La France, la France seule !

POUR la nouvelle année 1960, l’abbé de Nantes, notre Père, avait commencé sa Lettre à mes amis 63 ainsi :

« Je voulais vous écrire mes vœux pour l’an de grâce 1960, an I de l’expansion du communisme mondial selon les déclarations de son chef, année aussi de la révélation du dernier secret de Fatima. J’ai retardé cette lettre, trop lourde de craintes et en même temps chargée d’une grande espérance. En annonçant que le sang y coulerait, sang de soldats, sang de martyrs, je sentais que ces tristes prévisions ne tarderaient pas à être tragiquement confirmées. Où ce sang devait-il couler ? dans quelles conditions et pourquoi ? C’était à ces questions que je voulais répondre pour fortifier vos âmes et les éclairer de Vérité. »

Depuis l’année 1991 date de son indépendance, depuis la Révolution orange en 2004, le désordre, la pauvreté, la corruption règnent en maîtres en Ukraine où le sang coule désormais à flots depuis la révolution du Maïdan en 2014 et, plus encore, depuis le 22 février 2022. Pour quelle raison ? Parce que les États-Unis et leurs “ alliés ” européens ont décidé d’asservir ce pays incapable de vivre son indépendance, de le diviser, de le détruire même s’il était possible... par haine d’une Russie qui entend défendre jalousement son territoire, son indépendance, sa souveraineté, ses richesses... et par-dessus tout son âme, hier sous possession communiste, mais aujourd’hui chrétienne... et demain catholique.

Donc il nous faut, nous catholiques, prendre le parti de la Russie ?... Non ! Celui des États-Unis ? Évidemment non ! Rester neutres ? Encore moins ! Dans cette affaire internationale qui menace la paix du monde, il nous faut prendre, nous catholiques français, le parti qui n’est défendu par personne et qui est tout simplement celui de la France, de la France seule ! Et l’intérêt supérieur de notre pays comme celui sans doute d’ailleurs de tous les États européens passe par le rétablissement durable de l’ordre et de la paix en Ukraine... Or, seule la Russie peut et surtout veut le faire en déployant toute la force nécessaire à sa disposition avec tous les efforts et sacrifices qu’une telle opération implique.

Donc dans de telles conditions, désirer un échec de la Russie, pire : travailler à sa défaite, est une profonde erreur politique et même une faute morale grave. La décomposition sociale qui ronge l’Ukraine depuis maintenant plus de trente ans finira immanquablement par traverser ses frontières et gangrener d’autres pays si elle n’est pas jugulée. Mais surtout un nouvel effondrement de la Russie achèverait l’asservissement d’une France surendettée, désindustrialisée, isolée au sein d’une Union européenne dominée par une riche Allemagne qui a les moyens de se réarmer, bien décidée à resserrer les rangs avec l’OTAN donc avec les États-Unis.

Doit-on toujours parler d’ « expansion du communisme mon­dial » ? Oui, mais là où on ne l’attendait pas en 1960. Cette idéologie destructrice et ses principes antireligieux, antisociaux, antifamiliaux, inhumains, se sont enracinés et se sont étendus chez nous en Occident, et contre ceux-ci l’Église n’a montré aucune opposition depuis qu’au concile Vatican II elle a refusé de condamner le marxisme.

Comment nos sociétés pourraient-elles subsister quand ses gouvernants appliquent des principes destructeurs et ne font rien pour défendre, encourager, aider, favoriser ceux qui se vouent à son salut ? Paul VI a hypocritement pleuré sur l’autodémolition de l’Église, lui le responsable de sa perte. De même, nos gouvernants français pleurent sur l’autodémolition de la France, eux qui mettent en œuvre des lois et des projets qui vont toujours plus loin dans l’horreur de l’avortement, de l’euthanasie, de l’immoralité, de la trahison, de l’anticivilisation et de l’irréligion.

On pourrait objecter qu’en Europe aucun gouvernement ne se dit communiste et que les partis communistes ont un poids si faible qu’ils sont comme n’existant plus. Ce à quoi nous répondrions : certes, il n’y a plus de drapeaux rouges, ni de militants encartés, mais nos sociétés sont imprégnées de matérialisme dialectique et de révolte contre Dieu.

Marx considérait que les conditions matérielles d’existence des hommes, en particulier leur place dans les rapports de production, déterminent leur conscience et que la dialectique de l’histoire trouve son origine dans les oppositions de classes sociales, dans la lutte entre leurs intérêts divergents. Eh bien ! contrairement aux apparences, nous y sommes bien ! Les orientations législatives actuelles sont adoptées dans le but de faire échapper l’enfant et l’adulte à leur milieu, à leur famille, à leur paroisse, à leur pays, à tout cadre, à toute institution, à tout devoir envers Dieu. Que ce soit dans le domaine de l’éducation où l’enfant doit s’éduquer lui-même, dans le domaine de la morale où l’homme doit pouvoir déterminer son genre, dans le domaine de la politique où le citoyen adopte ses propres lois, tout est fait pour que, d’une façon plus radicale que Marx, mais toujours dans la même logique, l’homme ne soit plus soumis à aucune condition matérielle de son existence, y compris celles inscrites par Dieu dans la nature humaine.

Toute cette idéologie se résume dans ce que l’on appelle le wokisme, mouvement qui nous vient des États-Unis, mais dont les origines idéologiques se situent dans la french theory, c’est-à-dire dans les écrits des théoriciens français modernes de la déconstruction, comme Foucault, Derrida et Deleuze. Il est de bon ton, par ignorance ou par esprit subversif, de dire que ce n’est pas du marxisme, car la lutte des classes et l’ouvrier ne sont pas au cœur de cette idéologie. Oui, mais il s’agit bien des principes de Marx. Matérialisme dialectique, révolte, révolution, haine de Dieu, tout cela est contenu dans le mot de déconstruction, au fondement du wokisme.

Plus profondément encore, le marxisme, fait remarquer notre Père, et le wokisme, bien entendu, sont « une inversion totale et systématique de la religion. Repoussée par le matérialisme sans âme du XIX^e siècle, elle est revenue non plus sous la forme de Jésus-Christ vainqueur de la triple concupiscence et de l’esprit démoniaque, mais au contraire sous la forme de Lucifer triomphant de Dieu par l’exaltation des trois concupiscences dans la révolte absolue. Au lieu de la paternité et de la filiation divines et humaines, la dialectique du maître et de l’esclave. Au lieu de la soumission, l’aliénation, au lieu de la charité et de la grâce, la haine et la fureur. Au lieu de la Rédemption universelle, la Révolution totale. Au lieu du culte de Dieu jusqu’au sacrifice de soi, le culte de soi jusqu’à l’anéantissement du monde. Le marxisme est satanique... »

Révolte contre le père, la mère, le maître, le colonisateur, le prêtre, la patrie, l’Église, le Blanc même, voilà où nous en sommes. D’où cela nous vient-il ?

Dans L’erreur de l’Occident, Alexandre Soljenitsyne avait écrit : « Le stalinisme n’a existé ni en théorie ni en pratique : on ne peut parler ni de phénomène stalinien, ni d’époque stalinienne, ces concepts ont été fabriqués après 1956 par la pensée occidentale de gauche pour garder les idéaux communistes. »

En condamnant haut et fort Staline et le stalinisme, en 1956, Khrouchtchev a fait croire que le “ mauvais ” communisme, totalitaire, n’existait plus. Plus tard, en clamant mensongèrement que le communisme avait disparu avec la chute de l’Union soviétique en 1989, et l’Église elle-même, malheureusement, a participé à ce mensonge par la bouche de Jean-Paul II, on a cru qu’on en avait fini avec cette idéologie monstrueuse. En réalité, il n’en était rien. Pire ! l’Église et l’Occident en sont tout imprégnés, alors que la Russie de Poutine, elle, les rejette et les combat.

Pourtant, nous dira-t-on, avant 1991 Poutine était membre du Parti communiste de l’Union soviétique, n’a-t-il pas été un agent du KGB ? Lutter pour l’Ukraine, n’est-ce pas lutter contre une résurgence possible de la tyrannie communiste ? Il est vrai que Poutine a revêtu l’uniforme soviétique, qu’il a travaillé dans les bureaux du KGB, mais comme le fait remarquer le professeur marxiste russe Aleksandre Buzgalin, de l’université de Moscou, « au sein du PCUS, il y avait deux catégories de gens : les communistes et les membres du Parti ». Poutine était membre du Parti et loyal à son pays, rien de plus. S’il fallait une preuve que Poutine n’a rien à voir avec le communisme, il suffit de lire son discours du 22 février 2022, dénonçant Lénine pour avoir créé l’Ukraine de façon arbitraire et pour avoir reconnu le droit à l’autodétermination de l’Ukraine et des autres nations.

Soixante-deux ans après l’année que notre Père définissait comme l’an I de l’expansion du communisme, nous assistons, semble-t-il, par la grâce de l’Immaculée, à une contre-offensive, à une Contre-Révolution venant de là où on ne l’aurait pas attendue autrefois : de la Russie elle-même. L’année 2022 qui a vu le déclenchement de l’Opération militaire spéciale et de la consécration de la Russie marque l’an I de l’expansion du règne du Cœur Immaculé de Marie dans le monde, et, selon les déclarations de la Reine du Ciel à Fatima le 13 juillet, l’établissement de la dévotion à son Cœur Immaculé, parce que Dieu le veut : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé », et ainsi « beaucoup d’âmes se sauveront et on aura la paix ».

Il y a un an, le jour de la fête de l’Annonciation, vendredi 25 mars 2022, le monde entier a vu et entendu le pape François supplier Notre-Dame de Fatima sur un ton pathétique :

« Mère de Dieu et notre Mère, nous confions et consacrons solennellement à ton Cœur immaculé Nous-même, l’Église et l’humanité tout entière, en particulier la Russie et l’Ukraine... Tu as tissé l’humanité de Jésus, fais de nous des artisans de communion. »

L’Opération militaire spéciale conduite par Vladimir Poutine en est un fruit, puisque nous voyons l’armée russe tenir tête à l’Occident et à ses idées subversives.

Le grand dessein divin qui a dominé le vingtième siècle, qui domine encore le nôtre, et qui est en voie de se réaliser, est cette volonté de bon plaisir de notre Dieu, révélée en 1917 par Notre-Dame de Fatima afin de sauver les âmes des pauvres pécheurs qui marchent à l’enfer. Pour l’accréditer et pour démontrer la puissance de notre Mère Immaculée, Dieu veut lier la paix du monde et le triomphe universel de l’Église à deux conditions bien faites pour confondre l’orgueil moderne et exalter la puissance de la “ divine Marie ” : la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé par le Pape ayant ordonné aux évêques de s’unir à lui dans cet acte, et la recommandation de la dévotion des cinq premiers samedis du mois.

« Le Saint-Père me consacrera la Russie qui se convertira, et il sera donné au monde un certain temps de paix. »

Oui, ce temps de paix viendra, et nous pouvons le hâter en répondant pleinement, pour notre part, aux “ petites demandes ” de Notre-Dame : récitation du chapelet quotidien et des prières enseignées par l’Ange et la Vierge Marie, pratique de la confession et de la communion réparatrice des premiers samedis du mois, méditation des mystères du Rosaire, port du scapulaire de Notre-Dame du Mont-Carmel et de la médaille miraculeuse comme signes de notre consécration à son Cœur Immaculé.

Nous pouvons le hâter aussi en encourageant nos curés et nos paroisses à pratiquer les premiers samedis du mois. Nombreux parmi vous ont eu le courage de prendre des initiatives dans ce sens. Tout cela ne peut que plaire à Dieu, au Cœur Immaculé de Marie, et contribuer à placer nos familles et nos pays dans leurs mains.

L’abbé de Nantes ne cessait de prêcher : « Par la ferveur d’une minorité, le Cœur de Jésus, le Cœur Immaculé de Marie se laisseront toucher. Mais il y faudra d’abord et surtout une lassitude de Dieu, une compassion de Jésus-Christ, une grâce de l’Esprit-Saint d’amour créateur, à la prière du Cœur Immaculé de Marie, sainte Colombe de la paix. Donc, à la question : “ Enfin, Dieu aura pitié de qui ? ” la vraie réponse est celle-ci : “ De l’Immaculée Conception, et, à cause d’elle, il sauvera le monde. ” Comment ? En bon catholique, il le sauvera par le Pape, son Vicaire, son fils.

« En s’élevant au-dessus des étranges passions dans lesquelles journaux et hommes de partis cherchent à nous entraîner, et à la seule condition encore de ne pas s’évader dans une fausse “ mystique ” où la recherche de Dieu et la Charité devraient se traduire par un lâche reniement de notre Église et de nos patries, l’année qui vient se laisse aisément prévoir. Les grands mouvements de pensée et de puissance y continueront leur expansion accélérée, ce qui est littéralement terrifiant, à moins que, préparé dans le secret de l’Église de Dieu qui prie sans relâche et s’immole, quelque événement surnaturel vienne réduire à néant les vaines pensées des méchants. Pessimisme, optimisme, non ! Sagesse chrétienne qui ose mesurer avec exactitude les forces de Satan mais leur oppose avec foi la puissance de l’Esprit Invisible qui anime notre Sainte Mère l’Église. »

frère Bruno de Jésus-Marie