Il est ressuscité !

N° 220 – Avril 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


La Phalange Royaliste 
DEUXIÈME conférence : points 66 à 85 

Une nouvelle science politique 
sous le signe de Fatima

NOUS avons achevé notre article précédent en montrant que la Révolution installe la démocratie pour durer. Aussi, le point de départ de toute réflexion utile sur l’avenir politique de notre pays ne peut être que la critique motivée du régime démocratique. En ce domaine, nos points 66 à 73 sont irremplaçables. Toutefois, c’est par l’exposition des fondements d’une science politique catholique et nationale que l’œuvre de notre Père se révèle la plus féconde. Grâce à lui, l’œuvre incomplète de Charles Maurras aboutit enfin (points 74 à 85).

« LA DÉMOCRATIE C’EST LE MAL, 
LA DÉMOCRATIE C’EST LA MORT !
» 
(POINTS 66 A 73)

Cette citation de Charles Maurras est tirée de L’Enquête sur la Monarchie. « En 1900, Maurras entreprend une  Enquête sur la Monarchie ”, d’abord auprès des représentants du duc d’Orléans pour apprendre de bonne source ce que serait une monarchie française moderne, puis auprès de ses amis nationalistes pour savoir ce qu’ils y objecteraient. Éditée sous forme de dialogues en 1900, rééditée en 1909, 1924, 1928, L’Enquête est le récit passionnant du réveil nationaliste monarchiste en France au vingtième siècle, sous l’impulsion d’un esprit vraiment royal et d’un cœur ardent », écrit notre Père dans la CRC no 102. « Les événements, et souvent les aveux du personnel républicain, n’ont cessé d’en enrichir la preuve. Maurras infatigable en reprendra la démonstration avec toujours plus de précision et de clarté, mais aussi avec des formules chaque fois plus heureuses. »

C’est cette démonstration inattaquable, que notre Père a lui aussi reprise inlassablement, qui se trouve résumée dans les points 66 à 73.

QU’EST-CE QUE LA DÉMOCRATIE ?

Avant de le combattre, il faut commencer par connaître l’ennemi. Aussi, le point 66 nous en donne la définition universitaire : « Nouvelle théorie du pouvoir politique, et bientôt de tout pouvoir humain, la démocratie moderne se déclare effectivement  le gouvernement du peuple par le peuple ” », selon la formule de Lincoln reprise dans l’article premier de la Constitution de la Cinquième République. « C’est le peuple souverain qui désigne, sous quelque mode que ce soit, ceux qu’il veut pour chefs, et c’est lui qui leur délègue des pouvoirs à cette fin, aux conditions et dans les limites qu’il lui plaît de décréter, de telle sorte qu’il ne cesse de se gouverner lui-même absolument. La démocratie moderne a pour premier principe l’affirmation de la souveraineté du peuple, entière, universelle et inaliénable. » (66)

Quand Maurras commence à démontrer que cette théorie conduit à la mort de la nation, il a déjà sous les yeux le tableau de l’incurable instabilité politique du dix-neuvième siècle : quatorze constitutions en moins d’un siècle, quoi de plus absurde ? Et tout le vingtième siècle à venir confirmera sa démonstration de 1900.

Nous avons rejeté la religion royale ? Nous aurons donc la religion démocratique, « la République, les Partis et tout le tremblement de ce régime de mort spirituelle et temporelle ». (CRC no 106).

Car la démocratie, c’est le gouvernement des partis. En 1944, lors de la « satanique surprise du retour des naufrageurs » (CRC no 102), la première chose que De Gaulle et le gouvernement provisoire ont d’instinct rendue à la France, ce sont les partis. C’est la démocratie représentative, premier mensonge de notre nouveau régime. La vérité, nous la trouvons dans le point 67 : « Les prétendus représentants élus ne représentent pas les convictions supérieures et les intérêts permanents de la nation, mais les opinions et les volontés, ou les intérêts de leurs partis. » Quel que soit le jeu des coalitions, depuis la Révolution, ces partis peuvent être classés en quatre catégories : Extrême-gauche révolutionnaire intégrale, gauche socialiste bourgeoise, droite libérale-conservatrice, extrême-droite réaliste et nationale. Mais ne nous y trompons pas : cette opposition de façade cache en réalité un accord profond et unanime pour la défense de la République.

Il existe par exemple une “ Fraternelle parlementaire ”, qui regroupe environ quatre cents parlementaires et hauts fonctionnaires francs-maçons. Lorsque la franc-maçonnerie veut qu’une loi passe au Parlement, elle donne sa consigne à ses membres élus qui l’appliquent scrupuleusement, quel que soit leur parti ou leur opinion affichée. La consigne est d’ailleurs suivie le plus souvent par les francs-maçons qui ne font pas partie de cette association.

Cette diversité des partis, prétendument représentative, n’est donc qu’un leurre. Néanmoins, c’est grâce à leur opposition savamment entretenue sur la place publique médiatique, que le pays légal, la République maçonnique, maîtrise l’opinion et se maintient au pouvoir... aux dépens de l’unité nationale ! « La France est déchirée, écrit Maurras, parce que ceux qui la gouvernent ne sont pas des hommes d’État, mais des hommes de parti. Honnêtes, ils songent seulement au bien d’un parti ; malhonnêtes, à remplir leurs poches. Les uns et les autres sont les ennemis de la France. La France n’est pas un parti. » (Enquête sur la Monarchie). Mais puisque c’est de cette division que vit le pays légal, la sarabande des partis continue, toujours plus endiablée.

L’extrême-gauche incarne la logique absolue du système, la démocratie intégrale, jusqu’à l’aberration. Elle est tempérée par une large gauche bourgeoise prétendue populaire, religieusement démocratique, mais soucieuse de faire coïncider ses idéaux de liberté, de justice et d’égalité avec l’intérêt de la nation. Faire coïncider le désordre avec l’ordre ? Cette fausse position est évidemment intenable dès qu’elle accède au gouvernement. Heureusement que la droite libérale-conservatrice, oligarchique plus que démocratique d’ailleurs, revient à l’issue du gouvernement socialiste pour ramener un minimum d’ordre. Ce n’est pas tant qu’elle se soucie du salut de la nation, mais c’est que le désordre est mauvais pour les affaires. Or, que les affaires tournent bien, c’est là l’essentiel de l’existence, pour cette droite bourgeoise lectrice du Figaro et de Valeurs Actuelles. Cette “ droite ” prétendue n’ayant d’autre motivation que la recherche de son intérêt matériel, avec le temps, « dans nos pays de vieille démocratie, les deux partis principaux qui alternent au pouvoir n’offrent plus de différences aussi marquées. Ils sont le pays légal, bien installé, et se partagent le pouvoir et ses prébendes. » (67) Ainsi dure la République...

Et l’extrême-droite démocrate ? Réactionnaire et contre-révolutionnaire, elle seule est l’expression du bien commun et de la tradition du pays. Ce quatrième parti regroupe tous les héritiers du légitimisme du dix-neuvième siècle, ou plutôt ce qu’il en reste après un siècle d’épurations successives : par exemple ce Tixier-Vignancour que notre Père soutint dans les années 1960 ou, plus récemment, François Fillon. « Le phalangiste en serait, mais il déplore de voir figurer comme une opinion et comme un parti ce nationalisme catholique intégral qui est seul l’expression du bien commun et de la tradition du pays. » (67) Aujourd’hui, cette extrême-droite traditionnelle a presque disparu. Le terme ne désigne plus que des groupuscules d’idéologie nietzschéenne, athée et raciste, et surtout les partis populistes qui prétendent défendre l’identité nationale, par exemple le Front national et la famille Le Pen, père, fille et petite-fille, plus démocrates que jamais. « La popularité de ces populismes profite des crises économiques et de la tension sociale, elle dépend pour beaucoup aussi de la personnalité charismatique de leur chef ; leur existence est tolérée, parfois même favorisée, par l’un des autres partis pour leur servir de repoussoir dans le jeu électoral. » (67)

C’était toute la stratégie de Mitterrand favorisant l’ascension du FN dans les années 1980. Notre Père, lui, s’est opposé avec force à Le Pen, voyant bien que, par lui, la gauche allait revenir au pouvoir et y rester. Même combat pour sa fille.

Entre le libéralisme matérialiste et la voie de garage de l’extrême-droite populiste, nous avons vraiment la droite la plus bête du monde. De quoi nous dissuader de mettre jamais notre confiance dans un quelconque parti qui rend un culte à l’idole du peuple souverain. Et de quoi nous écrier avec notre Père qu’il n’y a pas de conciliation possible avec cette Grande Maquerelle de République, ni avec aucun de ses quatre clients : « c’est le coup de balai ou rien » parce que le régime des partis c’est la mort de la France.

LA CORRUPTION DÉMOCRATIQUE.

En novembre 1973, notre Père avait intitulé sa Grande Mutualité “ Le Sacré Cœur de Jésus, salut du monde ” et il commençait ainsi : « Cette société moderne, si fière d’elle-même, si orgueilleuse et suffisante, s’effondre sous les coups de trois divinités païennes : Éros, Polémos, Thanatos. Éros, obscène idole païenne, c’est la luxure. Polémos le cruel, c’est la violence subversive, le terrorisme ravageur des cités heureuses. Thanatos, c’est le suicide d’une société criant : Vive ma mort !  Ces démons sont en train de dévorer notre patrie et toute notre civilisation. » C’est par ces démons que la République impie et absurde maintient son emprise sur la nation tout entière.

Le point 68 traite de l’évolution irrésistible de la vie démocratique, des partis politiques et de l’État démocratique lui-même. La vitrine de la démocratie, c’est “ le gouvernement du peuple par le peuple, pour le peuple ”, c’est la liberté d’expression, la transparence totale, etc... Mais maintenant que nous pénétrons dans l’arrière-boutique, nous commençons à sentir quelle corruption se cache derrière les beaux atours de la démocratie pure et dure, l’idéal d’Athènes et de 1789. Retour au réel avec nos 150 points :

« L’évolution irrésistible de la vie démocratique, c’est prouvé, conduit des hauts débats d’idées aux sordides rivalités d’intérêts, de la grande politique intérieure et internationale, à la politique des groupes de pression capitalistes et syndicalistes. » (68)

Mitterrand hier, Macron aujourd’hui, ont beau se donner des airs de grands souverains, ils ne sont en réalité que les pantins de ces lobbys sans lesquels ils n’ont pas le droit de bouger le petit doigt...

« L’évolution irrésistible des partis les conduit quant à eux à la nécessité de se vendre à l’étranger. La République est le règne de l’étranger. » (68) Pourquoi est-ce irrésistible ? C’est une mécanique, dit notre Père, « un pouvoir ne peut pas être contre Dieu et contre la nature des choses sans aller à l’écroulement. » Or, dès son article premier, notre actuelle Constitution lance un défi à Dieu : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Voilà pourquoi la ruine est inévitable.

Continuons la lecture de ce point 68 : « Au départ, le nouveau pouvoir se promet de gouverner par la vertu, d’être incorruptible et généreux ; mais un gouvernement démocratique ne peut assumer l’impopularité. Ce qu’il impose de rigueurs d’un côté, il doit le compenser de l’autre par des facilités. La surenchère libre des partis qui aspirent au pouvoir contraint celui qui en dispose à flatter les passions du plus grand nombre et à tomber finalement au niveau du Bas-Empire romain où nous sommes rendus : Panem et Circenses. Du pain et des jeux. »

C’est l’État-Providence, c’est-à-dire l’assistanat généralisé de la population française. Car il faut prendre le mot “ providence ” dans son sens le plus sacré, celui que nous donnions au Roi très Chrétien, qui avait une affinité avec la providence divine (57) : les peuples tombés dans la démocratie, eux, attendent tout de l’État, comme de Dieu lui-même... Et ils acceptent sans broncher toutes les pires lois, pourvu que la fête continue.

C’est à partir des troisième et quatrième siècles que l’Empire romain commence à décliner, en sanction de son paganisme persécuteur : « Tacite décrit cette plèbe de Rome, autrefois un peuple fier, maintenant une tourbe sans principes et sans dignité. Plus de travail : le parasitisme social sévit, encouragé par les services urbains (ce que nous appelons Sécurité sociale, ou bien-être social, dans nos pays démocratiques), les fournitures alimentaires, les fêtes. Le clientélisme sévit comme le montre le Satiricon de Pétrone. L’argent, le sexe et le plaisir sont rois. Chacun s’occupe de son problème dans le mépris des autres. À cela s’ajoute la plaie de l’invasion d’étrangers attirés par la richesse de la ville, et qui s’y sont implantés en nombre immense. Des quartiers entiers sont abandonnés aux Orientaux qui importent leurs coutumes, leurs mœurs. Et les  Vieux- Romains  s’indignent en vain. » (J. Melnoux, cité dans la CRC no 198) Quand un peuple en est là, le barbare n’est pas loin, prêt au massacre, conclut le point 68. C’est ainsi que la Rome décadente tomba sans coup férir devant le barbare Odoacre en 476. Quant à la France apostate et jouisseuse, elle a laissé les barbares s’installer sans rien trouver à y redire. La démocratie ? C’est la corruption qui mène à la mort.

Nouveau mensonge : La démocratie, mystification ploutocratique. Dans ce point 69, notre Père commence par nous rappeler qu’en démocratie, « le peuple est déclaré souverain, mais il l’est si peu qu’il ne lui est pas permis de renoncer à cette prétendue souveraineté et de la rendre à qui de droit, à Dieu, au roi, à un chef providentiel ! Livré à la démocratie, il ne peut s’en délivrer ! » C’est même le dernier article de notre Constitution : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision constitutionnelle ». Drôle de liberté ! C’est bien la preuve que cette souveraineté n’est qu’un faux-semblant.

Mais alors, qui exerce réellement cette souveraineté, qui sont les nouveaux maîtres de ce Nouveau Régime ? Ce sont ceux qui ont la maîtrise du mécanisme électoral par lequel le pouvoir est distribué en démocratie. « Seuls le peuvent ceux qui ont de l’argent et l’investissent dans cette industrie élec­torale, convaincus de pouvoir y réaliser une excellente opération, en dominant l’État, en occupant toutes les places et mettant en coupe réglée le patrimoine national. » (69) Le pouvoir de ceux qui ont de l’argent, cela se traduit en grec : ploutocratie. « La ploutocratie achète les gens de presse et de tribune, fait élire ses candidats et dès lors gouverne par eux au nom du peuple souverain pour son profit exclusif. C’est ce qu’on appelle  la classe dirigeante ”, ou encore  la classe politique ”, sans prendre garde au caractère scandaleusement antidémocratique du mot et de la chose ! »

Qui sont, concrètement, ces gens d’argent qui prennent le pouvoir et le conservent en se serrant les coudes ? La démonstration est de Maurras, déjà dans Les Monod peints par eux-mêmes (1897) puis dans L’Enquête : ce sont les « quatre États confédérés », immuable ploutocratie, minorités organisées : juive, maçonnique, protestante et métèque, autrement dit : apatride. « Ces minorités peuvent vivre en bonne entente dans une nation catholique, forte, bien organisée. Mais en démocratie, se retrouvant émancipées, comment ne seraient-elles pas tentées, avec l’argent qui achète tout, de s’approprier un pouvoir qui est à vendre ? » (69)

Pour illustrer cette vérité par trop méconnue, lisons un passage étonnant du livre de Vincent Jauvert, Les Intouchables d’État, Bienvenue en Macronie (Robert Laffont, 2017) : « Les historiens ont surnommé la France des années 1880-1914 la République des avocats. Les plus grands hommes politiques de l’époque, Jules Ferry, Raymond Poincaré, Aristide Briand et tant d’autres, ont revêtu la robe. Un siècle plus tard, doit-on parler de République des avocats d’affaires ˮ ? C’est la thèse du sociologue Antoine Vauchez dans Sphère publique-intérêts privés. Enquête sur un grand brouillage. De fait, depuis les années 2000, beaucoup de membres de l’élite font des allers et retours entre la sphère publique et des cabinets de ce genre. Un inquiétant brouillage des lignes. »

Un peu plus loin, l’auteur enfonce le clou : « Les patrons de grands cabinets d’avocats sont donc désormais des figures centrales de l’establishment français. Prenez Jean Veil, le fils de Simone, ancienne ministre de la Santé, et d’Antoine, énarque (qu’on a retrouvé sur une liste  En Marche  pour les élections européennes). Le Tout-Paris de la politique et des affaires gravite autour de lui. Fondateur du cabinet Veil-Jourde, il a été l’avocat de DSK, du Crédit Lyonnais, de l’Oréal, de la Société Générale... Et, reconnaissance suprême, il a, de 2014 à 2016, présidé  Le Siècle ”, le club le plus fermé et le plus sélect de la capitale, qui réunit, chaque mois, au Cercle de l’Union Interalliée, à deux pas de l’Élysée, la fine fleur de l’élite française. Ou plus précisément la crème de la haute fonction publique et le gratin du capitalisme qui flirtent là, puis y célèbrent leurs noces éternellement recommencées.

« Une autre super recrue du cabinet : Emmanuel Glaser, énarque, conseiller d’État. Il a siégé à la section du contentieux, puis a rejoint la direction des affaires juridiques de Bercy. Une occasion unique de connaître mieux encore les coulisses de l’État régulateur. Ça tombe bien : devenu associé chez Veil-Jourde, il défend le groupe Canal Plus et son animateur vedette, Cyril Hanouna, devant le CSA, présidé par son ancien collègue au Conseil d’État, Olivier Schrameck. Malgré ce début de carrière prometteur, Glaser n’a toujours pas démissionné du Conseil d’État. On n’est jamais trop prudent. »

Voilà la vie normale en république démocratique. Simple précision, Olivier Schrameck, quant à lui, est le petit-neveu d’Abraham Schrameck, ministre du Cartel des Gauches... La démocratie ? C’est le pouvoir de la ploutocratie et la ruine de la nation... L’Enquête de Maurras, on pourrait la rééditer telle quelle !

Objection, Votre Excellence ! Monsieur l’abbé de Nantes, Monsieur Maurras ! Bon ! c’est bien, vous nous dites que la démocratie c’est le mal et c’est la mort, vous avez des arguments qui se tiennent, mais... Mais voilà, ça fait plus de deux cents ans que la Révolution a instauré la démocratie, et la France est toujours debout, il y a toujours un État, toujours du pain, toujours de l’argent, même.

Voilà une objection de poids : l’Action française n’a-t-elle pas été trop prophète de malheur ? Comment se fait-il que nos nations soient encore debout ? C’est la question à laquelle répond le point 70 : Comment subsistent les démocraties ?

POURQUOI NOUS N’EN SORTONS PAS.

C’est un point très important, parce qu’avec une objection pareille, on peut en arriver à dire qu’on réussira bien à s’accommoder de la démocratie, à en faire malgré tout un régime supportable pour la nation.

« Si nos nations ont pu subsister longtemps sous ce régime, c’est grâce à un solide acquis de vertus, d’ordre et de richesses. » (70) Là où cet acquis était fragile, dans les pays du tiers monde par exemple, la démocratie établie après la décolonisation a entraîné aussitôt la ruine du peu qui existait. C’est ce qui s’est passé et qui continue dans les anciennes colonies d’Amérique latine et d’Afrique. Elles sont retournées à la corruption généralisée, aux inégalités les plus scandaleuses et à l’anarchie... La démocratie est incapable de maintenir l’ordre et la paix, c’est ce qu’on appelle en biologie un chancre, c’est-à-dire un organisme qui ne peut vivre qu’aux dépens d’autrui. Un parasite, quoi !

« Ainsi, dans nos pays riches, la démocratie a pu s’installer et prospérer. La ruine et l’anarchie suivent, mais y mettent du temps ; il y a des paliers et des redressements. » (70). Mais aujourd’hui, il est difficile de nier que nous soyons au bord du gouffre.

« En attendant, toute démocratie dure par sa majorité centriste, union du capitalisme libéral et du socialisme bureaucratique. » Voilà le cas Macron résumé en une ligne ! Macron a été élu par la franc-maçonnerie pour que le système dure, pour remettre en marche la République. Il est comme l’incarnation de cette union : énarque, banquier, socialiste, libéral-libertaire, financier à Bercy : il est tout cela en même temps. On connaissait l’alternance et même la cohabitation entre gauche socialiste et droite affairiste, mais son élection et sa politique font apparaître au grand jour cette conclusion du point 70 : « La petite guerre entre patronat et syndicat, entre droite et gauche parlementaires, en cache une autre : la grande guerre que ces deux monstres dévorants, en secret accord, font à ce que l’extrême-droite légitimiste demeure seule à défendre : le patrimoine religieux et moral de la nation, la sécurité du pays, sa diplomatie, la paix sociale, l’indépendance de la magistrature, l’ordre, la vie rurale, la vitalité des familles, l’épargne bourgeoise et la protection des faibles. Bref, le pays réel. » C’est ce pays réel que François Fillon, malgré ses limites, incarnait et voulait défendre. Il fallait l’éliminer pour que subsiste la démocratie ? Ils l’ont éliminé.

Cet acharnement contre Fillon, pourtant démocrate convaincu, a permis de vérifier une fois de plus ce que dit notre Père sur la persistance de l’antagonisme droite-gauche. Au-delà des étiquettes de partis et des magouilles parlementaires, cette distinction demeure parce qu’elle est métaphysique. « L’Homme de Gauche revendique la Liberté de l’individu, l’Homme de Droite lui oppose la primauté de l’Ordre... L’un pense que la société est toute au service de l’individu, de son intérêt, de sa dignité. L’autre professe que le bien commun exige le dévouement des citoyens et jusqu’au sacrifice de leurs biens, de leur réputation, de leur vie. » (CRC no 66) À mesure que la démocratie se répand dans le monde, cette « opposition de deux mentalités, de deux religions sécularisées, reste la plus stable de toutes dans l’instabilité et le grégarisme de notre société moderne. » Hélas, en République, cette rivalité se solde toujours par la défaite de l’homme de droite. Et finalement, en dépit des paliers et des redressements, la République mène la France aux abîmes ; elle est et demeure « le régime des six invasions », de 1792, 1814, 1815, 1870, 1914 et 1940.

Et si la démocratie ne finit pas dans l’invasion barbare germanique ou autre, elle finit dans la dictature. Point 71 : De Démos à César. « Comprenant soudainement la menace, ou devant l’étendue des scandales, le peuple regimbe, se soulève et renverse la république. Alors vient la dictature, César. Mais il ne faut pas se faire d’illusion. Il y a plusieurs sortes de dictatures. Une seule peut être bonne, la dictature de salut public, toutes les autres sont ou fausses ou catastrophiques. »

Notre histoire est parsemée de ces fausses dictatures démocratiques tentées, et même réussies, qui ont de toute façon contribué à maintenir la République. « J’ai la nausée des faux grands hommes », disait notre Père. Contrairement à Zemmour et aux bonapartistes de tous partis, nous n’avons aucune admiration pour ces faux grands hommes.

Le premier, c’est évidemment Napoléon Bonaparte, qui instaure l’Empire pour consolider la Révolution : tout autant les principes anticatholiques que les fortunes malhonnêtes. Dans sa lignée, il y aura son petit-neveu, Louis-Napoléon et son Second Empire, dont l’avènement est un modèle du genre. En 1848, le gouvernement provisoire qui sort de la Révolution est une bande d’incapables. La Deuxième République se ruine en quelques semaines et la révolution gronde de nouveau. Le général Cavaignac se voit accorder carte blanche pour réprimer les manifestants : douze mille morts jonchent le pavé parisien. Des élections donnent le pouvoir à la bourgeoisie modérée qui place son homme au nom prestigieux, Louis-Napoléon. Ce partisan affiché de la démocratie, au terme de son mandat, conserve le pouvoir en se faisant plébisciter par le peuple souverain. Soi-disant Empereur des Français, il laissera en fait toute latitude aux quatre États confédérés dont il est la créature.

Après Sedan et la chute de César, l’histoire se répète. C’est l’invasion prussienne, le siège de Paris, et la République incapable donne tous les pouvoirs à Adolphe Thiers. Voici venue l’heure du triomphe pour cet ambitieux qui, afin de se maintenir au pouvoir, relance la guerre civile française – toujours latente depuis la Révolution – entre la bourgeoisie voltairienne et le petit peuple exploité. Ce dernier, patriote certes, mais perméable à toutes les fausses doctrines, est sacrifié aux ambitions de Thiers : au cours de la Semaine sanglante, plus de sept mille Communards sont fusillés par les soldats de la République. L’unité nationale en sort profondément meurtrie.

Peu après, c’est le général Boulanger qui abusera de la bonne foi du pays réel. Ce César de carnaval, qui fit profession de démocratie, a surtout bénéficié de la paresse du plus grand nombre à rejeter la République et à faire le Roi. Seul un Monseigneur Freppel ne s’y laissa pas berner un instant.

En 1944 et en 1958, le général de brigade De Gaulle fut la nouvelle incarnation de cette mascarade indispensable à la survie du régime. Pour lui, comme pour chacun de ces grotesques hommes providentiels, a été vérifiée cette conclusion du point 71 : « Ces fausses dictatures sont exposées aux caprices de l’opinion que subventionne l’Argent. Leur chute est aussi trouble que leur ascension. »

Mais il y a pire encore que ces dictatures secrètement ploutocratiques, continue notre Père, il y a les dictatures révolutionnaires, qui se disent démocratiques et sont, pour l’être vraiment, totalitaires. Elles conduisent à l’anéantissement de toute vraie religion, civilisation, paix sociale, en un mot au goulag. Le vingtième siècle est tout entier rempli de ces écroulements de la ploutocratie devant la révolution communiste. La révolution socialiste de février 1917 menée par Kerenski est balayée par les bolchéviques de Lénine en octobre. La république espagnole de 1931 conduit à la guerre civile communiste à partir de 1934. Mao triomphe en 1949 de ses anciens camarades nationalistes révolutionnaires. Et dans combien de nos colonies la dictature communiste a remplacé les incapables que la République avait laissés derrière elle. C’est le triomphe logique du barbare sur le bourgeois. « Toute banque est impuissante face aux mitraillettes qu’elle n’a pas payées » ! (71)

Il nous reste à conclure sur l’absurdité du régime démocratique par les points les plus douloureux pour nos cœurs catholiques et français.

QU’EST-CE QUE LA RELIGION DÉMOCRATIQUE ?

« De nos jours, un autre phénomène vient s’ajouter à l’analyse de Maurras. Nos peuples sont si intoxiqués par la démocratie que rien ne permet plus de la remettre en cause. La succession des scandales financiers, l’incurie des gouvernements, la tromperie des promesses sociales, au lieu de conduire les peuples à rejeter la démocratie, les incitent à en réclamer davantage, sombrant ainsi dans l’anarchie. » (71) Marine Le Pen en est rendue à ce degré d’aberration lorsqu’elle propose de multiplier les référendums « sur les grands sujets » pour « rendre le pouvoir au peuple »... Le mot même de démocratie semble avoir perdu son sens dans le discours médiatique actuel. « Être démocrate, c’est exiger la liberté d’expression, un travail pour tous, des indemnités sociales, etc. » (71)

En fait, la démocratie aurait disparu depuis bien longtemps s’il ne s’était agi que d’un régime politique. Mais c’est une religion. Maurras l’avait compris et il écrivait dans Pour en sortir, une brochure de 1926 : « Par la profonde nécessité organique de centraliser et d’étatiser le for intérieur, la démocratie apparaît ce qu’elle est véritablement, ce qu’elle veut et doit être : un pouvoir spirituel, doublant en secret le pouvoir temporel ; une religion, une foi. » Cela se voit dans le folklore républicain hérité de la Révolution, qui parodie le culte catholique : ainsi du Panthéon où la République reconnaissante enterre ses “ Grands Hommes ”, ainsi du choix du dimanche comme jour de vote... Mais cela se voit surtout, dit Maurras, dans l’histoire des combats engagés contre l’Église catholique. « C’est un fait que la République déteste l’Église, au moins autant qu’elle hait la royauté. La royauté est son contraire, mais l’Église est la grande société spirituelle qui résiste à la mainmise de son étatisme sur les âmes. Et, sans les âmes, comment  faire  les élections ? » (CRC no 106, p. 5)

Dans son commentaire de 1990, notre Père raconte : « Les jours d’élections, quand nous y allons, nous y allons tôt avant la messe, pour ne pas croiser le cortège abject des vrais républicains. Ces gens, ils avancent gravement, c’est le citoyen-roi qui va dicter à l’État sa volonté à lui. Pauvre imbécile ! Il est là, gonflé d’orgueil. C’est cet orgueil qui les tient, c’est cet orgueil qui fait que la France est toujours en démocratie. Donc c’est un orgueil qui est partagé quand même par pas mal de gens. Ce qui fait la force de la démocratie, c’est ce culte déréglé que l’homme moderne se porte à lui-même, se voulant et s’imaginant son propre maître, son roi et son dieu, mais ne supportant pas, cependant, que les autres hommes y prétendent autant que lui... »

Rien que pour contrer cette exaltation déréglée de l’orgueil humain, l’Église aurait dû se dresser contre la République et se faire la protectrice du nationalisme intégral pour le retour du Roi... Or, elle a fait le contraire. Cette même année 1926 où Maurras écrivait Pour en sortir, les gens d’Église allaient excommunier les catholiques d’Action française. « Le coup du Ralliement n’était qu’un coup de Chassepot à côté de cette bombe atomique. Mais vingt ans plus tard, on fera mieux. Les démocrates-chrétiens n’excommunieront pas leurs adversaires politiques, ils les tueront. » (ibid., p. 8). C’est cela le crime des gens d’Église (72).

En fait, depuis 1789, une partie toujours plus grande des gens d’Église a rallié le camp révolutionnaire. Dans une importante Lettre à mes amis de septembre 1965 sur l’Église et le monde moderne ( no 211), notre Père fait la chronique de cette réconciliation de l’Église avec la Révolution, depuis le Concordat jusqu’au Ralliement, et du Sillon à l’Action catholique de l’entre-deux-guerres. La lutte fut âpre tout de même et Pie IX, par son Syllabus condamnant sans appel l’État révolutionnaire (1864), a considérablement retardé le triomphe des libéraux-catholiques. Mais en 1964, le centenaire du Syllabus fut passé sous silence dans toute l’Église. Dans sa Lettre no 190, notre Père annonçait la « mise au rebut du Syllabus ». Hélas, l’avenir ne devait que trop lui donner raison. Après 1965, il lui faudra dénoncer dans le Concile Vatican II et sa constitution Gaudium et Spes, le passage en force du parti clérical progressiste. Puis viendront Jean-Paul II, le pape des droits de l’homme, et Benoît XVI avec sa prétendue “ herméneutique de la continuité ”.

Notre Père s’est dressé toute sa vie, quoi qu’il lui en coûtât, contre ce crime des gens d’Église. Ce point 72 est le résumé de cette œuvre critique que lui seul était capable de faire, avait la vocation de faire. Pour en sortir, écrivait Maurras en 1926... Pourquoi n’en est-on toujours pas sorti ? Pourquoi les peuples tiennent-ils donc autant à la démocratie ? Réponse de notre Père : « Parce que les gens d’Église les y ont enchaînés. Avides de plaire au peuple en exaltant la liberté, aux individus en leur prêchant leurs droits plutôt que leurs devoirs, plus encore avides de plaire aux riches et aux puissants, les gens d’Église n’ont plus osé lutter pour Dieu et par Marie contre la Révolution. Et de compromis en trahison, ils ont enfin partie liée avec la démocratie, se faisant inconsidé­rément, scandaleusement, ennemis de la gloire de Dieu et du salut de leurs frères. » (72)

C’est ce que Maurras, malgré tout son génie, n’a pas compris, ne pouvait pas comprendre, car il refusait de croire en Dieu Père, Fils et Saint-Esprit et il refusait d’aimer la Sainte Vierge. La démocratie est un absurde régime de mort temporelle, certes, mais bien plus, c’est une impiété, une horrible offense faite à Dieu par l’homme qui le défie... La Révolution jette les peuples dans le malheur ici-bas, ce n’est que trop certain, mais ce n’est que le prélude aux souffrances éternelles que les âmes des damnés souffriront dans l’au-delà. Ce qui manque à Maurras – parce qu’il n’en a pas voulu –, c’est de considérer la Politique à la lumière des demandes et des promesses du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial, et surtout de Notre-Dame à Fatima.

Car Notre-Dame nous a mis en garde le 13 juillet 1917 : « Plusieurs nations seront anéanties ». « C’est l’avertissement de Fatima. Ou Jésus, par Marie, en Marie, et pour Marie, ou l’Enfer en ce monde et dans l’autre. Celui de ce monde à l’image de l’autre. » (73) La destruction de la nation française, à vues humaines, est inéluctable. Maurras et l’Action française malgré la vérité de leurs démonstrations, n’ont pu l’empêcher. Voilà pourquoi notre Père a décidé en 1997 de consacrer la Phalange à l’Immaculée Conception : toute lutte politique est vaine si ce n’est pas une croisade mariale. Notre seule espérance politique, c’est Notre-Dame de Fatima qui s’est nommée Notre-Dame du Rosaire. C’est par ce Nom déjà qu’Elle donna la victoire aux armées chrétiennes contre les Turcs à Lépante en 1571. Puissante comme une armée rangée en bataille, Elle a annoncé le 13 juillet 1917 que son Cœur Immaculé triomphera et qu’il sera donné au monde un certain temps de paix.

Voilà pourquoi le point suivant no 74 est le tournant de nos cinquante points royalistes.

LA SCIENCE POLITIQUE DE LA SAINTE VIERGE 
(POINTS 74 À 85)

Le grand mérite de l’Action française est d’avoir rappelé aux Français ce que la Révolution avait nié et tenté de faire oublier, à savoir qu’il existe une science politique. En effet, « la démocratie ne souffre pas que la politique puisse être objet de science. Une science politique est impossible dans l’hypothèse de Rousseau : aucune loi politique, aucun type politique ne peut être superposé aux libres contractions de volontés égales. La souveraineté résidant dans le nombre, le nombre étant formé d’unités identiques, ces unités n’étant constituées que de liberté, il leur suffit de se mettre ensemble pour constituer à la fois le vrai politique et le bien politique. Thèse absurde, dit-on. Mais thèse professée et thèse pratiquée. » (Charles Maurras, L’ordre et le désordre) D’où le rétrécissement de la science politique universitaire à un débat moral sur l’alternative entre démocratie et dictature. (CRC no 194, p. 4-5) Tout réalisme politique et toute considération d’un bien commun ou d’une raison d’État supérieurs aux volontés et aux droits individuels, sont nécessairement immoraux, fascistes. Quant à la recherche scientifique par enquête historique, expérience et raison, elle ne saurait être envisagée sérieusement : réfléchir, c’est déjà désobéir ! De ce moralisme, de ce dualisme apocalyptique entre le Bien démocratique et le Mal fasciste, la politique naturelle de l’Action française nous a préservés. C’est son grand bienfait.

Mais cette science “ positiviste ” demeure incomplète et stérile tant qu’elle ne prend pas en compte le fait pourtant non moins “ positif ” que « Dieu veut intervenir dans la vie politique par la médiation de sa Divine Mère, tant il est vrai qu’il règne sur tout l’univers. Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la terre (Mt 28, 18). Jésus-Christ a acquis par sa Croix la royauté universelle qui réclame la soumission de tout l’ordre humain, et non pas simplement des cœurs, à sa loi et à ses volontés, dont il a institué sa Divine Mère médiatrice universelle. » (74)

Quelques penseurs modernes étaient déjà familiers de cette vue surnaturelle de l’histoire, comme Juan Donoso Cortes, Vladimir Soloviev, ou bien Monseigneur Freppel. Mais notre Père l’a approfondie mieux que personne avant lui. En effet, il a compris que la formation, le développement et la conduite des communautés humaines – en un mot, l’Histoire – s’inscrivent dans un dessein de Dieu sur le monde : la substitution d’une Cité céleste, d’un royaume messianique, à la Cité de Satan qui régentait l’humanité depuis le péché d’Adam. La politique n’est pas seulement une mécanique, une science empirique, mais un instrument du Bon Dieu, qui a envoyé son Fils Unique pour entrer de plain-pied dans l’histoire humaine et la mener à son terme.

« L’histoire de France illustre depuis quinze siècles cette intervention de Dieu, en particulier par la vie et l’œuvre de sainte Jeanne d’Arc. Toute sa vie court à un certain but que savent les êtres célestes qui la guident. Selon son faict et selon ses dicts, c’est l’intervention de Jésus-Christ en personne dans notre histoire humaine, politico-militaire, en faveur du royaume de France. » (74) Cette souveraineté de Notre-Seigneur Jésus-Christ a été confirmée par les révélations célestes à sainte Catherine Labouré, rue du Bac à Paris. En 1830, à la veille de la Révolution, elle vit le Christ dépouillé de ses ornements et des attributs de son pouvoir royal. Avec l’abdication de Charles X, dernier roi sacré, c’est Jésus-Christ, le vrai Roi, qui est détrôné. La disparition de la monarchie très chrétienne jettera la France et le monde dans le malheur. Mais la Vierge au globe prend le royaume en régence... jusqu’à ce jour, jusqu’à son triomphe annoncé ! D’où l’attachement de la Phalange à la Médaille miraculeuse, que saint Maximilien-Marie Kolbe donna comme arme à la Militia Immaculatae.

POLITIQUE TOTALE.

En 1983, notre Père exposait sa Politique totale « adossant non seulement la politique naturelle de Maurras à notre Métaphysique totale, ce qui était déjà prometteur, mais joignant cette haute sagesse, cet art royal à la mystique chrétienne, catholique, qui en vérité l’avait, pendant mille ans et plus, instituée, développée et conservée dans notre royaume de France. » (CRC no 195) Les points suivants (74 à 86) sont extraits de cette précieuse étude où notre Père s’est appliqué à redéfinir clairement les grands concepts de la science politique dont nos contemporains ont perdu le sens.

QU’EST-CE QUE LA POLITIQUE ?

« La politique est la science et l’art qui visent à faire naître, exister, prospérer, durer les sociétés humaines en vue de leur permettre d’accéder à la civilisation et de s’y élever, dans l’ordre et la paix sans lesquels ne paraît ni ne subsiste aucun bien. » (86)

Depuis les Grecs, la politique, ou science de la cité, est à la fois une science et un art. La science, c’est la recherche de la meilleure constitution pour la cité et l’art, c’est le gouvernement de la cité visant à lui garantir l’ordre et la paix. Deux mille cinq cents ans après Périclès, l’objet de la politique n’est certes plus la petite cité grecque, mais la nation.

QU’EST-CE QU’UNE NATION ?

La nation n’est pas la seule réalité politique, elle n’est pas nécessaire non plus. La première réalité politique, c’est la famille ou la tribu, cellule de base de la société. Puis les familles se développent et s’agrègent, pour former dans un premier temps une société inorganique et illimitée, sans structure ni frontière définie, un peuple. Quand ces peuples se civilisent, un patrimoine commun se développe et dure au-delà des générations : la terre, les morts, les gens, les traditions. C’est une patrie, objet d’un sentiment, le patriotisme, qui génère dévouement et héroïsme. Famille, peuple, patrie : dans ces trois réalités politiques, il s’agit essentiellement d’un attachement viscéral à la terre de ses pères. Mais avec la nation, un seuil est franchi.

Qu’est-ce qui fait de la nation « la société parfaite, se suffisant à elle-même » (75) ? Disons tout de suite que c’est l’existence d’un État souverain qui distingue la nation de toutes les autres réalités politiques. Il n’y a pas de nation sans État. De même qu’une âme organise les divers éléments d’un corps, seule une autorité souveraine est capable de réunir comme en un seul corps des familles, des tribus, des peuples divers, et d’en faire « une communauté supérieurement organisée et nettement séparée des autres, garantissant à ses membres l’ordre et la paix » (75). Voilà pour l’explication formelle de l’existence des nations. Mais sur quoi repose le succès de cette autorité souveraine à organiser un ensemble si informe et si divers de familles et de communautés ? C’est là un point très important : l’existence de la nation requiert l’adhésion libre et stable du peuple à cet État souverain, à son Roi. Or, cet accord n’est plus seulement viscéral, sentimental, comme pour le patriotisme : il s’agit d’obéissance, de soumission à une autorité supérieure.

Qu’est-ce, alors ? Qu’est-ce qui fait concourir la multitude à un même bien commun national ? Quel est le fondement de ce dévouement qui peut réclamer jusqu’au sacrifice de sa vie ? Cette grande question qui agite toutes les nations occidentales depuis 1789 reste irrésolue. Cela fait l’objet d’un numéro de la Politique totale de notre Père (CRC no 196). Car, après tant de réponses soit fausses, soit incomplètes, l’apport de la métaphysique relationnelle est décisif.

Il y eut d’abord Rousseau et sa théorie du contrat social. Selon lui, « la société naît de l’homme, de ses volontés arbitraires, de ses définitions statutaires des droits et des devoirs, contrats à tout moment révocables, passés entre individus autosuffisants, autocréateurs. » (CRC no 196) Aberration mortelle... Au contraire, l’homme naît de la société. C’est être fils qui est premier, avant même d’être homme.

Puis vinrent les fascismes et leur divinisation idolâtrique de la nation. Funeste réponse...

Quant à Aristote et aux scolastiques, ils expliquaient que dans la société comme dans le corps, la partie se sacrifie pour le tout. Par exemple la main se porte au-devant de la flèche pour sauver le corps. Mais comparaison n’est pas raison, explique notre Père. La réaction de la main est instinctive, inconsciente, elle n’est pas libre. Les contraintes biologiques n’expliquent pas le dévouement d’êtres libres. C’est d’un autre ordre, humain, moral et nécessairement religieux.

Charles Maurras, lui, refusait de répondre à la question que nous nous posons, car il s’interdisait de faire de la métaphysique. Il se contentait de dire que ce dévouement était naturel chez les Français. « C’est servir en effet qui est le premier dans les cœurs... » C’était vrai de ce cœur ardent, mais quid de tous les autres ? C’est très insuffisant.

Le résultat, c’est qu’aujourd’hui, plus personne ne comprend rien au fait national. Le très officiel Dictionnaire de science politique et des institutions politiques ne trouve rien à en dire : « notion fort imprécise désignant une collectivité sociale dotée de caractéristiques communes suffisamment significatives pour atteindre un niveau minima d’unité et d’autonomie »... Quelle chute !

Alors ? Vous avez mieux à proposer ? Point 75 : « La métaphysique relationnelle découvre la racine ontologique de l’amitié, de l’amour, de la charité, dont le patriotisme est le fruit et, plus fermement, le nationalisme. Loin de s’accomplir par lui-même en suivant les principes individualistes, c’est par ses frères humains, avec eux et, merveille plus grande encore, dans ses frères, ses proches, sa famille, sa nation, et pour eux tous que chaque individu trouve enfin son accomplissement et sa béatitude commençante. Cette adhésion de la personne à la société est un besoin, un désir de tout l’être de s’ouvrir aux autres et au monde, et à Dieu immensément, infiniment, pour grandir, non en soi, mais en enfant de Marie, mère d’une famille innombrable, ensemble avec les autres, en union, en communauté avec eux. C’est ce qui explique aisément l’élan, le ­dévouement de cet enfant, capable d’aller jusqu’au sacrifice suprême pour le salut de la communauté. »

C’est le secret de l’Ancien Régime et de la Chrétienté. Notre Père disait que la contemplation religieuse de cet ordre divin « nous fait entrer dans la psychologie même de Dieu, c’est-à-dire dans la vie commune des trois Personnes divines dans l’éternité ». Ah ! c’est une grande chose que la politique !

Et nous mourons aujourd’hui de ce que cette métaphysique catholique a été abandonnée par l’Église et par l’État. Dès lors, nous comprenons que deux sciences politiques s’affrontent. L’une a pour objet la nation, conçue comme une immense réciprocité de services, comme un corps mystique ; l’autre prend pour objet l’homme sans autre relation qu’à lui-même, et considère la communauté humaine, familiale, nationale comme d’un « ordre accidentel » selon les mots du philosophe Karol Wojtyla (CRC no 196).

« Pour nous, phalangistes français, comme dit le point 76, le devoir est d’une admirable simplicité. Le nationalisme français est parfait, de la perfection incomparable de la France, fille aînée de l’Église, seconde patrie de tout homme civilisé. Il nous dicte notre devoir d’ardente fidélité, d’amour, de confiance et de dévouement dans sa défense jusqu’à la mort. » Et pour “ maintenir ”, notre Père nous a légué une doctrine nationaliste limpide.

QU’EST-CE QUE LE BIEN COMMUN ?

Pour nous, nationalistes catholiques français, le premier et ultime bien commun, c’est évidemment d’aller au Ciel. Le rôle de l’autorité souveraine, en subsidiarité de l’Église, est de mener ses citoyens au Ciel. Comment cela ? En assurant l’ordre et la paix dans la nation (77 et 78).

L’ordre est synonyme ici de “ mode d’emploi ”. Un organisme comme la nation répond à des lois, et il ne peut vivre que lorsque son ordre, ou son mode d’emploi, est respecté.

Il est donc nécessaire que les hommes, législateurs et sujets confondus, reconnaissent qu’il existe au-dessus d’eux un ordre des choses, un ordre naturel, voulu par Dieu. De cet ordre divin de la création découle un droit naturel ou positif qui doit être transcrit dans nos sociétés en lois humaines, en code civil et code pénal, obligeant concrètement chacun des membres de la communauté à respecter cet ordre.

La dépendance des lois humaines à cet ordre naturel que l’on peut appeler “ Droit divin ” est le salut de toute communauté politique. « Le Peuple de la Bible, privilégié entre tous, a vécu sur le fondement de la Loi mosaïque, la Torah, révélée par Dieu sur le mont Sinaï, mais couvrant de son autorité infaillible tout le système des lois liturgiques, civiles et morales qui remplissent les cinq premiers livres de la Révélation, le Pentateuque. » (CRC no 196) Dans la Rome antique, la Loi des Douze Tables dont l’origine se perdait dans la nuit des temps était, selon Tite-Live, « la source de tout droit public et privé ». À ce droit constitutionnel, législation vénérable et sacrée, s’ajoutèrent au cours des siècles une grande variété de lois humaines de moindre importance, organisant la vie quotidienne en société.

Quelle responsabilité exorbitante, quasi divine, que celle du législateur ! de celui qui dit la loi. Il possède ce que les Romains appelaient la Majestas. C’est-à-dire qu’il est comme « médiateur entre Dieu et les hommes » (77), usant de sa puissance pour imposer le droit que Dieu a mis dans sa création.

Lorsque Vladimir Poutine fait inscrire dans sa réforme constitutionnelle (2020) – après une mention de la foi en Dieu héritée des ancêtres – que l’État doit défendre la famille et que, pour cette raison, il n’y a de mariage possible qu’entre un homme et une femme, il obéit à l’ordre divin manifesté dans la création.

Pourtant, il y a là un combat. Dans la CRC no 194, notre Père, s’appuyant sur un livre du professeur Michel Villey, expliquait l’irrémédiable décadence moderne du droit à partir du nominalisme de la fin du Moyen Âge et du luthéranisme qui est sorti de lui. « C’est du nominalisme d’Occam en effet – affirmation que les idées sont dépourvues de réalité, qu’elles sont de simples mots, de simples  noms  – qu’est sortie via Hobbes toute la philosophie des droits de l’homme. Avec l’irruption du nominalisme, le mot de loi prend une valeur nouvelle. Il n’évoque plus l’ordre du monde, caché dans ce monde, que les législateurs ou philosophes grecs (et les chrétiens donc !) s’étaient efforcés vaille que vaille d’exprimer en formules écrites (que voilà une belle description de l’œuvre législative !). La loi devient le commandement volontaire (arbitraire) d’une autorité. » (CRC no 194 et CRC no 196) La puissance souveraine s’est coupée de la référence à un ordre divin naturel et a prétendu dire le Droit de sa propre autorité, écrire le mode d’emploi de la société sans se référer à Dieu. À cette législation étatique sans principes religieux, sans légitimité, totalitaire, s’est bientôt opposée une revendication de droits indéfinis, illimités... Jusqu’à produire cet insoluble conflit des Droits de l’homme opposés à l’État totalitaire.

Aujourd’hui, comme depuis toujours, c’est dans le retour à l’ordre naturel qu’est le salut de la société.

L’autre fondement du bien commun national, c’est la paix, que le souverain a mission d’assurer. Connaître et respecter l’ordre naturel ne suffit pas, encore faut-il que la nation soit protégée contre ses ennemis. « Comparons avec la science médicale. Celle-ci ne peut se contenter de spéculer sur les normes idéales de la santé humaine. Il faut ensuite aller sur le terrain, visiter les malades, appliquer la théorie à chaque cas. De même en science politique : il faut chaque jour prendre des décisions, conduire la vie de la nation, la faire prospérer et la défendre. En un mot, il faut gouverner. » (78)

QU’EST-CE QUE GOUVERNER ?

Selon l’empirisme organisateur hérité de l’Action française, gouverner c’est « savoir pour prévoir afin de pourvoir ». Gouverner, c’est sans cesse engager sa responsabilité en prenant des décisions difficiles. Les décisions d’un chef d’État sont d’autant plus graves que souvent la vie et l’avenir de beaucoup d’hommes en dépendent. Notre Père, par une série d’exemples historiques, nous donne à comprendre la gravité du gouvernement d’une nation : au Moyen Âge, fallait-il partir en croisade ou défendre le pré carré ? Au dix-septième siècle, fallait-il s’allier avec les Turcs et les protestants contre l’hégémonie Habsbourg ? En 1942, fallait-il collaborer avec les Allemands, ou fallait-il que le maréchal Pétain quitte et passe en Algérie ? Fallait-il avoir la bombe atomique ? Faut-il faire le choix de l’énergie nucléaire ? Voilà de graves décisions... Qui doit les prendre ? Qui doit gouverner ?

Nous retrouvons là le combat des deux sciences politiques : « Le réflexe moderne est de prétendre que tous aient participation à la décision. Mais l’incompétence de la foule, son irrésolution, ses contradictions, l’irresponsabilité des personnes sont trop contraires aux exigences immédiates de tout acte de gouvernement, qui doit être secret, sûr, prompt et fort. » (78) Alors ? À qui va-t-on confier cette redoutable mission de gouverner ?

« Il apparaît plus sage, écrit notre Père, de chercher carrément dans la direction opposée, et de confier la décision entière, l’autorité du gouvernement à l’être le plus personnel, le plus libre par rapport à tous les autres. Et le plus hautement et clairement responsable. Dans L’Enquête, Charles Maurras prononçait son jugement célèbre : que le dictateur soit le Roi ! Ainsi, la même puissance souveraine qui pense l’ordre, le droit, les lois de la nation, comme infailliblement, devrait en organiser aussi la vie quotidienne, assurer sa défense, maintenir constamment ses énergies en alerte. C’est l’union des deux pouvoirs législatif et exécutif, dans la même Personne royale. » Cette Personne qui a la charge du bien commun national doit être souveraine.

QU’EST-CE QU’UNE AUTORITÉ SOUVERAINE ?

Selon Jean Bodin, « la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République (d’un État) », ou encore « le pouvoir de donner et de casser la loy ». C’est dire qu’une autorité est souveraine lorsqu’elle peut imposer sa puissance et obtenir l’adhésion de la major et sanior pars de la population. Elle est ainsi en mesure de remplir son rôle de garante du bien commun national. Notre Père définit le pouvoir souverain par cinq caractéristiques : il est légitime, antidémocratique, personnel et pérenne, démophile, paternel. « La divine surprise que nous accordera notre Mère Immaculée sera d’abord la restauration de cette autorité politique. » (79)

Un pouvoir est légitime quand « il peut justifier son autorité et obtenir l’adhésion de son peuple qui y voit une réalité fondamentale, une vérité, une bonté, une beauté souveraine. » (79) Notre Père distingue trois stades ou trois degrés de perfection de légitimité.

Le degré le plus bas est celui de la légitimité antérieure qui résulte du rétablissement, par la force, de l’ordre et de la paix. Dans le chaos et la ruine, le plus fort, roi, dictateur ou chef, bon ou mauvais, impose sa loi. Et il dure par la force. Par exemple, à la fin du cinquième siècle, Clovis et ses Francs conquièrent une partie de la Gaule, ils s’y installent et règnent en maîtres.

Toutefois, nul pouvoir ne peut durer en s’appuyant uniquement sur la force. Il lui faut acquérir une légitimité naturelle par les services rendus à son peuple qui, en retour, lui manifeste une reconnaissance capable de consacrer son autorité.

« Si barbare, si brutal que soit ce pouvoir politique, dit notre Père, qu’il le veuille ou non, il entre dans la vis sans fin de l’organisation, de la pacification, de la civilisation. Pris au piège du Pouvoir, le dictateur tyrannique se transforme lui-même, en même temps que son peuple se perfectionne par l’obéissance. » Ce qui est impossible à obtenir en démocratie, où le chef change tous les cinq ans...

Un exemple récent : Khadafi, en Libye, avait commencé par être un dictateur sanguinaire, anticolonialiste, financé par le Kremlin, et finançant lui-même le terrorisme international... Mais, pris au piège du pouvoir, il avait fini par devenir un élément essentiel de stabilité politique dans toute l’Afrique et en Méditer­ranée, et même par se faire le protecteur de la minorité chrétienne... Le chaos dans lequel est tombée la Libye après son assassinat en 2011 témoigne de cette légitimité qu’il avait acquise. C’est un crime que les nations occidentales expieront d’une manière ou d’une autre. Car cette légitimité naturelle est déjà de droit divin. Elle ne change certes pas l’homme qui en est investi, elle ne le sanctifie pas nécessairement. Nous sommes encore à ce point au niveau de la nature commune, à ne pas confondre avec la grâce du Christ et la vie surnaturelle qui n’interviennent que dans une troisième perfection de légitimité : la légitimité mystique chrétienne. Celle-ci repose sur la fidélité populaire enracinée dans la foi catholique : « la vertu d’obéissance religieuse que pratique le fidèle envers la hiérarchie ecclésiastique entraîne dans son sillage l’obéissance politique, et la transforme, la  surnaturalise . Dans ce cas c’est la foi au Christ qui conduit à la fidélité au souverain. » (79) Notre Père est ici le continuateur de Jean de Terrevermeille et des légistes d’Ancien Régime, car l’idéal de l’autorité souveraine, c’est le Roi très chrétien, sacré à Reims (75). La souveraineté la plus forte et la plus féconde est de droit divin, elle découle du sacre.

Après trente années de gouvernement, un chef d’État comme le général Franco avait presque atteint à cette perfection de légitimité. Le rétablissement d’une dynastie aurait achevé son œuvre, si son successeur n’avait pas trahi sa vocation par amour de la démocratie...

Un pouvoir souverain se doit d’être antidémocratique (80). Car il n’y a aucune légitimité réelle qui puisse sortir de l’élection dans notre République absurde et impie, mais seulement une autorité de fait. Donc il faudra rompre avec la démocratie et la prétendue souveraineté populaire pour retrouver une véritable autorité.

La souveraineté ne se partage pas. L’autorité la conquiert et la conserve par une démonstration permanente de sa force matérielle, antérieure à sa force morale qui est un mélange de droit reconnu et de prestige assuré. Aussi un pouvoir souverain est-il personnel et pérenne, (81) c’est-à-dire monarchique, car « tout pouvoir est monarchique ou corrompu ; tout n’est que dictature ou anarchie. » Et seul un monarque dynastique, père de ses sujets, aime vraiment son peuple.

Il est démophile et non pas démocrate. (82) « Il y a deux manières d’être populaire, pour une autorité paternelle, patronale ou royale. Celle du choix arbitraire et celle du consentement ; celle de l’élection et celle de l’adhésion. » Une autorité démocrate se fait élire, applaudir, dominer par les intérêts privés, et enfin renvoyer par n’importe quelle force populaire. Une autorité démophile, “ qui aime le peuple ”, le commande, même quand elle lui déplaît.

« L’histoire de nos rois nous les montre dédaignant les louanges menteuses et les oppositions calculées, et brisant les manœuvres des Grands. Et le peuple leur en a accordé d’autant plus spontanément sa confiance, son amour et sa fidélité inébranlables. Cette entente, désintéressée, ne se fabrique pas, elle ne se mendie pas, elle se donne. »

Et surtout elle s’enracine dans la foi catholique, sans laquelle elle ne peut se maintenir et porter du fruit. Ce n’est pas un fascisme, un fol abandon à une personnalité charismatique qui risque de les entraîner à l’aventure ; c’est une relation filiale d’obéissance, de respect et d’amour. Ce pouvoir souverain est donc en dernière instance paternel et non tyrannique (83). C’est-à-dire décentralisateur, exempt de cette paranoïa jacobine qui hante les élites parisiennes depuis 1789. Ce n’est pas étonnant que le Maréchal Pétain ait été le premier à décentraliser : il rassemblait en sa personne toutes ces caractéristiques du pouvoir souverain. Il était légitime, il avait rompu avec la démocratie, il aimait la France et ses familles. « Le chef de l’État sera enclin, de lui-même, à satisfaire l’aspiration de ses sujets à la plus grande capacité d’initiative, quitte à l’équilibrer, à l’orienter comme un arbitre souverain et un bon père. C’est par nécessité nationale, et non par besoin personnel, qu’il renforcera le pouvoir central quand l’ordre, la sécurité, la paix, la prospérité de la nation l’exigeront. » (83)

Telle est la conclusion de la vraie science politique : la démocratie est absurde, la monarchie sacrale seule peut incarner le bien commun national. Tel était le pressentiment des Grecs et des Romains, telle était la conclusion des légistes d’Ancien Régime et de Bossuet, tel fut l’aboutissement de l’enquête de Maurras. Notre Père a rappelé cette vérité au vingtième siècle, à contre-courant d’une Église conciliaire qui semblait y renoncer définitivement. Mais un jour, par un triomphe éclatant en Russie, le Cœur Immaculé de Marie rendra sa sagesse séculaire à l’Église catholique.

DE LA PUISSANCE À L’ACTE.

Le point 84 constitue le versant positif du point 72 qui dénonçait le crime des gens d’Église. Car telle est la grande leçon de l’Histoire de France : rien ne se fait sans l’Église. Et sans l’Église, tout se défait. Ainsi, « ce sera le bienfait des gens d’Église, revenus des erreurs de Vatican II et du culte de l’Homme, d’aider le chef de l’État à restaurer la nation selon son ordre particulier, conformément aux lois de son histoire. » (84)

Pour nous qui savons que le Ciel ne se dédit pas et que la France est l’objet de promesses divines, nous espérons, nous attendons une nouvelle Jeanne d’Arc, une nouvelle action divine en faveur du royaume de France, qui seule pourra donner vie à nos cinquante points politiques. Et notre souverain remplira de nouveau ses fonctions sacrées (85).

La première fonction du souverain est religieuse. Ce n’est pas là une innovation de notre Père : c’est une réalité politique essentielle qu’il a mise en lumière. « Dire que la politique n’a rien à voir avec la religion est un mensonge, car même lorsqu’elle prétend ne pas s’en occuper, elle le fait : si ce n’est pour favoriser telle religion, c’est pour la combattre, ou encore pour se faire sa propre religion. » (85)

Ce que nous voulons donc, c’est que l’État se fasse le défenseur séculier de l’Église catholique, avec la prudence requise, évidemment, sans contraindre les consciences.

Pour retrouver le sens de sa première fonction et attirer les bénédictions divines, le chef de l’État n’aura rien de mieux à faire que consacrer le pays au Cœur Immaculé de Marie et au Sacré-Cœur de Jésus, reconnaissant ainsi en eux le vrai Roi de France et sa Reine Immaculée.

Cette consécration inspirera autant qu’elle facilitera la rénovation des deux autres fonctions du souverain : d’abord la fonction politique traditionnelle de maintien de l’ordre intérieur et de protection contre l’ennemi extérieur. Et ensuite, la fonction écologique de protection des familles.

Trois protections, en résumé, sont du devoir du chef de l’État : protection de l’Église, de la nation et des familles... sous la protection du Cœur Immaculé de Marie ! « Elle adoucira les mœurs, tempérera la justice et canalisera la force. » Sa médiation se diffusera depuis le chef de l’État dans toutes les institutions politiques de la nation que nous étudierons, si Dieu le veut, dans le prochain numéro.

Frère Louis-Gonzague de la Bambina.