vont s’en libérer avec joie, mais pour tomber de Charybde en Scylla, dans le piège d’une autre désorientation, celle du Renouveau charismatique avec ses “ communautés nouvelles ” et ses “ bergers ” corrompus...
À l’origine du mouvement, en 1967, une lassitude de la religion conciliaire. Des professeurs laïcs de l’université catholique Duquesne de Pittsburgh (USA) « ressentent comme un vide, un manque de dynamisme, une perte de force dans leur vie de prière et d’action (...). Leur engagement dans les mouvements liturgique, œcuménique, apostolique et pour la paix, les ont déçus. » (M. T. V., p. 306) La découverte du Pentecôtisme protestant et de ses leaders va y remédier. Ils se font imposer les mains, reçoivent le baptême de l’Esprit pentecôtiste, et c’est tout de suite l’effusion et la puissance de charismes prodigieux, le parler en langues, les miracles, la ferveur, le feu de l’amour, la joie, etc.
D’origine américaine, le Renouveau charismatique devient vite sans frontières ; il passe en France, en Europe et dans le monde entier. L’Amérique pour les leaders charismatiques, c’est comme La Mecque des musulmans ou la Jérusalem des juifs, il faut y aller au moins une fois dans sa vie. Les jeunes de la génération 68 vont donc aller “ aux États ” pour se faire imposer les mains, recevoir le baptême de l’Esprit, et revenir ensuite pour devenir des maîtres de la prière, des thaumaturges, les apôtres de la nouvelle Pentecôte... Tout imprégnés de “ l’eau vive ” de la source protestante, ils allaient communiquer le Saint-Esprit à une vieille Église catholique moribonde afin de l’aider à se jeter dans le grand delta du dialogue œcuménique et interreligieux. “ Tous étant un ”, pourraient alors avancer “ au grand large ” d’une religion enfin universelle et vraiment fraternelle.
L’abbé de Nantes fut le premier à comprendre dans toute son ampleur apocalyptique le danger du charismatisme, et combien cette désorientation s’infiltrait dans l’Église à la faveur des grandes encycliques “ messianiques ” de Jean-Paul II, de Dominum et Vivificantem en 1986, à Fides et Ratio en 1998.
LES ENFANTS SPIRITUELS DE MARTHE ROBIN.
Dans les années soixante-dix, la communauté de l’Emmanuel, fille de ce “ Renouveau charismatique américain ”, se répand partout en France, soutenue et encouragée par Marthe Robin. C’est par reconnaissance qu’ils ont chargé un des leurs du difficile dossier de sa béatification...
Autre figure emblématique du charismatisme, Gérard Croissant, alias frère Ephraïm. De 1971 à 1972, Croissant est à Jérusalem pour y apprendre l’hébreu. En 1974, il se rend aux USA et se fait initier par la presbytérienne Kathryn Kuhlman. Il fréquente les grands prêcheurs pentecôtistes ; Thomas Roberts, « monsieur Saint-Esprit » est son père spirituel. Gérard reçoit le baptême dans l’Esprit, et voici le petit Croissant qui fait des miracles. De retour en France, lui qui se destinait à devenir pasteur, se brouille avec l’Église réformée. Avec quelques amis, l’idée lui vient de passer à l’Église catholique [pour lui communiquer le Saint-Esprit]. Ils se rendent chez Marthe Robin, qui les encourage en leur disant : « Il n’y aura pas de scandale, je vous le promets. Il n’y aura pas de scandale, le temps est venu (...). »
À la Pentecôte 1975, Croissant se convertit ; sous sa direction, et son nom nouveau d’Ephraïm (sic) « la communauté du Lion de Juda et de l’Agneau immolé » s’installe dans le diocèse d’Albi. Le frère Ephraïm est heureux, il communique le Saint-Esprit « aux mères abbesses et aux vieux moines » de la région : « Il se peut que nous ayons assisté à la répétition générale de ce que sera la Pentecôte d’amour. » (M. T. V., p. 311) Les miracles, les guérisons abondent dans cette communauté dont l’organisation est calquée sur celle des Foyers de charité ; mais surabondent aussi les scandales financiers et de mœurs surtout... Marthe n’en veut pas à Ephraïm, elle continue de l’aimer, de voir et de conseiller ses amis...
Pour évoquer une figure féminine emblématique du charismatisme, nous avons choisi une icône dont notre Père a démasqué en son temps la perversité diabolique : la séduisante et très intelligente mère Myriam (cf. La Contre-Réforme Catholique n° 239, janvier 1988, p. 1-2). Elle fonde en 1982 les Petites sœurs de l’Immaculée, qui deviendront vite, les Petites sœurs d’Israël, filles de l’Immaculée.
L’histoire de cette religieuse catholique d’origine hongroise est celle d’une prodigieuse désorientation qui s’accomplit sous la houlette de son directeur de conscience, le Père Marie-Dominique Philippe, lui aussi un (scandaleux) “ enfant de Marthe ”. Tünde Szentes va découvrir un jour qu’elle est de race juive. C’est alors le choc d’une remise en question, d’une subversion savante de sa foi chrétienne. Elle renoue avec les pratiques du judaïsme talmudique de ses ancêtres ; juive de cœur elle reste tout de même dans l’Église pour imposer ce judéo-christianisme, tellement dans l’esprit de Vatican II (Nostra ætate).
Dans son ouvrage, Petite sœur juive de l’Immaculée elle exprime sa reconnaissance pour celle qui l’a préparée à cette mission prophétique : « À chaque étape de mon développement intérieur, à chaque moment de la consolidation de ma vocation religieuse, Marthe Robin m’a encouragée, m’a aidée de ses avis, a conseillé mes lectures. Elle me disait que j’étais dans la bonne voie et lorsque j’émettais des doutes, lorsque je laissais apparaître des craintes, elle me rassurait et son esprit de prophétie ouvrait l’avenir. » (in Les communautés nouvelles, Olivier Landron, p. 124) L’avenir ? Pour celle qui s’imagine être « l’Esther du vingtième siècle », le voici : « Le catholicisme va disparaître en faveur d’une fraternité des enfants de Dieu »... Là encore dans le sillage des conseils de Marthe, que de scandales en tous genres, que d’extravagances, inéluctables mauvais fruits d’une impensable apostasie...
Dans les années soixante-dix, le Renouveau charismatique s’impose vite comme une puissante “ internationale ”, interconfessionnelle, de surcroît très riche... On ne s’étonne pas de voir les jeunes fondateurs des communautés nouvelles pratiquer la double ou triple appartenance : au pentecôtisme protestant, au judaïsme talmudique... et à l’Église catholique romaine... Malgré certaines apparences de piété, qui abusent les braves gens, la religion charismatique est à des “ années lumières ” de la religion de saint Pie X et de Notre-Dame de Fatima, mais en parfaite harmonie avec celle de Vatican II.
Marthe Robin fut donc et reste encore hélas ! une pièce maîtresse de la grande Apostasie des derniers temps. L’abbé de Nantes l’avait compris et jugé en vérité : « Une fausse mystique qui s’est trouvée être “ la mère ” de tout le charismatisme, et “ l’ombrelle protectrice ” [la caution mystique] de Jean Guitton, et par là de Paul VI et de Vatican II. » (Congrès CRC 1985)
RIVALE DE NOTRE-DAME DE FATIMA
ET DE SŒUR LUCIE
Ultime critère du discernement catholique des esprits : « Le démon cherche toujours à faire concurrence aux authentiques révélations de Dieu ». (M. T. V., p. 212)
NOUVELLE PENTECÔTE CATHOLIQUE.
C’est une « nouvelle Pentecôte » ! Avant de devenir un slogan charismatique, une espérance révolutionnaire, ce fut à l’origine le cri du cœur, l’exclamation spontanée de curés français en larmes en voyant leurs églises remplies, leurs paroissiens pratiquer de nouveau les sacrements... grâce à qui ? Grâce à la Vierge Marie, la Vierge pèlerine de Notre-Dame de Boulogne lors du « grand Retour » de 1938, renouvelé à partir de 1942... En cinq ans, 16 000 paroisses de 88 diocèses furent visitées, des centaines de milliers, voire des millions de personnes évangélisées. Car les foules étaient au rendez-vous pour prier, faire publiquement pénitence. Beaucoup de conversions, quelques miracles.
La caractéristique de ce grand mouvement ? Il se déroulait selon l’esprit et le message de Notre-Dame de Fatima. Ce fut donc une œuvre religieuse, surnaturelle, sacramentelle, sacerdotale, hiérarchique, sans grands moyens humains. La Vierge pénétrait dans les banlieues rouges, et elle convertissait des communistes... Les responsables de l’Action catholique n’en revenaient pas du succès de cette « improvisation » : pas de plans rationnels, ni de chantiers, ni d’études de terrain, et pourtant quelle fécondité apostolique !... (cf. Toute la vérité sur Fatima, tome 3, p. 56-61)
Et Marthe Robin pendant ce temps-là ? Que les débuts du Foyer de charité de Châteauneuf-de-Galaure paraissent pâles, extravagants et ténébreux, en comparaison de ce feu d’amour de Dieu que la Vierge Marie allumait dans le cœur des Français. Ces prodiges de conversion, la statue de Notre-Dame de Fatima va les multiplier dans le monde entier jusque dans le milieu des années cinquante (cf. T. S. F., t. 3, p. 61-84).
La Vierge Marie ne demandait qu’à “ besogner ” toujours davantage, comme sainte Jeanne d’Arc. Elle voulait, mais les « chefs » de l’Église, eux, ne voulurent pas. Celle vers qui ils iront pour lui demander conseil et lui obéir scrupuleusement, ce fut Marthe Robin, et non plus la Vierge Immaculée de la Cova da Iria ou sa messagère sœur Lucie de Fatima : mystère d’iniquité dont nous souffrons toujours et plus que jamais...
MARTHE ET MARIE-LUCIE : LES TÉNÈBRES ET LA LUMIÈRE.
Avant, pendant et après Vatican II, Marthe Robin a eu à sa disposition tous les moyens pour annoncer « le temps des laïcs », et la nouvelle Pentecôte, joyeuse et sans effort, qui devait suivre assurément. À l’opposé, pour annoncer “ en nom Dieu ” « le temps de la Sainte Vierge », sœur Lucie de Fatima a été réduite au silence, empêchée de « faire connaître et aimer le Cœur Immaculé de Marie ».
Marthe a contrefait son écriture pour tromper ; c’est par violence que des hommes d’Église ont contrefait des lettres de sœur Marie-Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé pour imposer le mensonge d’un “ saint ” Jean-Paul II, prétendument fidèle exécuteur des demandes de Notre-Dame de Fatima.
À la différence de Marthe Robin, sœur Lucie n’a pas vécu toute sa vie dans les ténèbres. Mais “ dans cette immense lumière qui est Dieu ”, elle a vu une procession gravissant la montagne sommée de la Croix, où chacun marche à son rang comme le lui a enseigné le troisième Secret : le Saint-Père en tête, puis les évêques, prêtres, religieux et religieuses, et divers laïcs, des messieurs et des dames de rang et de conditions différentes. Tous marchent au martyre en avant-garde de la résurrection de l’Église. Actuel.
LE JUGEMENT DE L’ÉGLISE SUR MARTHE ROBIN
Le Père Conrad de Meester a été et est toujours une autorité dans l’Église. Après avoir mis toute sa rigueur scientifique au service de la plus aimable sainteté catholique au point d’en être devenu familier, à la fin de sa vie, la Providence lui a donné pour mission de démasquer la plus formidable supercherie mystique et ecclésiale de tous les temps. Voici son jugement final, global concernant la vie et les œuvres de Marthe Robin ; ce sera un jour celui de toute l’Église catholique puisque les portes de l’enfer ne doivent pas prévaloir contre Elle :
« La vie de Marthe ? S’il s’agit d’interroger son véritable trésor d’âme, il me semble peu de chose. Il y manque la clarté et la candeur, cette honnêteté propre aux grandes personnalités spirituelles qu’elle a su si bien copier à la lettre, mais non pas imiter dans l’esprit. Le vécu de sa vie chrétienne, la qualité évangélique de son agir, la pureté intérieure de son comportement, m’ont semblé, somme toute, bien pauvres. Voire indigents si on les mesure aux calculs et aux artifices qui en ont été le ressort constant.
« La découverte des secrets de fabrication les plus douteux, dans les mots et dans les actes, quant à la construction volontaire d’une fiction qui aura caractérisé la destinée de la “ stigmatisée de la Drôme ” ne laisse aucun doute sur le jugement qu’il faut lui appliquer. C’est pourquoi à mon sens, de la fraude mystique de Marthe Robin, il n’y a rien, à proprement parler, non seulement à vénérer, mais à conserver. » (Fin de l’ouvrage)
CONRAD DE MEESTER TÉMOIN DE LA VÉRITÉ.
Les quatre cents pages des lumineuses démonstrations de notre cher Père carme vont demeurer enfouies dans les trois mille de la Positio, en témoins silencieux de la vérité, au cœur de l’Église, à la ressemblance des trois démarches canoniques de l’abbé de Nantes (1973, 1983, 1993) pour obtenir de Rome un procès en matière de foi à l’encontre des hérésies, schismes et scandales des papes Paul VI et Jean-Paul II. Ce témoignage rendu à la vérité par l’un comme par l’autre, sera de génération en génération relevé, prolongé, jusqu’au jour où “ justice et vérité sans acception de personne ” retrouveront droit de cité dans l’Église catholique.
Mais tandis que Rome est devenue à l’évidence le “ siège de l’Antéchrist ”, c’est-à-dire d’une doctrine dont le pape saint Pie X a démasqué et condamné les principes ; tandis que notre malheureux « Saint-Père » est de plus en plus possédé par l’esprit de Vatican II et son corollaire : le mépris des demandes de Notre-Dame de Fatima, il ne pourra pas être dit que l’Église dans sa totalité a plié le genou devant l’idole du culte de l’Homme, ni qu’elle se soit ralliée au monde, ni qu’elle ait cédé à la pression de ses lobbys ; même du plus séduisant, du plus riche et du plus dangereux aussi : le lobby charismatique.
Témoins de la vérité et garants de l’infaillibilité de l’Église, le Père Conrad de Meester et l’abbé de Nantes sont des figures de Mardochée. Viendra un temps, celui du triomphe de la Reine Esther et de son Cœur Immaculé, où « le Saint-Père » s’aimant de nouveau vicaire du Christ Jésus, il sera heureux de retrouver ces “ docteurs ” de la foi catholique pour œuvrer avec eux à la renaissance de l’Église catholique, apostolique et romaine.
Frère Philippe de la Face de Dieu.