Il est ressuscité !
N° 240 – Février 2023
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Ratzinger-Benoît XVI
Le responsable de la ruine de l’Église,
c’est lui
À entendre le concert d’éloges dithyrambiques qui suivit la mort du pape Benoît XVI, du moins dans certains milieux conservateurs et traditionalistes, on pourrait croire qu’il sera un jour proclamé docteur de l’Église. « C’est un Pape, écrit Laurent Dandrieu, qui aura tenu bon “ devant les loups ”, pour réenraciner (sic) l’Église dans le Christ et la laisser plus “ affermie dans la foi ”, apte à remplir sa mission de constituer “ le sel de la terre ”. » Le pape François lui-même décrit son prédécesseur comme « un maître de la foi » dont « la pensée et le magistère sont et resteront toujours féconds dans le temps ». Il l’affirme dans la préface d’un recueil de citations de Benoît XVI à paraître.
Nous pensons, au contraire, que pour la purification de l’Église si nécessaire et la restauration du dogme de la foi, il faudra jeter l’anathème sur ses écrits et sur ses discours.
Mais un Pape pourra-t-il condamner l’un de ses prédécesseurs ? Assurément, puisque cela a déjà eu lieu, par exemple au septième siècle :
« Honorius est, de tous les papes hérétiques, le plus célèbre et sans doute le plus gravement coupable. Pour se justifier de céder devant les hérétiques, il eut ce mot qui est d’un moderne étonnant, mais c’était en 634 : “ Prenons garde de ressusciter les vieilles querelles ” ! Moyennant quoi, il ordonna de laisser l’erreur se propager librement et la conséquence fut que la vérité de l’orthodoxie se trouva partout bannie. Presque seul, saint Sophrone, évêque de Jérusalem, s’insurgea contre Honorius, l’accusant formellement d’hérésie. Le Pape enfin reprit conscience de ses devoirs, mais il mourut sans avoir réparé l’immense dommage causé à l’Église universelle par ses palinodies. Cela lui valut l’anathème du VIe concile de Constantinople, en 680, confirmé par le pape Léon II et repris par tous les grands Conciles œcuméniques jusqu’à l’époque moderne. Prodigieuse marque de vérité que donne ainsi l’Église de Rome en maintenant l’un de ses Pontifes sous l’anathème à travers les siècles, pour cause d’hérésie, au moment où elle se déclare sereinement infaillible ! » (CRC n° 69, juin 1973, p. 8)
Mais revenons à Benoît XVI. En 2010, cinq ans après son élection au souverain pontificat, interrogé par son ami, le journaliste Peter Seewald, il affirmait qu’un Pape ne devait pas démissionner lorsqu’il rencontrait des difficultés :
« Quand le danger est grand, il ne faut pas s’enfuir. Le moment n’est donc sûrement pas venu de se retirer. C’est justement dans ce genre de moments qu’il faut tenir bon et dominer la situation difficile. C’est ma conception. On peut se retirer dans un moment calme, ou quand tout simplement on ne peut plus. Mais on ne doit pas s’enfuir au milieu du danger et dire : “ Qu’un autre s’en occupe. ” » (Lumière du monde, éd. Bayard, p. 50)
Néanmoins, trois ans plus tard, le 28 février 2013, confronté à toutes sortes de graves scandales, des scandales de mœurs notamment, il évoquait le visage de l’Église « défigurée » et il démissionnait de sa charge. Cependant, la cause de ces épouvantables désordres, au sein même de l’Église, Benoît XVI voulait à toute force la méconnaître, renouvelant son adhésion enthousiaste à Vatican II au moment même où il annonçait sa démission.
En effet, dans son entretien avec le clergé romain du 14 février 2013, il mettait encore ses espoirs dans le « Concile réel » qu’il opposait au « Concile des médias » et à celui « des journalistes » qu’il qualifiait de « Concile virtuel. Nous savons comment ce Concile des médias, accessibles à tous, dominant, a créé tant de calamités, de problèmes : des séminaires et des couvents fermés, etc. », accusait-il avant de conclure : « Le Concile virtuel a été plus fort que le Concile réel. Cinquante ans après apparaît notre propre devoir issu du Concile réel, que ce Concile-là, vrai, puisse véritablement renouveler l’Église. »
L’abbé de Nantes, lui, avait annoncé, dès avant la clôture de Vatican II, les fruits du Concile réel, à savoir l’apostasie, conséquence de l’ouverture de l’Église au monde moderne, au monde de 1789 : les nouveautés doctrinales introduites dans ses Actes ne pouvaient que provoquer un effondrement de la vie chrétienne et des mœurs. Assurément, les graves désordres, l’immoralité et la corruption au sein du clergé et jusqu’au plus haut degré de la hiérarchie, c’était le salaire du « culte de l’homme » proclamé la veille de sa clôture (7 décembre 1965).
C’est une triste chronique que celle des années de l’après-Concile caractérisées par une décadence épouvantable :
« “ Jam fœtet ”, comme Lazare après trois jours, écrivait l’abbé de Nantes. Au bout de trois ans de réforme, l’Église de Vatican II sent déjà. C’est la décomposition, c’est l’autodémolition de la religion par ses propres ministres.
« Le bilan de l’exercice 1968 serait long et désespérant. L’immense soif de licence et de désordre mental qui caractérise l’animal humain trop bien nourri et comblé s’est emparée maintenant des gens d’Église. On en trouve l’aveu dans ces nouveaux catéchismes parus cette année en plusieurs nations, et celles qui n’ont pas encore le leur y travaillent fiévreusement. Ces catéchismes sont évidemment en contradiction flagrante avec le catéchisme catholique auquel on les substitue impérativement. Quelles que soient les inepties, erreurs, hérésies dont ils regorgent, personne ne voudra les interdire. Et si même Rome en signale les défauts essentiels, elle n’ose en proscrire l’usage ! C’est de “ l’irréversible ”. Dans la ligne de Vatican II, selon le pacte synarchique qui lie Paul VI et les épiscopats de la majorité [conciliaire], il faut plaire au monde et lui sortir une religion neuve, acceptable, flatteuse.
« Il faudrait un nouvel Élie et son zèle pour la Maison de Dieu. » (CRC n° 16, janvier 1969)
Au contraire, l’une des plus graves fautes du futur Benoît XVI, comme nous allons le voir, ce fut d’avoir travaillé, en tant qu’expert de Vatican II, à la destruction de la suprême inquisition romaine, à savoir le Saint-Office.
Ne voulant pas reconnaître le constat de faillite de son Concile et de son pontificat, il a persisté dans ses erreurs jusqu’à sa mort. Son testament est une action de grâces pour la création et les grâces reçues au cours de sa longue vie, mais il ne contient aucune mention de l’état réel de l’Église et de son effondrement. On n’y trouve aucun souci des âmes qui en souffrent et se perdent, ni même un semblant de retour sur lui-même pour évoquer sa responsabilité dans ce naufrage universel. Bref, il ne contient aucune rétractation.
UN EXPERT QUI N’EST PAS CATHOLIQUE
Ce fut en 1959 que le pape Jean XXIII annonça la convocation d’un Concile. Ayant recueilli les vœux de l’épiscopat, les théologiens du Saint-Office préparèrent, au sein d’une Commission théologique préparatoire, des schémas traitant des grandes questions dogmatiques. Mais les orientations traditionnelles de ces textes déplaisaient au pape Jean XXIII qui voulait un Concile pour adapter l’Église au monde moderne, démocratique, et se réconcilier avec les communautés protestantes. Pour réorienter le futur Concile, pour court-circuiter sa préparation par le Saint-Office, il créa le Secrétariat pour l’unité des chrétiens qui allait s’occuper d’œcuménisme et rédiger d’autres schémas.
C’est alors que le jeune abbé Ratzinger fut recruté par le cardinal Joseph Frings, archevêque de Cologne et président de la Conférence épiscopale allemande, pour être son expert personnel.
En Allemagne, Ratzinger avait pourtant déjà été repéré comme un moderniste en 1956, lors de son Habilitation à l’enseignement, avec sa dissertation sur La théologie de l’histoire chez saint Bonaventure. L’un des examinateurs, « Michael Schmaus, lui lança : “ Votre façon subjectiviste d’interpréter la Révélation n’est pas vraiment catholique ! ” Schmaus le trouvait presque dangereux. Ratzinger était perçu comme un progressiste qui ébranle les bastions solidement établis. » (cité par Peter Seewald, Benoît XVI, une vie, t. 1, 2022, p. 361)
Dans son autobiographie, Ratzinger a lui-même raconté les critiques qu’il a subies : « Schmaus, qui avait sans doute eu depuis Freising des échos irrités sur la modernité de ma théologie, ne vit aucunement dans ces thèses la fidèle restitution de la pensée de saint Bonaventure, mais un dangereux modernisme, en passe de faire du concept de la révélation une notion subjective. La faculté se réunit pour délibérer autour de ma thèse, et la séance fut quelque peu houleuse. Contrairement à Söhngen, Schmaus pouvait compter sur de forts appuis au sein du corps professoral. Cependant, la condamnation fut atténuée : mon travail ne fut pas refusé ; il me fut seulement rendu pour correction. » (Ma vie. Souvenirs 1927-1977, éd. Fayard, 2005, p. 88)
« Alfred Läpple, son ancien professeur, confirme le jugement de Schmaus : “ Ratzinger est pour une théologie du sentiment, il évite les définitions claires. Il n’a jamais adhéré à la devise médiévale Sic et non, c’est ainsi ou ce n’est pas ainsi. Il n’aime pas les définitions sèches, mais veut remodeler la théologie et la construire comme un artiste construit un tableau. Il invente sans cesse de nouveaux mots et il est heureux de passer d’une formulation à l’autre. ” » (cité par Seewald, p. 361)
Dans sa biographie du cardinal Frings (Josef Kardinal Frings, t. 2, 2005, éd. Ferdinand Schöningh), Norbert Trippen a montré comment, dès avant l’ouverture de Vatican II, Ratzinger s’est livré à un dénigrement des schémas préparés par les théologiens du Saint-Office sous la direction du cardinal Ottaviani.
C’est en 1961 que le cardinal Frings commença d’apprécier le jeune abbé Ratzinger lorsqu’il lui prépara la conférence sur le Concile qu’il devait donner le 20 novembre de cette année-là, à Gênes. « Il m’a rapidement fourni un projet, raconte-t-il, que j’ai trouvé si bon que je ne l’ai retouché qu’à un seul endroit. La conférence était entièrement tournée vers l’avenir. Quand je la montrai au cardinal Döpfner, il me dit : “ Eh bien, c’est un document historique ! ” Il voulait dire par là : ce sont de beaux rêves d’avenir, mais presque aucun d’entre eux ne s’accomplira. » Ces rêves paraissaient à l’époque beaucoup trop révolutionnaires. Hélas ! ce fut finalement le programme qu’allait accomplir Vatican II.
Le 23 février 1962, le cardinal Frings fut appelé par Jean XXIII pour une audience. « En entrant dans la pièce, le Pape vint vite vers moi, me serra dans ses bras et me dit : “ J’ai lu cette nuit votre discours à Gênes et j’ai voulu vous remercier de ces belles idées. ” » De toute évidence, cette conversation encouragea Frings à faire appel, à partir d’avril 1962, à Joseph Ratzinger comme conseiller à la Commission centrale qui révisait les schémas préparatoires.
L’archevêque de Cologne rapporte dans ses Mémoires : « Lorsque commencèrent les sessions de la Commission centrale (de novembre 1961 à juin 1962), nous vîmes rapidement que les schémas présentés (environ soixante-dix) avaient tous été élaborés dans un esprit entièrement conservateur. Nous en arrivâmes à de violentes confrontations avec le groupe conservateur principalement conduit par Ottaviani. Ces affrontements portaient essentiellement sur les thèses élaborées par le Secrétariat pour l’unité des chrétiens, présidé par le cardinal Béa. Ces thèses furent l’objet de vives contestations, en particulier sur la question de la liberté religieuse. » (cité par Trippen, p. 243)
CHANGER LES FORMULES
CE que faisait le professeur Ratzinger, passer d’une formulation à une autre, le concile Vatican II allait l’accomplir en grand.
« Jean XXIII, dès l’ouverture du Concile, l’invitait à trouver un nouveau langage, mieux adapté à la mentalité moderne que l’ancien : “ Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit étudiée et exposée suivant les méthodes de recherche et la présentation dont use la pensée moderne, etc. ” Affirmer la nécessité de nouveaux énoncés de la foi, de style pastoral, c’était discréditer les anciennes formules dogmatiques. Le Pape annonçait aussitôt après que l’Église ne condamnerait plus les erreurs qui, d’ailleurs, “ s’excluent les unes les autres ” et “ à peine nées s’évanouissent comme brume au soleil ” (sic !). Changer les formules et annoncer que l’Église ne condamnera plus... Que penserait-on d’un pharmacien qui donnerait ordre à ses employés de changer les étiquettes de tous les flacons et leur assurerait l’impunité en cas d’erreur ou de crime ? » (CRC n° 50, novembre 1971, p. 14)
LE COMPLOT POUR REFORMULER LA DOCTRINE
Le 27 mai 1962, le professeur Ratzinger fut le premier à répondre : « Dans l’ensemble, je voudrais dire que les quatre schémas ébauchés par le cardinal Béa me semblent être un excellent travail. Si on pouvait arriver à amener Vatican II à adopter ces textes comme siens, le Concile aurait déjà été, me semble-t-il, extrêmement profitable et un réel progrès aurait été réalisé. Ici, on parle vraiment le langage dont notre temps a besoin. »
Tout différents furent ses avis concernant les schémas préparés par la Commission théologique.
CONTRE LES PROCÉDURES INQUISITORIALES...
EN FAVEUR DE LA LIBERTÉ ET DE L’AMOUR !
Dans le schéma sur l’Église, au numéro 3 du chapitre 8, Ratzinger contestait les procédures inquisitoriales traditionnelles, demandant qu’il soit mis en place « une protection de l’individu contre la dénonciation anonyme [pour hérésie] ; il faudrait l’établir parce que jusqu’à présent elle a été trop négligée ». À la fin du chapitre, « une certaine insatisfaction demeure, car, comme l’écrit Karl Rahner, l’Église n’appartient pas à ces “ États absolus dans lesquels le pouvoir extérieur et l’obéissance qui s’exercent dans un silence mortel sont tout, et la liberté et l’amour ne sont rien ” ; aussi, il ne faudrait pas que, dans un tel document, un appel à la liberté et à l’amour manque complètement. »
Lors de son intervention à la Commission centrale le 19 juin 1962, Frings reprit les suggestions de Ratzinger : « Il faudrait aussi évoquer le soin à donner à l’initiative chrétienne parmi les fidèles, car dans l’Église, il ne faut pas que seule la crainte prévale, mais bien la liberté des enfants de Dieu, l’amour et la générosité. »
POUR LA LIBERTÉ SOCIALE EN MATIÈRE RELIGIEUSE.
Les 19 et 20 juin, les cardinaux Ottaviani et Béa soumirent leurs projets pour le schéma sur l’Église, résumés sous le titre “ Sur la relation entre l’Église et l’État et sur la liberté religieuse ”. Ces deux projets s’opposaient radicalement.
« Alors que le cardinal Ottaviani, au chapitre 9, voulait obliger l’État à respecter et à faire respecter la “ vérité ” que l’Église doit définir, le chapitre 10 sur la liberté religieuse du cardinal Béa avait une orientation complètement différente.
« Selon le point de vue du Saint-Office, il y a des “ obligations religieuses de la part du pouvoir civil ” : “ Le pouvoir civil ne peut pas être neutre envers la religion. Puisqu’il est établi par Dieu pour aider les hommes à acquérir la perfection humaine, il ne doit pas seulement les aider à obtenir des biens temporels, mais aussi à recevoir les biens spirituels pour la conduite religieuse de la vie humaine. ” »
Ce que l’abbé Ratzinger critiqua en s’engageant à fond pour que l’Église opère une révolution copernicienne par la proclamation du droit de l’homme à la liberté sociale en matière religieuse. C’était prendre le contre-pied des enseignements des papes Grégoire XVI, Pie IX, Pie X et Pie XII. Il en était tout à fait conscient :
« Il s’agit de sortir du Moyen Âge, de mettre un terme, dans la basilique Saint-Pierre, à l’ère constantinienne. Peu de choses ont été aussi dommageables à l’Église, au cours des cent cinquante dernières années, que la défense obstinée du statut de religion d’État là où il survivait. Il est clair que ceux [du Saint-Office] qui ne s’opposaient pas tant à la liberté de conscience [intérieure] qu’à la liberté des cultes [le droit social] combattaient pour un monde [la Chrétienté] en train de s’effondrer [dont vous travaillez, vous, Ratzinger, à sa destruction] alors que l’autre bord [représenté par le cardinal Béa] ouvrait la route de l’avenir [pardon ! la route menant à la ruine de l’Église]. » (conférence de Ratzinger du 1er octobre 1964)
Cela n’empêchera pas Ratzinger de développer plus tard une « herméneutique de la continuité » entre la tradition et Vatican II. Parce que pour lui la “ continuité ” est simplement l’accord entre l’Église et la société de son temps. Si la société du temps change, l’Église doit changer et c’est ce souci d’adaptation qui assure la “ continuité ”. L’accord entre l’Église et le monde prime sur toute autre considération. C’est le comble du libéralisme : le critère de la vérité n’est plus le dogme de la foi, la fidélité à la doctrine transmise par la tradition, mais l’accord avec le monde, l’adaptation au monde de son temps, puisque Dieu aime ce monde, que son Esprit y est sans cesse à l’œuvre !
CONTRE LE SCHÉMA SUR LA VIERGE MARIE.
Concernant la Vierge Marie, des centaines d’évêques avaient demandé un schéma spécial pour proclamer ses privilèges, ce qui leur paraissait très nécessaire « à notre époque où le conflit est si grand entre les fidèles et Satan » (Acta et documenta, série 1, vol. 2, pars 5, p. 103).
L’abbé Ratzinger s’y opposa : « Je crois que, dans l’intérêt du Concile, ce projet marial doit être abandonné. Si le Concile s’est donné comme but essentiel une délicate incitation aux frères séparés à rechercher l’unité, il doit se vouloir pastoral dans le choix des vérités à proclamer et se laisser guider par la charité [une fausse charité !]. Ce schéma serait un nouvel obstacle au retour de ceux qui se sont séparés [un retour ? Mais quel retour s’il n’y a pas d’adhésion sincère et entière aux vérités de la foi catholique que les schismatiques ont reniées ?]. Je suggère que l’on renonce complètement à un chapitre doctrinal, les Romains doivent simplement faire ce sacrifice [le sacrifice des privilèges de l’Immaculée !] et qu’une simple prière à Notre-Dame pour l’unité soit placée à la fin de l’ecclésiologie. »
Passer sous silence les privilèges et les gloires de la Vierge Marie, les occulter, c’est prendre le contre-pied des révélations de Fatima et de Pontevedra, donc des volontés divines pour notre temps.
NI JUGER NI CONDAMNER.
Ratzinger écrivait à Frings au sujet de plusieurs schémas, dont celui sur L’Unité de l’Église : « Ils semblent trop empreints de scolastique et tiennent trop peu compte des opinions des frères séparés.
« De tous les schémas, celui sur la préservation intégrale du dépôt de la foi apparaît comme le moins approprié, voire même tellement insuffisant [insuffisant pour favoriser un nouvel œcuménisme, hérétique ! mais suffisant et même parfait pour conserver et défendre le dogme de la foi] qu’il ne peut pas encore être soumis au Concile [à un Concile d’un nouveau genre dont tous les actes doivent plaire aux protestants].
« Le schéma sur Les Sources de la Révélation doit être révisé de manière à ce qu’aucune décision préliminaire ne tranche les controverses internes des théologiens [les controverses avec les luthériens ne sont pas des controverses internes à l’Église !].
« En ce qui concerne les schémas 3-L’ordre moral chrétien, 4-Chasteté, mariage, famille, virginité et 6-Les moyens de communications sociales, il faudra répondre aux questions les plus urgentes de manière brève et, dans la mesure du possible, ni juger ni condamner, mais, comme une mère parle, répandre les richesses de la foi chrétienne et sa consolation. »
Le Concile réel, pour reprendre l’expression de Benoît XVI, sera précisément ce Concile qui adoptera les orientations voulues par le pape Jean XXIII et l’abbé Ratzinger, en rupture et même en contradiction avec celles des théologiens du Saint-Office qui avaient préparé la condamnation des erreurs de notre temps. C’est le libéralisme et les nouveautés doctrinales du Concile réel qui ont produit des fruits désastreux et qui en produisent encore aujourd’hui.
ARTISAN DE LA RÉVOLUTION DE VATICAN II
Le cardinal Frings invita l’abbé Ratzinger à le rejoindre avant l’ouverture du Concile : « Il est maintenant clair que je m’envolerai pour Rome le mardi 9 octobre ; volerez-vous avec nous ? Pour le mercredi 10 octobre, j’ai invité tous les Pères conciliaires allemands à une réunion à l’Anima à 17 heures. Puis-je vous demander de vous exprimer sur le projet de la constitution dogmatique sur les sources de la Révélation et, si possible, de faire des contre- propositions positives ? »
Sa conférence aux évêques, le 10 octobre 1962, sur les sources de la Révélation les prépara à accepter son contre-schéma rédigé avec Karl Rahner.
« Pour un très jeune professeur, confiera-t-il plus tard, c’était une affaire vraiment énorme et difficile. La responsabilité de tracer la voie que les évêques allemands allaient suivre reposait lourdement sur mes épaules. » Et d’ajouter « avoir ressenti une grande responsabilité envers Dieu et envers l’histoire ». Il se savait donc parfaitement responsable de « l’orage inévitable [sic] qui allait bientôt éclater » (Peter Seewald, p. 480 et 497).
Avec quelques autres experts et l’appui décisif du pape Jean XXIII, l’abbé Ratzinger déclencha cet orage : dès les premiers jours du Concile, il manœuvra très habilement pour le soustraire au contrôle des théologiens du Saint-Office, et pour obtenir ensuite le rejet de leurs schémas.
Désavouant le cardinal Ottaviani qui voulait que l’assemblée des évêques les approuve sans tarder, Jean XXIII donna satisfaction à la minorité réformiste en décidant que le schéma sur la liturgie serait étudié et discuté en premier.
Dans les questions liturgiques, il s’agit de matières mixtes. La liturgie n’a pas la perfection des Écritures divinement inspirées ni le caractère immuable des définitions dogmatiques. Les novateurs allaient donc pouvoir facilement proposer des réformes, des innovations, et ainsi enclencher l’aggiornamento de l’Église.
Ratzinger raconte : « Les schémas de la Commission théologique, dont le premier [sur les sources de la révélation] était maintenant à la disposition des Pères pour être étudié, étaient empreints de l’esprit qui avait marqué la fin du dix-neuvième siècle, autrement dit un esprit “ qui est contre ” [contre les erreurs condamnées dans le Syllabus en 1864]. Et cet esprit devait paraître glacial, voire choquant, à côté de la grande éclosion du schéma sur la liturgie. La crispation qu’avait provoquée le combat (contre le modernisme), un combat jadis certainement nécessaire, avait marqué ces schémas et les avait façonnés en une théologie essentiellement négative [mais catholique !]. Avec le schéma sur la liturgie, cet esprit “ qui est contre ” [contre les hérésies des néo-modernistes, réprouvées par Pie XII dans son encyclique Humani generis, de 1950], cet esprit négatif disparut au profit d’une nouvelle opportunité positive s’offrant aux évêques.
« Les paroles du Pape dans le discours d’ouverture : l’Église n’a pas à condamner maintenant, mais à prodiguer le remède de la miséricorde, le Concile n’a pas à prononcer des interdits, mais à présenter la foi de manière positive et nouvelle... tout ce que l’on avait auparavant considéré comme une expression du tempérament personnel de Jean XXIII prit désormais tout son sens, devenant compréhensible et significatif. » (cité par Trippen, p. 333)
LE CONTRE-SCHÉMA SUR LA RÉVÉLATION
L’abbé Ratzinger présenta le 25 octobre 1962, devant un groupe d’évêques allemands et français, son contre-schéma sur la Révélation : ronéotypé à plusieurs centaines d’exemplaires, il commençait à circuler parmi les évêques.
Il se trouve que notre Père eut connaissance de ce texte, grâce à un séminariste romain qui, chargé de faire le ménage dans les appartements des évêques, trouva un jour, dans la corbeille à papier de l’un d’eux, un texte qu’il s’empressa de lui communiquer. L’abbé de Nantes, alors curé de Villemaur, fut stupéfait à la lecture de ces pages, et il en écrivit sa Lettre à mes amis n° 132 :
« Dix petites pages de texte latin, très dense, qu’il faut étudier avec soin. Les présidents des conférences épiscopales d’Autriche, de Belgique, de Gaule, de Germanie et de Hollande proposent ce schéma aux Pères comme matière de leur prochain examen. Il est, disent-ils, “ certes d’un ton fort positif et pastoral ” et cela sous-entend qu’il se distingue par là de tout ce qui a été proposé jusqu’ici régulièrement. Eh bien ! ce schéma me paraît donner comme définitions infaillibles de la foi chrétienne les principes religieux fondamentaux du progressisme et du teilhardisme.
« L’événement du siècle est là. La Révolution propose à l’Église son cadeau, à visage découvert. »
Le 20 novembre 1962, grâce à l’appui de Jean XXIII, qui viola le règlement du Concile, les réformistes obtinrent le rejet définitif du schéma sur Les sources de la Révélation. Ratzinger exultait : lui et ses affidés l’avaient emporté. Il pourra plus tard publier ses chroniques des sessions de Vatican II, sous le titre significatif Mon Concile.
L’historien Ruggieri remarque « que la période du 14 novembre au 8 décembre, et surtout la semaine du 14 au 21 novembre 1962, consacrée au débat concernant le schéma sur les sources de la révélation, a été le moment où un changement décisif a eu lieu pour l’avenir du Concile et, par conséquent, pour l’Église catholique elle-même : de l’Église-Pacelli, encore essentiellement hostile à la modernité et qui fut le dernier héritier de l’Église de la restauration du dix-neuvième siècle [l’Église du Syllabus], on est passé à l’Église qui est l’amie de tous les hommes, même si ces enfants sont ceux de la société moderne, de sa culture et de son histoire », bref, l’Église-Masdu.
Lors de la deuxième session de Vatican II, en 1963, Ratzinger écrivait au secrétaire du cardinal Frings : « Je crois que l’on peut être très satisfait du schéma sur l’Église. On détecte déjà le progrès accompli rien qu’en comparant la composition de l’ancien et du nouveau schéma. Dans l’ancien, 90 % du contenu appartenait aux 19e et 20e siècles ; maintenant c’est la patristique qui domine ; le moyen âge et les temps modernes subsistent dans la proportion convenable. » (cité par Trippen, p. 369)
« 90 % du contenu appartenait aux dix-neuvième et vingtième siècles », c’est-à-dire était marqué par les condamnations des erreurs modernes fulminées par les papes Grégoire XVI, Pie IX, Pie X et Pie XII.
« La patristique domine »... C’est dire que l’on remonte avant les définitions dogmatiques des Conciles œcuméniques, promulguées pour condamner les hérésies et pour expliciter les vérités divines contenues dans le dépôt de la Révélation. Avec les Pères de l’Église, on peut s’en éloigner...
Ainsi, le Concile suivait les orientations données par le pape Jean XXIII dans son discours d’ouverture du 11 octobre 1962, il ne condamnerait plus personne et reformulerait la doctrine chrétienne.
UNE FOI “ LIBÉRALE ” N’EST PLUS LA FOI CATHOLIQUE
Mais, ne plus condamner, c’est trahir la foi de l’Église, protestait notre Père :
« Fidèles, prêtres, évêques, et Pape même ne sont membres de l’Église sainte de Dieu qu’autant qu’ils adhèrent à la foi apostolique et repoussent tout ce qui y contredit, qu’ils sont fidèles à l’unique Époux de leurs âmes et ennemis des séducteurs impies et des idoles de Satan. Ils doivent à leur Maître et Seigneur ce double témoignage de leur fidélité, de professer tout ce que tient pour révélé la sainte Église leur Mère et de condamner avec anathème tout ce qu’elle a réprouvé. “ Quiconque n’est pas avec moi est contre moi, déclarait Jésus, et qui n’amasse pas avec moi dilapide. ” Nul ne peut se refuser à condamner l’erreur, sous quelque motif que ce soit, sans outrager Dieu et ravaler sa Parole au niveau des diverses et incertaines opinions des hommes. Une foi “ libérale ” n’est ni sincère ni droite, son espérance diverge d’avec les volontés divines, sa charité n’est plus que crime et adultère.
« Toujours l’Église s’est redressée et a sauvegardé la pureté de sa foi par la condamnation publique et implacable de l’erreur qui menaçait de tout corrompre comme un ferment. Il n’y a de lutte possible et de salut aujourd’hui que par ce même moyen dont a usé l’Église dans les périls d’hérésie ; la proclamation par la sainte hiérarchie d’anathèmes où se trouvent clairement définies et condamnées les pernicieuses nouveautés et faussetés jusqu’alors diffuses dans la masse chrétienne elle-même. » (Lettres à mes amis nos 70 et 248)
PERFIDES ATTAQUES CONTRE LE SAINT-OFFICE
Comme le Saint-Office était le ministère du gouvernement pontifical, chargé de veiller à la conservation et à la défense de la foi au sein de l’Église, les modernistes lui firent une guerre à mort.
Ratzinger joua un rôle discret, à la différence de Küng, mais décisif dans les attaques perfides lancées contre cette institution lors de la deuxième session du Concile. En tant que théologien personnel du cardinal Frings, il prépara sa déclaration du 8 novembre 1963 qui fut applaudie frénétiquement dans l’aula conciliaire par quelques dizaines de Pères signataires d’une pétition visant à sa destruction, quelques dizaines sur 2 400 présents !
Au cours de son intervention, le président de la Conférence épiscopale allemande affirma avec force que « la façon de procéder de la Congrégation du Saint-Office dans beaucoup de domaines n’est pas en phase avec notre temps, porte préjudice à l’Église et est une cause de scandale pour beaucoup.
« Il me semble approprié d’exiger que, devant ce dicastère, personne ne soit accusé, jugé ni condamné en raison de sa foi juste ou erronée, sans avoir été auparavant écouté, sans avoir été préalablement informé des accusations qui pèsent contre sa personne ou contre son livre, et avant que l’occasion lui ait été donnée de se corriger ou de corriger le livre qui semble lui porter préjudice. »
Quelques minutes plus tard, le cardinal Ottaviani, secrétaire du Saint-Office, s’élevait vigoureusement contre les affirmations du cardinal Frings :
« Qu’il me soit permis de protester énergiquement contre les paroles qui ont été prononcées contre la Suprême Congrégation du Saint-Office, dont le préfet est le Souverain Pontife (applaudissements dans l’assemblée conciliaire).
« Ces paroles ont été prononcées par ignorance, je n’emploie pas d’autre mot afin de ne pas blesser, par ignorance de la procédure du Saint-Office, par ignorance du nombre des personnes interrogées avant d’énoncer un jugement, du nombre de consulteurs et de qualificateurs, qui en grande majorité viennent de l’extérieur et sont des professeurs des premières universités romaines, et qu’on entend avant de soumettre un jugement quelconque aux très éminents Pères du Saint-Office, afin qu’ils donnent leur avis en toute connaissance de la cause qui leur est proposée et dont les Pères eux-mêmes proposent la décision au Souverain Pontife. »
La protestation de l’éminent prélat n’empêcha pas le pape Paul VI de mettre en route la réforme du Saint-Office le soir même, en demandant au cardinal Frings de lui faire des propositions. Quatre jours plus tard, ce dernier et deux théologiens, dont Ratzinger, en parlèrent avec un canoniste de Louvain, Mgr W. Onclin, qui accepta de rédiger un Pro memoria. Le 18 novembre, c’était chose faite, le cardinal remettait au Pape un projet de réforme du dicastère en quatre pages.
L’abbé de Nantes comprit aussitôt les funestes conséquences de l’assaut lancé contre le Saint-Office. Dans sa chronique de la deuxième session du Concile, il écrivait :
« Le cardinal Frings, poussant son avantage, a clairement réclamé la réforme de la Curie romaine et en particulier du Saint-Office, chargé de veiller sur la pureté de la foi au nom du Pape même. C’est le vœu passionné des réformateurs de réduire ce tribunal suprême à l’impuissance sous le contrôle des évêques. Ainsi ne doit-on plus revoir de ces interventions brutales dont le cardinal a dit qu’elles étaient une cause de scandale dans le monde entier.
« Et nos journalistes français de nous citer un exemple typique de cette répression inhumaine : le Saint-Office n’a-t-il pas condamné la Vie de Jésus de l’abbé Steinmann, pourtant munie de l’imprimatur du cardinal Feltin, sans que celui-ci ni celui-là n’en aient été avertis ni encore moins consultés ou entendus ! Voilà bien ces méthodes inquisitoriales et moyenâgeuses auxquelles le Collège épiscopal saura mettre le holà ! Mais ce que ni Fesquet ni Laurentin ne t’ont dit, ami lecteur, c’est le fond de l’affaire, quelles erreurs impies rééditait ce livre d’un prêtre ! et sous la garantie de l’imprimatur et du nihil obstat parisiens... les affreuses théories d’Ernest Renan. Ce livre allait empoisonner irrémédiablement des milliers d’âmes. Paris n’avait pas vu ou pas osé. Rome veillait ! Quant au misérable, au malheureux auteur, un torrent l’a roulé dans ses flots, au fond d’un couloir desséché du désert maudit de Moab où il excursionnait. Quel signe de la colère de Dieu !
« Vous pouvez désormais vanter l’islam et dire que Mahomet est un prophète authentique du vrai Dieu, vous pouvez collaborer avec le parti communiste, soutenir le progressisme polonais, que sais-je ? Le barrage héroïque, seul tenace et sûr dans l’Église depuis vingt ans, c’était le Saint-Office. Il a maintenant les yeux crevés. » (Lettre à mes amis n° 158 du 23 novembre 1963)
DES PROCÉDURES JUSTIFIÉES
Quelques semaines plus tard, à Rome, Mgr Romoli, évêque dominicain de Pescia, justifia les procédures du Saint-Office, dans un entretien accordé au journaliste Wiltgen.
Comme je lui demandai, raconte le journaliste, s’il était vrai que le tribunal suprême de l’Église condamnait un accusé sans l’avoir entendu, Mgr Romoli me répondit : « Il convient de distinguer. Si un membre de l’Église en accuse un autre d’un crime qui relève de la compétence du Saint-Office, l’accusé est toujours entendu et a toute la possibilité de se défendre. Il peut être assisté d’un avocat, agréé par le tribunal. Les précautions prises pour sauvegarder l’accusé sont en ce cas si larges et minutieuses qu’elles pourraient parfois paraître excessives. »
Mais, souligna-t-il, il en allait tout autrement pour la condamnation d’œuvres publiées, « car il s’agit là de théories qui, considérées en elles-mêmes, risquent de nuire à l’intégrité de la doctrine de l’Église et au salut des âmes ». En de tels cas, « lorsque la doctrine catholique orthodoxe n’est pas clairement exposée, ou qu’elle est mise en question, le Saint-Office n’entend pas toujours la partie intéressée avant de prononcer son verdict ». Dans ce genre de condamnations, ce n’étaient pas les intentions de l’auteur qui étaient mises en question ou condamnées ; le tribunal n’envisageait que ses théories prises en elles-mêmes.
Comme on lui demandait s’il ne serait pas plus humain de questionner un auteur avant de condamner ses écrits, Mgr Romoli répondit que cela était parfaitement possible dans le cas d’un manuscrit non encore publié. « Mais une fois que les doctrines incertaines ou fausses ont été répandues, à quoi servirait un tel interrogatoire ? » Il ne changerait rien à l’influence de l’œuvre publiée sur les catholiques. « Avant de condamner un ouvrage publié ou de diffuser à son sujet un solennel Monitum, le Saint-Office mène une longue enquête, serrée et scrupuleuse, en consultant des experts hautement qualifiés appartenant à des groupes linguistiques et nationaux divers, afin que son jugement soit incontestablement objectif et certain. Il arrive que ces enquêtes durent plusieurs années, si grande est la minutie avec laquelle le Saint-Office traite ces affaires. »
LE SAINT-OFFICE DÉMANTELÉ
Malgré la défense, très argumentée, des procédures inquisitoriales par les meilleurs prélats romains, le Saint-Office sera neutralisé, démantelé, anéanti, à la fin du Concile, par le motu proprio Integræ servandæ du 7 décembre 1965.
Si Paul VI réforma le Saint-Office, ce fut non pas pour accroître ses pouvoirs, mais pour satisfaire point par point aux requêtes formulées le 8 novembre 1963 par le cardinal Frings.
Le motu proprio Integræ servandæ transformait le Saint-Office qui devenait la Congrégation pour la doctrine de la foi, et son nouveau règlement indiquait que des mesures ne pourraient plus être prises par voie administrative contre des publications sans que leurs auteurs aient eu la possibilité de se défendre. La commission de l’Index disparaissait.
Dans son motu proprio, Paul VI affirmait : « Parce que l’amour parfait bannit la crainte (1 Jn 4, 18), la protection de la foi sera mieux assurée par un office chargé de promouvoir la doctrine »... Cet amour parfait, que le Pape voulait instaurer dans l’Église et dans le monde, n’était que la caricature diabolique de la charité chrétienne, à savoir la “ solidarité ” : que tout homme soit respecté dans ses libres comportements, publics autant que privés.
En démantelant le Saint-Office, à la veille de la clôture du Concile, Paul VI se protégeait lui-même et couvrait avec lui tous les néo-modernistes et progressistes, tel l’abbé Ratzinger, qui triomphaient.
La Congrégation pour la doctrine de la foi était chargée, non de fulminer des condamnations, mais de « susciter des progrès de doctrine en fonction des acquisitions de la culture et des sciences humaines ». Avec un tel objectif, la nouvelle Congrégation favorisa le pullulement des hérésies dans l’Église.
Dans ses Mémoires, le cardinal Frings écrit : « Le Saint-Office fut dissous en tant que tel et, à la place, une Congrégation pour la doctrine de la foi fut créée. La nouvelle Congrégation a agi depuis lors avec beaucoup de retenue. Une fois, elle a rappelé très vivement à l’ordre un Français de droite. Mais à l’égard des réformes hollandaises et même allemandes, qui vont bien plus loin que les réformes conciliaires, elle a laissé faire. »
Ce Français de droite, c’était l’abbé de Nantes.
Tout cela est déjà suffisant pour démontrer que Benoît XVI se trompait et nous trompait quand il osait affirmer que le Concile réel n’était pas la cause de l’effroyable décadence de l’Église. C’est sa réforme pour l’adapter au monde moderne, décrétée au Concile, et les décisions qu’elle a entraînées, notamment le démantèlement du Saint-Office, qui ont permis à tant d’erreurs de ruiner la foi et la morale dans l’Église.
POUR ET PAR LA SAINTETÉ DE LA FOI
APRÈS un pèlerinage à Rome, l’abbé de Nantes démontra le rôle essentiel du Saint- Office dans la vie de l’Église. Décrivant l’architecture de la place Saint-Pierre, il portait ses regards « sur la colonnade et les deux ailes qui lui font suite, construites par Pie XII justement pour y installer les dicastères pontificaux.
« Deux palais achèvent cet ensemble majestueux, à droite et à gauche, le Saint-Office et la Secrétairerie d’État, celle-ci d’ailleurs occupant très symboliquement une partie du Palais des Papes. Le premier est le ministère de la foi, le second celui de la politique de l’Église. »
Au Saint-Office, « le cardinal Ottaviani, en dépendance tout à fait immédiate du Pape, a la charge de défendre la foi. Sa mission est de première importance, parce que de la fidélité de l’Église à son chef Jésus-Christ dépend toute sa force et son existence même. »
À la Secrétairerie d’État, « le cardinal Cicognani, lui, expose au Pape chaque matin comment va le monde, ce que les hommes font de leur liberté, ce que déclarent et décident les chefs d’État, en bref cet autre absolu que sont les événements et les faits dont l’Église doit prendre son parti.
« Chacun de ces ministères s’adonne à la mission qui lui est confiée et en adopte le caractère. Au Saint-Office l’intransigeance, à la Secrétairerie la souplesse ; ici la revendication des droits de Dieu, la réprobation de toute erreur, l’assurance superbe que la Vérité seule mènera l’Église à la victoire et au rayonnement universel, là au contraire le rappel de la puissance temporelle ennemie, la volonté de composition, de compromis, la pensée que l’Église ne se maintiendra au milieu de tant de difficultés que par la prudence, la mesure, le sens de l’opportunité, voire l’opportunisme. »
LA FORCE MOTRICE...
« Contrairement à ce qu’un vain peuple pense, l’élément créateur, la force motrice, le principe de renouvellement et d’enrichissement dans l’Église, c’est la foi. Elle n’attire dans l’immédiat que difficultés et persécutions sur ceux qui la servent uniquement, mais au même moment elle ranime la sainteté, suscite l’héroïsme parmi les enfants de l’Église, multiplie les conversions, exalte l’élan missionnaire. Ce principe de vie, c’est le Saint-Office qui en est le ministre !
« Il faut un État pontifical, il faut une politique, une diplomatie pontificales, mais subordonnées à la virginale, à l’intègre prédication de la foi. Les succès apparents, les apaisements faciles des concordats et des compromis dus à l’habileté et la ténacité de la diplomatie romaine laissent la tentation de croire que l’ère des persécutions et des luttes est close, que la réconciliation de l’Église avec le monde est proche. Cette politique se prend pour une mystique, dans l’indifférence à la foi. Mais encore un peu de temps et l’Église, embaumée par tous les pouvoirs temporels et les fausses religions satisfaites, mourrait d’inanition, manquant à son Dieu, sa vie intérieure perdue dans le grand train de ses succès politiques.
« Rome n’en est pas à ce point. En revanche, inquiétantes sont les critiques, véhémentes, faites par l’aile marchante du Concile à l’encontre de la Curie. »
AUGMENTER LES ATTRIBUTIONS
DU SAINT-OFFICE.
« Les partisans d’une nouvelle réforme s’en prennent au juridisme romain au nom de la charité, mais, traduit en termes nets, ce beau langage revient à écarter de nos cœurs les saintes rigueurs de la foi, les normes salutaires de la morale, pour vaquer dans les apparentes facilités de la diplomatie et les fausses victoires des compromis politiques. Perdons la foi et réconcilions-nous avec tout le monde.
« Cette agression bouleversante révèle implacablement le fort et le faible des institutions pontificales contemporaines. Le Saint-Office n’a pas, hélas ! la force que l’on croit. Sans doute a-t-il en main les foudres les plus redoutables, mais il lui est difficile et parfois interdit d’en faire usage, Teilhard de Chardin est plus puissant que lui, c’est un test, et Témoignage Chrétien... Malheureusement confiné depuis longtemps dans la seule fonction de répression, il ne débouche sur rien, paraît occupé à soupçonner, faire obstacle, arrêter ce qui s’est fait en dehors de lui. On reconnaît qu’il est un frein nécessaire, mais cette appréciation même défigure sa mission et le dessert. Si une réforme de la Curie s’impose, elle doit être diamétralement opposée à celle qu’exigent les réformistes du Concile.
« Il faudrait plutôt que le ministère de la foi regagne sur le ministère de la politique quelques-uns des attributs positifs et des pouvoirs directs de la puissance souveraine. Ah ! si le Saint- Office avait ses légats comme la Secrétairerie a ses nonces, s’il choisissait des évêques selon son esprit orthodoxe et valeureux, s’il pouvait efficacement soutenir, par l’argent et par les honneurs, ceux qui combattent pour la foi, alors nul n’aurait osé élever la voix contre lui, alors surtout la Sainte Église donnerait à ses enfants des nourritures fortes ! Elle avancerait sans peur au milieu des combats !
« Il n’y aura de salut pour notre génération qu’en rendant au ministère de la foi sa juste prévalence sur le ministère de la politique, et il y a urgence. »
(Lettre à mes amis n° 174 du 21 juin 1964)
IL N’Y A PLUS CETTE CHARITÉ PREMIÈRE...
Quinze ans plus tard, en 1981, lorsque le cardinal Ratzinger, alors archevêque de Munich, fut nommé par Jean-Paul II préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il était décidé à ne pas se livrer au labeur inquisitorial qu’accomplissait autrefois le préfet du Saint-Office, en recherchant les erreurs et leurs auteurs pour les condamner.
« Jamais, confiera plus tard le cardinal, je n’aurais accepté de me consacrer à ce service ecclésial si ma tâche avait été avant tout celle d’un contrôle. » (CRC n° 207, janvier 1985, p. 21)
L’abbé de Nantes commentait :
« Vous prenez soin de faire savoir que jamais, au grand jamais, vous n’auriez accepté la fonction de préfet du Saint-Office s’il n’avait été bien entendu, juré, promis, qu’il n’était plus question, qu’il ne serait plus jamais question de sanctionner ni de condamner personne, sauf... les ennemis de la Liberté.
« C’est ainsi que, Votre Éminence régnant, à la Congrégation pour la doctrine de la foi, il n’y a plus cette charité première qui consiste à défendre l’Église de l’invasion, de la domination et des ravages du Prince de ce monde, Satan.
« C’est sous le couvert de ce libéralisme papal et conciliaire que la Bête de l’Apocalypse a envahi Rome et y a fait camper ses armées. » (Lettre ouverte au cardinal Joseph Ratzinger, CRC n° 207, p. 21)
UNE EXCEPTION AU LIBÉRALISME...
Remarquons toutefois que ce libéralisme papal connut une exception notoire. En 1966, l’abbé de Nantes avait réussi à obtenir que la Congrégation pour la doctrine de la foi reprenne pour lui un travail inquisitorial. Le tribunal suprême de la foi devait porter un jugement doctrinal sur tous ses écrits, particulièrement sur ses Lettres à mes amis dénonçant les Actes de Vatican II comme hérétiques. Le procès fut instruit à Rome, mais s’acheva par une notification mensongère publiée dans l’Osservatore romano du 10 août 1969. L’autorité suprême s’efforçait de diffamer l’abbé de Nantes tout en s’abstenant de juger sur le fond.
En effet, le motif de la disqualification était une accusation mensongère, à savoir la présence d’erreurs dans ses écrits. Selon la notification romaine, l’abbé de Nantes aurait refusé « de souscrire une formule de rétractation de ses erreurs ». C’était un double mensonge. Qu’on relise les documents romains du procès. Aucun d’eux, ni la formule de rétractation, ni la Lettre de sommation du cardinal Seper, ni la notification finale, n’indiquent quelles erreurs l’abbé de Nantes aurait eu à rétracter. Ces prétendues erreurs n’y sont ni formulées ni mentionnées, pour l’unique raison qu’elles n’existent pas !
Ainsi, après avoir instruit la requête du plaignant, alors que l’affaire était en état et en tour d’être jugée, l’autorité suprême refusait de statuer sur le fond et de rendre une sentence dogmatique. Le procès de l’abbé de Nantes s’achevait par un déni de justice, une forfaiture au sens strict du terme. Commettre un déni de justice est pour un juge le pire des déshonneurs.
Ce déni de justice montrait d’une part que le Saint-Office avait été réellement anéanti par la réforme conciliaire. Il n’y avait plus de tribunal suprême de la foi dans l’Église pour rendre des jugements doctrinaux ! Toutefois, l’issue du procès de l’abbé de Nantes avait une portée formidable. Le théologien de la Contre-Réforme au vingtième siècle était catholique romain, et ses accusations contre le pape Paul VI et le concile Vatican II demeuraient, légitimement portées dans l’Église.
DÉROBADES DU CARDINAL
Qu’allait faire le cardinal Ratzinger, défenseur des droits des accusés contre l’arbitraire romain, lorsqu’il connut la plainte portée à Rome par l’abbé de Nantes à l’encontre du pape Jean-Paul II, le 13 mai 1983 ?
La Congrégation pour la doctrine de la foi redoubla le mensonge de la notification de 1969 en publiant une notification qui prétendait justifier... l’injustifiable ! à savoir la dérobade et la forfaiture de l’Accusé, Souverain Juge en sa propre cause.
Pour achever les dérobades du cardinal Ratzinger face à l’abbé de Nantes, rappelons qu’au début de l’année 1985 une Allemande écrivit au cardinal : « Éminence, j’ai appris que l’abbé de Nantes, un grand théologien français, s’est proposé pour vous aider à restaurer la foi dans l’Église. Je ne comprends pas votre silence à son égard. »
Le préfet de l’ex-Saint-Office lui fit répondre par son secrétaire : « Il n’est pas possible au cardinal Ratzinger, pour des raisons de principe, de recevoir l’abbé de Nantes. »
CATÉCHISME PIERRES VIVANTES :
UN ÉLÉGANT DISCOURS...
Mais c’est aussi à cause de ces raisons de principe que le cardinal ne prit aucune mesure contre le nouveau catéchisme français Pierres vivantes sévèrement critiqué par notre Père en raison de son contenu indéniablement moderniste (Toute notre religion, éd. CRC, 174 pages).
Contrairement à ce que prétend Jean Sévillia, il n’y eut alors aucun « bras de fer entre Ratzinger et l’épiscopat français » (Le Figaro du 2 janvier 2023). En effet, en réponse à notre dénonciation, le cardinal Ratzinger se contenta de prononcer un élégant discours. Et notre Père de commenter :
« Je profite de l’occasion pour exprimer à Votre Éminence l’énorme déception causée parmi la foule immense des bons catholiques français par sa stupéfiante dérobade, récente, dans l’affaire des catéchismes français. Pour ma part, je trouvais déjà très anormal qu’un préfet du Saint-Office fasse d’une affaire de foi l’objet d’un élégant discours, et non d’une sentence souveraine de proscription des textes hérétiques incriminés ; c’est vous dire que votre volte-face et votre complicité actuelle avec nos évêques prévaricateurs ne m’ont pas surpris. Mais les fidèles qui gardent leur confiance en Rome en ont été très scandalisés. Si cela pouvait vous faire réfléchir, je serais heureux de vous en avoir averti. »
L’abbé de Nantes évoquait ainsi le discours du cardinal du 16 janvier 1983, à Paris, et son “ communiqué conjoint ” avec l’archevêque de Lyon, dix jours plus tard, où ils affirmaient qu’il n’était pas question de remettre en cause “ l’admirable effort catéchétique ” entrepris en France !
Notre Père notait : « Plus personne ne fait son travail ecclésiastique à Rome, à la Curie. On fait semblant. » (CRC n° 193, octobre 1983, p. 6)
CARENCE ET COMPLICITÉ DES AUTORITÉS
En 1968, lors de ses interrogatoires au palais du Saint-Office, l’abbé de Nantes avait été impressionné par le sérieux et la compétence des membres et des consulteurs de la Congrégation. C’étaient encore des théologiens d’avant le Concile ! Il n’en fut plus de même lorsqu’en 1983 il y rencontra Mgr Jérôme Hamer pour lui remettre le Liber accusationis secundus :
« Voici que je suis en présence du second personnage de cette Sacrée Congrégation, Mgr Hamer. Mais cette fois, comme accusateur du Pape ! Or je ne ressens pour ce haut fonctionnaire aucune crainte révérencielle. Que lui manque-t-il donc ? Tout. » (CRC n° 190, juin 1983, p. 14)
L’abbé de Nantes observait les effroyables conséquences de la manière dont le Pape et les évêques géraient le peuple de Dieu depuis le Concile, sans obligation ni sanction :
« Il n’est pas un hérésiarque aujourd’hui, pas un apostat qui ne se réclame du Concile pour mener maintenant son action au grand jour, en pleine immunité, en maître et en pasteur reconnu ! Spécialement dans le domaine liturgique par les orientations, les libertés, la créativité ouvertes par la réforme conciliaire. Et plus spécialement, dans le bouleversement de la messe et la suppression de toutes les cérémonies et dévotions du culte eucharistique. Cette subversion, dénoncée par Pie IX, Pie X, Pie XII, les Papes l’ignorent depuis vingt ans, comme ils veulent ignorer ces pontifes, leurs prédécesseurs, qui l’avaient combattue.
« Il y a aujourd’hui, parfaitement connus de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et personnellement connus du Pape lui-même, des évêques, voire des cardinaux, des théologiens, des prêtres, des religieux, qui ne croient absolument pas au sacrifice de la messe, impétratoire et propitiatoire, et même à la présence réelle, à la transsubstantiation, et par le fait au sacrement de l’Ordre. »
Dans son Liber accusationis secundus, l’abbé de Nantes dénonçait à titre d’exemple l’un de ces théologiens hérétiques : « Un certain jésuite, Xavier Léon-Dufour, a publié ces dernières années trois gros livres fort savants. Intégralement modernistes. Le premier de ce triptyque, Face à la mort, Jésus et Paul, collection Parole de Dieu (Le Seuil, 1979), est la négation moderniste du mystère de la Rédemption. Le second, Résurrection de Jésus-Christ et Message pascal, même collection, même éditeur (1971), est la négation du fait historique, objectif, physique de la Résurrection corporelle de Jésus-Christ. Le troisième, Le partage du pain eucharistique selon le Nouveau Testament (1982), son titre le dit assez, est la négation totale du mystère du Saint- Sacrifice de la messe, de sa Présence réelle et de la réalité mystique de l’union à Dieu qu’il opère par le Corps et le Sang du Christ. Ce jésuite est pleinement hérétique et parfaitement opiniâtre, refusant, oh ! très doucement, d’accéder aux moindres demandes de rectification que lui suggèrent ses confrères savants qu’à dessein il consulte. Et ainsi, il détruit la foi catholique impunément. » (p. 98)
Ces hérétiques « conservent pourtant leurs fonctions dans l’Église, ils célèbrent la messe, la nouvelle ! qui leur agrée mieux. Jean-Paul II accepte ces hérétiques et ces apostats dans sa communion. »
Ce qui conduisait notre Père à préciser les conditions nécessaires pour une véritable renaissance catholique. Assurément, il faudra éradiquer au sein de l’Église les hérésies du « Concile réel » et du post-Concile, et restaurer la sainte inquisition romaine.
« Nous ne demandons pas pour nous l’autorisation de faire nos preuves dans notre coin. On ne nous fermera pas la bouche, on ne nous mènera pas à capituler en nous accordant quelques cérémonies en latin, à l’écart, et le droit de faire trois génuflexions au lieu d’une.
« Il s’agit, pour nous réconcilier, de se réconcilier d’abord avec Dieu en vengeant les injures qui lui sont faites officiellement dans le sacrement de son Corps et de son Sang par des théologiens hérétiques et des prêtres parjures, en mettant fin à tant de profanations et de sacrilèges qui sont commis officiellement entraînant les multitudes dans la voie de la damnation éternelle.
« Or nous constatons que la Lettre de Jean-Paul II sur l’eucharistie, montrant sa connaissance de tant de sacrilèges, et d’une si grande forfaiture, les prend trop à la légère. Comme dans tous les Actes ecclésiastiques depuis ce funeste Concile, l’injure faite à Dieu, le scandale des âmes entraînées à leur perte éternelle ne sont jamais pris en considération, mais seulement les répercussions sociologiques de nos dissensions intestines. En conséquence, il n’est jamais question d’imposer à tous les membres de l’Église, si hauts, si huppés soient-ils, une profession publique de la foi catholique et le respect de la loi divine, sous peine d’excommunication immédiate.
« Ainsi, toute recommandation de redressement reste lettre morte et l’hérésie, l’apostasie vont leur train, Jean-Paul II régnant, fils spirituel de Paul VI le Novateur. » (CRC n° 153, p. 2-3)
SYNDIC DE FAILLITE ?
En 1984, le journaliste Vittorio Messori publia un entretien avec le cardinal Ratzinger dans le mensuel italien Jesus : le prélat y lançait un cri d’alarme, révélant au grand public l’état épouvantable de l’Église, caractérisé par l’apostasie.
L’abbé de Nantes lui écrivit une Lettre ouverte d’adhésion, publiée dans la Contre-réforme catholique de janvier 1985 : « Tout ce que vous avez affirmé de la foi de l’Église, nous le professons d’esprit et de cœur ; tout ce que vous avez dénoncé, stigmatisé et contredit, nous le rejetons avec la même indignation, avec plus d’horreur même, n’étant retenus par aucun devoir de réserve. »
Cependant, notre Père manifestait son étonnement de voir le préfet de l’ex-Saint-Office parler des hérésies qui envahissent l’Église, à titre privé, en vacances à Bressanone, loin de son bureau de travail, ayant dépouillé les signes de son autorité et comme en dilettante. « En les disant ainsi, vous semblez leur donner droit de cité et reconnaître dans les démons qui les propagent, des “ interlocuteurs valables ”, comme on dit et fait en politique, des terroristes qu’on va bientôt changer en chefs d’État ! »
L’abbé de Nantes formulait alors une demande :
« Éminence, pour endiguer de nouveau ce grand assaut contre la foi, et le vaincre, il faudrait en connaître non seulement les hérésies, mais les hérésiarques, en publier non seulement les thèses, mais les docteurs. Qui sont ces molti teologi, ces innombrables théologiens répandus dans le monde pour la perte des âmes, qui corrompent fidèles, prêtres et peut-être évêques même, je n’ose dire cardinaux ? Certains princes de l’Église, Éminence, n’en sont-ils pas ? Il faut savoir, il est grand temps. »
Notre Père suppliait le cardinal de passer de l’entretien journalistique à la manifestation de la vérité ès qualités de cardinal préfet de la Congrégation pour la défense de la foi, par la condamnation solennelle des hérésies et des hérétiques. Sinon, lui disait-il, « qu’êtes-vous de plus qu’un syndic de faillite, un liquidateur, et non plus un ministre de la défense, un juge de la foi, pour le service de Dieu seul et le salut des pauvres âmes ? »
MODERNISTE IMPÉNITENT
La réédition de deux de ses livres, quelques mois plus tard, montra qu’il partageait lui-même les erreurs modernistes de Pierres vivantes. À croire qu’il les avait inspirées ! En effet, son maître livre, de 1968, La foi chrétienne hier et aujourd’hui, contient une dialectique allemande pour rationaliser les mystères de la foi, dont les représentations anciennes n’auraient prétendument aucun sens pour l’homme moderne.
« Moderniste, expliquait l’abbé de Nantes, n’est pas un mot bénin, un mot sans venin. Il désigne, depuis l’encyclique Pascendi (1907), du nom ostentatoire dont ils se dénommaient eux-mêmes, un parti d’hérétiques de la pire espèce, décidés à s’incruster dans l’Église à force de dissimulation et de faux serments, pour en mieux détruire la foi traditionnelle et, par là, toute l’institution. Pour leur substituer une religion toute subjective, individuelle et démocratique, toute de sentiment et de liberté, adhérant charismatiquement à des mystères chrétiens que cependant, par raison et par science [prétendue], ils rejettent hors de la réalité physique et historique.
« Parce que l’esprit moderne ne saurait rien admettre qui dépasse le cours ordinaire des choses et ne puisse être expliqué par les sciences rationnelles. Il convient cependant d’accorder aux “ révélations divines ” une adhésion du cœur, une émotion de la sensibilité, comme à ce que la communauté humaine accueille de “ divin ” dans certaines expériences si hautes qu’elles ne peuvent venir que de l’Esprit, qui souffle où il veut.
« Telle est la foi du moderniste Ratzinger, gonflée comme une outre de phénoménologie allemande. Alors, gare aux dégâts ! » (CRC n° 212, juin 1985, p. 3)
L’ASCENSION UNE IMAGE POUR DIRE QUE !
« Croire à l’Ascension corporelle de Jésus ressuscité, en son corps, à la vue de ses disciples, est devenu la pierre de touche de la vraie foi catholique », écrit notre Père.
Or, Ratzinger affirmait : « Parler d’ascension au ciel ou de descente aux enfers reflète, aux yeux de notre génération éveillée à la critique par Bultmann, cette image du monde à trois étages que nous appelons mythique et que nous considérons comme définitivement périmée (...). On ne saurait plus, au fond, parler de “ haut ” et de “ bas ” ou de “ gauche ” ou de “ droite ”. Le cosmos ne nous donne plus de directions fixes. » Bref, « la conception d’un monde à trois étages, au sens local, a disparu ».
L’abbé de Nantes faisait voler en éclats cette « quincaillerie pseudo-scientifique », en posant une question, une seule question : La pesanteur a-t-elle disparu ?
Voici maintenant en une phrase de Ratzinger le « condensé indélébile » de l’hérésie : « Cette conception d’un monde à trois étages a certainement fourni les images par lesquelles la foi s’est représenté ces mystères. »
L’abbé de Nantes commentait : « Le cardinal préfet de l’ex-Saint-Office est tout aussi moderniste, et formellement hérétique donc, à chasser de l’Église du Christ comme un vulgaire Luther, que les auteurs du catéchisme Pierres vivantes dont il dénonçait hier encore les insuffisances, par une hypocrisie colossale à laquelle j’aime mieux m’être une nouvelle fois laissé prendre.
« Pour lui, en 1968 comme en mai 1985 où il se réédite, traduit en français pour le réconfort de la clique épiscopale en flagrant délit de perfidie, l’Ascension est une image pour dire que... »
L’abbé de Nantes soulignait le caractère insensé de cette théorie : « À l’origine du christianisme, il y a “ la foi ” de la communauté (quelle foi ? de quelle communauté ?), qui croit en “ ces mystères ” (lesquels ? et venus d’où ?) qu’il lui faut “ se représenter ” (n’en ayant donc encore nulle idée précise, nulle vue, aucune appréhension sensible) à l’aide d’ “ images ” (véhicules irréels d’idées qu’elles n’évoquent qu’en les trahissant, en les matérialisant), “ fournies ” par des apparences physiques éminemment trompeuses liées à des “ conceptions définitivement périmées ”. “ Certainement ” !
« Je croirai Ratzinger le jour où, place Saint-Pierre, aux yeux de ses trente collaborateurs du Saint- Office, il... tombera dans le ciel et disparaîtra dans un nuage, prouvant ainsi que “ le haut et le bas ” sont des conceptions fallacieuses, dépassées, et responsables de la foi stupide de l’Église depuis deux mille ans au miracle réel de l’Ascension et à son mystère divin signifié par ce miracle même.
« Ici, Ratzinger rime avec menteur. Son herméneutique de parfait moderniste constitue les Évangélistes, saint Luc au premier chef, des menteurs. Les Apôtres, qui sont les premiers garants de notre Symbole baptismal, des menteurs. Toute l’Église qui les a crus, depuis les baptisés du jour de la Pentecôte jusqu’à notre actuel gardien de la foi catholique, une fantastique collection d’imbéciles ou d’imposteurs, le tout coiffé de despotes imposant par l’inquisition et la torture au peuple ignorant des sottises en lesquelles ils ne croyaient pas eux-mêmes.
« Le menteur qui siège au Vatican ne croit pas à l’événement de l’Ascension dans sa réalité historique, objective, physique. Ainsi, il refuse de croire avec l’Église, comme toute l’Église apostolique, à la parfaite loyauté des premiers témoins, témoins oculaires, à l’inspiration des écrivains sacrés, à l’inerrance de leurs récits. Le cardinal Ratzinger est un hérétique patent, public et opiniâtre. Il réédite en 1985 ses hérésies formelles de 1968. » (CRC n° 212, juin 1985, p. 4)
Après avoir dénoncé le modernisme du cardinal Ratzinger, notre Père rappelait qu’en d’autres circonstances il s’était montré enthousiaste de ses prises de position :
« Je suis content de m’être laissé prendre à certains textes émanés du cardinal Ratzinger, superbement réactionnaires. On ne pourra pas m’accuser de préjugés ni d’une hostilité a priori. Maintenant, ces textes me paraissent des trompe-l’œil, habituels aux modernistes, et des contre-feux destinés, en dénonçant eux-mêmes ce que nous condamnons, à ôter à nos cris toute influence et à nos personnes toute autorité. C’est habile ! » (ibid., p. 5)
Telle est la duplicité des modernistes : « C’est toujours pareil, ils veulent demeurer dans l’Église, s’y maintenir à tout prix et, pour aboutir à leurs fins, s’y étaler dans des chaires d’université, y accéder aux plus hautes fonctions à Rome même, en mentant sur la foi, en mentant sur eux-mêmes et, finalement, en se mentant à eux-mêmes jusqu’au point de tomber dans l’incurable magma de sincérités successives et contradictoires. » (ibid., p. 3)
DUPLICITÉ MODERNISTE SUR LE TRÔNE DE PIERRE
On retrouve la duplicité du moderniste allemand dans son Testament spirituel rédigé en 2006, alors qu’il était monté sur le trône de Pierre depuis un an. En effet, Benoît XVI y adresse à « tous ceux qui ont été confiés à son ministère » cette pressante recommandation : « Tenez bon dans la foi. »
Mais quelle est cette « foi » ? Car il ajoute : « La foi a appris, dans le dialogue avec les sciences naturelles, la limite de la portée de ses affirmations et ainsi à mieux comprendre ce qu’elle est. »
Que sont ces sciences naturelles ? Ce sont pour le Pape les négations et les théories de scientifiques francs-maçons, comme le remarquait l’abbé de Nantes, en critiquant son ouvrage Les principes de la théologie catholique :
« Trop d’allusions ou d’appels aux sciences modernes manquent totalement de sérieux, et cela inquiète sur la valeur générale du raisonnement théologique qui en procède ! Impardonnable, entre vingt autres, l’allusion à quelqu’un que je connais assez pour le mépriser parfaitement, page 389 des Principes : “ Jacques Monod, dans son livre fondamental sur l’évolution, a montré d’une manière très impressionnante que... ” Flagorneur, c’est permis, mais pas avec l’ennemi haineux de ce qu’on fait profession d’honorer et de croire ! Étonnante servilité vis-à-vis des savants modernes. » (CRC n° 212, juin 1985, p. 2)
Poursuivons la critique du Testament. Soyons sérieux : la foi en elle-même n’apprend rien. Ce n’est pas la foi qui apprend dans le dialogue... C’est vous qui avez prétendu dialoguer avec les rationalistes et les protestants jusqu’à devenir vous-même rationaliste et luthérien ! C’est vous qui avez cédé à leurs exigences et qui pour leur complaire avez limité la portée des affirmations de la foi.
Jusqu’où avez-vous reculé ?
Jusqu’à nier la transsubstantiation ?
Assurément, puisque selon les sciences naturelles, le pain reste du pain après la consécration.
Ce qui vous conduit à rejeter les anathèmes du concile de Trente :
« Le concile de Trente termine ses déclarations sur la Fête-Dieu par une phrase qui sonne douloureusement à nos oreilles œcuméniques et qui n’a sûrement pas peu contribué à discréditer cette fête aux yeux de nos frères protestants. Mais si l’on purifie cette formulation de ses éléments passionnels propres au seizième siècle... » (Ratzinger, La célébration de la foi, au chapitre Que signifie pour moi la Fête-Dieu... Trois méditations.)
Bref, il s’agit toujours de reformuler le dogme pour satisfaire aux exigences du monde moderne, franc-maçon, et de l’œcuménisme conciliaire. Mais cette reformulation vide le dogme de l’Eucharistie de son contenu. C’est pourquoi la visite au Saint-Sacrement n’avait pour vous plus de raison d’être : « On ne peut pas envisager raisonnablement que l’adoration eucharistique ou la visite silencieuse dans une église consiste simplement à s’entretenir avec le Dieu dont on imagine (sic) qu’il est présent dans un lieu déterminé », expliquiez-vous pendant le Concile, dans une conférence.
« L’affirmation : “ Dieu habite ici ”, ainsi que le colloque avec le Dieu dont on imagine (sic) qu’il est présent localement, fondement de cette affirmation, manifestent une méconnaissance de l’événement christologique tout comme de l’idée de Dieu. Cela ne peut que répugner à l’homme qui réfléchit et qui est instruit de l’omniprésence de Dieu. Si l’on voulait justifier “ l’aller à l’église ” par le fait que l’on doit rendre visite à Dieu qui n’est présent que là, ce serait en effet une justification insensée que l’homme moderne aurait raison de rejeter. » (Die sacramental Begründung christlicher Existenz, conférences de l’abbé Ratzinger, Salzbourg, Autriche, 1965 ; Il est ressuscité n° 110, octobre 2011, p. 8)
IMPANATION POUR L’HOMME QUI... RÉFLÉCHIT !
Dans son étude du livre de Benoît XVI, Jésus de Nazareth, frère Bruno analyse son chapitre sur l’institution de l’Eucharistie :
Ici, la formulation du Pape est nettement luthérienne : « Ce qu’on appelle le récit de l’institution, c’est-à-dire les paroles et les gestes par lesquels Jésus s’est donné lui-même, dans (sic !) le pain et dans (sic !) le vin, aux disciples, constitue le cœur de la tradition de la dernière Cène. » (t. 2, p. 139)
Le Pape va chercher ailleurs que dans la pure doctrine catholique une explication qui satisfasse ses amis (protestants) en “ dialogue ”. Après avoir rappelé que tout commence par la bénédiction prononcée par Jésus en prenant le pain avant de le rompre, comme lors de la multiplication des pains (Jn 6, 11), il écrit :
« Depuis ses tout débuts, l’Église a compris les paroles de consécration non pas simplement comme une sorte de commandement presque magique [sous ce mot repoussoir, c’est le miracle qui est en cause. Il n’y a pas de miracle, puisque Jésus est “ dans le pain ”. Le pain est toujours du pain. Ni magie, ni miracle. Que reste-t-il de la “ consécration ”, de la transsubstantiation ? Nous allons voir...], mais comme faisant partie de la prière faite avec Jésus [non pas “ par Jésus ”, mais “ avec Jésus ”. Le prêtre n’agit donc pas “ in persona Christi ”] ; comme partie centrale de la louange teintée de gratitude, par laquelle le don terrestre [le pain et le vin “ offerts ” à l’homme par Dieu créateur] nous est de nouveau offert par Dieu [quel renversement des rôles ! Dans le culte qu’il rend à l’homme, Dieu lui offre le pain et le vin] comme corps et sang de Jésus, comme don de soi de Dieu dans l’amour accueillant du Fils. » (t. 2, p. 152-153)
C’est toujours du pain et du vin, mais qui a changé de “ signification ”. On retrouve là la théorie moderne et moderniste de la transsignification ou transfinalisation selon laquelle le pain, qui était pour être mangé, nourriture de l’homme, cesse de nous parler ce langage naturel pour revêtir concrètement une autre signification ou finalité, un autre sens (Il est ressuscité n° 105, mai 2011, p. 7-8).
Toujours dans son livre Jésus de Nazareth, le pape Benoît XVI traitait de la résurrection du Christ en parfait moderniste : « Elle n’est pas un événement historique, du même genre que la naissance ou le crucifiement de Jésus. » C’est « un saut qualitatif » (t. 2, p. 308).
Et frère Bruno de remarquer :
Si le Corps et le Sang du Christ ont fait « un saut qualitatif dans une autre dimension », le dogme de la transsubstantiation selon lequel, à la consécration, au Saint-Sacrifice de la messe, la substance entière du pain est changée en la substance entière du Corps du Christ, et la substance du vin en son Sang Précieux, s’évanouit. Ce dogme n’a plus ni consistance ni raison d’être.
Par ailleurs, dans son Testament, non seulement Benoît XVI ne rétracte pas sa théorie de l’Église tout à fait luthérienne, mais il persiste dans son hérésie, parlant des « imperfections » de l’Église. Notre Père lui avait opposé l’enseignement infaillible du premier concile du Vatican, dans sa constitution dogmatique sur la foi catholique (CRC n° 212, juin 1985, p. 5-8).
DROITS DE L’HOMME, INTERRELIGION...
Il est bien connu que Benoît XVI était un passionné des Pères de l’Église et de la liturgie. Mais il était aussi un adhérent convaincu du Masdu : il lui paraissait absolument évident que le monde a changé, que la démocratie est un progrès de la société, que les droits de l’homme sont une théorie inspirée de l’Évangile. Il était libéral, démocrate-chrétien.
Mais voilà qu’en faisant le professeur d’université à Ratisbonne pour réfléchir sur les rapports entre foi et raison, il réveilla le fanatisme religieux qu’il avait en horreur. Face à cette réaction inouïe du monde arabe et des chancelleries du monde entier à la suite de son discours de Ratisbonne du 12 septembre 2006, le Pape se trouva à la croisée des chemins : soit dénoncer les causes véritables de ce fanatisme religieux renaissant, à savoir la proclamation par le Concile de la “ liberté religieuse ” comme un droit social inhérent à la dignité de la personne humaine, et se tourner vers Fatima comme seul remède ; soit persister dans l’utopie du Masdu pour faire la paix universelle par la démocratie. C’est ce dernier choix qui l’a emporté, et qui est devenu prioritaire dans son action pontificale.
Loin de se libérer du “ pacte conciliaire ”, Benoît XVI y a souscrit de nouveau dans sa totalité, en cautionnant les erreurs théologiques et doctrinales du Concile qui soutiennent cette gnose. Par exemple dans son discours pour la rentrée de l’Université du Latran, le 21 octobre 2006, il rétablit ce qu’il avait supprimé dans le Compendium du catéchisme, la fameuse phrase de Gaudium et Spes 22, 2 : « Le concile Vatican II l’a rappelé avec acuité : “ Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. ” » (Il est ressuscité n° 52, décembre 2006, p. 2)
En Turquie, le Pape confirma la « vocation européenne » de ce pays musulman, et surtout, le 30 novembre, à la mosquée Bleue, tous les téléspectateurs du monde, et d’abord les musulmans, l’ont vu remuer les lèvres, tourné vers La Mecque.
« Je me suis adressé à l’unique Seigneur du ciel et de la terre, dira ensuite Benoît XVI, Père miséricordieux de l’humanité tout entière. Puissent tous les croyants se reconnaître comme ses créatures et rendre le témoignage d’une véritable fraternité. »
Jésus-Christ et l’Église sont évacués. Et le Pape réexpliquait la vision du Concile selon laquelle l’humanité n’est plus divisée en deux camps, celui de l’Église et celui de l’anti-Église, mais disposée en cercles concentriques autour du Christ :
« Dans le cercle situé le plus à l’intérieur, le successeur de Pierre confirme les catholiques dans la foi ; dans le cercle intermédiaire, il rencontre les autres chrétiens ; dans le cercle le plus à l’extérieur, il s’adresse aux non-chrétiens et à toute l’humanité. »
Ainsi Benoît XVI reprenait-il l’unanimisme de Gaudium et Spes que notre Père a si vigoureusement dénoncé dans l’Autodafé : il consiste en une invitation générale au “ dialogue ”, à la “ recherche de la vérité ”, dans la plus grande fraternité et le respect de l’autre. D’où le discours pontifical du 22 décembre 2006 pour les vœux de Noël à la Curie : après un tableau lucide sur l’état du monde, le Pape en appelait « aux véritables conquêtes de la philosophie des Lumières, les droits de l’homme » (Il est ressuscité n° 54, février 2007).
Benoît XVI privilégiait l’œcuménisme et le dialogue interreligieux pour opposer un front commun à tous les maux de l’humanité, sans s’occuper du pire des pires qui est de marcher vers l’enfer ! afin, non pas d’obtenir le salut éternel de tous les hommes, mais d’établir la paix et leur bonne entente ici-bas.
Pour conclure, revenons à son livre Jésus de Nazareth. Cet ouvrage montre bien que le Siège de Pierre n’était pas vacant, mais occupé légitimement par un personnage qui refusait d’assumer ses fonctions de Pape, en premier lieu de défendre et de proclamer infailliblement le dogme de la foi.
Il l’écrivit non pas pour enseigner la foi catholique, mais pour exprimer son « expérience », et il n’en fit pas un acte de magistère. Ce livre, publié sous la signature de Benoît XVI, donc reçu par les masses fidèles comme “ parole d’Évangile ”, est rempli de prises de position exégétiques et théologiques discutables, contraires à vingt siècles de tradition catholique. Le commentaire littéral du livre, publié par frère Bruno, constitue un véritable Liber accusationis quartus, car cet ouvrage offre ample matière à la triple accusation d’hérésie, de schisme et de scandale, que de nombreuses citations de ses discours et homélies corroborent (Il est ressuscité n° 107, juillet 2011 ; n° 108, août 2011 ; n° 110, octobre 2011)
Frère Bruno y dénonce cinq reniements : reniement de la révélation biblique au profit du judaïsme talmudique, reniement de l’Église en faveur de la synagogue, reniement de la Chrétienté en faveur du Masdu, reniement de la Croix du Christ au profit d’un naturalisme, et enfin reniement des fins dernières de l’homme telles que Notre-Seigneur nous les a enseignées.
SON OPPOSITION À NOTRE-DAME DE FATIMA
Dès les premières déclarations du cardinal Ratzinger sur le troisième Secret de Fatima, l’abbé de Nantes discerna son opposition perfide aux révélations de Notre-Dame : « Je crains que vous-même, intoxiqué par les diaboliques critiques du doux Père Dhanis, consulteur au Saint-Office, vous ne vouliez pas donner foi au message de salut, puisque vous ne faites aucune mention des demandes du Ciel qui en sont l’essentiel, ces demandes auxquelles est subordonnée la grâce divine sur notre monde en détresse : conversion de la Russie ! paix ! règne universel du Cœur Immaculé de Marie et, donné par lui au monde une nouvelle fois, du Cœur Sacré de notre Divin Sauveur et Roi Jésus ! » (CRC n° 207, janvier 1985, p. 12)
Son commentaire du Secret, du 26 juin 2000, montre qu’il ne croyait pas à la venue de l’Immaculée Vierge Marie dans son corps glorieux à la Cova da Iria en 1917 : « Dans les visions de Lourdes, Fatima, etc., il ne s’agit pas de la perception normale extérieure des sens : les images et les figures qui sont vues ne se trouvent pas extérieurement dans l’espace, comme s’y trouve par exemple un arbre ou une maison. »
Pourtant, dès le 13 juin 1917, la Vierge Marie donna aux premiers pèlerins, qui retrouvèrent les trois voyants, des signes étonnants de son invisible présence au milieu d’eux. Pendant la vision, les branches de l’arbuste ployèrent en rond de tous les côtés, parce que le poids de Notre-Dame avait réellement porté sur elles !
Le commentaire du cardinal était imprégné des théories modernistes du Père Dhanis, auquel il se référait explicitement. Les visions du Secret étaient présentées comme le résultat de « projections du monde intérieur d’enfants qui ont grandi dans une ambiance de profonde piété, mais qui étaient en même temps bouleversés par la tourmente qui menaçait leur époque ». Il insinuait que les visions du Secret n’étaient que des affabulations de Lucie, à partir de réminiscences de ses dévotions enfantines : « La conclusion du Secret rappelle les images que sœur Lucie peut avoir vues dans des livres de piété et dont le contenu provient d’anciennes intuitions de foi. »
Sœur Lucie a affirmé exactement le contraire dans ses Appels du message de Fatima : « Après la description de la vie familiale de ces deux foyers [les foyers des voyants], vous comprendrez sans doute que, si les parents des pastoureaux étaient de fidèles chrétiens, ils étaient tout à fait incapables de faire naître, dans l’esprit de leurs enfants, des idées mystiques ou d’une haute spiritualité, comme on en voit dans les apparitions de Fatima. Il en résulte qu’elles sont entièrement l’œuvre de Dieu. »
Ratzinger affirmait que la dévotion au Cœur Immaculé de Marie est « surprenante pour des personnes provenant de l’aire culturelle anglo-saxonne et allemande », comme chemin assuré pour le salut des âmes. Comme si un Allemand ne pouvait comprendre la volonté de Dieu pour notre temps : établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie ! C’est le contraire qui est vrai. L’un des grands apôtres de Fatima du vingtième siècle fut un professeur allemand, docteur en théologie, l’abbé Ludwig Fischer : il fut le premier à dévoiler les grâces extraordinaires reçues par sainte Jacinthe lors des apparitions de 1917, donc sa dévotion au Cœur Immaculé de Marie.
De plus, dans son Testament spirituel, rédigé en 2006 et publié par le Vatican au soir de sa mort, on ne trouve pas même une mention de la Vierge Marie. C’est pourtant à Elle et à Elle seule que « Dieu a confié tout l’ordre de la Miséricorde » (saint Maximilien-Marie Kolbe).
Nous avions espéré que son voyage au Portugal en 2010 serait pour lui une opportunité providentielle d’ouvrir son cœur à la grâce de Fatima. Sinon, comme notre Père le disait de Jean-Paul II en de semblables circonstances, son refus obstiné de satisfaire aux demandes de Notre-Dame en ferait « le plus malheureux, le plus à plaindre de tous les hommes de ce temps ». Hélas ! Benoît XVI persista dans son opposition diabolique, allant jusqu’à affirmer que le message de Fatima « ne réside pas substantiellement dans des dévotions particulières » (Il est ressuscité n° 98, octobre 2010, p. 4).
Ainsi est-il demeuré obstinément sourd aux avertissements pathétiques de notre Père : « Qui est contre Fatima, se damne ; qui est pour, se sauve. » (CRC n° 298, p. 31) Et encore : « Qui n’aime pas Fatima se perdra ; qui l’aime infiniment se sauvera, et des multitudes d’âmes moins favorisées avec lui, grâce à lui, par Marie ! » (Lettre à la Phalange n° 48)
frère François de Marie des Anges.