Il est ressuscité !
N° 225 – Octobre 2021
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Mysterium Fidei
«NOUS tenons l’Antique Messe latine pour la parfaite expression liturgique du dogme catholique. Nous croyons que ce Saint-Sacrifice est le grand labeur du Seigneur Jésus, auquel est suspendu le salut du monde. Et nous disons : Non, rien n’a plus d’importance que la Sainte Messe. De son maintien dépend notre vie éternelle. » (CRC no 33, juin 1970, p. 14) Pas un mot à changer ! en 2021 !
« Nous croyons que notre salut personnel, la vie et la fécondité missionnaire de l’Église, et même l’avenir temporel du monde dépendent d’abord du maintien du Saint-Sacrifice de la Messe. Ce sacrement est l’objet d’assauts furieux tant dans sa définition dogmatique que dans sa célébration liturgique. Il est impossible de ne pas voir que le bouleversement des rites, au rebours de toute restauration ou de tout enrichissement paisible des formes du culte, que la préparation d’une réforme liturgique sous le pape Pie XII annonçait, a pour intention et pour résultat de détruire la foi au Saint-Sacrifice et d’abolir le vrai Culte divin. » (ibid.)
À vrai dire, Paul VI n’a pas explicitement, fermement, légitimement ni canoniquement abrogé la coutume millénaire ni les solennelles prescriptions et concessions perpétuelles promulguées par saint Pie V. Notre Messe demeure intangible. Paul VI a donné à l’Église un Nouvel Ordo Missæ dont il a voulu la publication et souhaité le succès. C’est tout.
Sans nier que l’ancienne Messe était bonne, Paul VI pensait que la Nouvelle était tellement meilleure qu’elle serait reçue de tous et mettrait fin aux “ expériences ” des novateurs et consolerait vite les “ nostalgiques ” de la Contre-Réforme tridentine.
Il espérait aussi rallier les “ frères séparés ” au rit nouveau, en particulier les six “ observateurs ” protestants attentifs à encourager tout ce qui contribuait à mettre en lumière et à favoriser le mouvement œcuménique. À cet effet, on avait grand soin de ne pas donner trop de relief à la nouveauté, et d’insinuer plutôt que de déclarer clairement la nouvelle définition et le nouvel esprit de ce qu’on nommerait désormais “ la Cène eucharistique ”. Une parabole souvent reprise par notre Père, l’abbé de Nantes, à propos de bien d’autres réformes, fait comprendre la manœuvre : le train catholique avait franchi un important aiguillage en 1517, fermant délibérément la voie du luthéranisme et de sa “ Sainte Cène ”, poursuivant sa marche sur la voie de la Tradition apostolique du Saint-Sacrifice de la Messe. Voilà que la seconde “ Réforme ”, sous de multiples influences et pour des raisons avouées ou dissimulées, fait marche arrière et recule en deçà de l’aiguillage.
Dans cette position de recul, le train est encore sur la voie catholique, mais il est aussi bien sur la voie luthérienne. Dès lors, comment ne pas soupçonner l’aiguilleur de n’avoir ramené le train au kilomètre 1517 que pour le lancer sur une autre voie que celle de la Contre-Réforme, sur la voie de la Réforme luthérienne ?
Le motu proprio Summorum Pontificum donné à Rome le 7 juillet 2007 par le pape Benoît XVI, entré en vigueur le 14 septembre, réhabilitait, restaurait l’antique liturgie romaine, après trente-huit ans de proscription ! Article 1 :
« Il est donc permis de célébrer le sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé. »
On peut dire de cette autorisation ce que l’abbé de Nantes écrivait déjà de l’Indult pour l’utilisation du Missel romain de 1962, publié par la Sacrée Congrégation pour le Culte divin en 1984 : elle constitue « un total démenti à quinze ans d’explications et de justifications du bannissement démentiel de l’antique messe romaine par Rome même. Toutes les paraliturgies, toutes les messes réformées, jusqu’aux plus abracadabrantes, jusqu’aux plus scandaleuses, et je n’hésite pas à dire : jusqu’aux plus blasphématoires, et tout simplement aux plus vulgaires, j’entends par là : communes, laides, tiédasses, insignifiantes ; jusqu’aux messes formellement invalides – car il y en eut, de notoriété publique, et il y en a certainement encore –, toutes étaient officiellement permises, ou du moins tolérées sans que jamais leurs auteurs en aient été sanctionnés ni même barrés ou ralentis dans leur course aux honneurs et aux prébendes. Toutes ces messes, ou ces simulacres sacrilèges, allaient dans le sens de la réforme pontificale et conciliaire, s’accordaient avec la doctrine, le culte, la religion réformée de Vatican II.
« La seule liturgie interdite, qui valait à ses sectateurs ( !), à ses fidèles, dénonciations hargneuses, mises en retraite, retrait des pouvoirs de juridiction et parfois même du pouvoir d’ordre, était cette messe dite “ de saint Pie V ”, ou “ de rit tridentin ”, laquelle remonte en sa forme quasi immuable à mille ans et plus avant ce saint Pape et avant ce saint concile de Trente dont on laisse croire qu’elle fut de leur invention. Cette liturgie-là ne cadrait pas avec la Réforme conciliaire ; y être attaché constituait un aveu suffisant d’irrédentisme, de désobéissance au Pape, de rébellion contre l’Église, bref ! de mauvais esprit, voisin du schisme et de l’hérésie les pires sans doute, au moment où Rome réhabilitait tous les autres.
« Tout était permis à qui changeait, qui bouleversait l’atmosphère, l’esprit, la religion du Saint-Sacrifice de la messe, en même temps que ses paroles et que ses rites. Mais dans cette révolution permanente et cette réforme universelle, il était interdit, pour garder l’atmosphère, l’esprit, la religion de jadis, de tenir fermement aux prières et aux rites de l’antique liturgie romaine, de la Messe traditionnelle. Et on nous serinait, ce qui nous était par trop évident, qu’être pour l’ancienne messe, c’était être contre la nouvelle religion, contre l’Église conciliaire et donc contre l’ “ Esprit ” qui y souffle en tempête.
« La Messe de toujours, c’était bien établi, portait le chapeau de la désobéissance et rendait commode la chasse aux suspects puis leur proscription : Quelle messe dit-il ? – Eh bien, qu’avons-nous encore besoin de témoins ! Il mérite la mort... » (“ Rome revient ”, CRC no 205, nov. 1984, p. 4)
L’abbé de Nantes comparait cet indult de 1984 à la « déstalinisation des années 60 à Moscou », et Jean-Paul II au tyran qui y régnait : « Quand un autre Père des peuples, Khrouchtchev, “ en signe du souci qu’il avait de tous ses enfants ”, concédait à tous les bannis la liberté que, d’ailleurs, leur reconnaissait la Constitution de l’Urss intangible et sacrée. Ceux qui y crurent et pour en jouir firent mille actes d’allégeance au régime (la lettre des tradis ! au pape François) et toutes les autocritiques, confessions et rétractations désirées, se heurtèrent ensuite à tant de barrages et de pièges dressés par l’administration moscoutaire qu’ils se trouvèrent enfin ramenés au goulag, ou contraints à la clandestinité, à l’exil ou à la mort. »
Poursuivant sa comparaison, l’abbé de Nantes prévenait alors qu’il avait fort bien compris la « manœuvre duplice ». Elle consistait, de la part du pape Jean-Paul II, à « attirer à lui tous les innocents qui résistaient encore à son charme pour l’amour de la Tradition et par fidélité à la vraie religion. Leur octroyer la Messe qu’ils aiment, en latin, en grégorien, à condition qu’ils nous tournent le dos et adhèrent à la Réforme hérétique, schismatique et apostate de Vatican II. La Messe vaut bien une apostasie, un ralliement ! Ainsi serons-nous théologiens sans audience (le complot du silence !), prêtres sans ministère, opposants sans voix [...].
« La manœuvre oblique doit aboutir sans aucune condamnation doctrinale (impossible !) et par conséquent sans nulle sentence canonique, à notre excommunication de fait, en séparant de nous les derniers fidèles de la Messe et donc de la religion de toujours, par de spécieuses promesses de liberté. »
En un quart de siècle, nous avons vu s’accomplir à la lettre la prévision de l’abbé de Nantes : le pontificat de Jean-Paul II a laminé le traditionalisme.
D’un tout autre esprit était le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI du 7 juillet 2007 qui semblait répondre aux vœux de l’abbé de Nantes. Celui-ci n’était plus en état de réagir (trois ans avant son dies natalis).
BON GRÉ, MAL GRÉ, ROME REVIENT
Sous ce titre, celui-ci écrivait en effet en 1984 :
« Imaginez maintenant que l’Indult ait été rédigé tranquillement par Mgr Mayer [alors pro-préfet de la Sacrée Congrégation pour le Culte divin], en toute sainteté et bienveillance. Il se serait gardé d’interjeter entre la libéralité du Saint-Père et son application toutes ces conditions restrictives (que nous lisons dans Traditionis Custodes de François), et encore moins d’en livrer l’exécution à l’arbitraire épiscopal. Il y a dans ce texte un remugle de basse police, de vengeance et de guerre civile. » Que nous retrouvons aujourd’hui dans Traditionis custodes, de François.
Rien de tel dans le motu proprio de Benoît XVI que le pape François vient d’abolir. Fidèle à son dessein de faire prévaloir une « herméneutique de la continuité », Benoît XVI décidait ce qui suit :
« Art. 1 : Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la lex orandi de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par Pie V et réédité par Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la lex orandi de l’Église n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain. »
Abolissant donc toute disposition contraire, même prise par son prédécesseur, Benoît XVI décide :
« Art. 2 : Aux Messes célébrées sans peuple, tout prêtre catholique de rite latin, qu’il soit séculier ou religieux, peut utiliser le Missel romain publié en 1962 par Jean XXIII ou le Missel romain promulgué en 1970 par Paul VI, et cela quel que soit le jour, sauf le Triduum sacré. Pour célébrer ainsi selon l’un ou l’autre missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son Ordinaire. »
Et avec peuple ? Aussi ! (Art. 4).
La seule exigence est d’éviter la discorde et de favoriser l’unité de toute l’Église (Art. 5 § 1).
Et si le curé ne veut pas ? En appeler à l’évêque ! Et si l’évêque ne veut ou ne peut pas ? En appeler à la Commission pontificale Ecclesia Dei (Art. 7-8).
L’abbé de Nantes souhaitait alors que tout fidèle puisse demander, « sans qu’on lui doive opposer aucun refus qui ne soit nécessité par de justes et sérieux motifs, la célébration de messes selon le rit romain ancien en particulier pour les grands événements de la vie familiale, tels que mariages, baptêmes, communions solennelles, funérailles... »
Benoît XVI y consent (Art. 5 § 3).
Bien plus : « Le curé, tout bien considéré, peut concéder l’utilisation du rituel ancien pour l’administration des sacrements du baptême, du mariage, de la pénitence et de l’onction des malades, s’il juge que le bien des âmes le réclame. » (Art. 9 § 1)
« Quant aux évêques, ils peuvent célébrer le sacrement de la confirmation en utilisant le Pontifical romain ancien, s’ils jugent que le bien des âmes le réclame. »
Enfin, « tout clerc dans les ordres sacrés a le droit d’utiliser aussi le Bréviaire romain promulgué par Jean XXIII en 1962 ».
C’est précisément ce que réclamait l’abbé de Nantes en 1984, et nous pouvons dire aujourd’hui que si François avait confirmé et non pas aboli le motu proprio de Benoît, on aurait su « alors que l’Église romaine se souvenait de sa “ catholicité ” et renonçait au sectarisme des réformateurs. Et même si les disputes ou divergences dogmatiques n’en auraient pas été abolies, du moins la charité aurait de nouveau brillé de Rome sur tout l’univers... »
C’est pourquoi j’écrivais : « Benoît XVI régnant et le Cœur Immaculé de Marie aidant, il semble que la charité recommence à brûler en effet dans l’Église catholique romaine. Sinon, à qui irions-nous ? Souhaitons aussi que les difficultés éprouvées par certains à accepter ce motu proprio démontrent à Benoît XVI que “ deux religions s’affrontent dans l’unique Église du Christ ” depuis Vatican II, parce que certaines affirmations sont incontestablement en rupture avec “ la doctrine antérieure de l’Église ” ». Et j’ajoutais :
« Une nouvelle preuve vient d’en être fournie, à son corps défendant, par le Saint-Siège. »
CATHOLIQUE.
En effet, trois jours après le motu proprio du pape Benoît XVI, du samedi 7 juillet 2007, la Congrégation pour la doctrine de la foi éprouve le besoin d’affirmer sans équivoque que l’Église catholique, « gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui », est « l’unique Église du Christ, que nous confessons dans le symbole : une, sainte, catholique et apostolique ».
Elle le fait en réponse aux « erreurs et ambiguïtés » qui ont caractérisé « la réflexion théologique » depuis le concile Vatican II. En cinq questions-réponses, comme au catéchisme...
« Première question : Le concile œcuménique Vatican II a-t-il changé la doctrine antérieure sur l’Église ? »
« Réponse » : Non ! Alors, pourquoi ne pas dire tout simplement que l’Église du Christ est l’Église catholique, au lieu de « subsiste dans » comme le dit la “ Constitution dogmatique ” Lumen gentium ( no 8) ? Parce que les « Églises et communautés séparées, bien que nous les croyions victimes de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d’elles comme de moyens de salut dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique. »
Dans ce cas, il est à craindre que cette « réponse » ne laisse subsister... « erreurs et ambiguïtés » dans la mesure où elle semble encore signifier en premier lieu que l’Esprit du Christ rassemble une communauté plus vaste que la communauté catholique, que Dieu seul connaît, et qu’il tient pour sienne (Pape François !). Précisément ce que le pape François proclame aujourd’hui.
En outre, elle laisse entendre que les communautés schismatiques, hérétiques ou excommuniées sont encore des moyens de salut, à cause des richesses chrétiennes conservées, nonobstant leur vice fondamental qui les oppose à l’Église de Jésus-Christ.
Or, Benoît XVI sait pertinemment que ces deux conséquences sont évidemment contraires à « la doctrine antérieure sur l’Église », selon laquelle « Jésus n’a voulu et n’a fondé qu’une Église, sur un seul Roc, visible, repérable à tous, inébranlable, qui est Pierre, et cette Église est incontestablement l’Église romaine dont le Pape est le chef. Elle est Une, Sainte, Catholique, Apostolique. Elle seule. Tous ceux qui ont décidé de la quitter, individuellement ou en groupe, se sont séparés de l’Unité, mais l’Unité subsiste sans eux. » (Georges de Nantes, L’œcuménisme catholique, schéma préparatoire au concile Vatican III, CRC no 57, p. 12) Benoît XVI le sait, oui ! Il le sait très bien, puisqu’il écrivait en 1996, alors qu’il n’était encore que le cardinal Ratzinger, Préfet de la sacro-sainte Congrégation pour (la défense et l’illustration de) la doctrine de la foi :
« Nous assistons manifestement aujourd’hui à un profond changement de paradigme (pour employer cette expression à la mode). Un abîme coupe l’histoire de l’Église en deux mondes inconciliables : le monde préconciliaire et le monde postconciliaire. »
« La suite n’ôte rien à la gravité de ce mot, énorme ! d’ incompatibilité. Ainsi, poursuit notre Père, “ pour beaucoup, il ne saurait y avoir de verdict plus sévère que de s’estimer fondé à qualifier une décision de l’Église, une ordonnance liturgique ou une personne de ‘ préconciliaire ’. La chrétienté catholique se serait donc trouvée dans un état proprement effrayant avant 1965 ? ” Mais déjà, lui-même se retire du jeu... Il ne répond pas à la question :
« Comme plus bas, même page, il évoque “ la propre connaissance et la propre expérience liturgique de Pie X ”, mais pour se permettre, croit-il, d’écrire sans trop de risque : “ En Allemagne, Pie X n’est guère considéré aujourd’hui que comme un pape antimoderniste ”, et déjà à Rome, au Saint-Office, “ Pie X ” a perdu son auréole et son titre de saint ! C’est dans “ Un chant nouveau pour le Seigneur ”. Sous-titré : “ La foi dans le Christ et la liturgie aujourd’hui ” (Desclée-Mame, 1996, p. 173-174).
Il dévoile donc toute sa pensée. Qui décide notre Père à le débusquer !
« Ma qualité d’exclu me permet de penser, parler, écrire, dans ma réclusion apparemment perpétuelle, tout ce que je veux sans faux-fuyants (en 1996 !). Eh bien, le cardinal pense exactement ce qu’il dit, mais dans une dialectique que le lecteur n’imagine pas. Voici mon herméneutique de ses précieuses paroles : il y a incompatibilité entre la pensée chrétienne des années 1900 -1914, la pensée de Pie X particulièrement, et la pensée actuelle du cardinal et de ses amis qui, de fait, se veulent et sont en vérité modernistes. Mais cette incompatibilité est intéressante, suggestive, édifiante, si on montre la continuité de la tradition vivante où apparaît l’identité profonde de la “ vie ” : la pensée de Pie X répondait aux aspirations et exigences du début du siècle comme la pensée du cardinal Ratzinger répond à celles de notre fin du siècle en voie de renaissance pour le siècle suivant (pour l’an 2000). Alors, sommes-nous satisfaits ? Lui ne l’est tout à fait qu’à condition de tirer la conséquence cachée dans les prémisses : le catholicisme antimoderniste de saint Pie X est rigoureusement impossible à supporter aujourd’hui. Incompatible avec l’esprit moderne, il doit être détruit et ses tenants réduits à l’impuissance. » (Autodafé, p. 12-13)
Eh bien !
Le motu proprio Traditionis Custodes du pape François dissipe toute ambiguïté, il s’inscrit clairement dans cette “ tradition ”... révolutionnaire :
« Article 1. Les livres liturgiques promulgués par les saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du concile Vatican II, sont l’expression unique de la lex orandi (la “ loi de la prière ”) du Rite Romain. »
Une lettre du pape François à ses « frères dans l’Épiscopat » leur donne des explications : « J’ai chargé la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de faire circuler un questionnaire aux évêques concernant l’application du motu proprio Summorum Pontificum (de Benoît XVI). Les réponses révèlent une situation qui me préoccupe et m’attriste, et me persuade de la nécessité d’intervenir. Malheureusement, l’objectif pastoral de mes Prédécesseurs, qui avaient voulu “ faire tout ce qui était possible pour que tous ceux qui possédaient vraiment le désir de l’unité trouvent la possibilité de rester dans cette unité ou de la redécouvrir à nouveau ”, a souvent été gravement négligé. L’occasion offerte par saint (sic) Jean-Paul II et, avec encore plus de magnanimité, par Benoît XVI, destinée à retrouver l’unité d’un corps ecclésial aux sensibilités liturgiques diverses, a été exploitée pour élargir les fossés, renforcer les divergences et encourager les désaccords qui blessent l’Église, bloquent son chemin et l’exposent au péril de la division.
« En même temps, je suis attristé par les abus commis de toutes parts dans la célébration de la liturgie. À l’instar de Benoît XVI, je déplore le fait qu’ “ en de nombreux endroits, les prescriptions du nouveau Missel ne sont pas respectées dans la célébration, mais en viennent à être interprétées comme une autorisation, voire une exigence de créativité, ce qui conduit à des distorsions presque insupportables ”. Mais je suis néanmoins attristé par le fait que l’utilisation instrumentale du Missale Romanum de 1962 est souvent caractérisée par un rejet non seulement de la réforme liturgique, mais du concile Vatican II lui-même, en affirmant, avec des affirmations non fondées et non soutenables (pourtant soutenues par trois “ livres d’accusation ” laissés sans réponses), qu’il a trahi la Tradition et la “ vraie Église ”. »
UNAM SANCTAM
« Je suis fils de l’Église, écrivait l’abbé de Nantes en éditorial dès le mois de juillet 1970 (CRC no 34).
« De l’Église Une Sainte Catholique Apostolique. Fils de l’Église Romaine. Toute autre appellation porte ombrage à la liberté chrétienne et brise la charité catholique. Prisonnier du Christ Fils de Dieu, je veux l’être mais non l’esclave des hommes et de leurs sectes. Église postconciliaire, Église des pauvres, Église du miracle, Église des catacombes, Église souterraine, Église réformée, Église fidèle, Église nouvelle, connais pas ! Tous ces particularismes meurtrissent le Christ qui n’est pas divisé. Il faut renverser les barrières, abattre ces murailles pour que subsistent seules les fermes, les inviolables limites de l’Unique Sainte Église catholique romaine.
« Jésus eut pitié de la foule des pauvres d’Israël qu’opprimaient les sectes. Il venait les délivrer de l’emprise insupportable des théologiens laïcs du temps, les Pharisiens, comme de celle des prêtres licencieux dont il ne critiquait pas les fonctions mais la conduite, les Sadducéens. Et chose digne de mémoire, il voulut ignorer les Esséniens, ces Purs d’entre les purs qui avaient rompu avec la hiérarchie, abandonné la liturgie du Temple, fait scission d’avec le commun du peuple pour subsister comme seule communauté messianique et sauver la vraie religion, avec des visions, dans le désert de Juda, sur les bords de la mer Morte. Lui, Jésus, était déjà et pour toujours l’Unique Bon Pasteur.
« Enfant de Dieu, fils de l’Église, j’ai refusé de tomber dans l’esclavage des hommes et l’emprisonnement des sectes en deux circonstances mémorables, contribuant ainsi à défendre la liberté chrétienne et à sauver la charité catholique. Les deux événements datent de la même semaine de juillet 1969. Ils méritent d’être racontés car ils illustrent et définissent la ligne de crête possible et sûre de notre Contre-Réforme Catholique.
« I. L’ULTIMATUM DU PARTI CONCILIAIRE.
« Le 7 Juillet 1969, m’était envoyé par le cardinal Seper, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, l’ultimatum d’avoir à me soumettre dans les trois jours au Pape et aux évêques dans une obéissance inconditionnelle et un respect sans limites. Je devais accepter leur Réforme, conciliaire et postconciliaire. Je rétracterais toute critique, en particulier l’accusation d’hérésie formulée contre le Pape et la suggestion que j’avais faite de sa déposition par qui de droit. Il fallait répondre par oui ou par non. C’était subir le joug de Vatican II, l’arbitraire de Paul VI et celui de l’épiscopat français, toutes choses qui n’ont rien à voir avec l’Évangile ni avec les Traditions apostoliques. Je répondis non, le 16 juillet, dans une Profession de foi parfaitement claire et complète, que personne ne releva ni n’osa publier dans la presse officielle (relire CRC nos 23-24-25). Elle demeure pour l’avenir un témoignage de la foi de l’Église croyante face à l’hérésie des hommes de l’Église enseignante. C’est le refus motivé de cette calamiteuse “ Réforme permanente ” décrétée par le Concile et devenue le Pacte de la Secte qui assume aujourd’hui tout le Pouvoir hiérarchique dans l’Église.
« Ainsi se terminait le Procès qui m’était fait sur ma propre demande, en appel des menaces d’excommunication fulminées contre moi par l’évêque de Troyes. Il fallait savoir si nous avions encore droit au titre de Catholiques, nous qui refusions de toutes nos forces, de tout notre cœur et de tout notre esprit “ l’évolution conciliaire ”. Rome prétendait m’y contraindre arbitrairement. Je refusai. Eh ! bien, malgré qu’on en ait, et le Pape Lui-même, je n’ai pas été condamné. Le fait est là, indiscutable. Je rejette la nouvelle religion, je refuse l’Aggiornamento comme inspiré par le diable, et je n’en reste pas moins fils de l’Église à part entière. La tyrannie des Réformateurs est mise en échec.
« Cependant, le 9 août, une Notification du Saint-Office approuvée par le Pape annonçait Urbi et orbi ma “ disqualification ”. Là où le Magistère Apostolique n’avait rien pu trouver à condamner, ni erreur dans la foi ni rébellion contre la discipline, l’arbitraire d’un Magistère illégal me diffamait, m’accusant avec mensonge de refus catégorique de soumission et d’erreurs indéterminées concernant “ le Concile, l’aggiornamento de l’Église, l’épiscopat de sa nation, les ‘ hérésies ‘ de Paul VI et l’appel adressé au clergé romain en vue de sa déposition canonique ”. On en appelait à l’Opinion publique, faute de pouvoir en appeler à l’Autorité de Dieu et des Saints Apôtres Pierre et Paul.
« Il est donc certain que la Contre-Réforme n’a rien de criminel au regard de l’Église Sainte. C’est une doctrine et une action qui ne sont pas condamnées et, soit dit en passant, dont on ne voit pas comment le Magistère pourrait les condamner sans se condamner lui-même. Mais il est tout aussi certain que la Contre-Réforme est abhorrée par les Réformateurs, Pape, Évêques et prêtres qui la donnent comme injurieuse à leurs personnes et contraire à leurs inspirations prophétiques ou à leurs projets de sauvetage de l’Église. Et de soulever contre nous le populaire...
« C’est ce que Nos Seigneurs les Évêques objectent aujourd’hui à nos amis venus les informer de la fondation de Cercles de Contre-Réforme dans leurs diocèses. Ainsi Mgr Mouisset le 12 juin, en première page des Nouvelles de Nice :
« À propos de la “ Contre-Réforme Catholique ” et de l’abbé Georges de Nantes.
« “ Plusieurs prêtres et fidèles du diocèse ont reçu une lettre circulaire de l’abbé Georges de Nantes se félicitant de la création à Nice d’un Cercle diocésain de la Contre-Réforme catholique. La lettre précise, et c’est vrai, qu’une délégation de membres représentatifs de ce Cercle m’a rendu visite, que je l’ai reçue personnellement et qu’elle m’en a déclaré l’existence et les intentions. ”
« “ Ce que la lettre ne précise pas, c’est ma réponse à cette délégation. Je l’ai mise en garde contre le danger qu’elle court à suivre l’abbé Georges de Nantes, qui est ‘ suspens a divinis ‘ dans son diocèse de Troyes et qui, à ma connaissance (Documentation Catholique no 1548 du 5 octobre 1969) a refusé de signer la formule de rétractation qui lui avait été demandée par la Sacrée Congrégation de la Foi (ex-Saint Office). Je n’ai, pour le moment, aucune raison de condamner le Cercle que veulent fonder quelques chrétiens du diocèse, mais je jugerai, du point de vue de la foi, ses activités. Nice, le 2 juin 1970. Jean Mouisset, évêque de Nice. »
« Si Mgr Mouisset juge le Cercle du point de vue de la foi, fort bien. Il n’aura pas à s’en plaindre et nous le félicitons d’exercer sur ses diocésains son Magistère ordinaire. Mais pourra-t-il s’empêcher de le juger et de le condamner du point de vue du Pacte Réformateur de Vatican II ?
« Quant à Mgr Pirolley, évêque de Nancy, il vitupère nos amis. Publiant la déclaration du Conseil Permanent de l’Épiscopat, il conclut : “ Je souhaite que les quelques fidèles, abusés, sollicités, tentés par les apprentis-fondateurs de Contre-Église – sous prétexte de Contre-Réforme – entendent les avertissements que leur donne ce texte. Et n’hésitent plus à se ressaisir ” (Notre Église, 28 juin). Ainsi des évêques de Dijon, Reims, Valence, etc.
« Eh bien, non ! En toute vérité comme en toute justice, Contre-Réforme n’est pas Contre-Église : Nous pouvons être d’Église en toute tranquillité de conscience, nous qui sommes de Contre-Réforme, et même en démontrant chaque jour que c’est la Réforme de l’Église qui est contre l’Église !
« Pour nous, prisonniers du Christ mais libres de tout esclavage humain, nous demeurons dans l’Église, opprimés, vexés, calomniés sans doute, mais notre essentiel est sauf. Nous n’avons qu’à prier Dieu d’abréger notre épreuve, en l’acceptant avec patience, selon Sa Sainte Volonté.
« II. L’APPEL DE LA DISSIDENCE.
« Le 21 juillet, dans la même semaine où j’envoyais ma Profession de foi à Rome, un groupe de prêtres survint le soir à la maison Saint-Joseph. Ils venaient me solliciter d’entrer en dissidence avec eux. D’une part ils affirmaient avec raideur la déchéance du Pape et des Évêques, pour hérésie notoire et formelle, ipso facto. Il n’y avait plus d’Église officielle. D’autre part ils invoquaient le besoin des âmes, la détresse spirituelle des fidèles ne trouvant plus nulle part de vrai prêtre pour les baptiser, marier et confesser. Je devais consentir à exercer comme eux un ministère sacerdotal sans juridiction canonique, et clandestin...
« J’ai dit non. Avec la même assurance que j’avais dit non à l’ultimatum de Paul VI. C’était là, venu d’un autre côté, encore un outrage à l’Esprit-Saint, un désordre dans la foi, un péché contre la charité catholique. Ils prétendaient l’Église romaine hiérarchique, abandonnée par Dieu. Ils voyaient l’Église fidèle réduite à de rares îlots subsistant au milieu d’un monde apostat. En eux l’esprit de secte reparaissait comme dans leurs homologues et adversaires, réformateurs. Je leur opposais à eux aussi l’Église Une et Sainte, indéfectible. Ils en riaient avec mépris. Nous nous quittâmes fâchés. Un seul d’entre eux, de retour au Mexique, ayant rendu compte de cette conférence à sa communauté sacerdotale, m’écrivit sur son ordre une admirable lettre de rétractation, m’affirmant sa détestation du schisme et sa pleine communion avec notre foi en l’indéfectible Église romaine.
« Qu’il est donc difficile de rester catholique tout simplement, sans hérésie ni schisme, sans isolement sectaire, à l’heure de cette Réforme ! Et je prévoyais que, révoltés pour nos évêques et pour Rome, nous paraîtrions bientôt des ralliés et des traîtres à ceux dont nous aurions fait échouer la dissidence. Cela n’a pas tardé...
« La question cruciale du Nouvel Ordo Missæ allait être pour ce lobby schismatique l’occasion de se manifester et d’entraîner à la révolte les fidèles écœurés par la très mauvaise et très suspecte invention de nos Réformateurs. La secrète passion du schisme clandestin devait empoisonner dès le premier jour un débat difficile et pousser les prêtres et les fidèles aux partis extrêmes, les uns à la révolte totale, les autres à la plus aveugle soumission.
« Ceux qui déjà avaient prononcé secrètement la déchéance de Paul VI et de nos Évêques, tenant l’Église hiérarchique pour abandonnée de Dieu, eurent envie d’en trouver une nouvelle et saisissante preuve dans l’hérésie de la Nouvelle Messe et se hâtèrent d’en conclure à son invalidité. Ils se permirent de l’interdire aux fidèles et cherchèrent à les attirer à leur suite dans “ les catacombes ” où ils célébraient la “ vraie ” messe certes, mais dans un esprit schismatique.
« Fermes dans notre foi, nous avons procédé à l’inverse. Sûrs des intentions malignes de ses fabricants et de ses tendances hérésiantes, nous avons trouvé cette Messe nouvelle fort mauvaise. Mais quant à sa validité discutée, nous avons soumis notre jugement à celui de l’Église infaillible et nos amis ont eu bien tort de voir là un appel à l’idée démocratique et à la loi du nombre ! C’était tout simplement l’exercice de la vertu de foi. Car il est impossible de mettre en doute la validité d’une Messe promulguée par le Pape, reçue par les Évêques et pratiquée par toute la terre sans conclure à l’erreur universelle de la Hiérarchie catholique et donc à la faillite de l’Église visible du Christ. Et cela, nous ne le ferons jamais. Ce serait renier notre Mère.
« Si les pêcheurs en eaux troubles du schisme intégriste n’étaient pas intervenus dans ce débat, jetant le désordre parmi nous, il aurait été très embarrassant pour les Réformateurs de voir se dresser contre eux une Contre-Réforme insoupçonnable de schisme, tenant cette nouvelle Messe de leur invention pour mauvaise quoique valide. Relativement mauvaise, puisque le Sacrifice du Christ s’y effectue en toute sa réalité sacramentelle. Absolument mauvaise pourtant dans son rapport à l’Antique Messe Romaine qu’elle défigure et qu’elle doit injustement supplanter. Je pense qu’il aurait été impossible aux schismatiques de la Réforme d’imposer cette douteuse Cène eucharistique, polyvalente, protestante, moderniste, au peuple chrétien tout entier si les schismatiques de la Dissidence n’en avaient fait l’occasion de leur inacceptable contestation antipapale.
« Alors, de ce côté-là aussi j’ai été... disqualifié, et de manière aussi grossière et mensongère que de l’autre. On a écrit, on m’a dit en face que je m’étais vendu à Rome, par le cardinal Daniélou !... et que j’allais être évêque en paiement de ma trahison. Juste Ciel ! Comme quoi l’esprit de secte sévit parallèlement d’un côté et de l’autre, avec la même aveugle passion. C’est au détriment de l’Église. Car elle est une là où elle est sainte, dans la virginité de sa foi. Mais elle est sainte là seulement où elle est une, dans la communion de sa charité dont le Cœur est à Rome, auprès du Vicaire du Christ, Paul VI, si mauvais soit-il mais légitime, comme sa Messe, dans l’attente de son retour à la pleine conscience de sa fonction suprême.
« L’ÉGLISE EST L’AMOUR MÊME ! »
« Plus nous allons, plus nous souffrons des contradictions qui déchirent l’Église, et plus il nous semble que nous l’aimons dans son Mystère. “ Hélas ! gémissait déjà sainte Catherine de Sienne, combien ne voient dans l’Église que le vêtement du dehors, c’est-à-dire la substance temporelle. Combien peu y cherchent le fruit du Sang divin et comprennent que l’Église est l’Amour même ! ” Non l’Église de la Réforme ni l’Église de la Révolte : l’Église Catholique ! »
Frère Bruno de Jésus-Marie