Il est ressuscité !

N° 239 – Janvier 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


« Récitez le chapelet tous les jours. »

Les mystères joyeux du Rosaire (III)

LA DOUCE RENCONTRE DE JÉSUS
ET DE SES PARENTS AU TEMPLE DE JÉRUSALEM

APRÈS la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple, la Sainte Famille est rentrée à Bethléem, où les Rois Mages les ont trouvés, afin de rendre leur hommage au Roi qui vient de naître. Mais Hérode l’ayant appris voulut faire périr Celui qu’il considérait comme un rival. Saint Joseph, prévenu par l’Ange de la menace qui pesait sur eux, « prit lEnfant et sa Mère » (Mt 2, 14), afin de fuir en Égypte.

Mais « quand Hérode eut cessé de vivre, voici que l’Ange du Seigneur [apparût de nouveau] en songe à Joseph, en Égypte, et lui dit : Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et mets-toi en route pour la terre d’Israël ; car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. ” » (Mt 2, 19-20) Ainsi, « ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. Cependant l’Enfant grandissait, se fortifiait, se remplissait de Sagesse. Et la Grâce de Dieu était sur Lui. » (Lc 2, 39-40)

La vie cachée à Na­za­reth a duré trente ans. Regardons vivre ces trois saintes personnes ; Jésus, Marie, Joseph, au travail, en silence, en prière. Voilà trois scènes magnifiques ! Tout notre idéal de Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur et de ceux qui ont adhéré à la Phalange de l’Immaculée, à laquelle certains vont prêter allégeance.

La Sainte Rencontre.

Église de Saint-Ayoul, Provins.
Stella, École française du XVIIe siècle.

On les voit tous les trois en prière. Le Père de Foucauld a compris que la vie de Nazareth était une vie contemplative, une vie de prière ; que Jésus, la Vierge Marie et saint Joseph étaient absorbés dans une atmosphère de prière, dans une charité mutuelle et un amour de Dieu qui était toute leur vie.

On les voit tous les trois au travail. Quand il fallait se distraire de la prière, c’était pour faire un peu de cuisine pour la Vierge Marie ; l’Enfant-Jésus, pour aller un peu à l’école ; saint Joseph, pour travailler un peu et gagner de quoi manger. Ce n’était pas très grandiose, ce n’était pas flatteur pour l’orgueil et puis ce n’était pas tellement productif pour l’égoïsme. Qu’en tiraient-ils, les malheureux ? De quoi vivre.

Et enfin on les voit tous les trois dans le silence, dans le calme, dans la sérénité, comme éternels dans cette vie de Nazareth, qui était toujours la même chose.

Mais Jésus, Marie, Joseph, ces trois personnes, les plus parfaites de toute l’histoire du monde, vivant trente ans dans un petit patelin de rien du tout, n’ont pas été remarquées [...]. Les gens de Nazareth, ces gens de l’Ancien Testament, souvent hypocrites et impies, nous disent les psaumes, n’avaient pas d’estime pour la Vierge Marie, pas d’affection pour la Sainte Famille. La vertu des saints est aimable et pourtant, elle n’est pas aimée. L’amour n’est pas aimé. La vertu n’est pas aimée (Sermon, 8 septembre 1985).

Dans l’Évangile, on devine que les gens n’étaient pas gentils avec eux. À Nazareth, saint Joseph devait en souffrir pour lui, mais surtout pour la Sainte Vierge et encore plus pour l’En­fant Jésus. Qu’on lui fasse des crasses, des injustices, qu’on ne lui paye pas ou qu’on lui refuse le travail qu’il a fait, ou qu’on le lui fasse

refaire, il le supportait encore, il avait la peau dure, et puis c’était un homme. Mais quand on avait outragé la Sainte Vierge, cela le faisait pleurer. Je suis sûr que cela le faisait pleurer. Et quand il voyait qu’on avait battu l’Enfant Jésus à son retour de la synagogue ou de l’école, alors là, c’était épouvantable. Il a certainement eu des ennuis.

Mais nous comprenons que la Vierge Marie et saint Joseph, dans la foi au Christ qui était au milieu d’eux et dont ils savaient par la Sainte Écriture qu’il devait mourir et offrir sa vie en sacrifice pour le salut du monde, la Vierge Marie et saint Joseph entraient dans ce mystère de la Rédemption en pardonnant, en acceptant ces souffrances et en les unissant comme par avance aux souffrances de Jésus.

Nous voyons saint Joseph, la Vierge Marie, l’Enfant Jésus commencer leur œuvre de Rédemption par le support des injures, le pardon des injures, etc. Et toute cette existence est dramatique, l’amour est un amour souffrant et non un amour jouissant, un amour qui préfère la voie de la souffrance parce que c’est un amour réparateur, rédempteur. Voyant nos saints parents vivre ainsi une vie toute de douceur, d’humilité, d’abnégation, d’abjection, anticipant sur le mystère rédempteur de la Croix, il nous paraît plus facile à nous, dans notre propre vie, en conséquence de notre foi en Jésus pleinement révélé, pleinement manifesté, en conséquence de l’Évangile pleinement connu, de donner à notre vie cette forme des Béatitudes (Lecture spirituelle, 3 mai 1979).

« Bienheureux les pauvres, bienheureux les doux, car le Royaume des Cieux est à eux. Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. » (Mt 5, 3-7)

Jésus, Marie, Joseph ont vécu à Nazareth une vie persécutée. Jésus a souffert des souffrances de sa Mère et sa Mère a souffert des souffrances de son Fils. Les apparitions de Pontevedra nous révèlent que cette compassion mutuelle continue aujourd’hui au Ciel ! Pour nous, embrasser la dévotion réparatrice consiste à nous unir à cette compassion de Jésus pour le Cœur de sa Mère. Et saint Joseph aussi a souffert. Ils ont souffert et ils ont pardonné (Sermon des Vêpres, 20 janvier 1985).

Nous représenter ces outrages bien concrets, quotidiens qu’ils ont soufferts nous aide à comprendre leur peine actuelle. Ils voient maintenant les péchés du monde entier, et une foule d’hommes qui ne croient pas, n’adorent pas ou même les méprisent, les haïssent et les insultent !

Quand Jésus eut douze ans, la Sainte Vierge et saint Joseph Lui ont dit qu’on irait en pèlerinage à Jérusalem. Les voilà partis avec tous les gens de Galilée qui montent à Jérusalem. Jésus était bien content d’aller dans ce Temple qui était l’unique sanctuaire, l’unique église où était le Dieu vivant, le Dieu d’Israël, notre Dieu, son Père. Les grandes fêtes duraient une semaine. Au dernier jour, ils ont dit au revoir à leurs cousins qui les avaient logés et ils sont redescendus dans la foule vers Nazareth. C’est en arrivant à l’étape, le premier soir, que Marie et Joseph se sont aperçus qu’ils avaient perdu Jésus, leur trésor (Sermon des vêpres, 6 janvier 1996).

Après trois jours de recherche angoissée, ses parents le découvrirent au Temple, au milieu des docteurs. C’est elle qui parle à son Fils, car elle est la plus proche de lui, mais elle commence par dire : « Votre père et moi, nous vous cherchions, inquiets. » (Sermon, 20 mars 1995)

Et l’Enfant répond au doux reproche de sa Mère : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père ? » (Lc 2, 48-50)

Jusqu’à 1’âge de douze ans, Jésus n’avait pas parlé à ses parents de choses mystérieuses. C’était un petit enfant, avec son papa et sa maman. Il appelait saint Joseph « papa », comme tous les enfants appellent papa leur père. Les parents, eux, gardaient le secret de leur cœur, sans lui en avoir jamais parlé. On ne parle pas de choses importantes à un petit enfant qui est insouciant de toutes choses. Ils ne lui avaient jamais parlé des événements de l’Annonciation, de la Visitation, de Noël, de la fuite en Égypte.

Cette réponse de l’Enfant-Jésus éclate à leurs yeux, à leur cœur, comme une sorte d’éclair, de lumière étincelante : “ il sait ”. Qui lui a appris ? Personne. Il sait tout, cet Enfant de douze ans, sur le mystère de sa vocation. Il sait qu’il est aux affaires de son Père, il sait qu’il est chez son Père, à Jérusalem, et au moment où moi, je l’appelle mon enfant et je lui parle de son papa en désignant saint Joseph, il me répond du tac au tac : « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » dans le Temple de Jérusalem, le Dieu d’Israël, le Dieu unique et véritable.

Il sait tout, et dans un échange de regards, ils se découvrirent. Il était resté là pour leur montrer qu’il obéit à Dieu, son Père, et qu’il est à eux dans la même mesure où ils sont les représentants de son autorité.

Un jour viendra où il quittera tout pour aller jusqu’au Sacrifice suprême pour faire la volonté de son Père.

Ainsi, Elle sut qu’il savait tout et lui sut qu’il était compris. Tout changea, leur vie cachée devint une vie ouverte Cœur à Cœur, âme à âme, et Jésus les instruisait. Cela dura jusqu’à l’entrée de Jésus dans la vie publique, à l’âge de trente ans. La Sainte Famille à Nazareth est le modèle de nos familles qui s’efforcent de ressembler à nos communautés de petits frères et petites sœurs, et réciproquement... C’est tout l’idéal de ceux qui prêtent allégeance à la Phalange.

frère Bruno de Jésus-Marie.

NAZARETH : LE VERBE SORTIT DE SON SILENCE

« Me voici ; je viens ; dans le rouleau du Livre il m’est prescrit de faire votre bon plaisir. Mon Dieu, j’aime votre Loi du fond de mon cœur. » (Ps 40, 8-9)

L’ÉVANGILE de l’Enfance se termine par le  récit énigmatique du recouvrement de Jésus au Temple. Après, nous ne savons plus rien de Lui jusqu’à son entrée solennelle dans la carrière où il devait, tel un géant, accomplir toute son œuvre en l’espace de trois ans à peine, depuis son baptême jusqu’à sa mort, sa résurrection, son ascension. De ces trente ans à Nazareth peut-être justement cet épisode unique que la Vierge a voulu raconter, que saint Jean et saint Luc ont recueilli, jette-t-il sur le mystère caché une étonnante lumière. Il ne peut être question là de fugue inquiétante ni de crise d’indépendance. Les auteurs qui ont osé de telles interprétations méconnaissent la divine perfection de Jésus, dont témoigne tout l’Évangile, et particulièrement ce récit ; du moins ont-ils pressenti que cet événement a marqué dans la suite des jours et des années sans histoire, une étape, le passage de l’enfance à l’adolescence, et l’instauration dans la vie de la Sainte Famille de nouveaux rapports entre le Dieu fait homme et ses parents.

Avant, Jésus était tout à fait ce Verbum silens, cette Parole silencieuse dont nous ont magnifiquement parlé les Pères jusqu’au dernier, notre grand Bossuet. Cet enfant se taisait sur lui-même, se faisant en tout semblable aux autres enfants. Marie le nourrissait, le lavait, l’habillait ; elle lui apprenait toutes les choses du comportement humain, et Joseph l’amusait de petites constructions, l’intéressait à son travail, lui racontait la vie de Nazareth. Jésus se prêtait à tout, écoutait, regardait. Son babillage les charmait, il était affectueux, enjoué, amusant, mais occupé des mille riens de l’existence quotidienne. Parfois quelque réflexion ou réponse était marquée d’une étonnante et profonde sagesse, comme on en lit de sainte Thérèse de Lisieux dans les lettres de sa mère, comme en disent tant d’enfants, sous la lumière infuse de leur foi baptismale, et qui stupéfient un instant leur entourage. Puis il revenait à ses jeux.

Bientôt cependant, vers sept ans peut-être, ses parents s’aperçurent que Jésus se réservait. Parfaitement développé, réfléchi, en possession de sa pleine raison et bien instruit, même tellement en avance sur les autres qu’on aurait pu le remarquer, s’en étonner, si les gens du village avaient pensé à y faire attention (mais chacun n’a d’yeux et d’estime que pour les siens), Jésus toutefois gardait en lui le principal de sa sagesse. Sans doute paraissait-il d’abord à ses parents tout occupé à les chérir, leur obéir, recevoir d’eux toutes choses, matérielles et spirituelles. Mais il gardait son secret, et Marie et Joseph pressentaient en lui un monde de pensées, de volontés, de contemplation dont rien ne s’extériorisait. Sa prière surtout l’enlevait à ce monde-ci. Dès lors ils mesuraient sa réserve et la respectaient. Ils admiraient qu’un enfant si doué retienne sa curiosité, son expansivité, dirige toutes ses énergies mieux qu’un adulte pour grandir en sagesse à l’intime de lui-même et demeurer cependant aux yeux des hommes un enfant ordinaire. C’était un monde de mystère, tout proche, où ils n’avaient pas accès mais qui les émouvait. Et puis, il faut le dire, soit qu’il serrât leurs chères têtes dans ses bras pour les embrasser, soit qu’il les regardât s’affairer ou qu’il entretînt avec eux les plus simples des conversations, son amour était tel, ce feu si doux les embrasait tant qu’ils n’en demandaient pas davantage et parfois oubliaient, comme de faibles créatures rassasiées de joie, que le Mystère de cette âme secrète d’enfant, redoutable, infini, demeurait en attente de sa révélation.

Rapides, les années passaient. Il avait douze ans. Déjà il allait et venait comme un homme, tant leur confiance était grande et tant s’était affirmée aussi cette vie propre, cet affairement secret dont le principe et le rythme leur échappaient. Ils en apprenaient toujours les péripéties, les événements extérieurs, ils en admiraient la sagesse mais ne voyaient pas plus loin. Aussi cette année-là, pendant leur pèlerinage de Pâques, il avait disposé de son temps, assisté aux cérémonies, vaqué à la prière et à l’instruction, loin d’eux, comme un vrai « fils du précepte » qu’il était devenu aux yeux de la Loi. C’est ainsi qu’il faut justifier Marie et Joseph devant les siècles, de ne s’être point aperçus qu’il était resté à Jérusalem et de ne s’être pas préoccupés de lui avant le soir de la première étape. Ce n’était pas mégarde mais confiance décidée, depuis des années déjà, et justifiée par cette secrète sagesse qui inspirait l’enfant dans toute sa conduite. Lui-même semblait suivre une loi de travail et de développement personnel qu’ils n’auraient pas su définir et, à dire vrai, ils n’y songeaient pas. C’était habituel et sans jamais d’inconvénient ni d’alarme. Quel enfant sûr et paisible !

Alors, quand ils ne le virent plus, ils eurent le cœur transpercé et se retrouvèrent l’un auprès de l’autre, faibles, sans assurance, craignant tout, les périls de ce monde et déjà les plus terrifiants mystères. Comme ils étaient loin de lui ! Leur tendresse ressentait la douleur de son absence, la peur qu’il soit arrivé quelque chose à l’enfant chéri, mais leurs âmes étaient plus encore saisies d’un grand froid, à la pensée que peut-être il les avait quittés, de son propre chef. Ils savaient cette vie secrète qui depuis longtemps était sienne, ils se sentaient soudain si étrangers à son univers profond ! Cette douleur était plus grande encore que la première, elle atteignait l’esprit. Ils ne faisaient avec lui qu’un cœur, dans leur foyer bien chaud de Nazareth. Mais ils ne faisaient pas avec Lui un seul esprit. Ô douleur !

Ils revinrent, ils cherchèrent comme des malheureux, en aveugles. Ils frappèrent aux portes, là où leur imagination sensible Le supposait. Mais tout décevait. Vraiment ils le connaissaient bien peu et mal, pour ne pas aller d’instinct là où, selon la logique de son être profond, selon sa sagesse, il devait être ! Ils se tourmentèrent tant, ils cherchèrent tant qu’ils le trouvèrent enfin. Il faut comprendre, chrétiens, qu’une telle impuissance, une telle ignorance creusèrent en leur âme un tel vide, une telle attente qu’en le retrouvant corporellement, ils eurent plus encore une révélation spirituelle de son être caché. C’était le secret de sa vie à part qu’il leur dévoilait en cet instant : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » Pour eux seuls, à cet instant, le Verbe fait chair sort de son éternel silence. Toutes les prophéties s’éclairent, le message de l’Archange et les mystères de sa naissance, tous les rythmes secrets de sa jeune vie frémissante reçoivent à cette parole l’éclaboussure d’une grande lumière. Tout, tout s’explique par cette obéissance pleine d’amour, cette intimité prodigieuse, cette œuvre commune du Fils de Dieu, Jésus, en son Père. La Vierge Marie longuement méditera le sens de ces événements dans son cœur et tout l’Évangile de saint Jean en gardera l’empreinte.

Ils retournèrent à Nazareth, mais je ne crois pas que Jésus se renferma dès lors dans le même silence. Après cette lumière, cette retombée dans l’obscurité prendrait de sa part la forme d’un refus, d’un interdit après une leçon humiliante. Mais non, non, ô Jésus, ce n’est pas possible ? Je devine au contraire dans la joie du retour et l’union retrouvée, une filiale ouverture de votre âme spirituelle à leurs esprits émerveillés. Vous ne les avez pas contrariés pour leur faire sentir une distance, oh ! ce serait trop contraire à votre Cœur ! mais pour abolir cette distance. Vous n’avez souffert cette recherche, et cette douleur qu’ils ont ressentie de mesurer à quel point vous leur étiez inconnu, étranger dans le fond de vous-même, que pour leur faire connaître maintenant ce mystère. Alors, nous nous réjouissons avec nos saints Parents de cet événement unique, qu’ils ont sauvé de l’oubli, parce que leur tristesse s’est changée en joie et en gloire, comme sont toujours dans notre vie les désolations. Nous imaginons ces dix-huit années qui suivent, non plus comme un silence devenu anormal et pesant à mesure que le temps passe, mais comme une révélation grandissante faite d’avance et tout à loisir à ces deux cœurs incomparables, à ces exquises créatures, Marie et Joseph. Il fut leur Maître ! ou plutôt comme le père et le nourricier de leurs âmes. Il leur faisait voir, un peu comme le montre et raconte l’Évangile de saint Jean, cette autre vie trinitaire, cet autre foyer, auprès du Père, dont leur foyer de Nazareth était le reflet et où il vivait sans cesse dans le secret. Il ne les instruisait pas de la morale, il ne leur dévoilait pas l’avenir. C’était inutile ou bien cela n’éveillait point leur curiosité. Mais il les faisait librement participer, non en vision, mais par sa parole, à son commerce continuel avec son Père dans le resplendissement de leur Esprit-Saint qui pénétrait leurs âmes.

C’était bien la clef du mystère qu’ils avaient observé durant son enfance. N’auraient-ils pas dû comprendre ? Eh non ! il leur avait fallu l’épreuve de Jérusalem, leur impuissance, leurs ténèbres, leur recherche anxieuse. Alors Il s’était révélé à eux en leur révélant son Père et sa mission. Maintenant ils comprenaient toutes choses et sa vie était devant eux comme un livre ouvert. Ils ne le connaissaient plus seulement à son amour sensible. Un autre amour, procurant une meilleure union, leur était manifesté, inépuisable, grandissant, infini comme le monde divin auquel il appartient, dont il vient et où il va, l’amour spirituel, sa communication de Sagesse, l’inhabitation mutuelle que seul il établit entre les êtres... L’histoire de cette révélation intime, de cette mystique introduction de Joseph et de Marie en l’Esprit divin, trinitaire et unique, nul ne saurait la redire. Elle a duré près de vingt ans, c’est dire quelles ascensions elle procure. Et l’Évangéliste, après en avoir raconté le début, a fait silence sur ce mystère incomparable de trois Cœurs de chair battant au rythme d’un seul Cœur, au rythme de Dieu !

(Lettre à mes amis n° 164 – février 1964.)
Abbé Georges de Nantes.