Il est ressuscité !
N° 268 – Juillet-août 2025
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
In Memoriam
Jean Hamès
(1929 – 2025)
secrétaire général de la CRC en Belgique
NOTRE fidèle ami, Jean Hamès est décédé le 18 juillet 2025 en sa quatre-vingt-seizième année. En ce jour qui était celui de leur soixante-neuvième anniversaire de mariage, il est allé rejoindre auprès de Jésus et Marie sa chère épouse, rappelée à Dieu deux ans plus tôt, le 15 mai 2023.
Jean Hamès était né le 24 septembre 1929 dans une bonne famille catholique comme il y en avait alors tant en Belgique. C’était la Belgique des écoles chrétiennes sorties victorieuses de la bagarre contre les francs-maçons. La plupart des gens craignaient l’enfer et voulaient gagner le ciel. Notre ami restera toute sa vie fidèle à cette “ religion de nos pères ”. Il gardera de plus l’empreinte de la profonde piété de sa mère, fortifiée par l’influence des Frères des Écoles chrétiennes puis des Pères jésuites chez qui il fit ses études d’ingénieur à l’Institut Gramme.
Fort d’un caractère bien trempé et d’une foi catholique qui n’avait rien concédé aux sirènes de la “ Libération ” de 1945, notre jeune ingénieur manifestera un zèle ardent pour la vérité dans ses premières luttes pour l’Église et la Patrie : à sa mesure, il prend part au combat royaliste pour Léopold III (1945-1951) et à la seconde guerre scolaire, dans les années 1950, pour la défense de l’enseignement catholique.
Le 18 juillet 1956, il épouse Monique Leblanc. Comme lui, elle est fille d’officier, issue d’une famille très chrétienne, vibrant d’une même ardeur catholique et royaliste. Le Bon Dieu leur donnera quatre enfants : Anne-Marie, Véronique, Jean-Paul et Pierre.
Mais survient le grand drame de leur vie : petit à petit, la Belgique catholique de leur enfance disparaît. Dans la suite du concile Vatican II, le désordre survient dans les paroisses. La messe change, le catéchisme change, le sermon du prêtre change, la foi est altérée, ce n’est plus la religion de nos pères. Quelque chose s’est cassé, mais quoi ? La réponse leur viendra au début des années 1970 quand un ami leur fera découvrir un certain abbé Georges de Nantes et sa critique du Concile.
Jean Hamès comprit très vite qu’à l’inverse des autres traditionalistes qui ne s’attachaient qu’aux symptômes superficiels de la crise de l’Église et ne proposaient que des remèdes palliatifs, l’abbé de Nantes, lui, expliquait la cause de tant de scandales : le concile Vatican II. Et il désignait aussi le responsable, le pape Paul VI, plutôt que de s’en prendre à tel ou tel curé progressiste. Surtout, notre Père lançait son appel à Rome. Ce recours à l’autorité fut déterminant pour les Hamès : il ne s’agissait pas de se révolter ni de se faire sa petite religion à part, mais on restait dans l’obéissance à l’Église, ainsi qu’ils l’avaient appris de leurs parents et de leurs maîtres. Ni schisme ni hérésie !
Après avoir longuement réfléchi, Jean et Monique Hamès décidèrent d’adhérer à la CRC. Leur engagement fut exemplaire : immédiat, total, loyal, effectif et définitif.
Immédiat : Dès l’été 1972, Jean Hamès organisa une première conférence publique de l’abbé de Nantes à Bruxelles, dans la salle du prestigieux Hôtel Hilton. « C’était une audace de nos amis et ce fut leur succès plus que le mien », commenta notre Père dans la Ligue. Le 10 avril 1973, muni de sa précieuse caméra de 8 mm, Jean Hamès prit place parmi les cinquante représentants de la Légion romaine qui accompagnèrent notre Père pour le dépôt de son libelle d’accusation contre Paul VI. Avec son épouse, il se joindra encore aux démarches romaines de 1983 et 1993.
Total : Du jour où il rencontra la CRC, Jean Hamès abandonna la plus grande part de ses loisirs qui furent remplacés par la lecture et les activités CRC. Son engagement était public, en dépit des moqueries et sarcasmes de la part de certaines connaissances. En toute circonstance, il arborait l’insigne de la Ligue CRC. Il y en avait un sur chacun de ses vestons !
Loyal : Les Hamès traverseront les épreuves de la CRC sans broncher, avec une intelligence profonde de la pensée de leur maître et une affection filiale, dont témoigne cette lettre de 1990, au moment où le ralliement séduisait tant de catholiques traditionalistes :
Très cher Père,
Puisque vous nous demandez notre avis, je vous dirai sans guère d’hésitation : il s’agit d’une tentation. Que de fois ne nous a-t-on pas tentés d’abandonner le combat CRC ! À notre petit échelon : dans les paroisses et ailleurs... Pour être utiles ! « Vous feriez du si bon travail... », nous dit-on.
Vous êtes quasi le dernier opposant à la réforme conciliaire et aux hérésies des papes Paul VI et Jean-Paul II. Mgr Lefebvre s’est mis hors de l’Église et les autres traditionalistes se sont évadés dans la haute mystique ou réfugiés dans leurs “ chapelles ” avec plus ou moins de rouerie ! Vous restez seul (ou presque) dans une position certes difficile et inconfortable, mais toujours vraiment catholique.
La hiérarchie le sait et si vous refusez “ la réconciliation ”, elle fera tout ce qui lui est possible pour vous isoler toujours davantage, espérant avoir un jour l’occasion de vous écraser.
Alors, pour nous, c’est vraiment une “ tentation ” d’en finir avec ce combat qui apparaît humainement sans issue. Les rangs des nôtres s’éclaircissent, les forces faiblissent...
Et je perçois votre angoisse, chaque jour n’hésitant pas à “ remettre en question ” vos analyses en fonction des événements afin de ne pas vous trouver un jour raidi, luttant contre le Christ lui-même !
C’est pour ce combat de Contre-Réforme et toujours dans cette perspective que je vous ai suivi et vous suivrai, pour l’amour des Saints Cœurs de Jésus et de Marie.
Le ressort de cette fidélité exemplaire est mystique !
Effectif : Polémiste enthousiaste et disciple passionné, Jean Hamès va travailler toute sa vie, lire, étudier l’histoire ainsi que les textes du concile Vatican II, afin de pouvoir rendre compte exactement de la doctrine de l’abbé de Nantes.
Il fera davantage en devenant l’incomparable animateur de la CRC belge, dans une rigoureuse obéissance à notre Père. La liste des activités qu’il organisa est impressionnante ! Conférences publiques du Père, de l’abbé de Linarès, de frère Bruno, récollections, projections de conférences télévisées, programmation de trois interviews pour la radio belge, réunions du cercle de Verviers tous les quinze jours, auxquelles s’ajouteront les réunions mensuelles ou bimensuelles des cercles de Bruxelles et de Nalinnes, au sud de Charleroi. Sans compter les visites du samedi après-midi aux personnes intéressées par la CRC ! Enfin, chaque année, durant trente ans, il organisa avec sa minutie d’ingénieur consciencieux une journée familiale de la CRC pour rassembler tous les Belges.
Jan Thiré, le rédacteur de notre bulletin néerlandophone témoigne de ce dévouement inlassable :
M. Jean Hamès a été pendant de longues années secrétaire général de la CRC en Belgique. À ce titre, il était aussi une autorité incontestable pour les phalangistes et membres flamands.
Plusieurs d’entre nous ont participé aux rencontres annuelles qu’il organisait avec sa charmante épouse quelque part en Wallonie : messe à l’église locale, visionnage d’une vidéo du Père, pique-nique dans la salle communale et, l’après-midi, une belle promenade vers une chapelle de la région où nous récitions le chapelet.
Jean Hamès a été un CRC de la première heure, un phalangiste absolument loyal et un défenseur inconditionnel de la doctrine et des idées de notre très chéri Père, qui le tenait en grande estime. Les quatre enfants Hamès suivent fidèlement ses traces.
Au nom des phalangistes flamands, je tiens à lui rendre hommage, convaincu qu’il est maintenant au Ciel avec l’abbé de Nantes et tous nos chers amis pour un colloque sans fin.
Définitif : Les époux Hamès ayant trouvé leur maître, ils n’en changeront plus jusqu’à leur mort.
Ils eurent de plus la grâce de transmettre leurs convictions et leur engagement phalangiste à leurs enfants.
Ce fut le beau fruit d’une admirable œuvre d’éducation, fondée sur la piété. Le chapelet était récité tous les soirs en famille à 9 h précises, et en adoptant immédiatement le « je vous aime ô Marie » de notre Père. Après le chapelet, le père de famille bénissait ses enfants : « Que Jésus te bénisse et que la Sainte Vierge te protège », ajoutant parfois : « Que Dieu te garde dans le droit chemin. »
Ses enfants se rappellent sa grande dévotion pour le Saint-Sacrement. Il ne manquait jamais une adoration, participant fidèlement à celle du vendredi à la paroisse. À la fin, la famille Hamès l’assurait presque seule, jusqu’à ce qu’elle soit supprimée. Quel beau témoignage vis-à-vis du curé !
Après la piété, les études ! Chaque jour, les repas familiaux tournaient en séances d’instruction parascolaire pour compléter, voire corriger les cours reçus dans la journée. Fort de sa vaste culture générale, historique, scientifique, religieuse le père de famille se prêtait volontiers à de petites controverses avec ses enfants, sur tous les sujets, afin de forger leurs convictions.
Surtout, Monsieur et Madame Hamès eurent à cœur d’attacher leurs enfants à la CRC en les emmenant à Saint-Parres, à la Mutualité, en les faisant participer aux récollections, aux camps-vélos et aux camps de la Phalange. Lorsque Jean Hamès fut prépensionné et que les revenus de la famille baissèrent, ils renoncèrent aux vacances traditionnelles sur la côte belge pour maintenir la participation à nos camps d’été. La CRC devint ainsi le vrai fondement de l’unité de la famille, gardant tous ses membres dans la foi catholique.
Plus tard, Jean et Monique Hamès reporteront toute leur sollicitude sur leurs beaux-enfants et leurs petits enfants : soutien scolaire et trains électriques, écossage de petits pois en écoutant des conférences... Toutes les occasions étaient bonnes pour les instruire, les amuser, les édifier, avec tact et bonne humeur !
Après le décès de son épouse, en 2023, Jean Hamès déclina peu à peu.
En juillet 2025, il est atteint d’une pneumonie. Les infirmières témoignent de ce que, dans les moments de grandes douleurs, lorsqu’on lui dégage les bronches par aspiration, il trace de grands signes de croix, demandant sans doute au Bon Dieu la force d’offrir ces ultimes souffrances en sacrifice. Tel était le dernier enseignement qu’il lui restait à donner aux siens : l’exemple d’une “ fin de vie ” chrétienne, féconde en grâce par la souffrance offerte.
frère Guy de la Miséricorde.