Il est ressuscité !

N° 221 – Mai 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Saint Joseph 
défenseur de la foi

PARMI toutes les idées que nous avons soulevées ce matin, la principale était quand même celle-ci : saint Joseph est le modèle et le patron des âmes chastes. Je vous avais exposé les différentes raisons que saint Joseph avait d’être chaste, et que nous avons avec lui. De cette chasteté, je vous montrais que s’ensuivaient la bonté, le sourire, l’amabilité avec le prochain ; de là, je passais à la confiance en Dieu, dont sainte Marguerite-Marie disait que c’était la clef qui ouvrait le tabernacle du Cœur de Jésus, dans lequel étaient renfermées toutes ses miséricordes.

Rapidement, je vous évoquais une conversation récente et une opposition de points de vue, si on peut dire ! de savoir si c’est le manque de chasteté qui produit tous les désordres de notre société actuelle, tous les ravages que nous déplorons dans la société actuelle, et, par conséquent, un manque de foi, de culte de Dieu ; ou si c’était au contraire le manque de culte de Dieu et le manque de foi qui étaient la cause de tous ces désordres.

Comme saint Joseph est, en même temps que le patron et le modèle de nos âmes, le patron de l’Église, il me semble que cette question n’est pas vaine, pour savoir ce que ce grand saint Joseph, au Ciel, par sa prière et ses inspirations données aux âmes, cherche à insuffler dans les âmes des chrétiens et en particulier des princes de l’Église, du Pape et des évêques, qui sont les pasteurs des troupeaux de ce bercail, ce qu’il cherche à leur insuffler d’abord si on peut dire, pour la réforme, la contre-réforme, le renouveau de l’Église. Cela peut être utile à nos âmes, puisque nous sommes membres de cette grande communauté et qu’il en va de même pour nous, qu’il en va aussi en général pour toute l’Église.

Ce n’est pas que je tienne à mes idées, je suis prêt à céder sur ce point-là, à une personne que je vénère et que j’estime, mais il me semble que c’est la foi qui est la source de toutes les vertus ; c’est la foi qui nourrit l’espérance, l’espérance qui nourrit la charité, et c’est la charité qui est comme le réservoir de toutes les forces, de toutes les énergies saintes d’une âme, qui lui font maîtriser les sept vices et, en particulier, les vices inférieurs qui concernent les désordres de la chair, il me semble, de telle manière qu’il ne faut pas s’hypnotiser sur les tentations de la chair avant d’avoir réglé leur compte aux tentations de l’esprit.

Nous en avons de nombreux exemples. Je ne vous citerai qu’Adam et Ève qui commencèrent par écouter le démon leur offrant de se faire, par leur désobéissance, égaux de Dieu : « Vous serez comme des dieux ! Vous serez les égaux de Dieu ! » C’est à partir de ce moment-là que le fruit défendu opéra sur leurs yeux et dans leur cœur de tels ravages.

Bientôt, nous allons lire, dans une férie de la troisième semaine de carême, je pense, l’histoire de la chaste Suzanne et de ces deux vieillards libidineux qui cherchèrent à l’entraîner au mal et qui ensuite, déçus, cherchèrent à la mettre à mort par vengeance. La Vulgate nous dit « qu’ils avaient détourné leur regard de la Loi de Dieu ».

Il me semble que notre société, évidemment, est épouvantable, se rue dans toutes sortes de vices, on en voit plein les journaux, les télévisions, les films, que sais-je ? Tout cela est vrai et tout cela est profondément lamentable. Ce serait une erreur de croire que cela soit peu désagréable à Dieu. Ce serait une erreur de croire qu’il faille s’y résigner en disant que tous les siècles de toutes les époques ont vu des choses de la même manière. C’est tout à fait faux ! De la même manière que, dans la vie d’un individu, d’une personne, ces désordres de la sensualité sont absolument préjudiciables à sa vie normale de chrétien et préjudiciables à son union à Dieu et à sa charité envers les autres, à l’accomplissement de sa vocation. C’est certain !

Mais il me semble que c’est plutôt une conséquence qu’un principe, et donc par exemple dans l’Église actuelle, partir en guerre contre tous ces désordres, ces crimes – avortement, contraception, divorce, etc. –, bien sûr cela fait une bonne apparence de partir en guerre contre tout cela, mais c’est lutter contre un orage absolument immaîtrisable, parce que ces choses sont les conséquences d’un manque de foi, et le manque de foi vient d’un manque de l’autorité qui enseigne, qui condamne les erreurs et qui oblige à la vérité, qui oblige à professer ouvertement la loi de Dieu, à demeurer dans la discipline. Là, nous avons un point d’attache, d’ancrage, à notre Contre-Réforme beaucoup plus solide : qu’on dise la foi, qu’on affirme cette foi au point de condamner ceux qui sont dans l’erreur, que cela soit tel que ceux qui sont dans l’erreur quittent et cessent de faire du mal aux autres.

C’est à partir de cette foi et du culte qui en résulte que les âmes se retrouveront le regard tourné vers Dieu, à moins d’orgueil et de révolte qui les conduiront à s’exclure de l’Église, mais c’est de tous les temps, et c’est le devoir des pasteurs de mettre les loups ravageurs hors d’état de nuire. C’est à partir de la foi et du culte de Dieu que toutes les autres vertus doivent venir, c’est trop évident !

Et donc, notre bon saint Joseph que nous honorons aujourd’hui, il ne faut pas le prendre tout simplement pour un homme chaste, un homme de bonne vertu qui, à l’heure actuelle, du haut du Ciel, demanderait au Bon Dieu de convertir les hommes et de leur donner toutes sortes de bonnes vertus. Saint Joseph est un juste qui avait les yeux fixés sur Dieu, qui pratiquait la Loi de Dieu, c’est-à-dire qui croyait d’abord ! Saint Joseph, patron et père de l’Église, veut pour l’Église d’abord cette justesse de la foi. Cela n’est pas impossible ! Pour cela, il suffit que ceux qui ont le pouvoir, l’autorité dans l’Église, fassent leur devoir pour que cela revienne. Ensuite, cela améliorera les cœurs et, de proche en proche, on peut espérer que ce sera un renouvellement des âmes et une renaissance des vertus.

De la même manière, dans l’être individuel, examinons le cas du moine, de la moniale ou du simple fidèle qui est dans les tentations de la chair, comme cela peut et doit arriver quelquefois dans la vie, car c’est une des trois tentations que le Christ lui-même a voulu éprouver. Dans cette tourmente, dans cette tempête, il peut bien se raccrocher à saint Joseph, mais il ne faut pas qu’il lui demande directement d’être sauvé de sa tentation, car souvent cette tentation est une mise à l’épreuve de l’âme ; et l’âme orgueilleuse, l’âme rebelle, l’âme indisciplinée, l’âme capricieuse, l’âme indépendante, l’âme présomptueuse, c’est-à-dire cette âme qui, perpétuellement, est sur le bord du gouffre, quand il lui arrive de tomber, elle ne demande pas à saint Joseph de la corriger de son orgueil, ni de sa présomption, ni de son indiscipline, ni de ses imprudences, elle lui demande de mettre ses mains sous ses pieds afin que, tombant dans l’abîme, elle ne se fasse pas de mal, elle n’aille pas jusqu’au fond. Le Ciel reste sourd à cette prière !

Je viens de lire un texte – je ne le sais plus par cœur –, c’est une citation de Bossuet disant qu’on a beau prier Dieu de nous sauver d’un mal, Dieu ne nous exauce pas si ce mal est dû à des causes que nous ne voulons pas guérir. Nous allons voir bientôt, dans un mois ou deux, ce spectacle ridicule de gens qui sont démocrates, c’est-à-dire impies dans toute leur vie sociale, et qui vont faire des neuvaines afin d’avoir de bonnes élections, parce qu’ils ne veulent pas quitter ce système des élections qui flatte leur orgueil ! Vous voudriez que Dieu réponde à leurs prières ?! Dieu répondant à leurs prières ne ferait que les enfoncer davantage encore dans leur vice majeur.

En ce sens-là, les péchés d’impureté, les chutes dans cette continence qui est la grande loi du chrétien, qu’il soit religieux, qu’il soit marié, qu’il soit célibataire dans le monde, cette grande et difficile loi du sacrifice de son corps par fidélité à Dieu, par fidélité à l’union spirituelle de notre âme avec Dieu, cette difficile loi n’est jamais violée que par des êtres qui d’abord ont détourné leurs yeux de Dieu, qui d’abord dans leur esprit se sont laissés aller à quelque vice ou désordre foncier. Si Dieu permet à ce moment-là les chutes si humiliantes que sont les manquements à la chasteté, les manquements à la tempérance d’une manière générale, c’est parce que ces chutes ne sont qu’un avertissement à l’âme d’avoir à se corriger de ces fautes vraiment fondamentales.

Donc, si nous avons une prière à faire dans quelque difficulté à saint Joseph, cette prière, c’est d’abord de nous inspirer la foi, de nous inspirer le respect de la loi de Dieu, et je dis que la loi de Dieu, c’est l’ensemble du mystère révélé. C’est lorsque notre âme se sera retournée vers Dieu avec humilité et soumission à sa parole, c’est à ce moment-là que le reste s’ensuivra, pas du tout par miracle, mais parce que l’âme ayant retrouvé sa transparence, sa loyauté, son union à Dieu, son amour de Dieu, le reste lui sera donné par surcroît.

Voilà une bien importante leçon ! Encore une fois, elle vaut pour l’âme individuelle, pour chacune de nos personnes exposées d’abord aux vices spirituels, ces vices spirituels qui, contrairement à ce qu’on peut croire, se nourrissent eux-mêmes de leur propre orgueil. L’orgueilleux se nourrit de son orgueil, il est fier de son orgueil. L’imprudent se nourrit de son imprudence et, dans la mesure où elle lui réussit, elle augmente sa forfanterie et sa présomption. C’est ainsi que les vices spirituels ne sont pas guérissables, sinon par ce choc brutal de la chute sensuelle, de la chute charnelle, parce que ces vices charnels portent avec eux, non pas la gloire, mais la honte. C’est bien l’histoire des âmes pécheresses, c’est bien l’histoire de l’Église dans chacune de ses décadences. Ce que l’on voit clairement, ce que l’on souligne parce que c’est honteux à n’en pas douter pour tout le monde, ce sont les dépravations de l’immoralité. Ce que l’on est porté à taire, parce qu’on ne veut pas accepter que ce soit un désordre, et donc on est complice de son propre mal, ce sont les déviations et les désordres de l’esprit.

Faisons de saint Joseph, non pas le réparateur de nos fautes, de nos lâchetés charnelles, mais d’abord le miroir de Dieu, le miroir de la vérité divine ; ayons pour saint Joseph non pas simplement une confiance d’enfant pour son père adoptif, son père très tendre, mais une confiance de disciple pour son maître. Il est impossible que saint Joseph n’ait pas été, à l’image de Notre-Seigneur, d’abord un être de vérité, et ensuite de bonté, et ensuite de pureté.

Voilà pourquoi il me semble devoir insister sur le fait que tout désordre vient de l’esprit et se termine dans la chair, plutôt que de croire – ce qui serait très pernicieux parce que désespérant – que, soit pour l’individu en difficulté, soit pour l’Église aujourd’hui, ce sont ces fautes de sensualité dont l’homme n’arrive pas à se retirer, sinon par quelque miracle de Dieu, qui sont cause du manque de piété, du manque de foi. On dit : « Le monde moderne étant ce qu’il est, comment voulez-vous qu’il y ait encore des séminaristes ? Comment voulez-vous qu’il y ait encore des religieuses contemplatives et des missionnaires, quand les gens sont engoncés dans une civilisation si matérialisée, si confortable, si sensuelle ? Comment voulez-vous que dans ce monde-là se détachent des âmes généreuses ? » C’est évident ! Une telle réflexion n’est que trop vraie, mais elle est profondément désespérante, parce qu’elle veut dire que ce cloaque est un fait auquel nous ne pouvons rien et que de ce cloaque ne peut rien sortir de bon. Il faut avoir le courage de dire : « Ce cloaque vient de la lâcheté de ceux qui nous gouvernent ! Cette lâcheté de ceux qui nous gouvernent vient de ce qu’ils n’ont pas la foi ou qu’ils ne prêchent plus la foi ! »

Prenons les choses par leur commencement, refaisons des êtres de foi et, pour nous-mêmes en difficulté, commençons par nous remettre dans notre foi, avec l’humilité de la foi, la docilité de la foi, et tout le reste nous sera donné par surcroît. Prêchons la foi et, dans ce cloaque d’iniquité d’un monde encore plus païen que le monde païen d’autrefois, nous aurons de nouveau des vocations et des vocations héroïques, parce que là où est l’amour de Dieu, là où est l’union à Dieu, tout est possible.

Voilà ce que, au soir de la fête de saint Joseph, patron de notre Maison, je jugeais utile de mettre dans vos pensées. Pendant le salut du Saint-­Sacrement, que nous ayons la pensée de Nazareth, que nous admirions puissamment saint Joseph, la Vierge Marie et l’Enfant-Jésus, que nous voyions d’abord là où sont leurs vraies vertus, leurs vertus infinies, leurs vertus essentielles ; ces vertus sont la foi – je n’ose dire la foi pour l’Enfant-Jésus – mais le culte de la vérité de Dieu, la fidélité à la vérité de Dieu, dans leurs âmes, dans leurs esprits, et de là dans leurs cœurs, dans leurs sentiments, dans leur affectivité ; de là, toutes leurs vertus, spirituelles et corporelles, qui nous servent de modèle.

Soyons à la ressemblance de cette très sainte Famille et que chacun d’entre nous ressemble à la Sainte Vierge, à saint Joseph, à l’Enfant-Jésus, pour autant qu’il lui est possible !

Abbé Georges de Nantes
sermon du 19 mars 1981