Il est ressuscité !

N° 239 – Janvier 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2022

Sainte Église notre Mère 
L’Église de l’Alliance

UNE nouvelle et éternelle Alliance a été célébrée au soir de la Cène, le mardi soir 4 avril de l’an 30,  puis accomplie le vendredi 7 avril par le sacrifice de Jésus sur la Croix, au mont Calvaire... Mise à part la Bienheureuse Vierge Marie, sur le moment même, les Apôtres et les disciples n’ont pas compris grand-chose aux mystères sublimes qui s’accomplissaient... Mais ils n’avaient pas encore reçu l’Esprit-Saint.

Alors, de la Cène au Calvaire, que s’est-il passé ? Écoutons notre Père nous l’apprendre et nous livrer tout de suite le secret ressort de l’histoire universelle et, du même mouvement, nous donner une clef d’interprétation de la théologie de saint Paul et du mystère d’Alliance qu’il a reçu mission de révéler au monde, ce qu’il appelle : « Mon évangile », celui que doit prêcher « l’Église de l’Alliance ».

DE LA CÈNE AU CALVAIRE : 
LE MYSTÈRE D’ALLIANCE DE LA MESSE.

« C’est pour la Cène que la Croix a existé. La Croix est pour la Cène, la Cène est pour la Messe. C’est la Cène qui en a d’avance célébré la fête et publié l’accord entre Jésus-Christ et son Église, son peuple, qui résultait de ce Sacrifice. Jésus est seul sur la Croix avec les saintes Femmes, la Vierge Marie, saint Jean, mais il accomplit là un acte rédempteur dont la Cène nous apprend qu’il scelle une nouvelle et éternelle Alliance. Ce n’est pas sur la Croix que Jésus a annoncé ce grand mystère, il l’avait annoncé d’avance pour plus tard, et ce qu’il avait en vue en se sacrifiant sur la Croix, c’était de conclure une nouvelle Alliance entre lui et son peuple, “ le troupeau de son bercail ”, comme l’annonçait le psaume. »

Notre Père le soulignait en commentant le refus de saint Pierre de voir Jésus lui laver les pieds : « C’est un service que Jésus nous rend et il faut que nous y participions par notre engagement, que nous acceptions que Jésus se fasse notre serviteur, même notre esclave, en se soumettant à une mort infamante pour nous purifier de nos fautes, pour avoir part avec lui comme saint Pierre, et non pas être exclus comme Judas.

« Cette Alliance que Jésus a scellée sur la Croix, mais qu’il a annoncée en termes humains, en termes intelligibles au moment de la consécration du vin en son Sang dans le calice : “ Ce Sang versé pour vous en rémission des péchés, c’est le Sang de la Nouvelle et Éternelle Alliance. ” Il parle en termes clairs et déjà, pour ainsi dire, mais par avance, avec quelques jours d’avance, Jésus institue cette Alliance qui, en fait, sera scellée sur la Croix, dans le Sang du Christ : “ Sine effusione sanguinis, non fit remissio. ” C’est quand le Sang du Christ coulera que cette rémission des péchés sera accomplie, l’Alliance sera scellée.

« Mais cette Alliance, à partir de là et sur l’ordre de Jésus, est revécue, elle est réitérée, elle est renouvelée en chacune de nos Messes. Donc, nous faisons un progrès. De la Croix, grâce à la Cène, nous entrons dans le grand mouvement de l’histoire et, dans ce mouvement de l’histoire, Jésus nous dit que la Messe sans cesse sera notre nourriture. Si nous entendons bien le Pater dans son texte authentique grec, il n’y a plus de doute pour nous maintenant, c’est bien de ce “ Pain ” qu’il s’agit, c’est-à-dire du Corps et du Sang de Jésus, de son Âme et sa Divinité, nous demandons à Dieu de nous les donner chaque jour, pour renouveler chaque jour l’Alliance que nous entretenons avec lui.

« Alliance revécue, réitérée, scellée de nouveau en chacune de nos Messes, ce sont des Messes que j’appellerai “ du Christ-Roi ”. » (extrait de Mysterium fidei, S 124, La nouvelle et éternelle Alliance.)

– I – 
LE PASSAGE DE L’ANCIENNE 
À LA NOUVELLE ALLIANCE

Dix jours après l’Ascension de Jésus au Ciel, au jour de la Pentecôte, comme il l’avait promis, le Christ assis à la droite du Père envoie à sa craintive petite Église apostolique, l’Esprit-Saint, la troisième Personne de la Sainte Trinité, Esprit de Vérité et de Force qui galvanise les Apôtres et les pousse au-dehors, pour rendre témoignage à la divinité de Jésus et prêcher son Évangile.

L’ÉVANGILE DE L’ESPRIT-SAINT.

Le Saint-Esprit est à l’œuvre dans la primitive Église, à mains fortes et bras étendus pour deux missions qui n’en font qu’une. Tout d’abord pour faire sortir le « petit troupeau » des disciples de Jésus de la synagogue ; « une synagogue de Satan qui usurpe le nom de juif », dira saint Jean (Ap 2, 9). Deuxième mission : accueillir les païens eux-mêmes touchés par le Saint-Esprit, afin que, tous, juifs et païens, réconciliés, ne fassent plus qu’une seule Église, l’Église de Jésus-Christ, celle de la nouvelle et éternelle Alliance. Les Actes des Apôtres, que l’on a appelés l’Évangile de l’Esprit-Saint, racontent ce “ passage ” d’une manière captivante, “ convertissante ”.

Les premières prédications et les miracles prodigieux de saint Pierre suscitent aussitôt des conversions par milliers... Un événement dans la petite ville de Jérusalem et les alentours : « Même des villes voisines de Jérusalem, la foule accourait, amenant des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs ; et tous étaient guéris ! » (Ac 5, 16)

PERSÉCUTIONS ET MARTYRE.

C’est l’affolement parmi les chefs des juifs, grand prêtre et sanhédrin. Arrestation des Apôtres, persécutions... Comme Jésus, le diacre Étienne est accusé de blasphémer contre le Temple et la Loi de Moïse. On le conduit de force devant le sanhédrin... Seul parmi ces “ violents ”, il s’impose, car Dieu est avec lui. « Or tous ceux qui siégeaient au Sanhédrin avaient les yeux fixés sur lui, et son visage leur apparut semblable à celui d’un ange. » (Ac 6, 15) Étienne leur adresse alors un discours accusateur, un survol de l’Histoire sainte prouvant que, depuis l’apparition de Dieu à Abraham, les juifs, « nuques raides, oreilles et cœurs incirconcis », avaient toujours été infidèles à ­l’Alliance. Ils avaient toujours résisté à l’Esprit-Saint, et persécuté les prophètes (Ac 7).

Étienne, premier martyr, meurt lapidé, victime de l’orgueil juif, en demandant à Dieu, comme le Christ en Croix, de pardonner à ses bourreaux, de ne « pas leur imputer ce péché »... Parmi eux un jeune homme, du nom de Saul de Tarse, « approuvait ce meurtre » (Ac 8, 1).

SAUL DE TARSE.

Il est né aux environs de l’an 10, à Tarse, en Cilicie, ville de commerce et de culture grecque. Le jeune Saul a tout pour réussir dans la vie : Juif par le sang et par l’esprit, Grec par influence, il parle le grec couramment, Romain par citoyenneté en vertu d’un droit acquis par son père. Contemporain de Jésus, il monte à Jérusalem pour être formé à l’école de Gamaliel, le plus saint intellectuel de son temps. Il est à l’aise avec tous, aussi bien les Grecs et les Romains, que les rabbins de Jérusalem. Par une disposition providentielle, il retourne à Tarse chez ses parents, pendant les années de la vie publique de Jésus.

Après la mort et la résurrection du Christ, il retourne à Jérusalem, qui est en ébullition à la suite de la prédication et des miracles de saint Pierre. Ce jeune homme, ardent pharisien, zélateur de la gloire de Dieu, voudrait faire de sa religion un amour (Dt 6, 5), mais c’est difficile, et il voit bien que l’obstacle est en lui. Il se distingue donc des autres Juifs par une insatisfaction qui fait contraste avec leur suffisance. Il partage cependant leur fanatisme, et leur vue partiale de l’Histoire sainte, très centrée sur la Loi de Moïse, l’exclusive élection du peuple juif, et son corollaire : un solide mépris pour ces “ chiens ” de païens, des sous-hommes qui mériteraient d’être exterminés à cause de leur idolâtrie. Que le Christ se soit proclamé Fils de Dieu, que les Apôtres enseignent sa doctrine, qu’Étienne fasse un tableau si accusateur de l’impiété juive de génération en génération, tout cela, pour lui et sans hésitation, mérite la mort.

LE PERSÉCUTEUR TERRASSÉ, CHOISI PAR DIEU.

Saul va donc traquer sans relâche ceux qui font partie de la Secte, avec un acharnement qu’il avouera lui-même plus tard : « Pour moi donc, j’avais cru que je devais m’opposer grandement au nom de Jésus de Nazareth. C’est ce que j’ai fait à Jérusalem ; et j’ai fait enfermer dans des prisons un grand nombre de saints, en ayant reçu le pouvoir des grands prêtres ; et quand on les mettait à mort, j’apportais mon suffrage ; et par toutes les synagogues, sévissant souvent contre eux, je les forçais à blasphémer ; et dans l’excès de ma rage contre eux, je les poursuivais jusque dans les villes du dehors. » (Ac 26, 10-11)

« Or, comme il était en chemin, alors qu’il approchait de Damas, tout à coup une lumière venant du ciel resplendit autour de lui. Il tomba à terre et entendit une voix qui lui disait :  Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ?  Il dit : Qui êtes-vous, Seigneur ?  Et lui : Je Suis Jésus que tu persécutes. Mais relève-toi et tiens-toi debout. Car voici pourquoi je te suis apparu : pour t’établir serviteur et témoin de la vision dans laquelle tu viens de me voir et de celles où je me montrerai encore à toi. Mais lève-toi et entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire. ” » (Ac 9, 1-9)

– II – 
DANS LA LUMIÈRE DE LA VISION DU CHEMIN DE DAMAS

1. DIEU, PÈRE ET FILS, ET SAINT-ESPRIT

Saint Luc raconte comment Ananie le baptise, puis Paul se met aussitôt à proclamer dans les synagogues que Jésus est le Fils de Dieu... Il commence une carrière apostolique de géant, sans précédent, car c’est du même mouvement une carrière de docteur de l’Alliance de Dieu... Pour notre Père, tout l’Évangile de Paul, tout le corpus de ses Épîtres est tiré de sa vision de Damas et de celles qui ont suivi... Survolons sa démonstration dans cette deuxième partie, toute tirée des enseignements de sa retraite de septembre 1983 : L’Évangile de Paul, sur la VOD : S 63.

Ce que saint Paul a vu et dont il doit témoigner, c’est le mystère de la Sainte Trinité en acte d’incarnation et de rédemption pour le salut des âmes. Il ne s’agit pas ici du mystère de la vie intime de Dieu, mais du mystère de la Sainte Trinité dont l’amour s’épanche, s’écoule afin de faire Alliance avec les hommes pour les sauver.

2. L’ALLIANCE UNIVERSELLE

Dans cette immense lumière de sa vision de Damas, saint Paul voit le dessein de Dieu, le déploiement de cette Alliance depuis les origines jusqu’à la consommation des siècles... Or, personne n’en est exclu d’office. Pour les juifs, pour Saul de Tarse, tout le premier, c’était absolument impensable. La seule idée que des païens puissent, eux aussi, avoir quelque part à l’Alliance divine, qu’ils soient, eux aussi, des privilégiés des bénédictions divines, cela dépassait l’entendement...

LA CRÉATION : PREMIÈRE ALLIANCE.

Aux Athéniens païens, saint Paul affirme une vérité de foi capitale : Dieu n’est pas loin de nous, nous sommes reliés à Lui, puisque c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être. Pour saint Paul, ce n’est pas l’aboutissement d’un raisonnement ou d’une intuition métaphysique, c’est ce qu’il a vu ! Comme nous le disons dans notre prière du matin... Merci mon Dieu, car c’est par un effet de votre bonté que je vois ce jour...

Notre Père nous explique que cette bonté est l’effet d’une première alliance, c’est une déclaration d’amour que Dieu notre Père et créateur nous adresse chaque matin au réveil... Et il caractérisait cette première alliance, ce don créateur de l’être et de la vie, qui nous relie à Dieu, d’un mot qui dit tout : elle est le « berceau » de toutes les autres alliances...

Dans l’Épître aux Romains, saint Paul enseigne que les païens peuvent donc connaître Dieu par leur raison naturelle et que, par conséquent, ils seront jugés selon la loi de leur conscience. Et dans l’Épître aux Hébreux, il ira jusqu’à affirmer que pour être sauvés, il suffit aux hommes de croire que « Dieu existe et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent » (He 11, 6).

LE SALUT DES PAÏENS.

Ne nous méprenons pas : il ne s’agit pas de se dispenser d’évangéliser les infidèles au motif qu’ils peuvent être sauvés, comme c’est le cas depuis Vatican II !

En effet, saint Paul “ tient les deux bouts de la chaîne ” : dans l’Épître aux Romains, il explique que les païens n’ont pas répondu à cette première alliance offerte par leur Créateur, ils n’ont pas reconnu la puissance de Dieu à travers ses œuvres, « en sorte qu’ils sont inexcusables puisqu’ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces » (Rm 1, 20-21).

C’est pourquoi la Colère de Dieu tombe sur les païens. L’Apôtre décrit quelles terrifiantes dépravations sont le châtiment de cette impiété. Créés par Dieu à son image et ressemblance, ils sont, depuis le péché originel, sans force face aux tentations du diable.

C’est donc un devoir de charité de les évangéliser, pour les arracher aux griffes du démon, pour que le Règne de Dieu arrive sur la terre comme au Ciel !

3. L’ANCIENNE ALLIANCE : RUPTURE ET ACCOMPLISSEMENT

Le sort des juifs n’est pas plus enviable. Dieu leur a pourtant donné la Loi, dont ils s’enorgueillissent. Mais saint Paul leur rappelle que c’est par la Foi et non par la Loi que leur père Abraham, qui était païen, a été élu. Ensuite, si Dieu a scellé une alliance avec le peuple juif, grâce à Moïse, c’est pour que la grâce et la miséricorde divines soient ensuite communiquées aux autres nations, aux païens, conformément aux prophéties...

L’ALLIANCE MOSAÏQUE : UNE PARENTHÈSE.

Surtout, même sous des dehors hypocrites, les juifs n’ont jamais été capables de se conformer à l’Alliance en pratiquant leur Loi. C’est pourquoi ils sont eux aussi objets de la Colère de Dieu. Le but de cette Loi était de les convaincre de péché et les forcer d’admettre leur impuissance à faire le bien par eux-mêmes. Ce qui avait été l’expérience personnelle de saint Paul, après les prophètes qui eux-mêmes l’avaient compris. Il fallait que Dieu vienne à leur secours « pour changer leur cœur de pierre en cœur de chair » (Ez 11, 19)...

Cette Loi juive a été aussi une parenthèse, un moyen provisoire de garder la Foi d’Abraham en attendant l’accomplissement de l’attente d’Abraham, c’est-à-dire la Foi en Jésus, médiateur de la nouvelle et éternelle Alliance. Saint Paul proclame ainsi la caducité de la Loi juive et surtout des traditions qui y avaient été ajoutées. Cela, les judéo-chrétiens, c’est-à-dire les juifs convertis par la prédication des Apôtres, ont eu beaucoup de mal à l’admettre.

LA LETTRE DE SAINT PAUL AUX HÉBREUX.

« L’Église naissante, dont la croissance est décrite dans les quinze premiers chapitres des Actes des Apôtres, continuait en effet de pratiquer tout ce que prescrivait la Loi, y compris la liturgie des sacrifices au Temple (...). Tant qu’il fut de ce monde, Jacques, “ le frère du Seigneur ”, maintint les deux ordo : l’ancien, celui d’Aaron, le nouveau, celui de Jésus-Christ : “ Jour après jour, d’un seul cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple et rompaient le pain dans leurs maisons. ” (Ac 2, 46) La “ fraction du pain ” désigne la Sainte Eucharistie. Le martyre de Jacques, en 62, mit fin brutalement à cette double appartenance en plaçant les chrétiens “ hébreux ”, judaïsants, au pied du mur. Il fallait choisir : ou la foi en Jésus, ou la justice de la Loi. » (Il est ressuscité ! n° 5, décembre 2002, p. 5)

Dans leur zèle sincère pour la religion de leurs Pères, ils ne comprenaient pas le dilemme tragique qui s’imposait à eux et que saint Paul leur exposait d’une manière aussi lumineuse qu’implacable. Est-on juste aux yeux de Dieu par la pratique de la Loi ou par la Foi en Jésus ? S’il faut croire en Jésus tout en pratiquant la Loi de Moïse, par qui sommes-nous sauvés ? Qu’est-ce qui nous rend agréables à Dieu ? La Loi ou la Foi en Jésus ?

C’est dans ce contexte dramatique, quelques années avant la destruction de Jérusalem, que saint Paul prit les Hébreux chrétiens de la première heure en charge pour leur expliquer qu’il est impossible d’en rester à une doctrine chrétienne qui ne se distingue pas formellement du judaïsme. Il faut passer outre, rompre sous peine de tomber dans l’apostasie.

Il les comprend “ de l’intérieur ”, et il leur écrit une longue dernière Lettre d’une admirable pédagogie. C’est avec douceur et admiration qu’il leur rappelle la foi des anciens patriarches, leur fidélité tellement méritoire à l’Alliance, à sa liturgie, à ses sacrifices, pour en arriver à leur faire aimer Jésus, le parfait grand prêtre selon l’ordre de Melchisédech, prêtre et victime d’un sacrifice rédempteur, unique médiateur d’une alliance nouvelle et éternelle, qui englobe donc l’ancienne et qui l’accomplit...

4. LA RÉVÉLATION DU MYSTÈRE DU CHRIST

Jésus, saint Paul l’a vu sur le chemin de Damas : Jésus de Nazareth, mais dans sa Gloire. Cela n’est en aucune manière comparable au Jésus des Évangélistes. Même lorsqu’il s’agit de la Transfiguration ou des apparitions de Jésus ressuscité, Jésus est certes glorieux, mais on reste, pour ainsi dire, dans les trois dimensions de notre condition terrestre. Saint Paul, lui, dans les hauteurs de la divinité, dans le Ciel, a vu jaillir de la gloire du Père, « l’effigie de sa substance », un être à qui Dieu donne l’être divin et toute sa gloire.

Néanmoins, il précisera que ce Jésus, ce Seigneur de Gloire est né d’une femme ; la Vierge Marie est donc de la famille trinitaire... C’est pourquoi elle a pu dire en toute vérité à Fatima : « Je suis du Ciel. » Certes, saint Paul voit que ce Jésus est l’effigie de la substance divine, mais il voit aussi qu’il est la parfaite effigie, sans mélange, de la Vierge Marie sa Mère. Saint Paul sait que le temps n’est pas venu de braquer les projecteurs sur Elle... C’était déjà difficile pour lui de faire admettre qu’un homme soit vraiment Fils de Dieu, il ne fallait pas en rajouter... Il avait bien raison lorsqu’il est encore tellement difficile pour nous aujourd’hui de faire admettre le dogme de la foi en l’Immaculée Conception, Mère et Épouse de Dieu... Mais par ces trois mots seuls : né d’une femme, saint Paul s’adjoint à la famille des serviteurs de l’Immaculée, et il est certain qu’il s’en réclamerait aujourd’hui...

Du Seigneur Jésus, Paul voit le profil, le visage, le corps personnel et social. Il prend la mesure vertigineuse de sa personnalité. En entendant le Christ lui dire sur le chemin de Damas : « Pourquoi ME persécutes-tu ? » Paul a compris que ce Seigneur de gloire est tout en tous les chrétiens ! Or, c’est celui-là même qu’il persécutait en croyant rendre un culte à Dieu... Il y avait là de quoi le terrasser et le convertir...

Pourquoi cette identification entre le Christ et tous les chrétiens ? Parce qu’ils sont membres de l’Église. Or, cette assemblée, cette société déjà bien organisée, cette « secte » que saint Paul cherchait à anéantir, c’est le corps de l’Épouse dont le Christ est le Chef, l’Époux. Nouvelle prodigieuse révélation qu’il va développer dans ses Épîtres, aux Colossiens et aux Éphésiens surtout.

5. LE CHRIST-CHEF ET ÉPOUX DE SON ÉGLISE, 
CORPS DE L’ÉPOUSE

Jésus mourant sur la Croix est le nouvel Adam qui va donner naissance à une humanité nouvelle rachetée par son Sang. La Vierge Marie, qui s’entend par Lui interpellée doucement par ce mot « Femme », est la nouvelle Ève. Elle devient véritablement le sein fécond qui va engendrer toutes les générations de chrétiens. C’est pourquoi Elle est la Médiatrice de l’Église, notre Mère.

Ève tirée de la côte d’Adam, était précontenue en Adam. Adam était donc pour Ève le principe de sa propre vie, vivifiant, continuant à la faire vivre. Ainsi en est-il du Christ, nouvel Adam de cette nouvelle Ève qui est l’Église, fondée dans le Cœur de la Vierge Marie transpercé d’un glaive de douleur. Médiatrice de la pureté et du zèle qui doit animer les Apôtres et leurs successeurs, et du service que doit rendre à l’Église cette hiérarchie au nom du Christ qui l’a instituée.

LE RÔLE DE LA HIÉRARCHIE.

Le Christ est le chef de l’Église comme aussi celui de chaque église locale ; et, par le ministère de la hiérarchie, il la gouverne avec l’autorité d’un amour exigeant, jaloux, pour son salut. Aux ­Corinthiens tentés de retourner vers les idoles, saint Paul ne fait pas de la morale, mais de la mystique : « J’éprouve à votre égard en effet une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ. » (2 Co 11, 2)

L’Église, c’est-à-dire l’assemblée des baptisés, n’est mystérieusement qu’un seul être que le Christ veut acquérir en mariage pour l’éternité. Et toute l’œuvre des Apôtres, tel saint Paul, consiste à préparer les membres de chaque église locale à ne former tous ensemble qu’un seul corps dans la vertu, dans la grâce de Dieu, afin de pouvoir s’identifier un jour à cette épouse pour laquelle Jésus a versé son sang sur la Croix. Saint Paul explique aux Corinthiens qu’ils ne sont qu’un seul corps avec le Christ, car ils reçoivent de lui la vie de la grâce par les sacrements, ils sont donc “ corps à corps ” avec lui. C’est la définition même de l’union conjugale. Et cette union conjugale est telle qu’elle interdit au chrétien d’aller connaître des unions impures, adultères.

Dans l’Apocalypse de saint Jean, on retrouve la même « jalousie divine » du Christ en personne. Par l’intermédiaire de saint Jean, il s’adresse aux sept « Anges », aux sept responsables des sept Églises d’Asie. Tous sont passés au crible d’un même “ audit ” : attitude de cette Église dans un monde dominé par Satan, son mérite ou démérite, d’où des reproches, des encouragements ou des menaces de châtiments, mais, pour finir, l’annonce d’une toute divine récompense pour qui aura été fidèle...

Le Christ est donc le chef de l’Église ; « le sauveur du Corps », ajoute saint Paul. Pour notre Père, nous avons là, en concentré, toutes les définitions. L’Église est un corps. Pour être sauvé, il faut faire partie de ce corps, être intégré à cette Église par le baptême, être ainsi membre de ce corps. Le Corps, c’est l’Église, le Christ en est le Chef puisqu’il en est le Sauveur, l’Époux...

Leur union a été scellée la première fois dans le sang de Jésus sur la Croix ; cet acte d’amour se renouvelle lors de chaque Saint Sacrifice de la messe... C’est ce qu’il nous faut maintenant approfondir.

– III – 
LA CÉLÉBRATION DE L’ALLIANCE

La religion, par définition, est la relation de l’homme avec Dieu, relation qui s’exprime par des sacrifices que l’homme offre à Dieu, son Créateur et Père. Chez les païens, on fait au dieu des offrandes, on égorge une bête, et on espère, on imagine que le dieu, en retour, donnera ses faveurs. C’est comme une stalagmite, un effort qui monte vers le ciel. Mais Dieu répond-il ?

La nouveauté de la Bible, en revanche, est que Dieu lui-même se révèle et fait Alliance avec son peuple ! Il se produit un échange réel entre le Ciel et la terre, selon une liturgie de sacrifice. Ainsi des grands sacrifices d’Abraham, puis de Moïse au Sinaï, fondateurs de l’Alliance. Tous les autres sacrifices en seront le mémorial, c’est-à-dire qu’ils reproduiront les gestes de ces sacrifices fondateurs, pour rappeler à Dieu ses propres serments et attirer ses bénédictions.

L’Église a reconnu, dans ces sacrifices d’Ancien Testament, des figures de la Croix, qui est sacrifice parfait offert par le Fils de Dieu, Prêtre et Victime. Le Sacrifice de la Croix scelle la nouvelle et éternelle Alliance, renouvelée à chacune de nos messes. Notre Père nous l’a enseigné incomparablement dans sa Théologie de l’Eucharistie.

– IV – 
L’UNION DU CHRIST ET DE L’ÉGLISE

Notre Père déplorait qu’on ait trop insisté sur l’aspect intime, individuel de la communion : Dieu et moi ! Cela convient bien au personnalisme moderne.

Au contraire, les hommes de tous les autres temps ont perçu leur alliance avec leur Dieu comme d’une race, d’un peuple, d’une tribu, voire d’une famille. Chez les païens, le dieu n’avait de conversation qu’avec le peuple tout entier, par ses représentants hiérarchiques.

De même, dans l’Ancien Testament, Dieu fait Alliance avec Adam, chef de race, avec Noé et sa famille, avec Abraham et sa descendance, puis avec son peuple qu’il a libéré d’Égypte et installé à Jérusalem, par l’intermédiaire des chefs qu’Il lui a donnés. Dans le Cantique des cantiques, l’épouse dont il est question, c’est Israël, c’est le peuple de Dieu !

Prenant la suite, insiste notre Père, « la nouvelle et éternelle Alliance est scellée par un seul, Jésus, avec tous ensemble, préalablement constitués en peuple saint, par la prédication de la foi, la distribution du saint Baptême et la promulgation de la loi nouvelle ». Ce peuple saint, le nouvel Israël, l’Épouse de Dieu, c’est l’Église.

C’est elle que Jésus a d’abord en vue lorsqu’il renouvelle son Alliance. Ne nous précipitons pas à dire, chacun pour soi, « Je suis l’épouse du Christ ! » Dieu ne nous aime que dans la mesure où nous appartenons à son Église. L’Eucharistie est d’abord un sacrement ecclésiastique, explique notre Père. C’est pourquoi nous aimons disparaître dans l’Église, nous rendant bien compte que c’est ainsi que nous sommes agréables à Dieu, remplis de ses grâces et capables de fécondité. Dans nos communions, il ne s’agit pas d’examiner si notre petit cœur bat plus vite, si nous sommes émus, si nous jouissons de sa Présence. Nous sommes au service du Christ et de l’Église, son Épouse, et donc nous communierons davantage pour servir et pour souffrir que pour jouir individuellement.

“ LA CÉLÉBRATION DE L’ALLIANCE ”

LA Messe est la commémoration  de la Croix, comme le sacrifice annuel de l’agneau pascal ou sacrifice de la fête de l’expiation chez les juifs était la commémoration du premier sacrifice, fondateur de l’Alliance ou de la libération du peuple hébreu de la captivité.

Mais, ici, cette commémoration est nouvelle. Le prêtre qui célèbre l’Alliance est Jésus physiquement présent. À partir du moment de la consécration, c’est lui, indubitablement, dans sa Personne totale, vivante. Ce n’est pas que son Corps et, parce qu’elle est inséparable du corps par concomitance, comme dit saint Thomas, aussi son Âme et aussi sa Divinité, aussi son Sang ! C’est vrai, mais c’est une présentation ! – disons que c’est Jésus vivant en son Corps et donc en son Âme et en sa Divinité. C’est Jésus qui est là et il est le Prêtre. Il est le prêtre de cette Alliance, il est comme le nouveau Moïse, mais qui fait corps avec son peuple, comme Moïse faisait corps avec son peuple. À ce moment où Jésus est là, il est au milieu de nous, il est dans l’Église, il est le chef de son corps, c’est-à-dire la tête de l’Église qui est son Corps, ou l’Époux uni à son épouse, et c’est avec elle, mystiquement uni à elle que, rituellement, il recommence le Sacrifice de l’Alliance, de telle sorte que le pacte d’Alliance conclu jadis par lui seul, maintenant est refait, réitéré dans le souvenir actif, dans l’action qui commémore sa mort, oblation, prière du Christ et de l’Église, immolation de son Corps et de son Sang symboliquement séparé de ce Corps ; bref, c’est l’action sacrificielle qui, étant refaite, procure à ce peuple, par la parole de Jésus-Christ, comme jadis par la parole de Moïse, par l’aspersion du sang des animaux, maintenant par la parole du Christ et par l’union à son Sang, c’est ce peuple tout entier qui va se retrouver dans une Alliance renouvelée, cette Alliance dont il dit qu’elle était nouvelle et éternelle.

Donc, c’est la promesse pour l’ensemble de l’Église d’une survie. Ainsi elle continuera, grâce à ce Sacrifice, de jour en jour, d’année en année, de siècle en siècle, jusqu’au retour du Christ, jusqu’à ce qu’il revienne. Et, deuxièmement, c’est la promesse de son entrée dans le Ciel, comme l’Alliance mosaïque n’était pas seulement pour chaque jour pendant les quarante ans de la traversée du désert, que ce peuple ait la grâce, la bénédiction de Dieu, mais que, enfin, il entre dans la terre du repos, du repos définitif, là où coulent le lait et le miel. Donc, c’est la promesse pour l’Église du salut éternel de tout ce Corps mystique, de toute cette assemblée, et du Royaume de Dieu qui vient, tellement plus profonde que dans l’ancienne Alliance, la communion à Dieu, qui n’est plus par le sang des taureaux et des agneaux, qui n’est plus par la manducation des viandes de bêtes immolées, mais qui est dans la manducation du Corps et du Sang du Christ lui-même.

Si, maintenant, nous demandons quel est le fruit du Sacrifice de la Messe, si nous revenons à ces catégories scolastiques, il faut tout de même nous demander ce qu’est le fruit de ce sacrement. La finalité, l’effet produit par chacune de nos Messes, c’est d’abord et avant tout qu’elle est principe et source de toutes grâces pour l’Église, de la grâce vraiment essentielle à l’Église, qui est d’exister, de vaincre les puissances de l’enfer, d’entraîner tous les hommes sur la voie du salut. C’est la bénédiction de Dieu sur son peuple – reprise, mais dans des termes tellement plus mystiques, des paroles mêmes de l’Ancien Testament qui se continuent et s’achèvent dans le Nouveau Testament – qui lui vaut tout bien.

C’est d’abord cela. Donc, la Messe est à mettre bien au-dessus de tous les autres sacrements, de tous les autres sacramentaux, de toutes les autres dévotions et prières. C’est la Messe qui fait subsister l’Église. C’est la Messe qui la fait croître en sainteté, en valeur et en nombre chaque jour (...).

Quand se passe ce renouvellement de l’Alliance dans la Messe ? C’est très simple : le Sacrifice du Christ en son Sang ainsi reproduit, réitéré, a lieu depuis la consécration du calice. Il commence avec la consécration du calice, c’est-à-dire avec l’apparition du Sang distingué sacramentellement, symboliquement, commémorativement du Corps du Christ. Jésus se met dans un état de Victime pour plaire à son Père et pour nous avertir de ce qui se passe : qu’il renouvelle sa Croix et qu’il renouvelle l’Alliance. Tant que cet état dure, c’est-à-dire jusqu’à ce que le prêtre ait achevé de consommer le Sang du Christ, le prêtre et ceux qui y participent, pendant tout ce temps-là, c’est le renouvellement de l’Alliance, c’est le Sacrifice (...).

Pendant ce temps, c’est-à-dire depuis la consécration du Sang jusqu’à la con­sommation de ce précieux Sang au calice, Dieu passe. C’est le passage du Seigneur. Il crie à l’Église son serment, il refait sa promesse comme il le faisait quand il passait comme une fournaise ardente et un brandon fumant entre les animaux partagés et qu’il criait à Abraham sa promesse de le choisir et de l’élire, lui et ses descendants. Il passe et il épargne son peuple, comme l’ange de Yahweh passait et épargnait les maisons des Hébreux en voyant le sang de victimes. Il passe et libère son peuple de la captivité, comme les Hébreux vont être au soir même de ce sacrifice libérés de cette captivité. Il passe et il conduit son peuple à la terre promise. Il passe et il nous entraîne, il nous conduit à le suivre jusqu’au Ciel.

Et, en plus, il se laisse contempler, il épargne ses saints et il invite enfin chacun à la fin de ce Sacrifice au terme de cette union, matérialisée par un banquet sacré, à s’asseoir, à manger, à boire. C’est la manducation et la boisson spirituelle du Corps et du Sang de Jésus-Christ qui sont une union très intime avec Dieu dans la sainte humanité de Notre-Seigneur (La célébration de l’Alliance, S 52, 3).

MARIAGE HUMAIN, MARIAGE DIVIN

L’union du Christ et de l’Église, consommée sur la Croix, renouvelée à chaque messe, est fondatrice de tout un bel ordre humain, sanctifié, qui s’édifie sur le modèle de cette relation plénière.

Le mariage humain, d’abord, a été célébré par saint Paul comme une grande chose, figure de cette union du Christ et de l’Église. C’est aussi sur le mariage qu’est bâti tout l’ordre humain familial, et son réseau serré de paternités, filiations, amitiés... C’est bien pourquoi la franc-maçonnerie athée et antichrist tient tant à le détruire ou à le dévoyer...

ÉPOUX, ÉPOUSE : LA VOCATION DES ENFANTS DE DIEU.

Selon notre Père, le mariage réside tout à la fois dans le vouloir de l’homme et le consentement de la femme (cf. CRC n° 118, juin 1977, p. 11). Dans « cette immense lumière qui est Dieu », nous comprenons que le Je le veux de l’époux s’apparente à l’Ecce venio prononcé par le Christ lors de son Incarnation, selon l’Épître aux Hébreux (10, 7) : « Voici que je viens, Père, pour accomplir votre volonté. » La volonté du Père le conduira jusqu’à la Croix. Cet acte d’obéissance volontaire du Christ, c’est déjà la célébration de ses épousailles avec l’humanité, mais dans la perspective de sa Passion, afin de racheter son épouse pécheresse et lui donner une merveilleuse et inépuisable fécondité.

« Quant au consentement de l’épouse (chrétienne), il n’est pas seulement une ressemblance du oui de l’Église au Christ, il en est un effet, une participation, un renouvellement (...). L’épouse est, lors de son mariage, dans l’attitude et la fonction éternelles de l’Église recevant sacramentellement la vie du Christ, la grâce du Christ, la fécondité du Christ, et cela par le ministère de son époux. »

DANS LA LUMIÈRE DE LA FOI...

Ce n’est pas tout. Dans le plan de Dieu, la relation de l’époux et de l’épouse est la matrice des rapports sociaux. L’épouse étant “ image et ressemblance ” de tout corps social constitué dirigé, gouverné par une autorité, un chef, un Époux. C’est ainsi que l’Église diocésaine est comme une épouse que le Pape confie aux soins d’un évêque nouvellement ordonné pour qu’il en soit l’époux. Saint François de Sales se considérait bien marié à « sa diocèse », comme il disait.

La nation est le corps social ou l’épouse, que les évêques consécrateurs vont “ marier ” au prince en le sacrant Roi, afin qu’il devienne époux et père de ses peuples...

Noces et paternité charnelles sont donc à l’image et ressemblance des spirituelles ; elles passent par des mystères joyeux, mais atteignent au paroxysme de l’amour sur le lit nuptial de la Croix, comme disent les mystiques (CRC n° 118, juin 1977, p 11).

« Ô Jésus, est-il une joie plus grande que de souffrir pour votre amour ? » (sainte Thérèse de ­l’Enfant-Jésus)

ET LA FORCE DE L’ESPÉRANCE.

Car, à l’image et ressemblance de Jésus crucifié, tout pasteur est ordonné à un dévouement semblable pour son diocèse ou pour sa paroisse qu’il épouse mystiquement comme Jésus épousa son Église sur la Croix. De même, chaque mari est ordonné à cet indéfectible don de lui-même à la femme qu’il épouse sacramentellement. L’un et l’autre, le prêtre pour son Église, le mari pour sa femme, se savent comme d’autres Christ pour s’attacher à elles comme à l’Aimée du Seigneur, pour les servir, les aimer, les voir comme Jésus les voit, dans leur beauté surnaturelle, malgré les peines et les misères, au-delà des médiocrités et apparences quotidiennes...

Voilà comment nos relations humaines s’enracinent dans l’Alliance du Christ et de l’Église.

DANS LA LUMIÈRE DE LA MÉTAPHYSIQUE RELATIONNELLE.

Comment comprendre la transformation d’un peuple en un corps mystique, épouse de Jésus-Christ ?

La métaphysique relationnelle de notre Père rend parfaitement compte de ce mystère d’amour entre Dieu et les hommes, amour tout à la fois du Ciel et de la terre, naturel et surnaturel. Notre Père l’a expliqué dans trois pages magistrales : “ Métaphysique totale et mystique catholique ”  (CRC n° 182, oct. 1982, p. 8-10, et aussi sur la VOD : sigle Méta 11).

Notre Père a mis en lumière l’importance primordiale des relations dans la définition de la personne. En nous créant, Dieu nous engage dans un réseau de relations avec notre prochain. Nos parents, d’abord, nos procréateurs, puis celles qui nous font membres d’une même nation, ville, village, associations, etc. Notre vocation et notre béatitude, ici-bas, consistent à entretenir, développer, multiplier nos relations, pour “ être plus ”. Par suite, le destin de l’humanité est, à son tour, de « prendre forme de société, de communauté, de corps spirituel où chacun, gardant sa distinction d’être personnel, trouve sa valeur et son bonheur, sa plénitude dans la plus vaste communion qu’il puisse ambitionner » (CRC n° 180, août 1982).

“ LA NOUVELLE ET ÉTERNELLE ALLIANCE ”

L’APPELER peuple de Dieu,  c’est dire que l’Église est une société temporelle, visible, faite de nations qui sont catholiques et qui pratiquent ainsi la loi de Dieu publiquement selon le principe de saint Paul et de saint Pie X : « Omnia instaurare in Christo. » Pourquoi « dans le Christ » ? Parce que le ciment de ce peuple est la foi dans le Christ et la pratique de la religion dont l’essentiel est la Messe ; un peuple qui a son Dieu vivant au milieu de lui, comme tous nos villages de France avec leur église au centre et leur clocher qui est le point de ralliement, renouvelle chaque jour et sur tous les points de la terre, son Alliance, dans et par le Saint-Sacrifice de la messe (...).

Jésus-Christ accomplit ses promesses en se montrant, en se donnant, en se répandant en services et en bienfaits dans son sacrement de l’Eucharistie. Il est ainsi le Sauveur du corps, le Bienfaiteur suprême des nations, le Roi de son peuple élu.

D’où la conséquence du culte public qui lui est dû. L’exemple admirable de Garcia Moreno déclarant le Sacré-Cœur, Roi du peuple saint de l’Équateur. Il a été assassiné en 1875 le jour même où il faisait la consécration de son peuple, comme Président de cette République de l’Équateur, au Sacré-Cœur. Il reste absolument l’admirable exemple de ce que Dieu veut des chefs d’État. Tous les autres sont en rupture de contrat.

Suivons dom Vonier et nous comprendrons que le culte de l’Eu­charistie implique les fêtes, les nécessités naturelles des peuples, dit-il, mais qui là, doivent être fondées sur la Messe. Tous les peuples ont eu des fêtes, tous les peuples ont eu des fêtes religieuses – que ce soit de leur dieu, le soleil, ou le taureau, le serpent ou le chat, tout ce que vous voulez –, c’est la religion qui fait la cohésion du peuple et c’est la reconnaissance de la souveraineté de Dieu sur l’ensemble du peuple que ces fêtes, ces fêtes publiques donnant lieu à des manifestations de foi dans leur Roi divin, et nous c’est ­Jésus-Hostie !

La vie sociale doit être telle que Jésus exerce sa royauté eucharistique en plé­nitude. Donc, je dis qu’il est impensable qu’une nation chrétienne catholique soit gouvernée, sauf par violence, par des non-chrétiens, par des non-catholiques. Nous sommes en démocratie, c’est nous le peuple chrétien qui élit des francs-maçons et des anticléricaux ?! C’est un désordre dont les évêques et le Pape sont responsables ! Un peuple chrétien, catholique – il n’y a de chrétien que catholique – doit avoir pour gouvernants des catholiques. C’est insupportable qu’ils se laissent aller par leur propre volonté et leur propre lâcheté à se laisser gouverner par des gens qui sont en rupture de foi, en rupture de discipline avec la religion catholique, et qui laissent célébrer les mystères du Christ en cachette ou librement par les prêtres dans les coins. Un Roi sacré, une Alliance entre lui et le Christ, un serment de fidélité, d’où la pleine liberté et l’exaltation de l’Église, de son culte et de ses institutions, sont non seulement bons, mais sont absolument nécessaires, impliqués par notre foi au Christ. Les processions, les congrès eucharistiques et les consécrations au Sacré-Cœur, tout cela est tout à fait normal, et normal cela veut dire tout à fait selon la loi.

La communion individuelle au Christ, pour être pure de tout orgueil, égoïsme et tentations diverses, doit être tout incluse dans la célébration liturgique com­mune de l’Église. C’est toujours une communion de communauté. Que ce soit la communion familiale ou monastique ou paroissiale, diocésaine, elle est toujours ­catholique, c’est-à-dire qu’elle rassemble, au moins spirituellement, virtuellement, tous les autres catholiques, tous les autres fidèles et la hiérarchie, autour du Christ qui est ainsi le Christ Pantocrator, c’est-à-dire Chef de tout le monde, Gou­verneur de tout. Ce Christ qui se livre à nos cœurs comme notre tout, alors que chacun de nous n’est rien du tout, est premièrement le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, Époux de l’Église qui est le genre humain nouveau, le peuple immense de tous les prédestinés sauvés des derniers jours (...).

Ainsi dans nos cœurs, nous adorons, nous louons, nous aimons, nous servons Jésus-Christ présent dans tous les tabernacles de la terre, comme dit la prière de l’ange de Fatima. Nous ouvrons notre âme à la royauté universelle de Jésus, à sa soif du salut de toutes les âmes ; il ne peut pas se contenir dans mon âme, si riches que soient mes possibilités et virtualités [rire] ! Et nous implorons par la Vierge Immaculée qu’arrive bientôt son règne universel sur toutes les nations, selon sa volonté. « Cœur Eucharistique de Jésus, par le Cœur douloureux et immaculé de Marie, toujours Vierge, votre Mère, ayez pitié de nous, que votre règne arrive ! »

Ce règne est annoncé par saint Jean l’Apôtre, l’Évangéliste, le disciple que Jésus aimait.

Dans son Apocalypse, aussi bien il parle, au chapitre troisième, de ce souper intime qui nous est promis avec Jésus, Jésus avec moi, et moi avec Jésus, et moi en Jésus et Jésus en moi, mais c’est le même Évangéliste qui nous montre dans des visions fantastiques ce que sera le Ciel. On ne sait pas si c’est le Ciel, à bien lire, puisque c’est la Jérusalem descendue du Ciel qui nous est représentée dans l’Apocalypse, on ne sait pas si c’est l’annonce du triomphe universel de Jésus sur la terre, d’une manière absolument inouïe, comme je le pense de plus en plus, à cause des prophéties de Fatima, ou bien si c’est le Ciel lui-même. Que voyons-nous dans l’Apocalypse ? Nous voyons Dieu dans toute sa gloire : « Après quoi, voici qu’apparut à mes yeux une foule immense [voilà ce qu’est le Ciel et ce que sera peut-être déjà la restauration de l’Église après les grands miracles promis à Fatima ; c’est ça qui doit hanter nos esprits, quand nous sommes en colloque avec Jésus, c’est de lui parler de son règne universel, plutôt que de lui parler de mes petites affaires !] que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue, debout devant le trône et devant l’Agneau [c’est Jésus-Hostie, l’Agneau c’est Jésus égorgé, l’Agneau égorgé c’est Jésus dans l’Eucharistie] vêtus de robes blanches [c’est ça le Sacrifice céleste dont il est parlé dans la Messe], des palmes à la main, ils crient d’une voix puissante :  Le salut à notre Dieu qui siège sur le trône ainsi qu’à l’Agneau ” [c’est-à-dire au Père et au Fils]. Et tous les anges en cercle autour du trône, des vieillards et des quatre vivants se prosternèrent devant le trône, la face contre terre pour adorer Jésus. Ils disaient : Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen ! ” »

Donc, les grand-messes avec les orgues et les trompettes et les chorales formidables qui chantent : « Sanctus, Sanctus, Sanctus », etc., c’est déjà un avant-goût du Ciel, et Dieu le veut, Jésus-Christ est honoré ! Quand on passe dans les rues du Puy pour la fête du Saint-Sacrement, comme je l’ai connu quand j’étais enfant, avec l’harmonie du Pensio, et tous les instruments suivis des chorales, tout cela avec en plus des gens en uniforme de toutes sortes criant les louanges du Christ, c’est tout à fait ce qu’il faut.

« L’un des vieillards prit alors la parole et me dit :  Ces gens vêtus de robes blan­ches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? Et moi de répondre : Monseigneur, c’est toi qui le sais. Il reprit : Ce sont ceux qui reviennent de la grande épreuve, ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le Sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son Temple, et Celui qui siège sur le trône étendra sur eux sa tente. Jamais plus, ils ne souffriront de la faim et de la soif, jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil ni par aucun vent brûlant, car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur Pasteur et les conduira aux sources des eaux vives et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. ” »

C’est vrai du Ciel ! C’est déjà vrai de la nouvelle Chrétienté ! Quand il dit qu’ils n’auront plus jamais faim ni soif, c’est un écho au chapitre 6 de saint Jean annonçant ce Pain qui nourrit sans laisser aucune faim, ce Vin qui enivre l’âme, qui la rend féconde sans aucun besoin de consolation terrestre, etc.

Les derniers chapitres, 19 à 21, nous parlent de cette Jérusalem céleste. Véritablement, c’est le triomphe de l’Agneau, et ce triomphe c’est le but de Jésus qui meurt sur la Croix pour la Cène, qui institue la Cène pour les Messes, qui font dire les Messes pour les communions, qui se donne à nous dans la communion pour faire de nous des habiles et courageux serviteurs de son règne.

(extrait de Mysterium fidei, retraite de notre Père de l’automne 1994, S 124, treizième conférence)

Mais quel sera le centre de cette convivialité universelle ? Lorsque le Verbe s’incarne parmi les hommes, c’est pour entrer en relation avec eux. Par son Eucharistie, il entretient des relations concrètes, vivantes, avec tous ceux qui le prient et qui l’aiment : c’est la formation, à partir de son Corps physique, de son Corps mystique et sa catholicité ! Il nous donne son Esprit-Saint, il répand sa vie et sa grâce par les canaux de nos relations humaines pour, de proche en proche, nous sanctifier tous. Il devient ainsi le centre de l’humanité et son Chef.

Notre Père écrit : « Le Christ, devenu par son Sacrifice l’auteur d’une nouvelle création, la source d’une nouvelle vie, envoie son Esprit-Saint, force de grâce et d’amour sur ses disciples.

« Cette nouvelle relation créatrice, don vertical, s’étale en relations fraternelles pour former une nouvelle famille humaine, l’Église, selon les échanges interpersonnels pleinement libres, de service, de justice et de charité, formant la communion des saints. »

La structure relationnelle de la création devient ainsi le véhicule de la rédemption et diffuse dans tout l’organisme, par les vieilles artères durcies de ses paternités, amours conjugaux et amitiés, filiations naturelles, le sang nouveau transfusé par le Christ dans tous les membres humains de son Corps mystique (CRC n° 182, p. 10).

LE RÈGNE SOCIAL DE JESUS-EUCHARISTIE

Nous avons compris que par l’Eucharistie, Jésus-Christ veut faire de l’humanité son peuple, son corps social. Dès lors, le but poursuivi par Dieu instituant le Saint Sacrifice de la messe, la célébration de l’Alliance nouvelle et éternelle, ne peut se réduire et limiter à la perfection ou sanctification individuelle, il vise à long terme une reconquête de tous les secteurs de la vie temporelle et de l’activité des hommes. Le but de l’Alliance, c’est le Règne de Dieu sur la terre comme au Ciel !

Il ne s’agit pas là d’une invention de l’abbé de Nantes, encore moins d’une hérésie – son ­ “ ­temporalisme ” ! – puisque c’est l’expression même d’une vérité révélée, que vous comprenez mieux, j’espère. C’est la réalisation, la mise en œuvre d’un processus de sanctification de l’univers, la récapitulation de toutes choses dans le Christ-Jésus mais... par l’Immaculée Conception, Médiatrice universelle, notre Mère à tous, à jamais !

Ce règne social est compris dans l’expression même de “ peuple de Dieu ”, ainsi que notre Père le découvrit dans sa retraite de l’automne 1994 en lisant un livre de dom Vonier, écrit avant que le Concile ne travestisse cette réalité en slogan démocratique (dom Anscar Vonier, Le peuple de Dieu, éditions du Cerf, Paris 1953).

« OUI, MON RETOUR EST PROCHE ! » (Ap 22, 20)

Objection ! C’est notre Père lui-même qui la pose (cf. “ L’avenir du monde ”, CRC n° 83, août 1974), mais peut-être vous vient-elle aussi à l’esprit ?

Ces visions sont certes très belles, mais ne sont-elles pas plus du Ciel que de la terre ? La Messe est le Sacrifice perpétuel de Jésus qui lave le monde de ses péchés ? Mais où en voit-on les fruits proportionnés ? (...) Pourquoi cela ne réussit-il pas mieux ? Où voit-on cette plénitude qui doit embrasser le genre humain d’un pôle du monde à l’autre, afin que Dieu soit tout en tous ? L’Alliance de Dieu avec l’humanité n’est-elle pas en train de s’acheminer lamentablement vers un divorce, une séparation à l’amiable, comme celle de tant de couples humains ?

Réponse : « Paris ne s’est pas fait en un jour ». Il en est ainsi du Règne de Dieu et de la civilisation de l’amour. Ils se sont imposés pendant un temps, ils s’imposeront de nouveau sur terre, au rythme lent, sans cesse contrarié, persécuté, selon des étapes programmées par Dieu de toute éternité, et qui nous ont été révélées dans le livre de l’Apocalypse. Ce sera l’objet des prochaines conférences. Mais ce qui a soutenu la constance de tous les saints, et qui soutient la nôtre aujourd’hui, c’est de savoir qu’à la fin de la grande apostasie, le Cœur Immaculé de Marie triomphera, car c’est Elle, Marie, l’Immaculée Conception, qui est l’arche de la nouvelle et éternelle Alliance...

Dans le Cœur de Dieu, du Père, du Fils, du Saint-Esprit, la Personne chérie, aimée plus que toute créature, tellement aimée que c’est pour Elle que toutes les autres créatures ont été appelées à l’existence, c’est cette Femme, la Vierge Marie qui a vécu à Nazareth, qui a enfanté Jésus, qui était au pied de la Croix, compatissante, mourant spirituellement, le Cœur transpercé d’un glaive de douleur, pour participer à son agonie. C’est Elle que le Père du Ciel aime comme sa fille unique, c’est elle que le Verbe de Dieu a dans le regard, dans le Cœur, de toute éternité. C’est Elle que le Saint-­Esprit a choisie comme sa colombe, son sanctuaire. L’Église, c’est Elle !

Frère Bruno de Jésus-Marie