Il est ressuscité !
N° 233 – Juin 2022
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
LA LIGUE
Réparation
FIGUREZ-vous dix-sept enfants attablés, brandissant leur fourchette de la main droite et feuilletant fébrilement leur catéchisme de la gauche. C’est que dans quelques minutes, nos sœurs les soumettront à un redoutable examen écrit de catéchisme, indispensable afin d’être admis à prononcer leur profession de foi, le lendemain, dimanche 29 mai.
Tous l’ont finalement réussi, certains même avec les félicitations du jury de la maison Sainte-Marie. Lors de la grand-messe du dimanche après l’Ascension, ils renoncèrent donc à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, ils proclamèrent publiquement leur foi catholique avec une belle unanimité et une conviction sonore !
Après les indispensables photos de famille, après le déjeuner chez nos sœurs, tous rejoignirent la chapelle pour le chapelet, le salut du Saint-Sacrement et la traditionnelle remise des couronnes de fleurs à la Sainte Vierge : « Prends ma couronne, je te la donne, au Ciel, n’est-ce pas, tu me la rendras ? »
Par ses sermons, frère Bruno les exhorta à ne pas s’en tenir là : « Offrons-lui cette “ couronne ” de nos Ave chaque jour, et pas seulement aujourd’hui !
« À chacune de ses apparitions, Notre-Dame de Fatima a demandé que l’on récite le chapelet tous les jours. Puisqu’il s’agit de réparer les offenses faites au Cœur Immaculé de Marie, qui font couler ses larmes, il n’est pas de meilleure réparation pour la consoler, que de lui dire cinquante fois par jour : “ Je vous aime, ô Marie, pleine de grâce ”. Comme l’enfant qui gazouille sur le sein de sa mère lui dit un beau jour : “ Je vous aime, ô Maman ! ” »
Comment pourrait-on se lasser de cette prière infiniment riche ? Notre Père nous a appris à la savourer comme la “ messe de la Sainte Vierge ”, dont la succession des prières et des mystères joyeux, douloureux et glorieux épouse le déroulement du Saint-Sacrifice. Et, plus largement, le Rosaire est un résumé de toute vie, à l’exemple de Jésus, Marie et Joseph, en ses trois étapes joyeuse, douloureuse et glorieuse.
Récitons donc le chapelet, insiste frère Bruno. C’est une volonté de Jésus et Marie, c’est le premier moyen du règne de Dieu dans nos cœurs.
SESSION DE LA PENTECÔTE
Quelques jours plus tard, notre maison Saint-Joseph accueillit la session de jeunes de la Phalange. Frère Bruno leur souhaita la bienvenue par ces mots : « Mes chers amis, il faut que je vous dise ce que la Sainte Vierge attend de nous : que nous lui obéissions ! Ce que toute maman attend de ses enfants. Et elle pleure de toute désobéissance. »
Que demande-t-elle pour la consoler ? Que nous pratiquions la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois.
Depuis la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie accomplie par le pape François le 25 mars dernier, frère Bruno n’a de cesse de promouvoir cette aimable « petite dévotion », dont Dieu veut faire dépendre la paix du monde. Sans attendre que l’exemple en vienne de Rome !
La session de la Pentecôte survenant, frère Bruno ne pouvait manquer cette occasion d’enflammer nos jeunes gens du désir de consoler à leur tour notre chère Mère du Ciel. Le plan des instructions de ces trois jours lui était d’ailleurs dicté par le Ciel lui-même : « Toute la révélation évangélique, expliqua-t-il, tient en cinq chapitres qui ont pour titres les privilèges de la divine Marie, pour la défense desquels Notre-Seigneur a voulu instituer la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois. »
Samedi après-midi, après la récitation du chapelet au cimetière, afin de confier à notre Père, à la Phalange triomphante toutes les intentions de notre pauvre Phalange militante, chacun prit place dans la chapelle ou dans la bibliothèque qui lui sert d’annexe pour écouter frère Louis-Gonzague exposer le premier chapitre de notre étude de la dévotion réparatrice.
1. L’IMMACULÉE CONCEPTION.
Dès les premiers siècles, toute l’Église a cru à la sainteté parfaite de la Vierge Marie, les théologiens comme les humbles fidèles. Cependant, au Moyen Âge, cette vérité fut âprement discutée, la théologie scolastique se heurtant à un obstacle apparemment insurmontable : il semblait nécessaire que Marie ait été sous la puissance du péché, si peu que ce soit, pour avoir été rachetée par son Fils, Rédempteur universel. Les plus grands docteurs de l’Église ont achoppé sur la difficulté, jusqu’à ce que le bienheureux Jean Duns Scot, au début du quatorzième siècle, découvre la solution libératrice : « Le Christ ne serait pas le Rédempteur le plus parfait, s’il n’avait mérité que Marie fut préservée du péché originel. »
Néanmoins, il faudra encore de longs siècles, le soutien bienveillant de la Papauté, le zèle enflammé de grands saints, et finalement l’intervention de Notre-Dame elle-même, à la Rue du Bac, pour que cette croyance reconquière toute l’Église.
En 1854, enfin, dans sa bulle Ineffabilis Deus, l’angélique Pie IX définit la Conception Immaculée de Marie comme une vérité divinement révélée. Avec son intelligence pénétrante du mystère, il associa dans sa définition les deux aspects, négatif et positif, de ce dogme : non seulement son exemption du péché originel et de ses conséquences, mais aussi sa prédestination singulière et sa plénitude de grâce : « nulle autre pensée que celle de Dieu même ne peut en mesurer la grandeur ».
À Lourdes, en 1858, en nous révélant son Nom, la Sainte Vierge confirma le dogme de Pie IX, identifiant son être et sa vocation à la grâce particulière de sa Conception : « Je suis l’Immaculée Conception. »
Mais qui êtes-vous donc, Immaculée ? C’est un secret... Dont le Bon Dieu avait réservé la révélation pour nos derniers temps, comme une arme décisive contre l’apostasie. Une arme qui n’a pas encore produit tout son effet, car en dépit des efforts d’un Père Marie-Antoine, d’un saint Maximilien-Marie Kolbe, l’Immaculée Conception demeure méconnue. L’honneur et le réconfort de notre Père, face au déchaînement de l’Antichrist, fut de pénétrer plus avant dans ce secret. Frère Louis-Gonzague nous en a dévoilé quelques bribes, mais nous ne saurions les transcrire ici... (cf. Dévotion réparatrice, PC 86, disponible sur notre site de VOD)
2. TOUJOURS VIERGE.
Après quelques minutes de récréation, frère Bruno s’installa à son tour à la table de conférence, et nous expliqua comment l’Immaculée Conception avait répondu à sa vocation singulière : c’est le mystère de sa Virginité perpétuelle, qui la consacre à Dieu seul.
Dans une Église conciliaire qui niait ouvertement ce privilège, notre Père le défendit avec une véhémence sacrée. Mais cela ne suffisait pas : « Il faudrait réparer. Je voudrais en expiation élever un monument à la gloire de votre perpétuelle Virginité, ô Mère de Dieu et notre tendre Mère. Cette virginité immortelle est le fondement de toute notre religion. »
Le Bon Dieu préparait les choses de loin : à l’école de notre Père, frère Bruno parcourut l’Histoire sainte à la recherche des figures annonciatrices de cette merveille étonnante de la Virginité féconde et de la chaste Maternité de Marie. Vous-mêmes, sauriez-vous les reconnaître ?
Finalement, au jour de l’Annonciation, nous comprenons que la Virginité de Marie est non seulement la garantie du mystère de l’Incarnation du Verbe, par la seule opération divine, mais la condition de la créature épouse de Dieu, qu’il se réserve et sanctifie infiniment afin d’agir constamment et librement en elle et par elle. La Virginité de Marie est une révélation merveilleuse ! Espérons que cette conférence aura fait résonner l’appel à la vie parfaite dans l’âme de nombreux assistants !
3. MATERNITÉ DIVINE.
Il nous fallut attendre le lendemain matin pour entendre frère Bruno nous expliquer dans un troisième chapitre – avec quelle allégresse ! – la Maternité divine qui fut le fruit de la Virginité de Marie.
Car Marie est Mère de Dieu, Theotokos ! Le concile d’Éphèse l’a proclamé en 431, contre l’impie Nestorius, dans l’exultation de tout le peuple chrétien qui le comprenait d’instinct. Ce dogme affirme la réalité de l’Incarnation du Verbe, vrai Fils de Dieu fait homme, selon la théologie mystique de saint Cyrille d’Alexandrie, dont la découverte ravit notre Père au séminaire.
Nos jeunes gens suivaient bien. À preuve, la quantité de questions écrites que collecta frère Bruno en vue des cratères du soir. Mais il ne put répondre à toutes, car la glace se rompant, la timidité s’estompant, ils lui posèrent bientôt directement leurs questions. Un adolescent, fronçant un sourcil inquisiteur, demanda par exemple comment saint Léon pouvait déclarer le Verbe consubstantiel à sa Mère, comme il est consubstantiel à son Père : « Marie serait-elle la quatrième Personne de la Sainte Trinité ?
– Il n’est même pas le seul, insista frère Bruno. Saint Bède le Vénérable, docteur de l’Église lui aussi, le dit également ! En réalité, ils ne font pas de la métaphysique, mais ils veulent nous faire comprendre que Marie, bien que partageant notre condition de créatures, est plus divine qu’humaine. Elle est toute divinisée par le Saint-Esprit qui demeure en Elle, la rendant capable d’être la Mère de Dieu. »
La Maternité de Marie la conduira jusqu’au Calvaire où, s’unissant parfaitement au sacrifice rédempteur de son Fils, elle méritera de devenir notre Mère à tous, la Médiatrice universelle. Quelle grandeur dans cette souffrance ! qui nous fait comprendre pourquoi le 13 octobre 1917, Notre-Dame est apparue comme la Vierge des Douleurs : c’est Elle la clef de notre salut.
Cette conférence était propre à inciter ses auditeurs à se dévouer davantage pour une telle Mère. Lors de la grand-messe de la Pentecôte, après l’Évangile, dix-sept d’entre eux s’avancèrent au pied de l’autel pour promettre fidélité à la Phalange de l’Immaculée. Les lettres qu’ils avaient écrites pour demander leur admission à frère Bruno exprimaient bien leurs motivations. Oh ! rien d’humain ni de mondain, mais le souci de garder la foi et le désir de consoler le Cœur Immaculé de Marie. Le monde est si mauvais que les enseignements de notre Père et le soutien de la communion phalangiste leur sont indispensables.
Cette communion était sensible, durant la messe, par la ferveur et le bel ensemble de deux cents jeunes poitrines chantant le grégorien de la fête de la Pentecôte : « Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium. » C’était le gage de grâces abondantes pour les nouveaux phalangistes, au jour de cet engagement que notre Père présentait comme un renouvellement du sacrement de Confirmation, en vue du service de l’Église.
4. DANS LE CŒUR DES ENFANTS.
L’après-midi, frère Thomas prit le relais de frère Bruno, pour étudier le quatrième chapitre de la dévotion réparatrice. Puisque Notre-Dame est notre Mère à tous, il n’est pas étonnant que Jésus demande réparation pour « les blasphèmes de ceux qui cherchent publiquement à mettre dans le cœur des enfants l’indifférence ou le mépris, ou même la haine à l’égard de cette Mère Immaculée ».
Cela peut se faire violemment, mais aussi – et c’est plus redoutable – insidieusement, par le laïcisme, la laïcité de nos écoles républicaines, cette religion de Satan qui rabaisse la vérité de notre foi au niveau des libres opinions, causant un irréparable scandale dans l’âme des enfants. Voilà qui excite la fureur de Notre-Seigneur et désole Notre-Dame.
Autrefois, l’Église armait ses enfants contre ce danger par le catéchisme. Mais depuis le concile Vatican II, la hiérarchie se soucie plutôt de leur inspirer le sentiment de leur dignité et d’étouffer tout excès de dévotion envers la Vierge Marie. Tel n’est pas le Message de Notre-Dame de Fatima, venue nous donner par avance le remède à cette apostasie. Ses apparitions rappellent et renouvellent les vérités de notre religion, ses commandements et ses sacrements. C’est le catéchisme de la Vierge, destiné à rendre la foi à ses enfants, à allumer dans leurs cœurs la flamme qui brûlait la petite Jacinthe : « Ah ! si je pouvais mettre dans tous les cœurs le feu que j’ai là, dans ma poitrine, et qui me brûle et me fait tant aimer le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie ! »
5. LE CULTE DES SAINTES IMAGES.
Nous avons appris de notre Père que, par la médiation des objets de dévotion, l’âme peut entrer dans « une tendre et amoureuse communion spirituelle », bien réelle, avec le Bon Dieu, la Vierge Marie et les saints qu’ils représentent. C’est ce qui explique l’acharnement de Satan contre les Images.
Retraçant dans une dernière conférence les vagues successives de l’iconoclasme, frère Thomas montra que toujours, la fureur des briseurs d’images fut réparée par un surcroît de ferveur du peuple chrétien éclairé par ses docteurs. Tandis que l’Orient byzantin s’était épuisé dans les persécutions iconoclastes, avant de se figer dans le schisme, le culte des Images et de la Vierge Marie prit un essor merveilleux en Occident durant tout le Moyen Âge. Aux profanations des huguenots répondit l’exubérance artistique et mystique de la Contre-Réforme catholique. Lorsque la Révolution sacrilège submergea la Chrétienté, la Vierge Marie elle-même intervint pour restaurer le culte de ses Images, au fil de ses manifestations du dix-neuvième siècle.
Mais le pire survint à partir des années 1950 lorsqu’au sein même de l’Église, les progressistes entreprirent d’éradiquer statues, images et objets de piété, toutes les dévotions extérieures qui relient les âmes au Ciel, afin de mieux substituer le culte de l’homme au culte de Dieu. Le remède à cette iconoclastie moderne se trouve encore à Fatima : les apparitions de 1917, puis celles de Pontevedra et de Tuy offrent un programme enthousiasmant pour revivifier l’art religieux et toute notre esthétique chrétienne.
Le chant des deuxièmes vêpres de la Pentecôte et le salut du Saint-Sacrement qui suivirent cette conférence, au pied de la splendide représentation de la théophanie de Tuy qui orne la cimaise de notre chapelle, furent un avant-goût de cette renaissance à venir !
Frère Bruno ne laissa pas repartir son troupeau sans l’avoir gratifié d’une dernière méditation, lundi matin, pour l’encourager à pratiquer l’oraison phalangiste. Elle consiste à demander quotidiennement les dons et inspirations du Saint-Esprit, si nécessaires pour résister au monde et demeurer fidèles, jour après jour.
Fidèles jusqu’aux camps de juillet et jusqu’au camp de la Phalange en août. Nous y apprendrons de notre Père à mieux connaître et aimer la sainte l’Église, pour réparer les ruines de la Réforme conciliaire.
frère Guy de la Miséricorde.