Il est ressuscité !

N° 250 – Décembre 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2023

L’Évangile de Jésus-Marie (3) 

L’instauration du règne de Dieu

DE LA PRÉDICATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE (OCTOBRE 28)
AU RETOUR DE LA PREMIÈRE PÂQUE (AVRIL 29).

INTRODUCTION : JÉSUS DE NAZARETH

« Quant à Jésus, il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 52). C’est ainsi que saint Luc évoque, en une seule phrase, les dix-huit années de vie cachée de la Sainte Famille à Nazareth, après l’an 12, où Jésus resta auprès de son Père, dans le Temple de Jérusalem, à l’insu de ses saints Parents.

Ce verset nous évoque le mystère de l’Incarnation, inséparable de celui de la Maternité Divine de la Vierge Marie, bien utiles à nous rappeler au seuil de notre étude de la Vie publique, parce que notre Père les avait toujours présents à l’esprit dans sa contemplation de l’Évangile.

Le Verbe s’est fait chair, écrivait-il, cela veut dire qu’Il s’est fait homme, Enfant de la Vierge Marie, et que son Esprit divin s’est donné un esprit humain pour être le relais incarné de sa Révélation et de son œuvre de Rédemption. C’est Dieu qui se révèle au monde dans une nature humaine qu’Il pousse au paroxysme de ses capacités, de son ouverture, de ses énergies conquérantes : Jésus veut tout connaître, Il veut aimer tout ce qu’Il connaît, Il veut sauver tout ce qu’Il aime, Il veut régner sur tout ce qu’Il sauve.

Ainsi, Jésus de Nazareth est la semence infime que le Père a “ semée ” dans le sein virginal de Marie, et Il n’aura de repos qu’Il n’ait été par sa chair et par la nôtre, par sa parole et notre réponse, par son amour dévorant et le nôtre, jusqu’au bout de son influence, de sa construction d’un “ Royaume ”, de 1’édification d’un Corps social, envahissant et transfigurant toute la création. C’est ainsi qu’Il grandit en sagesse, en taille et en grâce.

« Le Fils de Dieu s’est fait homme pour être pleinement à nos regards ce qu’Il est de plus personnel, c’est-à-dire Fils, expliquait notre Père. » Du Sein de son Père à celui de la Vierge sa Mère, Il ne change pas : au plus intime de Lui-même, son “ ipséité ” est d’être Fils (Jn 1, 12-13).

Quand Il regarde son Père Céleste, Jésus voit bien que tout son être dépend de Lui, qu’Il reçoit tout son être de son Père Céleste ; Il est l’Image de sa Substance et le reflet de sa Face, son Fils Unique et Bien-Aimé, n’ayant d’attention, d’adoration, d’admiration, d’Amour que pour ce Père très Chéri.

Et, quand Il regarde sa Mère, qui l’a enfanté, expliquait notre Père, Il ne peut la mettre qu’au­­dessus de Lui, Il dit : c’est ma Mère. Au-dessus de Lui, Jésus Fils de Dieu ne voit qu’une seule et même Personne qui envahit tout son Ciel : Dieu son Père, et en Lui, « reflet de sa Lumière et image de son excellence » (Sg 7, 26), la Vierge Marie sa Mère. Quel grand mystère !

Qui découle de l’Amour de la Sainte Trinité pour sa Conception Immaculée, comme l’expliquait notre Père : « La Vierge Marie est la Personne que Dieu a conçue dans sa Sainteté, à l’origine des siècles. Elle est le premier projet de Dieu, Père et Fils, dans leur Esprit-Saint et de toute éternité ; Dieu le Père a voulu la donner pour épouse à son Fils. »

Et le Verbe s’est fait chair, dans le sein de la Vierge Marie, pour consommer cet Amour :

« L’Immaculée est l’Épouse du Dieu Très-Haut, une Épouse en laquelle son Époux divin se fait une chair d’enfant, conduisant son Épouse à y travailler maternellement, pour se retrouver ainsi sa Mère, sans rien perdre de sa virginité, tandis que Lui, d’Époux est devenu son enfant sans rien perdre de sa divinité. Tel est le mariage du Fils de Dieu et de la Vierge Immaculée. »

En voulant naître Fils de l’Immaculée Vierge Marie, le Verbe de Dieu entre dans une lignée dont Il est le terme, l’aboutissement. Il hérite d’un passé, de siècles d’histoire que Lui-même, avec le Père et l’Esprit-Saint, a dirigés, siècles de préparations tendant vers sa venue, n’ayant de sens et de valeur que pour son Avènement. Ainsi, toute la religion de l’Ancienne Alliance, qu’Il reçoit de sa Divine Mère et de saint Joseph, qu’Il apprend sur leurs genoux, toute cette Loi a été révélée pour que Lui-même, Fils de Dieu incarné s’appliquant à vivre en homme, se l’approprie, afin de la transfigurer, et l’accomplir.

Ainsi, la vie cachée, c’est tout l’Ancien Testament murmuré, pratiqué, aimé par Jésus, qui, à la lumière de sa Science infuse, de sa Divine Sagesse, le convertit en son Évangile, qu’Il prêchera pendant le court laps de temps de sa vie publique, et qu’Il accomplira par son sacrifice rédempteur (Is 53, 10). Il trouve dans la Sainte Écriture toute sa vocation annoncée, définie, notamment dans les Psaumes, et excellemment dans les quatre “ Poèmes du Serviteur ”, en Isaïe (42 ; 49 ; 50 ; 53). Tout ce qui est révélé de Yahweh, de ce qui lui complaît ou lui déplaît, parle à Jésus de son Père, et ces mêmes sentiments résonnent en son Divin Cœur, comme Il le dira aux Juifs de Jérusalem : le Fils fait tout ce qu’Il voit faire à son Père, car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu’Il fait (Jn 5, 19-20).

Pour connaître la profondeur de ces Amours divins, entrevoir le secret du Sacré Cœur de Jésus, il faut ouvrir le livre le plus important de l’Ancienne Alliance, le Cantique des cantiques, qui chante l’Amour de Yahweh pour son peuple, et l’amour d’Israël pour son Créateur, en un chant de noce où l’Époux répond à son épouse, l’Un et l’autre épris de tendresse et de désir. Cela évoquait pour Notre-­Seigneur son propre Amour, son union à la Vierge Marie sa Mère, sa Compagne, son Épouse : « Mon Bien-aimé est à moi, et moi je suis à Lui. » « Tu es toute belle, ma Bien-aimée, et sans tache aucune ! »

Mais le Cantique chante aussi l’Amour de Dieu pour sa créature pécheresse, et son désir de sa conversion : « Reviens, reviens, Sulamite ! » Comme le livre d’Osée et le chapitre 16e d’Ézéchiel, cela nous révèle dans le Cœur de Notre-Seigneur un Amour d’Époux outragé, peiné par l’infidélité, le péché de son peuple, et entrant dans sa vie publique pour le convertir, le ramener à Lui, le sauver du châtiment de sa propre Justice : « Je vais la séduire, la conduire au désert, et parler à son cœur. » (Os 2, 16)

« C’est Moi qui rétablirai mon Alliance avec toi... afin que tu sois saisie de honte et que, dans ta confusion, tu sois réduite au silence, quand je t’aurai pardonné tout ce que tu as fait, oracle du Seigneur Yahweh. » (Ez 16, 62-63).

Entrons dans ce récit.

« PRÉPAREZ LE CHEMIN DU SEIGNEUR. »

Saint Luc date le commencement de cette histoire, et en donne le contexte politico-religieux : « 1 L’an quinze du principat de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays d’Iturée et de Trachonitide, Lysanias tétrarque d’Abilène, 2 sous le pontificat d’Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. » (Lc 3, 1-2)

Les années de règne des empereurs se comptaient à partir de la mort de leur prédécesseur. César Auguste, prédécesseur de Tibère, étant mort en août 14, la première année de Tibère courait d’août 14 au mois d’août de l’an 15. Ainsi, la quinzième année de son règne s’étendit d’août 28 à août 29. Frère Bruno estime qu’après avoir reçu cet ordre divin, saint Jean Baptiste a commencé à prêcher en octobre de l’an 28 (l’Épiphanie du Sauveur, in Bible, Archéologie, Histoire, t. 3, p. 187).

« Lorsque l’heure de l’Évangile sonne au cadran de l’histoire, disait notre Père, ce n’est pas Jésus qui paraît sur la scène, mais un autre que Lui. »

« En ces jours-là arrive Jean le Baptiste, prêchant dans le désert de Judée 2 et disant :  Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche.  3 C’est bien lui dont a parlé Isaïe le prophète :  Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. 

« 4 4 Ce Jean avait son vêtement fait de poils de chameau et un pagne de peau autour de ses reins ; sa nourriture était de sauterelles et de miel sauvage. 5 Alors s’en allaient vers lui Jérusalem, et toute la Judée, et toute la région du Jourdain, 6 et ils se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en confessant leurs péchés. » (Mt 3, 1-5)

Saint Jean-Baptiste a toutes les caractéristiques du prophète, et le peuple le reconnaît comme tel : il vit en ermite au désert comme Élie, dans la même pénitence, habillé comme lui (2 R 1, 8), accomplissant ce qu’on disait à son sujet ; qu’il reviendrait au temps du Christ pour préparer ses voies.

Nous sommes en pleine atmosphère d’Ancien Testament, au terme de cette merveilleuse pédagogie divine, de toutes ces préparations qui tendaient à l’avènement du Fils de Dieu sur la terre. Il peut désormais se manifester, se faire reconnaître de son Peuple en accomplissant tout ce qui avait été prophétisé à son sujet, en premier lieu qu’il aurait un Précurseur pour lui préparer les voies. Beaucoup de grands hommes ont formé des disciples, disait notre Père, mais être précédé d’un Précurseur, on n’avait jamais vu ! C’est un fait unique, miraculeux, qui témoigne de l’action de Dieu, de l’accomplissement de son dessein.

« 7 Il disait donc aux foules qui s’en venaient se faire baptiser par lui :  Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la Colère prochaine ? 8 Produisez donc des fruits dignes du repentir, et n’allez pas dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham. Car je vous dis que Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham. 9 Déjà même la cognée se trouve à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. » (Lc 3, 7-9)

« La tendance de Jean était à l’apocalypse, expliquait notre Père : le Christ doit venir comme un justicier, ébranler les colonnes du ciel et réduire ses ennemis en poussière [...]. Dieu vient, la terre tremble sous ses pas, Il piétine, Il foule les peuples ennemis, mais Il sauve son Peuple Élu, son Fils Bien-Aimé, il lui donne revanche sur ses oppresseurs et lui rouvre le jardin merveilleux de l’abondance et de la joie. “ J’attends en paix ce jour d’angoisse qui se lève pour nos ennemis... mais moi je me réjouirai en Yahweh, j’exulterai en Dieu mon Sauveur ! ” (Ha 3, 16-18) Voilà quelle était l’espérance d’Israël, ce châtiment universel, cette justice implacable, et de son sein sortirait une miséricorde pour sauver les gens de bien et renverser les sorts ! »

C’est pourquoi Jean-Baptiste prêche la pénitence : le jugement vient, il faut vite se convertir, pour être récompensé avec les bons, et non châtié avec les impies. Notre Père continuait :

« Jésus n’y a pas contredit, il n’a jamais donné tort aux Prophètes ni au Précurseur. Mais il a repoussé l’heure de la Justice, comme un géant, par la force de sa Croix, pour accorder au monde un temps de miséricorde. Il a distingué les deux aspirations mêlées de la tradition d’Israël, pour les satisfaire successivement, et là où les oracles confondaient la venue du Sauveur avec celle du Vengeur de Dieu, Jésus sépare l’une de l’autre de tout l’espace de son Évangile : maintenant s’ouvre le temps de la grâce, pour ramener les pécheurs et sauver la multitude. Enfin viendra le temps de la rétribution, après qu’auront été distribués les trésors de la miséricorde. » (Lettre à mes amis n° 196)

Saint Matthieu, racontant la même exhortation de saint Jean-Baptiste (Mt 3, 7-10), précise qu’elle s’adressait aux pharisiens et aux sadducéens qui venaient là. Contre eux, c’est déjà l’opposition mortelle qui commence, et qui culminera au calvaire. Tandis que le peuple, dans sa meilleure part, est touché par la prédication du Prophète, et parce que le Jugement approche, ils viennent en foule se faire baptiser par Jean, descendre dans l’eau en confessant leurs péchés.

« 15 Comme le peuple était dans l’attente et que tous se demandaient en leur cœur, au sujet de Jean, s’il n’était pas le Christ – on voit l’effervescence messianique qui travaillait le peuple juif –, 16 Jean prit la parole et leur dit à tous :  Pour moi, je vous baptise avec de l’eau, mais vient le plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales ; lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. ” » (Lc 3, 15-16)

L’Élu de Dieu sera plus fort que lui, c’est-à-dire plus fort pour lutter contre le péché, contre les puissances des Ténèbres. Il le fera par l’Esprit-Saint et le feu ; l’Esprit de Dieu sanctifiera ceux qui croiront en Lui, tandis que le feu... consumera les pécheurs.

« 17 Il tient en sa main la pelle à vanner pour nettoyer son aire et recueillir le blé dans son grenier ; quant aux bales, il les consumera au feu qui ne s’éteint pas.  18 Et par bien d’autres exhortations encore il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle. » (Lc 3, 17-18)

L’ÉPIPHANIE DU SAUVEUR.

Après quelques mois de prédication de Jean-Baptiste, dans les premiers jours de janvier de l’an 29, Notre-Seigneur paraît pour se manifester auprès de son Précurseur :

« 13 Alors Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui. » (Mt 3, 13)

Saint Marc précise : « Jésus vint de Nazareth » (Mc 1, 9). Cela nous rappelle la vie d’intimité avec la Vierge Marie à laquelle Notre-Seigneur s’arrache. Notre Père racontait : après la mort de saint Joseph, Jésus a dû annoncer à sa Mère : « Maman, le temps est venu pour moi de partir ; demain, je pars ! » C’était convenu depuis les retrouvailles au Temple de Jérusalem ; Jésus se doit aux affaires de son Père. Et la Vierge Marie acceptait, désirait la souffrance de cette séparation, afin que le monde entier connaisse Jésus et l’aime comme elle l’aimait.

Désormais, il y a entre eux le « secret d’un commun renoncement » (Lettre à mes amis n° 14) à toute manifestation de leur Amour. Mais notre Père nous a appris à toujours garder à l’esprit l’union parfaite, constante, de leurs âmes, et de leurs Cœurs très saints, Amour qui n’a fait que croître en tendresse, en admiration mutuelle pendant trente années de vie commune.

« 13 Alors Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui. 14 Celui-ci l’en détournait, en disant :  C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi !  15 Mais Jésus lui répondit :  Laisse faire pour l’instant : car c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice.  Alors il le laisse faire. 16 Et ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l’eau... » (Mt 3, 13-16)

Le premier geste “ public ” de Notre-Seigneur est de subir ce rite de purification, comme la foule des juifs qui viennent auprès du Baptiste. Quel mystère !

Mais tandis que les autres, dans le fleuve, « confessaient leurs péchés », pour en obtenir le pardon (Mc 1, 5), Jésus, lui, remonte « aussitôt », écrit saint Matthieu. Il ne confesse pas de péché ; il « accomplit toute justice » en acceptant de souffrir le châtiment des fautes de ceux qui les ont confessées en recevant ce baptême. Premier acte de sa vie publique, Jésus s’offre à son Père pour accomplir sa vocation, telle que l’annonçait le prophète Isaïe (53, 1-12) : expier les péchés de son peuple, de son épouse pécheresse, afin de la convertir, la purifier et la sanctifier. En descendant dans cette eau pour en remonter aussitôt, Notre-Seigneur annonce sa Passion et sa Résurrection : plus tard, il parlera de sa mort comme d’un baptême (Lc 12, 50).

Le Baptême de Notre-Seigneur par Louis Bréa
Le Baptême de Notre-Seigneur, Louis Bréa, 1495.
Église des Dominicains de Taggia. Italie.

« 16 Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l’eau ; et voici que les Cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et voici qu’une voix venue des Cieux disait :  Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur. ” » (Mt 3, 16-17)

Dieu le Père répond à cet offertoire, afin de témoigner devant saint Jean-Baptiste que Jésus est bien le Messie, son Fils unique, son Serviteur qu’annonçaient les Écritures et dont les juifs pieux attendaient l’avènement.

Ainsi, ce Baptême est comme le Sacre de Jésus, la reconnaissance officielle de sa Majesté, l’ouverture de son Règne. Comme David, Il reçoit l ’ onction du prophète et l’esprit de Yahweh s’empare de Lui (1 S 16, 13). Saint Jean-Baptiste a tout vu et témoignera (Jn 1, 32-34) avec son autorité indiscutable de prophète, que Jésus est bien le Messie, il en a eu la révélation céleste. Ce témoignage, pour tous les juifs, et pour nous encore aujourd’hui, est la preuve capitale de la légitimité de Notre-Seigneur à se présenter comme Celui qu’annonçait tout l’Ancien Testament.

« L’Esprit-Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. » (Lc 3, 22). Cette manifestation du Saint- Esprit, troisième Personne de la Sainte Trinité, sous une forme animale a beaucoup exercé l’imagination des exégètes, jusqu’à ce que notre Père perce ce secret : cette Colombe figure la Vierge Marie, l’Épouse parfaite, toute pure et fidèle, que dans le Cantique des cantiques, Dieu appelle ma Colombe. C’est en Elle que le Saint-Esprit veut se manifester, se rendre visible, Elle est donc présente dans cette théophanie.

L’ÉPREUVE DU DESERT.

« 12 Et aussitôt, l’Esprit le pousse au désert. 13 Et il était dans le désert durant quarante jours, tenté par Satan. » (Mc 1, 12-13)

Notre-Seigneur est désormais poussé par l’Esprit, qui demeure dans le Cœur Immaculé de Marie. Notre Père disait que, pendant ces quarante jours de lutte, la Vierge Marie ne cessait d’être auprès de son Fils, invisiblement présente par l’opération du Saint-Esprit, unie à ses souffrances.

Car, depuis le péché originel, Satan est “ le Prince de ce monde ” (Jn 12, 31), il y règne en maître. Jésus marche au désert sachant qu’il doit être tenté par lui, lutter contre lui, afin de le vaincre, recouvrer son épouse, reconquérir son Royaume. Aussitôt après son Sacre, son premier acte est d’aller écraser son rival, son ennemi. Car sans Lui, tous les hommes succombent dans la tentation, mais Jésus va nous montrer l’exemple et nous acquérir la force, le mérite, en luttant Lui-même contre la faiblesse de sa nature d’homme véritable, d’une manière dure, humiliante, méritoire.

Il faut se rendre compte de ce qu’était cette solitude, disait notre Père, la solitude dangereuse d’un homme seul dans un désert vraiment reculé. Il n’a rien. Il souffre du froid la nuit, de la chaleur torride et de la soif le jour, les bêtes sauvages rôdent, le harcellent ; il est poursuivi dans ses journées, troublé dans son sommeil, sans cesse exposé à une menace dont Il ne peut être insouciant. C’est une répétition de sa vie publique, où il sera persécuté par des bêtes féroces à visage humain.

Notre-Seigneur souffre de la faim, qu’il veut endurer, et son corps, sa volonté, son esprit sont très affaiblis quand Satan s’approche de Lui, comme il l’a fait auprès d’Adam et Ève, et auprès du peuple hébreu dans le désert.

Il a reçu pouvoir sur les corps, les imaginations, et Jésus veut subir ce vertige attirant au cours de trois tentations (Mt 4, 3-10 ; Lc 4, 3-12), qui sont pour lui l’attrait d’un messianisme facile, spectaculaire, où la Croix ne serait pas nécessaire pour assouvir sa volonté d’attirer toutes les âmes à Lui.

Satan lui dit : « Puisque tu veux toucher les cœurs, il suffit de changer des pierres en pain, pour rassasier leurs entrailles ! Ou bien de faire des prodiges devant eux ! Et si tu m’adores, je te donne le règne ! » Notre-Seigneur nous a donné l’exemple en luttant modestement, avec la force de la sainte Écriture, et fermement, au point que Satan « s’éloigna de lui... jusqu’au moment favorable », qui sera l’Agonie... (Lc 4, 13).

LE TÉMOIGNAGE DU PRÉCURSEUR.

Pendant ce temps, pendant ces quarante jours, Jean-Baptiste continuait de prêcher, si bien que les autorités de Jérusalem ouvrent une enquête sur ce prophète qui attire les foules (Jn 1, 19). Ici commence une semaine racontée très précisément par saint Jean, où Jésus commença à former son Royaume, en recrutant ses premiers disciples. Nous sommes à la fin du mois de mars de l’an 29, à Béthanie au-delà du Jourdain au nord de la mer Morte (cf. carte, infra p. 17 ; cf. “ Béthanie au-delà du Jourdain ”, in Bible, Archéologie, Histoire, t. 3, p. 190).

Le premier jour donc, Jean-Baptiste répond aux questions soupçonneuses des prêtres et des lévites, pharisiens, envoyés de Jérusalem par les Juifs. Cette enquête officielle sera brève et se soldera pour eux d’une manière assurément décevante ; Jean récuse toute grandeur et toute mission dont ils puissent prendre ombrage ou s’inquiéter. « Je suis, dit-il, la Voix de Celui qui crie dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur [...]. Moi, je baptise dans l’eau. Mais, voilà l’important, au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, Celui qui vient derrière moi, dont je ne suis pas digne de dénouer la courroie de sandale. » (Jn 1, 23-27) Ces enquêteurs rapporteront à leurs chefs le peu qu’ils ont appris, et ceux-là ne comprendront pas qu’ils sont passés à côté de la grâce...

Car, le lendemain, deuxième jour, Jésus se manifeste de nouveau auprès de son Précurseur au gué de Béthanie, et celui-ci témoigne en le montrant du doigt :

« 29 Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde [...]. J’ai vu l’Esprit descendre, tel une Colombe venant du ciel, et demeurer sur Lui. 33 Et moi, je ne le connaissais pas, mais Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, Celui-là m’avait dit :  Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit-Saint.  34 Et moi, j’ai vu et je témoigne que Celui-ci est l’Élu de Dieu. » (Jn 1, 29, 32-34)

L’Élu de Dieu, l’Agneau de Dieu, c’est le Messie, envoyé par Yahweh pour être le Chef de son peuple Israël, et la Lumière des nations, mais aussi homme de douleurs, victime d’un sacrifice d’expiation pour les péchés de tous, que le prophète Isaïe avait annoncé, six cents ans auparavant, et sur qui déjà il avait vu planer l’Esprit-Saint (Is 42 ; 49 ; 50 ; 53).

C’est très clair pour les pieux Israélites qui demeurent auprès de Jean : voici donc le Messie, lui-même désigné par Dieu à son Précurseur ! C’est l’accomplissement de toute leur espérance, « dans le calme d’un clair matin de printemps, à Béthanie d’au-delà du Jourdain, c’était inoubliable vraiment ! » s’écrie notre Père.

Le lendemain, troisième jour, Jean-Baptiste voit de nouveau Jésus passer, et il redit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Entendant ces paroles, deux de ses disciples, Jean et André, suivent Notre-Seigneur. « 38 Jésus se retourna et voyant qu’ils le suivaient leur dit  Que cherchez-vous ?  Ils lui dirent :  Maître, où demeures-tu ? 39 Il leur dit :  Venez et voyez. ” » Face à face décisif : ils se dévisagent... Jésus, qui domine tout, a fixé sur eux son regard, ils en sont saisis, conquis ! ils s’attachent à Lui pour toujours. « C’est par son regard que Jésus a sauvé le monde, disait notre Père, un regard tellement attachant, un regard qui portait en lui-même la lueur de la Divinité. Lire l’Évangile sans penser au regard de Jésus, c’est lire l’Évangile comme un aveugle. »

André croise ensuite son frère Simon, et le mène à Jésus qui le regarde et lui « dit :  Tu es Simon, le fils de Jean, tu t’appelleras Céphas  ce qui veut dire Pierre. » Un autre, Philippe, le lendemain, est interpellé par Notre-Seigneur : “ Suis-moi ! ” Ce même Philippe croise son ami Nathanaël et lui dit : “ Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l’avons trouvé : Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth ! ” L’autre objecte : “ De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? ” Il vient cependant, et Jésus l’interpelle comme le connaissant déjà, et lisant au fond de son âme. Nathanaël, conquis, s’écrie : “ Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le Roi d’Israël ! ” » (Jn 1, 35-49)

Ainsi, Jésus dès ces premiers jours a reçu de son précurseur cinq disciples qui tous lui ont donné leur foi sur le témoignage de Jean et aussi sur ce qu’ils avaient eux-mêmes vu et entendu durant le temps qu’ils étaient restés auprès de lui.

Parmi eux, « celui que Jésus aimait », Jean, fils de Zébédée, qui raconte ces événements. Il ne quittera plus Jésus, le suivant partout, jusque dans le palais du grand-prêtre au jour de sa Passion, jusqu’au pied de la Croix, jusqu’à sa sépulture. Continuons donc son récit.

Quand Jésus résolut de partir pour la Galilée, en ce quatrième jour ces cinq jeunes hommes le suivirent d’autant plus naturellement que c’était rentrer chez eux. La distance à parcourir était de cent vingt kilomètres environ, qu’ils ont parcourus rapidement, en trois jours. Notre-Seigneur « se hâte » de retourner en Galilée, car il sait qu’il va y retrouver sa Sainte Mère, et la faire connaître à ses nouveaux disciples.

LES NOCES DE JÉSUS-MARIE.

La Palestine du Nouveau Testament

En effet, « 1 Le troisième jour (après leur départ, donc le septième jour), il y eut des noces à Cana de Galilée, et la Mère de Jésus y était. 2 Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples. » (Jn 2, 1-2) Émouvantes retrouvailles de Jésus et Marie après ces premiers mois de séparation. Nous sommes à la fin du mois de mars de l’an 29.

« 3 Or il n’y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. »

La Vierge Marie l’a vu. Elle devine la gêne des deux époux, que l’organisateur de la noce consulte : que faut-il faire ? Il n’y a plus de vin ! Elle a tout de suite compris.

Jésus, qui était occupé à parler des choses du Règne de Dieu, croise le regard de sa Mère. Elle le prévient de l’ennui : « Ils n’ont plus de vin. » Elle ne demande rien, mais elle sait que d’avoir remarqué cela et de le lui signaler, suffit pour que le Cœur de son Fils soit touché et qu’il déverse ses grâces.

« 4 Jésus lui dit :  Qu’y a-t-il entre vous et moi, Femme ? Mon heure n’est pas encore venue ”. » Courte réponse, discrète, mais d’une profondeur insondable. Car, qu’y a-t-il entre Jésus et Marie, si ce n’est la perfection de l’Amour divin ? C’est dire : “ Vous ai-je jamais rien refusé ? Exaucer vos prières est tout mon désir. ” Et le mot de Femme, que Notre-Seigneur n’emploiera de nouveau que sur la Croix, manifeste la divine relation qui les unit, qui dépasse la simple relation maternelle et filiale, expliquait notre Père. Le seul figuratif à la hauteur de ce mystère est celui d’Adam et Ève au paradis terrestre.

Devinant l’obéissance de son Fils à sa discrète imploration, la Vierge Marie avertit les serviteurs d’un mot de Souveraine : “ Faites tout ce qu’il vous dira ”. C’est bien, en trois phrases discrètes, une union parfaite. Les serviteurs obtempèrent, et Jésus fait le miracle de changer plus de six cents litres d’eau en un vin délicieux (Jn 2, 3-10).

Saint Jean a surpris cet échange de regards ; il a vu dans ce Face à face de Jésus et Marie la nouvelle Alliance que Dieu vient instaurer sur la terre. Ce festin préfigure les noces éternelles de Jésus et Marie, scellées dans le Précieux Sang versé en rémission de nos péchés, changé en un Vin de liesse donné par eux comme breuvage de vie éternelle dans l’Eucharistie.

« 11 Tel fut le premier des signes de Jésus ; il l’accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. 12 Après quoi, Il descendit à Capharnaüm, lui, ainsi que sa Mère et ses frères et ses disciples, et ils n’y demeurèrent que peu de jours. » (Jn 2, 11-12)

Qui sont ces frères de Jésus ? Une chose est certaine : ils ne sont pas nés de la Vierge Marie. Frère Bruno a établi que ce terme de « frères » désigne le milieu des annawin, les “ pauvres d’Israël ”, “ vrais Israélites ”, parmi lesquels Jésus a grandi, et où il recrute de nombreux disciples, par exemple Nathanaël. Ils sont très proches de la secte des esséniens, qui attendaient l’avènement du Messie, et désiraient, par une pratique assidue de la Loi, être trouvés fidèles à l’Alliance. Très soucieux de purification, les esséniens, qui se donnaient le nom de frères, croyaient être, eux seuls, les élus, et dénonçaient l’impiété des autorités de Jérusalem, les Sadducéens et les Pharisiens (cf. Bible, Archéologie, Histoire, t. 2, p. 53).

UNE “ ANNÉE DE GRÂCE ”.

Saint Luc raconte dans son chapitre quatrième, ce séjour en Galilée mentionné par saint Jean (2, 12) :

« 14 Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l’Esprit, et une rumeur se répandit par toute la région à son sujet. 15 Il enseignait dans leurs synagogues, glorifié par tous. » (Ce rapprochement est affirmé par frère Bruno de Jésus-Marie, in Bible, Archéologie, Histoire, t. 3, p. 194)

En quoi consiste cet enseignement ? Saint Marc le résume en une phrase :

Jésus disait : « Le temps est accompli, le Règne de Dieu est tout proche, faites pénitence et croyez à l’Évangile. » (Mc 1, 15)

Le « temps » accompli est celui de la venue du Messie et de son Règne, que les juifs attendaient depuis David, et dont le prophète Daniel avait annoncé l’imminence deux siècles auparavant (Dn 9, 24). Ce « Règne de Dieu » annoncé doit renverser celui de Satan, le Prince de ce monde, effectif depuis le péché originel. C’est ce que notre Père appelait la Révolution de Jésus.

Pour entrer dans ce Royaume, il faut « faire pénitence », comme le prêchait saint Jean-Baptiste, c’est-à-dire confesser ses péchés afin d’en recevoir la rémission ; et ceux qui le refuseront resteront fermés à la Vérité. Car il faut aussi croire en l’Évangile, en la parole de Jésus, lui donner sa foi.

Cette première prédication de Notre-Seigneur est très semblable à celle de son Précurseur. Mais tandis que saint Jean-Baptiste parlait d’un royaume qu’un Autre, plus grand que lui, allait instaurer, Jésus laisse les regards et les cœurs se fixer sur Lui, précisément. Le Messie, c’est lui. Il lui suffit de se manifester simplement, modestement, tel qu’Il est ! pour que les cœurs droits le reconnaissent. Mais il ne veut pas revendiquer hautement cette dignité, parce que beaucoup de ses contemporains, surtout en Galilée, avaient une conception imparfaite, terrestre, du Messie : ils attendaient de lui qu’il chasse les Romains, qu’il renverse les sorts, et qu’il établisse la domination du peuple juif sur toute la terre !

Jésus va donc révéler progressivement, de lumière en lumière, ce qu’Il est et ce qu’est le Royaume qu’Il va instaurer, afin de ne pas les braquer trop promptement, mais tout de même pour les déloger de leur messianisme charnel, et les emmener à sa suite vers des horizons plus hauts, spirituels, quitte à en perdre en route...

Notre-Seigneur commence donc à prêcher dans les synagogues, et, selon saint Luc, avant de se rendre à Capharnaüm, il passe par son village, Nazareth :

« Jésus vint à Nazara où il avait été élevé. Il entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit :

 L’Esprit du Seigneur est sur moi,
parce qu’il m’a consacré par l’onction,
pour porter la bonne nouvelle aux pauvres ;
Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance
et aux aveugles le retour à la vue,
renvoyer en liberté les opprimés,
proclamer une année de grâce du Seigneur. 

« Il replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. » C’est un enfant du pays. « Alors il se mit à leur dire :  Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles cette Écriture. ” » (Lc 4, 16-21)

Ce texte d’Isaïe annonçant six cents ans à l’avance le ministère de Notre-Seigneur pouvait être lu dans les synagogues au commencement de l’année liturgique, c’est pourquoi frère Bruno date cet événement du sabbat précédant le mois de Nisan, premier de l’année juive, c’est-à-dire le 2 avril de l’an 29 (cf. Il est ressuscité n° 133, nov. 2013, p. 18). C’est en ce jour que Jésus a ouvert l’année de grâce de sa prédication, au cours de laquelle le salut est offert à ceux qui croient en Lui. Ce n’est pas ici un chiffre symbolique, il s’agit d’un an, bien compté.

« Et tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche. » (Lc 4, 22)

Saint Luc tient certainement cet épisode si vivant, où tous les gestes de Jésus sont attentivement suivis, où « les yeux de tous se fixent sur lui », de la Vierge Marie, qui était ici dans la synagogue de son village, Nazareth.

UN SABBAT D’AVRIL 29 À CAPHARNAÜM.

Puis Notre-Seigneur se rendit à Capharnaüm pour s’y manifester à l’occasion du sabbat, peut-être le suivant, c’est-à-dire le 9 avril. C’est une journée mémorable dont saint Marc nous donne le récit de première main qu’en faisait saint Pierre :

« 21 Ils pénètrent à Capharnaüm. Et aussitôt, le jour du sabbat, étant entré dans la synagogue, Il enseignait. 22 Et ils étaient frappés de son enseignement, car Il les enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes. » (Mc 1, 21-22)

Jésus-Christ est le Dieu-Verbe fait chair, Parole de Dieu, Dieu lui-même qui enseigne, qui révèle sa Vérité parfaite, totale. C’est pour cela qu’Il s’est fait homme, qu’Il a voulu recevoir un Corps de la Vierge Marie, pour se faire notre Maître, notre Didascale, pour que nous puissions le regarder, l’écouter, l’admirer, l’aimer ! Afin qu’Il nous sauve par sa Vérité. Quel Amour, ô mon Dieu, que vous êtes bon !

Et depuis cette première prédication dans la synagogue modeste mais accréditée, de Capharnaüm, Il n’a cessé d’enseigner sa Vérité avec autorité ; Lui-même, puis par la bouche de ses Apôtres et de leurs successeurs jusqu’aujourd’hui.

Il n’est pas question ici de dialogue, “ d’écoute mutuelle ”, ni même de “ conversation dans l’Esprit ” ! Pour ceux qui l’écoutent, le contraste avec les scribes est frappant ; ces docteurs prétendus ratiocinaient sur la lettre des Écrits inspirés, ressassant toujours les mêmes commentaires. Jésus parle avec autorité, avec puissance, Il « fait connaître » Dieu son Père vers qui Il « est tourné » (Jn 1, 18), Il révèle la « doctrine de Celui qui l’a envoyé » (Jn 7, 16). Les démons ne s’y trompent pas :

« 23 Et aussitôt il y avait dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur, qui cria 24 en disant :  Que nous veux-tu, Jésus le Nazarénien ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu.  25 Et Jésus le tança en disant :  Tais-toi et sors de lui. ” » (Mc 1, 23-25)

Il ne veut pas que les démons disent ce qu’ils savent de son origine, car ce n’est pas à eux de révéler son Mystère. D’autant plus que les juifs ne sont pas du tout prêts à Lui donner leur foi.

« 26 Et le secouant violemment, l’esprit impur cria d’une voix forte et sortit de lui. » (Mc 1, 26)

C’est, de la part de Notre-Seigneur, un geste de pitié, de miséricorde pour le pauvre possédé, et aussi une manifestation de puissance, la preuve de son autorité d’enseigner. La Puissance de Jésus s’exerce même sur les esprits infernaux, et Il n’a pas besoin de prier, d’invoquer Dieu pour intervenir : Il commande en maître, et les démons n’ont plus qu’à s’enfuir. Les assistants en sont stupéfaits :

« 27 Et ils furent tous effrayés, de sorte qu’ils se demandaient entre eux :  Qu’est cela ? Un enseignement nouveau, donné d’autorité ! Même aux esprits impurs, il commande et ils lui obéissent ! ” » (Mc 1, 23-27)

Ce sont les deux caractères du Règne de Dieu qui commence avec ces premiers pas très simples de Jésus dans sa vie publique, disait notre Père ; la révélation de la Vérité, cette Parole qui séduit par sa profondeur et son autorité, et d’autre part la manifestation de sa puissance divine contre son adversaire, le Diable.

Notre Père racontait la suite de cette journée, selon saint Marc, avec un réalisme saisissant :

« 28 Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée. »

« Nous sommes au samedi matin, au sortir de la synagogue et chacun s’en va chez soi ; on parle, et tout cela va se connaître, c’est comme une traînée de poudre. Pendant ce temps, le plus naturellement du monde, Jésus sort de la synagogue avec ses quatre disciples.

« 29 Et aussitôt, sortant de la synagogue, il vint dans la maison de Simon et d’André, avec Jacques et Jean. »

« Remarquez la précision du détail. Donc il sort de la synagogue, Simon et André l’invitent à venir prendre son repas chez eux, dans leur maison, mais il est écrit : “ dans la maison de Simon et André, avec Jacques et Jean ”. On voit très bien que la maison est aux deux premiers et que les deux autres sont invités. Petite chose très précise où on sent le témoin oculaire qui raconte les choses avec l’ultime précision de celui qui les a vécues ; c’est saint Pierre.

« 30 Or la belle-mère de Simon était au lit avec la fièvre, et aussitôt ils lui parlent à son sujet. »

« Donc ils arrivent et elle est toujours sur son grabat, c’est-à-dire sur une natte posée à même le sol, elle gémit et elle est complètement abattue par sa fièvre. Simon est bien ennuyé parce que qui va donner à manger, qui va faire la cuisine, qui va servir ? Et il Lui parle à son sujet : “ Excusez-la, elle est abattue par la fièvre. 

« 31 S’approchant...

« Jésus passe derrière la courtine qui séparait dans la maison la salle où l’on recevait de la chambre où l’on reposait.

« ... il la fit se lever en la prenant par la main. Et la fièvre la quitta, et elle les servait. » (Mc 1, 28-31)

« Voilà ! Un deuxième miracle. Le premier miracle, de force contre ces ennemis du bien que sont les démons, et là ce miracle de bonté, pour arranger les choses. Il lui a donc tendu la main et c’est le contact de cette main qui est la main du Fils de Dieu qui la guérit le plus simplement qu’il soit, sans tapage ; et aussitôt Il lui redonne la force de les servir. Guérir c’est déjà quelque chose, mais donner à la personne qui vient d’être très abattue par la fièvre la force de se remettre debout et aussitôt au travail, c’est un petit miracle, mais un miracle de bonté, d’une simplicité exquise. » (S 90, L’Évangile selon saint Marc, retraite de 1986)

« 40 Au coucher du soleil, tous ceux qui avaient des malades atteints de maux divers les lui amenèrent, et lui, imposant les mains à chacun d’eux, il les guérissait. » (Lc 4, 40)

Le coucher du soleil marque la fin du sabbat, on peut donc s’activer : vite, tous viennent auprès de Jésus. Saint Matthieu explique que ces guérisons participent à la grande œuvre de Rédemption que Notre-Seigneur vient accomplir : « Il guérit tous les malades, 17 afin que s’accomplit l’oracle d’Isaïe le prophète :  Il a pris nos infirmités, et s’est chargé de nos maladies. ” » (Mt 8, 16-17). Jésus n’est pas un simple thaumaturge : Il est le Sauveur du monde. C’est parce qu’Il va expier tous les péchés par sa mort sur la Croix qu’Il peut soulager les hommes des maux corporels qui sont la conséquence et le châtiment du péché : ces gestes de pitié, de compassion, seront chèrement payés par ses souffrances. Nous bénéficions de la même grâce dans la Communion : par le contact de sa Chair, Il guérit nos âmes de leurs maladies, c’est pour cette fin qu’Il a souffert sa Passion.

« 41 D’un grand nombre aussi sortaient des démons, qui vociféraient en disant :  Tu es le Fils de Dieu !  Mais, les menaçant, il ne leur permettait pas de parler, parce qu’ils savaient qu’il était le Christ. » (Lc 4, 41)

Voilà cette première journée à Capharnaüm racontée du matin jusqu’au soir, à laquelle toutes les autres ressembleront, souvenir inoubliable de saint Pierre ! transmis par saint Marc, dont Luc suit le récit.

« Le lendemain matin, bien avant le jour, il se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert, et là il priait. 36 Simon et ses compagnons le poursuivirent 37 et, l’ayant trouvé, ils lui disent :  Tout le monde te cherche ”. » (Mc 1, 35-37) « Les foules le cherchaient et, l’ayant rejoint, elles voulaient le retenir et l’empêcher de les quitter. 43 Mais il leur dit :  Aux autres villes aussi il me faut annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé.  44 Et il prêchait dans les synagogues de la Judée. » (Lc 4, 42-44)

Cela correspond très bien au récit de saint Jean, qui précise que Jésus ne resta que peu de jours (Jn 2, 12) à Capharnaüm, car « la Pâque des juifs était proche, et Il monta à Jérusalem » (2, 13). Tandis qu’il se met en route, il invite ses premiers disciples à le suivre définitivement, d’une manière... divine :

« 1 Or il advint, comme la foule le serrait de près et écoutait la parole de Dieu, tandis que lui se tenait sur le bord du lac de Gennésaret, 2 qu’il vit deux petites barques arrêtées sur le bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. » (Lc 5, 1-2) Ce sont ses disciples, qui l’écoutent en continuant leur travail.

« 3 Il monta dans l’une des barques, qui était à Simon, et pria celui-ci de s’éloigner un peu de la terre ; puis, s’étant assis, de la barque il enseignait les foules. »

Notre Père nous faisait admirer le charme de cette scène : on voit Jésus qui enseigne, dans la barque. Et ces Galiléens, assis sur le bord de la colline comme dans un amphithéâtre l’écoutent avec admiration.

« 4 Quand il eut cessé de parler, il dit à Simon :  Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche.  5 Simon répondit :  Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais lâcher les filets. ” – c’est déjà un acte de foi, d’obéissance : ils ont trimé toute la nuit en vain, et le jour, les bancs de poissons descendent en profondeur. – 6 Et l’ayant fait, ils capturèrent une grande multitude de poissons, et leurs filets se rompaient. 7 Ils firent signe alors à leurs associés qui étaient dans l’autre barque de venir à leur aide. Ils vinrent, et l’on remplit les deux barques, au point qu’elles enfonçaient. 8 À cette vue, Simon-Pierre se jeta aux genoux de Jésus, en disant :  Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur !  9 La frayeur en effet l’avait envahi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause du coup de filet qu’ils venaient de faire ; 10 pareillement Jacques et Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon. Mais Jésus dit à Simon :  Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras. ” »

Parole mystérieuse, que ses disciples n’ont certainement pas comprise sur le moment ! Ce leur est resté comme une énigme, les faisant réfléchir. Moyennant quoi, ils ont bien compris ce miracle et cette prédiction de Jésus comme un appel à le suivre : « 11 ramenant les barques à terre, laissant tout, ils le suivirent » (Lc 5, 1-11).

Saint Marc et saint Matthieu racontent cet appel des premiers Apôtres au bord du lac de Tibériade avant l’entrée à Capharnaüm, avant toute prédication, et sans pêche miraculeuse (Mc 1, 16-20 ; Mt 4, 18-22). Mais nous avons lu le récit précis qu’a fait saint Jean de leur “ recrutement ” auprès de Jean-Baptiste, qui explique pourquoi ces quatre pêcheurs suivaient déjà Jésus à Capharnaüm, récit qui s’harmonise très bien avec celui de saint Luc, que nous venons de contempler. Dans ce cas, Matthieu et Marc auraient simplifié le détail de la relation des premiers apôtres avec leur Maître ; ce devait être ainsi que saint Pierre le racontait.

PREMIÈRE MANIFESTATION À JÉRUSALEM.

Notre-Seigneur, donc, était en partance pour Jérusalem, car « la Pâque des Juifs était proche » (Jn 2, 13), nous sommes donc toujours au début du mois d’avril 29. La fête de la Pâque est le grand pèlerinage annuel qui réunit des foules autour du Temple, l’unique demeure de Yahweh dans l’Ancienne Alliance. Jésus y monte pour s’y manifester à tout le peuple : retour en Judée, encore 130 km à pied.

Mais, « dans le Temple, il trouva les vendeurs de bœufs, de brebis et de colombes et les changeurs assis. 15 Se faisant un fouet de cordes, il les chassa tous du Temple, et les brebis et les bœufs ; il répandit la monnaie des changeurs et renversa leurs tables, 16 et aux vendeurs de colombes il dit :  Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce.  17 Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : Le zèle pour ta maison me dévorera. » (Jn 2, 14-17)

Quel contraste avec la douceur des scènes de la Galilée !

Jérusalem est la Ville sainte de l’Ancienne Alliance. Mais les prêtres, les chefs religieux du peuple juif sont complètement corrompus depuis l’usurpation de Jonathan Maccabée, deux siècles avant Notre-Seigneur. Ils forment la caste sacerdotale des Sadducéens. Les Pharisiens, quant à eux, sont des “ laïcs ” ostensiblement religieux, mais d’une hypocrisie et d’un orgueil abominable, de surcroît hérétiques par rapport à l’héritage de l’Ancienne Alliance, dont ils négligent le principal – l’attente messianique –, et se glorifient de ce qui est transitoire – la Loi et ses préceptes de purification, auxquels ils ajoutent tradition sur tradition –. Ils ont une autorité de prestige et de domination usurpée sur le peuple qu’ils méprisent. Ces hommes, que saint Jean nomme « les Juifs », sont les « tenants du désordre établi », selon l’expression de notre Père. Ils règnent à Jérusalem, et ne voient pas de problème à ce que des marchands empiètent sur le domaine sacré pour faire du commerce.

Mais cette profanation de la maison de son Père blesse le Cœur de Jésus, ce lui est insupportable : Il met fin à ce scandale, et personne n’a osé lui tenir tête, tant il en impose par sa force et sa majesté.

Tout de même, ensuite, « 18 18 des Juifs, prêtres ou scribes, prirent la parole et lui dirent :  Quel signe nous montres-tu pour agir ainsi ? ” – Il a fait un geste de prophète, de réformateur religieux. Quel signe du Ciel atteste qu’il est un envoyé de Dieu ? – 19 Jésus leur répondit :  Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai.  20 Les Juifs lui dirent alors :  Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras ?  21 Mais lui parlait du sanctuaire de son Corps. » (Jn 2, 18-21)

Donc, « détruisez ce sanctuaire » veut dire : tuez-moi, je sais bien que vous finirez par me tuer. Mais trois jours après, je relèverai ce sanctuaire, je ressusciterai, et ce sera le signe éclatant de mon autorité, de ma Divinité.

En Galilée, nous verrons Notre-Seigneur aller très progressivement dans la révélation de sa doctrine et de son Nom. À Jérusalem, il n’y a pas de pédagogie ; Il se manifeste dans la ville sainte sans ambages comme le Messie, le Fils de Dieu – puisque le Temple est la maison de son Père –, laissant tout le peuple en suspens. L’opposition avec les grands prêtres et les pharisiens est totale dès le premier jour. Jésus provoque ces hommes dont il connaît le cœur mauvais, endurci, car il attend d’eux qu’ils le crucifient, pour opérer le salut du monde en offrant sa vie en sacrifice sur la Croix.

« 23 Comme il était à Jérusalem durant la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il faisait. 24 Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous 25 et qu’il n’avait pas besoin d’un témoignage sur l’homme : car lui-même connaissait ce qu’il y avait dans l’homme. » (Jn 2, 23-25) Ils sont incapables de croire en vérité et ils ne sont même pas capables de prendre la mesure de leur impuissance.

NICODÈME : LES JUIFS DE JÉRUSALEM.

L’entretien avec Nicodème, que saint Jean raconte dans le détail et que notre Père a admirablement expliqué (in Le Témoignage de Jean , cf. Bible, archéologie, histoire, t. 2, p. 141) va nous le montrer. Ce Nicodème, était un pharisien, notable parmi les juifs, bien représentatif de sa caste, qui vint de nuit trouver Jésus, sans doute en enquêteur discret au service de la Secte, dont il fait d’emblée connaître à Jésus le jugement qu’elle porte sur Lui : “ Rabbi, nous le savons, tu viens de la part de Dieu comme un maître : en effet, personne ne peut faire les signes que tu fais si Dieu n’est pas avec lui. ” » (Jn 3, 1-2) Voilà presque une reconnaissance officielle, émanée de la puissante secte des pharisiens : mais enfin, l’autorité de Jésus est une évidence, la reconnaître est la moindre des choses. C’est aussi une question, une invitation à ce qu’Il se révèle davantage.

Mais Jésus brise là : « 3 En vérité je te le dis, à moins de naître d’en-haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. » C’est dire : « Je t’arrête, vous ne pouvez pas comprendre ce que je fais, ni ce que je suis. Une chose vous manque à tous, c’est d’être né d’en-haut, né du Ciel. » La parole est dure, et certainement incomprise de ce grand Juif, pharisien bien dans sa peau, commente notre Père.

« 4 Nicodème lui dit :  Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? ” » Il justifie tout à fait la réponse de Notre-Seigneur : il ne comprend pas. Il reste dans le prosaïque, le matériel, sans envisager les réalités spirituelles.

Jésus alors pousse plus loin son explication, la rendant plus claire encore : « 5 En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître de l’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. 6 Ce qui est né de la chair est chair – à quoi bon rentrer dans le sein de sa mère, pour renaître à la même vie –, ce qui est né de l’Esprit est esprit. » Il faut recevoir l’Esprit-Saint, être transformé par Lui, pour connaître Jésus, le comprendre, et avoir part à son Royaume.

« 7 Ne t’étonne pas si je t’ai dit : il vous faut renaître d’en-haut. 8 Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »

Nicodème entend la voix de l’Esprit, parce qu’il lit la Sainte Écriture à longueur de journée, c’est sa profession, mais il n’en comprend pas les mystères comme ceux qui sont nés de l’Esprit. Tout l’Ancien Testament tendait vers ce don de l’Esprit-Saint, de la Sagesse, vers cette nouvelle naissance qui convertirait et élèverait les âmes. Mais Nicodème et ses amis pharisiens sont absolument étrangers à cette espérance, parce qu’ils n’ont pas du tout le sentiment d’avoir besoin de quoi que ce soit pour devenir meilleurs ! Cela suscite en lui, en eux tous, une résistance à la grâce, qui fera contraste avec la bonne volonté de la Samaritaine, que nous verrons ensuite.

« 9 Nicodème lui répondit :  Comment cela peut-il se faire ?  10 Jésus lui répondit :  Tu es Maître en Israël, et ces choses-là, tu ne les saisis pas ? ” » (Jn 3, 3-10)

Il ne sait pas ce qu’il devrait savoir, Notre-­Seigneur l’en humilie : il est Maître en Israël, il enseigne la Loi de Dieu, et ces choses-là, il ne les comprend pas ? Les prophètes ; Jérémie (31, 31-34), Ézéchiel (36, 25-27), avaient dès longtemps et combien fortement annoncé qu’en remède à l’impuissance de la chair et à l’insuffisance de la Loi, viendrait le temps d’une Alliance de Vie et de Vérité, dans l’Esprit-Saint répandu alors sur le peuple juif et sur toutes les nations, Jean l’avait crié, dans le désert, à cinquante kilomètres de là ! Nicodème, et sa caste de Pharisiens sont coupables de ce dont Jésus les accusera, ouvertement, dans quelques mois : ils scrutent sans cesse l’Écriture, ils mettent leur espoir en Moïse, mais ils n’ont pas en eux l’amour de Dieu, ils n’ont jamais entendu sa Voix, ils n’ont jamais vu sa Face, sa Parole ne demeure pas en eux (Jn 5, 37-47). S’ils avaient été fidèles à la révélation de l’Ancien Testament, ils se seraient mis à genoux devant Jésus, pour lui demander ce don d’une Grâce nouvelle, mais l’orgueil de leur esprit les rend aveugles à la Vérité. Pour l’instant, dans leur jugement superficiel, ils ne se dressent pas encore contre Jésus, mais ils ne pourront longtemps supporter la lumière de sa révélation jetée sur les ténèbres de leurs cœurs.

Mais ce Nicodème n’est pas le pire de sa confrérie, et Notre-Seigneur, dans sa prescience, l’exhorte à la foi :

« 11 En Vérité, en vérité je te le dis, nous, nous parlons de ce que nous savons et nous attestons ce que nous avons vue ; mais vous n’accueillez pas notre témoignage. 12 Si vous ne croyez pas les choses de la terre, comment croirez-vous quand je vous dirai les choses du ciel ? 13 Nul n’est monté au Ciel, hormis Celui qui est descendu du Ciel, le Fils de l’homme. »

Et de lui donner un signe, qu’il ne pourra comprendre que dans un an, mais qui demeure en lui comme une semence de vie et de vérité : « 14 Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme, afin que quiconque croit ait par Lui la vie éternelle. » (Jn 3, 11-14)

Nicodème le verra, Lui le Fils de l’homme élevé sur la Croix, et sa Mère l’implorant d’aider les siens à l’en descendre et l’ensevelir. Alors, recevant ce Corps immolé, il en recevra l’Esprit, et connaîtra cette nouvelle naissance qui devait lui ouvrir l’accès au Royaume de Dieu.

On peut raisonnablement penser que l’entretien de ce maître en Israël avec Jésus s’est terminé là-dessus, un peu brutalement, écrivait notre Père. Mais saint Jean, avec sa liberté de disciple bien-aimé, inspiré et enseigné par la Vierge Marie, prolonge l’enseignement de son Maître. Pour la première fois, devant ce pharisien, Notre-Seigneur a évoqué, révélé, l’amour incompréhensible du Créateur pour sa créature, allant jusqu’à mourir pour elle sur une croix (verset 14) ! Et l’Évangéliste paraphrase, il développe ce merveilleux mystère de miséricorde accordée à tous les hommes, si seulement ils croient en Jésus :

« 16 Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle. 17 Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui. »

Sa méditation continue, terrible à l’évocation de la damnation des âmes qui n’ont pas cru en son Nom, qui ont mieux aimé les ténèbres de Satan que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises.

« 21 Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu. » (Jn 3, 16-21)

Admirable composition, explique notre Père, héritée de Jésus par saint Jean, où la grâce se marie aux œuvres, où la venue vers la lumière est tout ensemble cause et effet de l’obéissance à la Loi.

MINISTÈRE EN JUDÉE.

« 22 Après cela, Jésus vint avec ses disciples au pays de Judée, et il y séjourna avec eux, et il baptisait. » (Jn 3, 22)

Nous sommes donc après la fête de la Pâque, c’est-à-dire dans la deuxième moitié du mois d’avril 29. Saint Luc aussi mentionne cette prédication en Judée (4, 44), puis il raconte la vocation des Apôtres au bord du lac de Tibériade, que nous avons vu, et il continue :

« 12 Il advint, comme il était dans une ville – sans plus de précision, ce peut être en Judée, à ce moment-là –, qu’il y avait un homme plein de lèpre. À la vue de Jésus, il tomba sur la face et le pria en disant :  Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier.  13 Il étendit la main et le toucha, en disant :  Je le veux, sois purifié ”. Et aussitôt, la lèpre le quitta [...]. 15 Or, la nouvelle se répandait de plus en plus à son sujet, et des foules nombreuses s’assemblaient pour l’entendre et se faire guérir de leurs maladies. 16 Mais lui se tenait retiré dans les déserts et priait. » (Lc 5, 12-16)

Saint Jean continue : « 23 Jean aussi, baptisait, à Aenon, près de Salim, car les eaux y abondaient, et les gens se présentaient et se faisaient baptiser. 24 Jean en effet, n’avait pas encore été jeté en prison. » (Jn 3, 22-23)

Ici, saint Jean précise ce que les synoptiques ont simplifié (Mc 1, 14 ; Mt 4, 12) : Jésus et Jean-Baptiste ont prêché simultanément pendant un temps assez bref. Mais peu à peu, le Précurseur s’efface, ce que certains de ses disciples ne comprennent pas : « 25 Il s’éleva alors une discussion entre les disciples de Jean et un Juif à propos de purification – mais ils s’accordent, finalement, contre Jésus : – 26 ils vinrent trouver Jean et lui dirent :  Rabbi, celui qui était avec toi de l’autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous viennent à lui ! Jean répondit : 27  Il n’appartient pas à l’homme de prendre ce qui ne lui est pas donné du Ciel. 28 Vous-mêmes, vous m’êtes témoins que j’ai dit : Je ne suis pas le Christ, mais je suis envoyé devant lui. ” » Comme devant les enquêteurs de Jérusalem (Jn 1, 19-28), Jean proteste n’être rien, il n’y a pas de confrontation possible entre Jésus et lui. Ses disciples n’ont pas compris son témoignage.

Mais il continue par une admirable élévation spirituelle, son ultime témoignage de Précurseur : lui, qui fut si grand, consent à s’effacer, c’est-à-dire à voir les gens se détacher peu à peu de lui, le laissant seul, mais heureux parce que l’Évangile commence, puisque l’Époux qu’annonçait le Cantique des cantiques est arrivé :

« 29 Qui a l’épouse est l’Époux – l’Époux est Jésus, l’Épouse est la Sainte Vierge, et tous ses enfants qui formeront l’Église, dont les prémices sont les juifs qui déjà viennent à Lui ; – mais l’ami de l’Époux, qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’Époux. Telle est ma joie, et elle est complète. 30 Il faut que Celui-là croisse et que moi je diminue. ” » (Jn 3, 25-30)

Quelle belle âme ! Mais il sera bientôt livré à Hérode, certainement par les pharisiens, qui voient d’un mauvais œil ces foules qui viennent à lui, puis à Jésus. L’atmosphère devient malsaine ; après avoir de nouveau ajouté au témoignage de son premier maître sa propre méditation (3, 31-36), saint Jean écrit : « 1 Quand Jésus apprit que les pharisiens avaient entendu dire qu’il faisait plus de disciples et en baptisait plus que Jean, 3 il quitta la Judée et s’en retourna en Galilée. » (Jn 4, 1-3)

Déjà le drame se profile, dans cette Jérusalem infidèle, mais Notre-Seigneur a encore beaucoup à faire avant de se livrer aux mains de ses ennemis en Sacrifice. En route pour la Galilée, il fallait passer par la Samarie, région considérée par les juifs comme maudite, impie. Eh bien ! saint Jean nous y raconte une rencontre charmante, où Jésus déploie toute sa pédagogie pour toucher une âme pécheresse, mais aimante et religieuse. Comme l’entretien avec Nicodème, c’est un “ gros plan ” que fait saint Jean en nous transmettant tout au long cette discussion, qui n’a pas duré plus d’une heure. Nous sommes toujours en avril de l’an 29.

LA SAMARITAINE. LA FOI DES HUMBLES.

« 4 Or il lui fallait traverser la Samarie. 5 Il arrive donc à une ville de Samarie appelée Sychar, près de la terre que Jacob avait donnée à son fils Joseph. 6 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la marche, se tenait donc assis près du puits. C’était environ la sixième heure. 7 Une femme de Samarie vient pour puiser de l’eau. » (Jn 4, 4-7) Quoi de plus normal, prosaïque ? Jésus la regardera-t-Il seulement ?

« Il lui dit :  Donne-moi à boire.  8 Ses disciples en effet s’en étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. » Mais Jean, demeuré auprès de son Maître, n’en perd pas une miette.

« 9 La femme samaritaine lui dit :  Comment ! toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ?  (Les Juifs en effet n’ont pas de relations avec les Samaritains.) »

Étonnement et coquetterie aussitôt éveillée de cette femme. Ce n’est point une innocente, disait notre Père. Mais Jésus, Lui, a soif, « une soif inextinguible, un ardent désir d’aimer et d’être aimé ». Il veut cette âme, ce cœur, pour l’amour de son Père.

Comme avec Nicodème, Il coupe court à cette provocation. Mais sa réponse, très mystérieuse, dans un tout autre registre, veut éveiller en cette âme la soif du surnaturel, l’attirer dans ses mystiques hauteurs. C’est ce que les exégètes appellent “ l’ironie johannique ”, ou bien le “ schéma d’incompréhension ”, mots désastreux pour désigner la divine pédagogie de Notre-Seigneur, qui se sert du langage humain et des réalités matérielles, mais en leur donnant un sens surnaturel, au rebours de notre raison limitée, pour captiver ses interlocuteurs et les conduire où Il veut, bien plus haut et plus loin qu’ils ne sauraient d’eux-mêmes aller. Ô condescendance et miséricorde du Cœur de Jésus !

« 10 Jésus lui répondit :  Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c’est toi qui l’aurais prié et il t’aurait donné de l’eau vive. ” »

C’est dire : « Si tu savais qui je suis, c’est toi qui me demanderais à boire, et je te donnerai une eau meilleure que la tienne. » Quoique surprise, décontenancée, la femme se moque, pour ne pas le montrer :

« 11 Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où l’as-tu donc, l’eau vive ? – Mais cette réponse, apparemment ironique, montre que Notre-Seigneur a attisé sa curiosité, et qu’elle voudrait bien en apprendre davantage – 12 Serais-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et y a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses bêtes ? »

C’est assez pour que Jésus pousse plus loin sa révélation :

« 13 Il lui répondit :  Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau ; 14 mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. ” – La femme est de plus en plus intriguée. Mais pour ne pas perdre la face, elle rit : – 15  Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n’aie plus soif et ne vienne plus ici pour puiser. ” »

Cette fois, la réponse que fait Jésus, avec majesté, simplicité et douceur, n’est que trop claire : « 16 Va, appelle ton mari et reviens ici. »

Il veut l’humilier, par Amour, la dépouiller de toute vanité. Elle a demandé l’eau vive ? Eh bien ! afin de la lui donner, Il la fait passer par l’humiliation, qui « précède la Gloire » (Pr 18, 12).

« 17 La femme lui répondit :  Je n’ai pas de mari.  Jésus lui dit :  Tu as bien fait de dire : Je n’ai pas de mari, 18, car tu as eu cinq maris et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; en cela tu dis vrai. ” » (Jn 4, 8-17)

Cette pauvre femme perd toute assurance, écrivait notre Père. Mais, humiliée, soudain découverte, elle ne se fâche pas, elle ne ment pas, elle est contrainte à croire, de foi tout humaine encore, à ce prophète, et – mais peut-être est-ce aussi pour passer à un autre sujet – elle lui pose la question qui la taraude. Elle a rencontré son Maître, elle veut qu’Il instruise son âme, dissipe ses doutes :

« 19 La femme lui dit :  Seigneur, je vois que tu es un prophète... 20 Nos pères ont adoré sur cette montagne – le mont Garizim, montagne sainte des Samaritains – et vous, vous dites : C’est à Jérusalem qu’est le lieu où il faut adorer. »

Jésus le savait bien, que cette femme n’était pas qu’une chair, et que dans le fond de son cœur même demeurait une inquiétude religieuse, qui, tout d’un coup, paraît dans cette question, bien inattendue de nous mais non point de l’ineffable Médecin des âmes. Il abandonne le ton de l’ironie pour celui du colloque intime du maître avec son disciple. Dans une absolue clarté, il en appelle à sa foi, invitation unique dans l’Évangile : « Crois-moi femme ! », lui demande-t-il, avant de délivrer à cette rien-du-tout la plus admirable et décisive doctrine... Fallait-il qu’il l’aime et qu’il désire déverser en elle son fleuve d’eau vive pour qu’à son tour elle en répande la richesse parmi les siens !

« 21 Jésus lui dit :  Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. – Il est donc, Lui, du côté de Dieu qu’Il nomme Père. 22 Vous – les samaritains –, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. – Ici, Jésus se range du côté des adorateurs de Dieu, comme membre du peuple juif. – 23 Mais l’heure vient et c’est maintenantoù les véritables adorateurs adoreront le Père dans l’Esprit de la Vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. 24 Dieu est Esprit, et ceux qui adorent, c’est dans l’Esprit et la Vérité qu’ils doivent adorer. ” »

À cette femme païenne, Jésus révèle ce que Nicodème était incapable d’entendre. Un monde nouveau commence. Bientôt Il remettra cet Esprit-Saint annoncé par les prophètes, que Jean-Baptiste a vu descendre et demeurer sur Lui (Jn 1, 32), pour que tous, juifs et païens, puissent embrasser cette Vérité, qui est la plénitude du dessein de Dieu révélé et accompli en Lui-même, Jésus-Christ.

Et cette femme en comprend bien quelque chose, puisqu’elle enchaîne, comme se parlant à elle-même, manifestant une science des choses divines que Jésus reprochait à Nicodème de ne pas posséder :

« 25 La femme lui dit :  Je sais que le Messie doit venir, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout. ” » Par une si grande foi, elle contraint Jésus à se révéler tout à fait. Il se livre donc à elle, comme il ne l’a encore jamais fait : « 26 Jésus lui dit :  Je suis, moi qui te parle. ” » (Jn 4, 18-26)

Il s’identifie par ce « Je Suis », en grec, « Ego eimi », à Yahweh, Dieu son Père. C’était s’avouer le Messie, et plus que le Messie. Pour Jésus, c’était tout révéler de Lui, absolument tout à cette rien-du-tout, personnifiant pour lui sa vieille race pécheresse, Samarie, et au-delà le monde païen immense, ouvert mystérieusement à la grâce de la Vérité, et prédestiné au salut qui devait jaillir bientôt de son Cœur transpercé.

« 27 Là-dessus arrivèrent ses disciples, et ils s’étonnaient qu’il parlât à une femme. Pourtant pas un ne dit :  Que cherches-tu ?  Ou :  De quoi lui parles-tu ? ” – ils sont trop impressionnés par leur Maître – 28 La femme alors laissa là sa cruche, courut à la ville et dit aux gens : 29  Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? ” – Quelle simplicité ! – 30 Ils sortirent de la ville et ils se dirigeaient vers lui.

« 31 Entre-temps, les disciples le priaient, en disant :  Rabbi, mange.  32 Il leur dit :  J’ai à manger un aliment que vous ne connaissez pas. ” – Finalement, Il n’a pas bu de l’eau du puits... Mais il est d’ores et déjà rassasié ; c’est ce qu’il dit à ses disciples, faisant jouer pour eux aussi sa divine pédagogie : – 33 Les disciples se disaient entre eux :  Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? ” »

MARIE-MÉDIATRICE

À Nicodème comme à la Sa-  maritaine, Notre-Seigneur annonce le don de l’Esprit-Saint, et l’ouverture d’une Nouvelle Alliance, fondatrice du Royaume des Cieux sur la terre. Ces deux entretiens laissent paraître la médiation de la Vierge Marie dans ce don de l’Esprit-Saint. Notre-Seigneur parle à Nicodème de renaître, dans l’Esprit : du haut de la Croix, Il donnera lieu Lui-même à cette nouvelle naissance : « Femme, voici ton fils. Fils, voici ta Mère. » Saint Jean lui-même contemplera sa Divine Mère enfantant dans les douleurs « toute une nation » (Is 66, 8), tout le peuple de Dieu (dom Vonier), le Corps mystique du Christ (Ap 12, 1-2).

À la Samaritaine, Jésus promet de l’eau vive, qui doit jaillir de son Sein (Jn 7, 38), de son Sacré Cœur transpercé (Jn 19, 34), mais à la demande de la Vierge Marie sa Mère, comme Il l’a dit à sœur Lucie en 1943 : le Cœur Immaculé de Marie « est l’aimant qui attire les âmes à Moi, le foyer qui irradie sur la terre les rayons de ma lumière et de mon amour, la source intarissable qui fait jaillir sur la terre l’eau vive de ma miséricorde ».

« Jésus leur dit : 34  Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin. – Il a réalisé dans l’âme de cette Samaritaine la Volonté de son Père : la sauver en la conduisant à la foi en Lui. C’est pour cela qu’Il a été envoyé (Jn 3, 16) – 35 Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et vient la moisson ? Eh bien ! je vous dis : levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moisson. ” »

Jésus montre de la main à ses disciples les Samaritains qui, de la ville, viennent à lui au milieu des champs de blé blondissant, comme sa moisson, œuvre de son Père, dont il a faim et soif de récolter le fruit, écrit notre Père. C’est la venue des Gentils en masse, dont ces Samaritains sont les prémices, qui remplit Jésus d’une telle allégresse, le consolant du dédain des juifs. Bientôt les disciples, ses moissonneurs, iront par toute la terre prêchant l’Évangile, récolter le fruit de Sa Semence :

« Déjà 36 le moissonneur reçoit son salaire et récolte du fruit pour la vie éternelle, en sorte que le semeur se réjouit avec le moissonneur. 37 Car ici se vérifie le dicton : autre est le semeur, autre le moissonneur : 38 je vous ai envoyés moissonner là où vous ne vous êtes pas fatigués ; d’autres se sont fatigués et vous, vous héritez de leurs fatigues. »

Il pourrait y avoir, dans cette phrase de Notre-­Seigneur (verset 38), une discrète allusion amenée par saint Jean à sa propre mission en Samarie (Ac 8, 14-25), durant laquelle il a moissonné avec Pierre le fruit du labeur de Philippe, comme l’écrit Annie Jaubert (in Approches de l’Évangile de Jean, Seuil, 1976, p. 49).

« 39 Un bon nombre de Samaritains de cette ville crurent en lui à cause de la parole de la femme, qui attestait :  Il m’a dit tout ce que j’ai fait.  40 Quand donc ils furent arrivés près de lui, les Samaritains le prièrent de demeurer chez eux. Il y demeura deux jours 41 et ils furent bien plus nombreux à croire, à cause de Sa parole, 42 et ils disaient à la femme :  Ce n’est plus sur tes dires que nous croyons ; nous l’avons nous-mêmes entendu et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. ” » (Jn 4, 27-42)

C’est magnifique. Notre-Seigneur a fait ici aboutir sa divine pédagogie, en conduisant cette Samaritaine et son peuple de la foi imparfaite, suscitée par les miracles ou le témoignage humain, à la Foi parfaite qui croit à la Parole de Jésus lui-même, et contemple son divin mystère, faisant de l’âme ainsi conquise, une disciple du Christ.

CONCLUSION.

Durant ces quelques semaines d’avril 29 où Il paraît au monde, Notre-Seigneur a mis en pratique, Il a accompli le premier “ Chant du Serviteur ”, qui est comme l’ordre de mission à Lui adressé par son Père : « Voici mon Serviteur que je soutiens, mon Élu que préfère mon âme. J’ai mis sur lui mon Esprit, pour qu’il fasse sortir pour les nations sa religion.

« Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans les rues ; il ne rompt pas le roseau broyé, il n’éteint pas la flamme vacillante.

« Fidèlement, il apporte la religion, sans défaillance et sans hâte jusqu’à ce que la religion soit établie sur terre, car les îles attendent sa Loi [...].

« Je t’ai livré comme Alliance de peuple et Lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de prison les captifs et du cachot ceux qui habitent les ténèbres. » (Is 42, 1-7)

Notre Père admirait la simplicité, l’humilité de ces premiers pas de Notre-Seigneur dans sa vie publique :

« Jésus de Nazareth apparut sans bruit, sans se faire précéder d’autre chose que cet enseignement très pauvre, très limité en soi, de saint Jean-Baptiste. Lui-même dissimule son identité au maximum, par humilité, par douceur, parce que son Père Lui a demandé d’agir ainsi. Jésus apparaît non pas en Dieu ni dans le ciel, Il apparaît sur la terre comme un homme qui pourra prendre le titre de “ Didascale ”, d’enseignant, Il est le révélateur du Père Céleste qui l’a envoyé continuer l’enseignement de tous ses envoyés de l’Ancien Testament, qu’Il scella et accomplit. Cette Révélation devient un enseignement d’Évangile, la bonne nouvelle du salut atteignant enfin tous les hommes. La charité qui jaillit du Cœur du Père se manifeste par la Parole de Jésus.

« Lui-même ne se dit pas, d’emblée et à tous, Fils de Dieu. Il fait abstraction de sa propre manière d’être, Il veut qu’on la garde cachée, parce qu’Il est tout absorbé par l’admiration, l’amour, l’obéissance due à son Père, et c’est cela au fond dont Il rayonne. Quant à sa mission, son désir, sa prédication, elle est toute tournée à rendre les hommes qui l’écoutent des fils de Dieu. Comment le seront-ils ? En écoutant son enseignement, en pratiquant la doctrine et les institutions qu’Il va créer. » (Tendresse et dévotion, retraite spirituelle prêchée en 1998)

Et aussi en recevant de Notre-Seigneur le don de l’Esprit-Saint, ajoutait notre Père en commentant l’Évangile selon saint Jean. À Nicodème, comme à la Samaritaine, Jésus annonce ce Don de Dieu, cette nouvelle naissance dans l’Esprit, qui les fera entrer dans le Royaume de Dieu, qui suscitera les adorateurs que cherche le Père, mais cela ne peut venir qu’après la Croix, qui est la grande résolution du Sacré Cœur de Jésus, vers laquelle Il court comme un athlète : il faut « que soit élevé le Fils de l’homme, afin que quiconque croit ait par Lui la vie éternelle » (Jn 3, 14-15). (à suivre)

frère Joseph-Sarto du Christ Roi.