Il est ressuscité !
N° 259 – Octobre 2024
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
In memoriam
Philippe Ledent
(1954 - 2024)
In memoriam Philippe Ledent (1954 - 2024)
NOTRE ami phalangiste Philippe Ledent a rendu paisiblement son âme à Dieu le 27 septembre 2024, entouré par les siens et assisté par les grâces promises par Notre-Dame de Fatima aux dévots de son Cœur Immaculé. Le 4 octobre, après la messe de funérailles célébrée en l’église Sainte-Jeanne-d’Arc de Versailles, frère Bruno s’est adressé dans le cimetière à sa famille et aux nombreux amis CRC présents.
Ma chère Catherine, mes chers enfants,
Devant le corps de notre cher Philippe, que nous allons porter en terre, je ne puis m’empêcher de penser à cette parole de Jésus à Marie-Madeleine : « Ne me retiens pas, laisse-moi remonter vers le Père. »
Philippe s’en est allé rejoindre le Père. Lequel, me direz-vous ? Mais... les trois...
Les trois, car le beau témoignage que Philippe a rédigé il y a quelques années montre l’itinéraire d’un jeune Français – et d’une jeune Française – complètement désorientés par l’apostasie dans l’Église au lendemain du concile Vatican II, mais retrouvant son Père du Ciel, et aussi son père de la terre, par le ministère d’un Père spirituel, qui fut pour beaucoup d’entre nous ici rassemblés, « un autre Christ », l’abbé Georges de Nantes.
Je dis bien « un autre Christ », car c’est Jésus Crucifié et Ressuscité Lui-même qui a entraîné Philippe à Sa suite, et vous avec lui, ma chère Catherine, ce jour où vous avez retrouvé votre fiancé d’alors avec, entre les mains, le tract invitant à l’une de nos conférences sur le Saint Suaire. C’était au printemps 1979. Le scientifique qu’était Philippe fut conquis par l’intelligence de la démonstration, et enthousiasmé par la confirmation qu’apportaient toutes les disciplines scientifiques convoquées au rendez-vous du Saint Suaire. Les rencontres qui suivirent peu après avec notre Père lui firent trouver un véritable Père spirituel, qui ne remplaça pas son père, au contraire, comme celui-ci le lui dit avec reconnaissance avant de mourir : « Tu sais, je n’ai rien à reprocher à ton abbé de Nantes ; d’autant plus que c’est grâce à lui et sous son influence que tu as approfondi ta relation filiale à ton papa de la chair. »
Assurément, Philippe avait retrouvé la joie d’être fils et il découvrait celle d’être disciple ; un disciple fervent, pour la vie ! et qui brûlait de communiquer ses convictions.
Par exemple, à notre ami Frédéric Houël, retourné vers le Père le premier, qui fit sa connaissance – et donc celle de la CRC – pendant leur temps de service militaire et qui en témoignait ainsi : « J’eus le bonheur, que dis-je, la grâce, de vivre treize mois en compagnie de Philippe ; il fut pour moi d’abord un maître, puis bientôt un ami. Oui, à mes yeux il était un maître, mais lui ne voulait être que le disciple d’un Père à qui il se référait constamment. Voilà ce qui était peut-être chez lui le plus touchant et qui donnait tant d’accent de vérité à tous ses discours. Pour aller jusqu’au bout de ma pensée, j’oserais dire que Philippe montrait en toute occasion à la fois la force du soldat du Christ et l’humilité de l’enfant de Marie. »
La force du soldat du Christ ! En s’attachant à notre Père, Philippe a embrassé tous les soucis et les luttes de notre Contre-Réforme. Il a adhéré de toute son intelligence aux analyses de notre Père sur la crise de l’Église ; il lisait et relisait notre deuxième Livre d’accusation – le plus ardu – que notre Père avait rédigé à l’adresse du pape Jean-Paul II, et que nous avons porté à Rome en 1983.
Il y a quatre ans, quand votre père commença à rédiger le témoignage qu’il voulait vous laisser, mes chers enfants, c’est encore cette gnose de Jean-Paul II qu’il eut d’abord le projet d’expliquer pour montrer la perspicacité théologique de son Père spirituel.
Frère François me rappelait aussi que Philippe participait activement aux controverses publiques sur le concile Vatican II que nos phalangistes ont menées à Paris, par exemple avec les chapelains de Montmartre, les Pères de Vorges et Gitton, à l’automne 1988. Philippe et ses amis phalangistes de la Permanence contraignirent ces chapelains à rédiger avec eux des propositions contradictoires exposant d’une part la doctrine du Concile et d’autre part celle de la Contre-Réforme catholique en vue de les porter à Rome pour obtenir un jugement infaillible du Souverain Pontife !
Mais j’interromps cette évocation de l’engagement sans faille de Philippe dans notre CRC, sous la direction de notre Père ; je passe sur toutes ces années de participation à nos activités de la maison Saint-Joseph ; premiers samedis du mois, congrès, sessions, Permanence parisienne, “ camps de frère Bruno ” auxquels je participais moi-même ! et j’en viens à l’humilité de l’enfant de Marie.
Car le disciple n’est pas plus grand que son Maître. À la ressemblance de son Père spirituel au début des années 2000, votre mari, ma chère Catherine, votre père et grand-père, mes chers enfants, a “ déposé sa cuirasse ” comme Notre-Seigneur interrompant toute polémique, toute discussion avec ses ennemis, pour s’offrir en sacrifice à Son Père pour le salut du Monde.
À partir de 2020 Philippe a gravi un dur chemin de Croix, mais vous étiez là, ma chère Catherine, mes enfants, pour le gravir avec lui. Ceux d’entre nous qui l’ont visité avant sa mort l’ont vu réciter le chapelet avec application ; récitation nourrie des méditations de notre livret du mois du rosaire, ou soutenue par le chapelet de la maison Saint-Joseph que l’on trouve sur la VOD.
Toutes ces années de pratique de la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie, à l’école de notre Père ont porté leur fruit dans l’acceptation courageuse de cette croix. Et lorsque frère François vous visita en décembre dernier, Philippe, quoique très faible, s’appliquait encore à lire Il Est Ressuscité : « On continue nos habitudes », avez-vous dit, ma chère Catherine ; saintes habitudes phalangistes qui soutiennent dans l’épreuve au moment décisif : comme notre Père, Philippe était tout abandonné entre les mains du Bon Dieu ; son sourire ravissait les Petites Sœurs des pauvres chez qui vous le conduisiez.
Ma chère Catherine, Philippe a raconté dans son témoignage comment, dans la joie et la sincérité de sa conversion, il avait pensé devoir tout quitter pour ne servir que Dieu seul dans la vie religieuse. « Je vous arrête, lui avait dit notre Père au moment de l’élection qui conclut les Exercices de saint Ignace, car vous me parlez davantage de Catherine que de votre vocation. » Mais en définitive, c’est bien une vie proche de la vie monastique que vous avez menée ces dernières années, à mesure que la maladie de Philippe vous mettait, selon ses propres paroles, « un peu entre parenthèses, nous éloignant de la vie commune », réalisant ainsi l’article premier de notre Règle des Petits frères et des Petites sœurs du Sacré-Cœur, dont vous êtes tertiaires : « Les frères – et les sœurs – se retireront en petit nombre dans des ermitages, oasis de paix au milieu du monde, pour la louange de la gloire de Dieu. Ils y vivront pauvres, dans la solitude et le silence. C’est ainsi qu’ils attendront éveillés le retour du Seigneur qui ne saurait tarder. »
Et comme nous croyons en la promesse de Notre-Dame en faveur de ceux qui ont embrassé la dévotion à son Cœur Immaculé, nous sommes sûrs que c’est Elle qui est venue chercher Philippe, ce 27 septembre, pour l’aller placer, comme une fleur pour orner le trône de notre très chéri Père Céleste.
Alors, ma chère Catherine, mes chers enfants, « que notre douleur soit mêlée d’espérance ». Ainsi parlait le Père de Foucauld à une personne dans le deuil comme vous, et il ajoutait : « Vite, notre tour viendra de rejoindre les êtres chéris qui nous ont précédés. Vous n’êtes pas dépourvus de son soutien. Invisible pour vous, il vous voit, il vous aide de ses prières bien plus puissantes maintenant qu’il est si près de l’auteur de tous biens et qu’il vit dans une telle lumière au séjour de la gloire.
« Il prie pour vous, voit vos besoins, vos tristesses, votre douleur, votre isolement. Il vous voit à tout instant de votre vie, jour et nuit. Pour lui, plus de sommeil, plus d’absence, ses yeux ne vous quittent plus. Sans cesse, il veille sur vous. Priez-le, parlez-lui. Il vous écoute, il vous regarde, il vous aide sans cesse. Invisible, il est avec vous bien plus continuellement que lorsqu’il vivait ici-bas », car il est maintenant auprès des saints Cœurs de Jésus et Marie, pour nous aider à les aimer et à le rejoindre un jour, et retrouver la Famille, comme un bouquet de fleurs disposées par Marie, notre Mère, pour orner le trône de notre très chéri Père céleste. Ainsi soit-il !
L’ENTHOUSIASME ET L’INTELLIGENCE DU DISCIPLE
Mon Père,
Je viens d’achever la lecture des vingt premières pages du numéro spécial sur la Russie.
Ça se lit d’un trait.
C’est proprement époustouflant et vraiment libérateur.
C’est l’élargissement lumineux et décisif du “ Goulag ou Chrétienté ” (ndlr : CRC n° 124, déc. 1977) que l’on ne se lasse pas de relire ; c’est la vérité vraie à chaque ligne, c’est l’explication imparable qui renverse la “ cathédrale ” de mensonge et d’homicides en s’attaquant à la clef de voûte du système, au “ ciment fédérateur ”, à l’ignoble complicité des maîtres penseurs et égorgeurs, aux castes pharisaïques des trois capitales. Personne n’avait jamais pu s’attaquer ainsi au tabou suprême sur les traces de saint Maximilien Kolbe.
Aucune complaisance dans votre dénonciation charitable, par amour des pauvres persécutés, contre ces “ docteurs ” qui les asservissent à leur loi unique démocratique et soviétique.
Vous ne vous y attardez pas, pressé d’annoncer les magnifiques desseins que Dieu a conçus pour la Russie bien-aimée, si évangélique dans son histoire, en la confiant au Cœur Immaculé de sa Très Sainte Mère. Si proches du malheur que nous sommes, nous sommes émerveillés de voir l’histoire du vingtième siècle s’éclairer ainsi, cette douce et maternelle présence du Ciel voulue par Dieu dans la conduite des nations, cette victoire annoncée sur le “ Vatican diabolique ” de Notre-Dame de Fatima venant nous sauver de cette barbarie qui a coûté des millions et des millions de morts.
En nous recommandant à vos prières pour que nous soyons davantage fidèles à la CRC, dans les Saints Cœurs de Jésus et de Marie, nous vous assurons, de notre obéissance filiale.
(Lettre du 8 janvier 1983)