Il est ressuscité !

N° 226 – Novembre 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


La Messe
sacrement du Sacrifice perpétuel

À l’occasion d’un pèlerinage à Annecy en 1980, l’abbé de Nantes célébra le Saint-Sacrifice de la messe dans une clairière.

« RESTITUONS à la Messe son vrai et son plus  beau nom : La Messe est le sacrifice du Christ perpétué, le Saint-Sacrifice. La Messe est le Mémorial de la Croix, c’est-à-dire qu’il est réel­le­ment la représentation et le renouvellement du Sacrifice du Calvaire par lequel notre Rédempteur nous acquit définitivement le salut. » (CRC no 82, p. 3)

Ce sacrifice avait été préparé par des millénaires de pratique de la liturgie mosaïque : l’holocauste, dans lequel la victime est tout offerte à Dieu en témoignage d’adoration et de soumission parfaite, d’action de grâces, que Jésus offrira sur la Croix à son Père, pour parfaire son obéissance de trente ans, pour exprimer son oblation à sa volonté souveraine. Il se donne totalement, sans rien réserver de son être charnel. C’est un holocauste. C’est aussi un sacrifice d’expiation, accomplissant la prophétie d’Isaïe au chapitre 53 : « S’il offre sa vie en expiation, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et le dessein de Dieu s’accomplira par Lui. » (Is 53, 10 ; cf. Lv 14, 1-32) Le Serviteur de Dieu devait se livrer à la mort pour l’expiation et la guérison de la lèpre du monde ; son sang devait arroser la terre, comme dans une aspersion liturgique, afin qu’elle soit toute lavée par ce sang rédempteur jailli de son côté transpercé. Ainsi, Jésus est-il bien l’Agneau pascal de la Nouvelle et Éternelle Alliance. C’est le très solennel sacrifice qui devait réconcilier réellement, et non plus en figure, en effigie, toute la terre avec son Dieu.

Le sacrifice de communion enfin trouve en Jésus son accomplissement, de manière combien stupéfiante, insolite, annoncée par Jésus aux juifs dans son discours sur le pain de vie, au lendemain de la multiplication des pains, à Capharnaüm (Jn 6).

Le Saint Sacrifice du Christ crucifié donnera lieu à un banquet, où la chair et le sang de la victime, notre doux Sauveur mort et ressus­cité, deviendront nourriture et breuvage de vie éternelle, sacrement de la sainteté et de l’unité du Corps mystique.

« Notre Agneau pascal dépasse de toute manière les figures de l’Ancien Testament qu’il accomplit en vérité, car c’est son “ Corps livré pour nous ” et son “ Sang répandu pour la multitude ”, donc sa vie et sa grâce, qui seront partagés et communiqués à la famille, au clan, à tout le peuple rassemblé de ses élus.

« Jusqu’à l’institution de l’Eucharistie, la veille de sa Passion, aucun juif n’aurait pu imaginer que le Christ serait la Victime d’un tel sacrifice, sacrifice de communion qui comporterait ce don de lui-même en nourriture et en breuvage pour ses amis ! » (p. 4-5)

Ainsi, « quand vint la plénitude des temps, une seule fois, en sa propre chair et son sang, le Christ accomplit comme prêtre et victime le Sacrifice parfait de l’Alliance Universelle et Éternelle. Il avait été prédit, préfiguré et déjà monnayé dans le passé par tous les sacrifices de l’Ancien Testament et même tous les sacrifices que les païens faisaient au Dieu Très-Haut, tous n’ayant de signification et de prix que par lui. Inefficaces, ils n’en furent pas moins de réelles occasions et moyens de la sanctification des hommes. Ainsi le Christ venait-il reconquérir tout le passé religieux de l’humanité pour le présenter à son Père en son propre mystère liturgique de mort et de résurrection. » (p. 5)

LE SACRIFICE PERPÉTUEL DE LA SAINTE MESSE.

« La Messe est la réactualisation, la représentation, le renouvellement de ce Sacrifice unique de la Croix, véritable sacrifice lui-même qui pourtant ne fait pas nombre avec celui dont il est le Mémorial... Dites-le comme vous voulez, mais marquez bien que ce n’est pas le souvenir humain d’un acte, d’un événement passé et révolu, et que ce n’est pourtant rien d’autre que cet événement devenu présent à nous dans cette divine liturgie. C’est la réitération du Sacrifice de la Croix, telle que sur l’autel se retrouvent le Corps et le Sang du Christ, son âme, sa divinité, le Christ lui-même, dans son état de victime et dans son acte sacerdotal. Seules les apparences, la forme sensible, sont diverses : jadis “ sanglant ”, ce sacrifice est ici “ non-sanglant ”, sacramentel. »

« Jésus a voulu, en mourant sur la Croix, tout à la fois accomplir le Sacrifice prescrit par son Père et instituer le Sacrement de l’Eucharistie pour nous. Il l’a voulu son sacrifice unique, définitif, et il l’a voulu perpétuel, universel, offert à tous. C’est pourquoi il a anticipé son sacrifice lors de la Cène et en a appris aux Apôtres le rite sacramentel : “ Faites ceci en mémoire de moi. ” Stupidité donc, irréflexion ou hérésie formelle, de faire de l’Eucharistie le mémorial de la Cène. Autant vaudrait dire que ma messe de ce matin était le mémorial de ma messe d’hier ou de ma première messe ! Si la messe est le mémorial de la première messe, celle-ci, de quoi sera-t-elle le mémorial ? ou alors que sera-t-elle donc d’autre qu’un mémorial ? Mais si la première Messe, la Cène, a été, sous la forme particulière d’une anticipation, le mémorial de la Croix qui allait venir, toutes les messes qui en reprennent les paroles et les gestes sont elles aussi le mémorial de la Croix. La Messe est le Sacrement de la Passion du Christ, distribuant ses fruits de rédemption et de grâce dans le repas cultuel qui termine le Sacrifice ainsi objectivement réalisé sous les apparences du pain et du vin. Ce sont les protestants qui font de la messe, de la “ cène ”, un mémorial de la première Cène, où rien n’indique qu’un sacrifice réel soit nécessaire... et voilà nos réformateurs actuels en bien triste compagnie ! » (Au Cœur de l’Église le Saint-Sacrifice de la Messe, CRC no 82, juillet 1974, p. 6)

« Ce sont les catholiques qui tiennent à la nécessité d’une véritable présence du Christ sous mode de victime immolée pour qu’à la Messe comme à la Cène ce repas soit vraiment le mémorial de la Croix et donc le sacrement du salut. La Messe est d’abord un sacrifice, mais ce sacrifice se termine en repas de communion. Le sacrifice s’actualise en forme de sacrement, comme dit saint Thomas, parce que le “ Christum passum ”, le Christ dans son état de passion, se fait notre nourriture et notre breuvage en prenant les apparences convenables à un repas. D’où la nécessité d’un autel sur lequel sera offert le sacrifice, et d’une table de communion pour la réception fraternelle du sacrement. » (p. 6)

La Messe commence donc par la « prière des suppliants » (Carnet de chants CRC, A 26), au pied de l’autel. « “ Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime ! Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne vous aiment pas. Et je vous demande pardon pour mes péchés et pour tous ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne vous aiment pas. » Le front contre terre comme l’Ange de Fatima, imité par les trois enfants.

Je dis tout de suite que cette “ supplication ” est présente aussi bien dans le rite nouveau de la Messe que dans l’ancien. Mais c’est tellement le fond de l’homme religieux, que c’était aussi présent dans la prière du musulman que j’ai connu à Igostène, qui récitait sa prière, un “ chapelet ” de tous les noms donnés à Allah dans le Coran. Mais dans le nouveau rite, c’est quand même un peu vite dit : « Reconnaissons que nous sommes pécheurs », et passez muscade ! C’est loin du « suppliant parallèle » que notre Père retrouvait chez les Grecs à l’école de Péguy (CRC no 128, avril 1978, p. 9-10).

« Et je vous demande pardon pour mes péchés et pour tous ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne vous aiment pas. » À Fatima, c’est l’introduction au mystère de l’Eucharistie auquel ils assistent lors de la troisième apparition de l’Ange en toute vérité.

Les enfants s’étaient cachés dans le creux du Cabeço pour y répéter la prière qu’il leur avait apprise « je ne sais combien de fois, raconte Lucie, lorsque nous vîmes briller au-dessus de nous une lumière inconnue. Nous nous sommes relevés pour voir ce qui se passait et nous avons revu l’Ange qui tenait dans sa main gauche un calice au-­dessus duquel était suspendue une Hostie de laquelle tombaient quelques gouttes de sang dans le calice.

« Laissant le Calice et l’Hostie suspendus en l’air, il se prosterna près de nous jusqu’à terre et répéta trois fois cette prière :  Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je vous adore profondément, et je vous offre les très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ, présent dans tous les tabernacles de la terre, en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences par lesquels Il est lui-même offensé. ” »

Ainsi, dès 1917, étions-nous prévenus que, dans une Église « à moitié en ruine », Jésus serait toujours présent « dans tous les tabernacles de la terre » en son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité, quel que soit le rite en usage, ancien ou nouveau.

La raison décisive est fournie par la théologie de notre Père selon laquelle le Sacrifice dont l’Église réitère le mémorial mystérieux – mysterium fidei – en tout lieu de la terre et à tout instant depuis deux mille ans, est une Action. Il est le seul à réfuter toutes les hérésies qui veulent effacer cette Action de Notre-Seigneur et à compléter les explications théologiques insuffisantes, y compris celles de saint Thomas.

Selon les protestants, il n’y a qu’un seul Sacrifice, celui du Vendredi saint, il y a deux mille ans. Et c’est une impiété de lui en apporter d’autres.

Mais notre Père a bien expliqué que chaque Messe est une Action d’une ineffable grandeur, d’une indicible beauté : le Sacrifice de la Croix se trouve évoqué en quelques signes et paroles que Jésus-Christ a fixés en les opérant lui-même au soir du Jeudi saint et en donnant l’ordre à ses Apôtres de les reproduire tels qu’il les avait faits. Et l’Église a scrupuleusement obéi à son Seigneur. Ne voulant que lui obéir, elle s’est contentée de raconter à la lettre l’événement de la Cène, puis de faire prononcer au prêtre sur le pain et le vin nouveaux de chaque Messe les paroles mêmes du Seigneur, afin qu’elles aient comme au premier jour leur pleine efficacité sacramentelle.

Jésus prit donc du pain et du vin dans ses mains saintes et vénérables : nourriture fondamentale et commune, aliment des paysans, des gros travailleurs et des soldats, breuvage de fête ou de réconfort, consolant, remontant, enivrant... Il prononça quelques paroles si simples qu’elles se fixent dans la mémoire de tous et si profondes pourtant qu’elles contiennent et effectuent tout le mystère de ce sacrement. À elles seules, elles suffisent et contiennent explicitement toute la doctrine que l’Église a ensuite définie irrévocablement.

Hoc est enim Corpus meum. Le prêtre, en prenant le pain comme avait fait le Christ, le désigne en ce terme : « Ceci » et affirme : « Ceci est mon Corps. »

Le nouvel ordinaire de la Messe de Paul VI ajoute, selon 1 Co 11, 24 : « quod pro vobis tradetur, qui sera livré pour vous », futur préféré au présent « datur » de Luc 22, 19, et qui ne peut donc désigner que l’immolation de ce Corps torturé au Calvaire... Notre Père soulignait ce fait, « étonnant, et consolant, de voir dans le Nouvel Ordinaire de Paul VI, sans doute par fidélité au texte évangélique et peut-être avec une intention “ œcuménique ”, cette parole qui impose déjà l’idée du sacrifice et le fait de son renouvellement », alors que selon saint Thomas, la consécration du pain vise seulement à signifier la présence réelle du Christ.

Notre Père ajoutait : « Si les fabricants de ce nouveau missel étaient si protestants que nous le disons parfois, ils n’auraient certainement pas ajouté cela. »

Hic est enim calix sanguinis mei, novi et æterni testamenti, mysterium fidei, qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem peccatorum...

« Jésus, en faisant de cette coupe le calice de son Sang, à n’en pas douter verse son sang, symboliquement, le sang de son Cœur et de ses artères dans cette coupe et il le donne aux siens en signe de rémission des péchés devenu le vin de leur liesse. C’est son sang versé, répandu...

« Le don de son sang, horrible au sens obvie, insignifiant dans son acte spontané, revêt un sens tragique dès lors qu’un homme en affirme la résolution et que déjà il en mime l’action, annonçant ainsi et réalisant symboliquement son proche sacrifice où le bourreau le transpercera par violence, provoquant sa souffrance et sa mort. Mais le tragique en reçoit un sens plus haut, celui d’un Sacrifice puisque cette mort violente aura été d’avance offerte pour la réconciliation des frères entre eux et avec Dieu leur Père. L’horreur alors devient source de joie, le sacrifice annonce la fête. Car si le sang versé évoque la douleur et les larmes, le vin offert est celui de l’allégresse des noces. » (CRC no 116, Les saints mystères du Corps et du Sang du Seigneur, nouvelle théologie de l’Eucharistie, avril 1977, p. 10-11)

LA VÉRITÉ DU SACRIFICE DE LA MESSE.

« Revenons à la simplicité de la première Cène. Jésus est au milieu de ses Apôtres auxquels il a fait tout à l’heure le don de son Corps à manger, les établissant dans une singulière union avec lui. À la fin du repas, avant d’aller à la mort, anticipant sur le sacrifice sanglant du Calvaire, il l’annonce et déjà le réalise sacramentellement, c’est-à-dire en intention, en paroles et en figures réelles et efficaces.

« Il prononce sur la coupe de vin ces paroles : Ceci est mon Sang, répandu pour vous et pour la multitude. Que se passe-t-il ? Dans cette volonté de l’Homme-Dieu se réalise la transsubstantiation. C’est-à-dire : que l’Âme du Christ se saisit de cette substance concrète du vin, et en fait par sa puissance divine, illimitée, son propre sang, là, comme versé ou plutôt jailli de Lui-même, de son corps dans cette coupe qui symbolise l’épreuve cruciale, le don décisif de sa vie. C’est la préfiguration physique de sa mort. Qui nierait qu’elle soit pour Lui un acte distinct de celui du lendemain, quand il mettra à exécution le projet qu’il annonce là ?

« De la même manière, en chacune de nos messes, quand les prêtres prononcent les mêmes paroles en son Nom... Ceux-ci, ses ministres, qui ne sont pas des magiciens ! donnent au Christ d’agir selon les paroles qu’ils prononcent sur son ordre, conformément à leur mission ; ils entraînent Jésus lui-même, vivant, ressuscité et présent à son Église, à faire ce qu’ils disent et ce qu’il veut : il se rend présent physiquement sur l’autel. Puis, dans un acte nouveau, localisé, daté, minuté, à cette messe-ci, distincte et nouvelle, sa puissance spirituelle se saisit de l’être du vin pour le changer en son sang : il verse de nouveau sa Vie dans cette coupe qui signifie son épreuve...

« Ce sang est vivant, bien sûr, ce sang reste animé par l’âme indivise de Jésus et son effusion, que Jésus effectue lui-même et non un prêtre magicien, est toute de l’ordre du signe – non sanglant – elle n’est pas épuisante, mortelle, comme une nouvelle crucifixion. C’est Jésus qui accomplit de nouveau ce qu’il a fait une fois pour toutes et pleinement, le sacrifice de sa vie en rémission des péchés.

« Comme on le voit, ce Sacrement ne voit reconnue sa pleine vérité qu’à ce point où, plus que les autres sacrements qui se font aussi en mémoire du Sacrifice rédempteur, il est l’Acte même du Christ corporellement présent, présent en son prêtre comme sacrificateur, présent comme victime ou hostie sous la double matière de son Corps livré et de son Sang répandu. Saint Thomas avait bien signalé ce signe de mort qu’était “ la séparation des espèces ” tout au long de la question 78. Il avait bien vu en quoi le Christ sur l’autel était victime. Mais pour que le sacrifice de la Messe soit véritable, il fallait encore que le Christ soit prêtre et agisse dans ce sacrement Lui-même une nouvelle fois.

« Telle est l’Action sacramentelle de Jésus vivant parmi nous, mais pour quelle fin ? Quels sont les fruits particuliers, à coup sûr extraordinaires, sublimes, de ce sacrifice sacramentel ? » (CRC no 116, p. 13)

LES FRUITS DU SACRIFICE DE LA MESSE.

Selon notre Père, le signe sensible, visible du sacrement, c’est le Corps du Christ, et non pas le pain et le vin comme selon la théologie de saint Thomas. C’est la présence du Christ dans son Corps, là au milieu des siens, dans son Église.

Il est là dans l’intention de verser son Sang en rémission des péchés comme sur la Croix. Et il le fait, il agit, son Action consiste en l’effusion de son Sang ; et la raison, l’effet de cette Action sacramentelle du Christ souverain prêtre en son Église et pour elle, c’est, selon ses propres paroles, le renouvellement, la commémoration, la célébration de l’Alliance nouvelle et éternelle scellée sur la Croix entre Dieu son Père et son Église, sans cesse à restaurer et à parfaire du fait de la malice des hommes, et à souscrire et à honorer par les générations à venir jusqu’à la consommation des siècles.

La conclusion de cette Alliance s’est faite une première fois dans un banquet sacré, un repas sacrificiel, elle se reproduit en chaque messe de la même manière par la communion sacramentelle des membres saints de l’assemblée chrétienne avec Dieu, dans la nourriture et la boisson mystiques qui leur sont offertes, ce Pain et ce Vin, mystère de foi, Corps et Sang du Sauveur immolé pour la multitude.

Cette communion unit aussi les chrétiens entre eux et construit ainsi l’Église dans la charité.

« Cette coupe, c’est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous » (Lc 22, 20), « en rémission des péchés » (Mt 26, 28). Saint Paul explique le sens et la portée de cette réitération du rite nouveau : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » (1 Co 11, 26)

« Dans le climat de l’Ancien Testament comme aussi dans celui du paganisme antique, le symbolisme de ce repas sacrificiel était accessible et parfaitement clair à tous. À Pâques, les juifs ne mangeaient-ils pas l’Agneau immolé ? et, faisant mémoire des bienfaits innombrables de leur Dieu, ne célébraient-ils pas le don de la manne dans le désert ? Rien ne leur était donc plus familier que cette sorte de repas commémorant l’Alliance du Dieu Unique et Vrai avec Israël, la célébrant comme un événement passé mystérieusement rendu présent, et renouvelant cet engagement solennel pour en recevoir en retour les bénédictions de Dieu.

« Sans doute, la Nouvelle Alliance s’instituait dans des rites relativement nouveaux, correspondant à la nouveauté du Législateur et de son Sacrifice. Jésus était comme le Moïse de cette nouvelle Alliance et plus grand que lui. Aussi, pour commé­morer, renouveler, célébrer le Sacrifice de la Croix, la chair de la Victime est offerte par le Prêtre comme du pain, le Pain véritable et supersubstantiel (Mt 6, 11) qui assure à son peuple au désert la conservation de la vie ; quant à son Sang, répandu en sacrifice d’expiation pour le péché, il ne donne plus lieu, comme celui des taureaux et des boucs, à une aspersion solennelle du peuple rassemblé mais, plus intimement, à une coupe de bénédiction qui lui est donnée comme un vin de fête, le vin nouveau de l’Alliance définitive.

« Dans la réalité de l’Action sacrificielle, dans la vérité de la commémoration par le Christ et l’Église ensemble – una cum Christo Ecclesia – de l’immolation du Calvaire, la rémission des péchés du peuple de l’Alliance est de nouveau effectuée, et voilà une première raison de célébrer continuellement la Sainte Messe. Mais plus encore, dans le symbolisme sacramentel du repas, l’Eucharistie effectue la nutrition de son Église par le Christ, comme de son Corps, et cela justifie la réitération quotidienne de la Messe par tout prêtre en toute église, partout où deux ou trois se trouvent réunis au nom de Jésus.

« Que le sang versé dans la douleur pour l’obtention du pardon et des bénédictions de Dieu, soit devenu le vin de ce banquet sacré signifie la joie que le Christ veut provoquer par cette ivresse sainte, et la reconnaissance du peuple sauvé qui célèbre dans l’allégresse et les cantiques les bienfaits de l’Alliance, le banquet anticipé des noces du Christ et de l’Église en son sang.

« La Présence, l’Action et le Don de Jésus-Christ lui-même dans l’Eucharistie font de ce sacrement, selon ce que dit saint Thomas (quest. 79), le principe constitutif de l’Église et comme le réservoir de toutes les grâces découlant par les autres sacrements comme en autant de canaux pour la vie de l’Église. »

« LA COMMUNION DES FIDÈLES. »

« Mais plutôt que de regarder en arrière, comparant ce sacrement aux cérémonies qui l’annonçaient obscurément, en figures, il vaut mieux le regarder en lui-même et dans la gloire qu’il prépare, la consommation éternelle de l’union de l’Église au Christ, quand elle sera présentée par lui au Père comme une nouvelle créature, toute de justice et de sainteté.

« Or ce qui révèle la perfection ultime de ce sacrement et indique ses meilleurs fruits, c’est qu’il n’est pas seulement un rite d’alliance collective entre Dieu et son peuple, mais qu’il est un don intime du Christ à chacun de ses fidèles, comme l’annonce l’Apocalypse : “ Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. ” (3, 20)

« Le corps, le sang du Christ sont la nourriture physique et le breuvage de chacun de nous. Ce ne sont pas le pain et le vin, ni leurs espèces séparées de toute réalité, mais vraiment, réellement et substantiellement le Corps et le Sang de Jésus ressuscité et glorieux qui, selon les propriétés du pain et du vin qu’ils se sont données, nourrissent notre être. Tandis que notre corps s’assimile tous les éléments organiques et minéraux qu’ils contiennent, venant de l’être du Christ, Celui-ci nous donne en partage les énergies et perfections conjointes à ces matières dans l’unité de son être spirituel.

« C’est pourquoi chaque communion nous donne quelque participation à la vie divine dans ses attributs propres et essentiels dont jouit le Corps glorieux que nous recevons, et en premier lieu l’éternité. Ainsi s’expliquent les paroles si fortes et si merveilleuses du Christ à Capharnaüm : “ Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour... Qui mangera ce pain vivra à jamais. ” » (Jn 6, 54-58)

« Tels sont les effets du Sacrement dont on voit qu’ils sont la source et aussi bien l’ultime consommation de tout don et de toute perfection.

« Cela explique l’importance de la communion en viatique, donnée au moment de la mort pour assurer au fidèle qui s’en va à la rencontre de son Seigneur, la rémission ultime de tous ses péchés et les arrhes de sa résurrection bienheureuse.

« Comment mieux conclure ce traité que par les paroles de saint Thomas, pour la Fête-Dieu, Corpus Christi :

« O sacrum convivium, in quo Christus sumitur, recolitur memoria passionis ejus. Mens impletur gratia et futuræ gloriæ nobis pignus datur. Alleluia. » (CRC no 110, p. 14)

Frère Bruno de Jésus-Marie