Il est ressuscité !

N° 271 – Novembre 2025

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2025 
La grande nouvelle du règne de l’Immaculée

Première conférence : 
Le grand dessein du Sacré-Cœur

LA première étape du grand dessein de miséricorde  des Saints Cœurs de Jésus et Marie pour les derniers temps fut révélée à Paray-le-Monial, au dix-septième siècle. Notre-Seigneur s’y est choisi une confidente qu’il a conduite au sommet de la sainteté, pour en faire la digne messagère d’une extraordinaire révélation, c’est sainte Marguerite-Marie.

Née le 22 juillet 1647, de Philiberte et Claude Alacoque, digne notaire du Charolais. Marguerite connut huit années d’une enfance heureuse, comblée de grâces d’union à la Sainte Vierge et à Notre-­Seigneur, à qui elle consacre, déjà, sa virginité.

En 1655, les mystères douloureux commencent avec la mort de son Père. Les épreuves se succèdent, jusqu’à l’incendie de la maison familiale, qui les contraint, sa mère et elle, à trouver asile chez la grand-mère Alacoque et ses filles, femmes jalouses et avares, qui les persécutèrent ignominieusement.

Elle a raconté, quoique avec une charité parfaite, dans son Autobiographie, les vexations, les coups, l’opprobre qu’elle a subis, par une permission de Notre-Seigneur, pour la préparer à sa vocation : « Du moment que j’entrais à la maison, la batterie recommençait plus fort, sur ce que je n’avais pas pris soin du ménage et des enfants de ces chères bienfaitrices de mon âme ; et sans qu’il me fût loisible de dire un mot, je me mettais à travailler avec les domestiques.

« Ensuite de quoi, je passais les nuits comme j’avais passé le jour, à verser des larmes, au pied de mon Crucifix, lequel me fit voir, sans que j’y comprisse rien, qu’Il voulait se rendre le maître absolu de mon cœur, et qu’Il voulait me rendre en tout conforme à sa vie souffrante : que c’était pourquoi Il voulait se rendre mon Maître, en se rendant présent à mon âme, pour me faire agir comme Il agissait parmi ses cruelles souffrances, qu’Il me faisait voir avoir souffert pour mon amour.

« Et dès lors mon âme en demeura si pénétrée, que j’aurais désiré que mes peines n’eussent pas cessé d’un moment. Car depuis Il m’était toujours présent sous la figure du crucifix ou d’un Ecce homo portant sa croix ; ce qui imprimait en moi tant de compassion et d’amour des souffrances, que toutes mes peines devinrent légères en comparaison du désir que je sentais d’en souffrir pour me conformer à mon Jésus souffrant. » ( nos 8-9)

Après bien d’autres épreuves, elle entra en 1671 au monastère de la Visitation de Paray-le-Monial, où elle fut encore très humiliée, non seulement de la part de ses supérieures, qui voulaient éprouver sa vertu, mais aussi de la part de certaines religieuses de ce couvent, dérangées dans leur tiédeur par les vertus extraordinaires de sœur Marguerite-Marie, ses pénitences, et les heures qu’elle passait en prière au pied du Tabernacle. Son absolue soumission, son obéissance constante et son humilité confondante face à ces brimades témoignent de sa sainteté, et de la vérité des révélations qu’elle a reçues.

LES RÉVÉLATIONS DU SACRÉ-CŒUR

C’est le 27 décembre 1673 que, pour la première fois, Notre-Seigneur lui a dévoilé son “ grand dessein ”. Elle raconte : « C’est qu’un jour de saint Jean l’Évangéliste, après avoir reçu de mon divin Sauveur une grâce à peu près semblable à celle que reçut le soir de la Cène ce disciple bien-aimé, après m’avoir fait reposer pendant quelques heures sur sa sacrée poitrine, je reçus de cet aimable Cœur des grâces dont le souvenir me met hors de moi-même. Je ne crois pas être nécessaire de les spécifier, quoique le souvenir et l’impression m’en resteront toute ma vie.

« Après cela, ce divin Cœur me fut représenté comme dans un trône de flammes plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable ; et il était environné d’une couronne d’épines qui signifiait les blessures que nos péchés lui faisaient. Et une Croix au-dessus qui signifiait que, dès les premiers instants de son Incarnation, c’est-à-dire dès lors que ce Sacré-Cœur fut formé, la Croix y fut plantée. Et il fut rempli dès ses premiers instants de toutes les amertumes que lui devaient causer les humiliations, pauvretés, douleurs, mépris que la sacrée Humanité devait souffrir pendant tout le cours de sa vie et en sa sainte Passion.

« Et il me fit voir que l’ardent désir qu’il avait d’être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition où Satan les précipite en foule, lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes. » (Lettre au Père Croiset du 3 novembre 1689)

Mille six cents ans après avoir racheté l’humanité en mourant sur la Croix, après avoir donné à son Église son Corps et son Sang dans la Sainte Eucharistie, Notre-Seigneur veut employer un nouveau moyen pour sauver les âmes : Il montre son Cœur, pour nous exhorter à répondre à tant d’amour.

En 1675, lors d’une autre apparition, Il dit à sa messagère :

« Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et mépris qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. » (Autobiographie, n° 92)

Pourtant, dans son excessive miséricorde, Notre-­Seigneur veut convertir et sauver les hommes ingrats, c’est pourquoi Il offre son Cœur, « avec tous les trésors d’amour, de miséricorde, de grâce, de sanctification et de salut qu’il contient, afin que tous ceux qui voudraient lui rendre et lui procurer tout l’honneur, l’amour, la gloire qui serait à leur pouvoir, il les enrichît avec abondance et profusion de ces divins trésors du Cœur de Dieu qui en est la source, lequel il fallait honorer sous la figure de ce Cœur de chair. » (suite de la Lettre au Père Croiset)

Le Sacré-Cœur de Jésus est la source de toutes les grâces, qu’Il a méritées sur la Croix. Pour les répandre, afin de sauver nos âmes de l’enfer, et pour que nous répondions à son Amour, Il demande qu’on l’honore par de petites pratiques bien simples et précises : que l’on rende un culte à son image, que l’on communie en réparation le premier vendredi du mois, que l’on célèbre une fête solennelle, etc. Et Il associe à ces petites demandes des promesses extraordinaires « d’amour, de miséricorde, de grâce, de sanctification et de salut ».

LE DESSEIN UNIVERSEL DU CŒUR DE JÉSUS.

« Il me fit voir, continue notre sainte, que cette dévotion était comme un dernier effort de son amour qui voulait favoriser les hommes en ces derniers siècles, de cette Rédemption amoureuse pour les retirer de l’empire de Satan lequel il prétendait ruiner pour nous mettre sous la douce liberté de l’empire de son Amour, lequel il voulait rétablir dans les cœurs de ceux qui voudraient embrasser cette dévotion. » (ibid.)

C’est donc bien une intervention souveraine de Notre-Seigneur pour les derniers temps, comme nous l’avons affirmé dans le sermon d’introduction (cf. Il est ressuscité n° 270, octobre 2025, p. 31).

« Que veut-il dire ? s’interrogeait notre Père. Il veut dire à la France particulièrement, et à l’Église de France, son amour pour les hommes, son impatience d’en voir développer le culte pour l’opposer aux différentes hérésies du temps (le calvinisme, le jansénisme, le laxisme mondain, le quiétisme) qui dessèchent le cœur humain, pour enseigner ce qu’est l’amour brûlant de Jésus. Susciter donc par cette prédication, en retour, un amour semblable, faute de quoi le monde tombera dans l’apostasie, et la France en particulier dans les catastrophes. C’est un amour que Jésus veut susciter comme le dernier instrument du salut du monde.

« Dans l’année 1689, le Sacré-Cœur manifeste à sainte Marguerite-Marie son dessein, toute une stratégie pour la conquête de la France, de l’Église et du monde. C’est la Visitation Sainte-Marie, l’ensemble de ces couvents fondés par saint François de Sales au début de ce siècle, l’auteur du Traité de l’Amour de Dieu, homme au cœur ardent, comme saint Augustin, qui est chargée de vivre cette dévotion, et par son exemple même, de la propager. Donc, la propager d’abord par l’exemple, par une sorte de contagion mystique.

« L’Ordre des jésuites, Ordre extraordinairement actif au dix-septième siècle, a la gloire d’en être choisi pour prédicateur et docteur. Prédicateur pour l’enseigner du haut de la chaire, dans les missions, dans les retraites, dans les retraites fermées en particulier ; docteur pour défendre cette dévotion contre les théologiens de la partie adverse, ceux qui la refusent. La défendre en particulier afin que Rome même reconnaisse ce culte, et ce ne sera pas sans mal. » (Extrait de la retraite : La religion de nos pères, 14e conférence, Le culte des saints Cœurs de Jésus et de Marie)

Ce ne sera pas sans mal... En effet, pour établir dans le monde ce culte nouveau, Notre-Seigneur ne s’adresse pas directement au Pape, au Chef de l’Église, mais il veut passer par le roi de France, « le fils aîné de son Sacré-Cœur ». C’est incontestable, aussi étonnant que cela puisse paraître... à un esprit démocrate.

Deux siècles plus tôt, Notre-Seigneur a révélé par sainte Jeanne d’Arc qu’Il est, lui, le vrai Roi de France, et que le monarque sacré à Reims est son lieutenant pour gouverner en son Nom. Puis en 1638, Notre-Seigneur a demandé à Louis XIII de consacrer son Royaume à la Vierge Marie. Maintenant se dévoile la mission qui valut à la France, de tels privilèges : elle doit être l’instrument du règne du Sacré-Cœur dans le monde entier.

L’ÉLU DU SACRÉ-CŒUR.

Vers la fin de l’année 1636, Louis XIII avait fait le vœu privé de consacrer son royaume à la Sainte Vierge, avant de le faire, publiquement, deux ans plus tard, ainsi que Notre-Seigneur le lui avait demandé, par l’intermédiaire de sœur Anne-Marie de Jésus Crucifié, la dirigée du Père Joseph du Tremblay. Et l’un des premiers fruits de ce vœu fut la conception par la reine Anne d’Autriche d’un héritier à la couronne de France. C’était véritablement un don du Ciel, après vingt ans d’espoirs déçus, et d’angoisse pour l’avenir du Royaume. Peu de temps auparavant, le frère Fiacre, humble convers du couvent des Augustins de Notre-Dame des Victoires, bénéficia d’une apparition de la Vierge Marie portant un enfant, qui n’était pas son Divin Fils, mais « l’enfant que Dieu veut donner à la France ». Et la vénérable Marguerite du Saint-Sacrement, carmélite de Beaune et confidente de l’Enfant-Jésus, était chargée par Notre-Seigneur de prier pour obtenir la naissance d’un héritier au trône royal. À Noël 1635, l’Enfant-Jésus dit à sa confidente qu’il lui accorderait « un Dauphin selon son Cœur », avant de lui faire savoir, le 15 décembre 1637, que la Reine était enceinte. Le 15 août 1638, le Roi consacrait son royaume à la Vierge Marie et, le 5 septembre, Anne d’Autriche mettait au monde Louis Dieudonné, le futur Louis XIV, l’élu du Sacré-Cœur.

Le commencement de son règne effectif, en 1661, après la mort de Mazarin, fut splendide. Louis Dieudonné comprenait quelle était la vocation privilégiée de la France, et la primauté qu’elle devait exercer dans la Chrétienté, en tant que Fille aînée de l’Église. C’est dans ce but qu’il s’appliqua à manifester sa « gloire », sa suprématie dans tous les domaines, militaire, politique, aussi bien que dans les arts, et pour l’élévation de l’ensemble de la Chrétienté.

Les guerres qu’il entreprit ne furent point du tout hégémoniques, mais toujours raisonnables, n’ayant d’autre but que d’établir le “ pré carré ” français, c’est-à-­dire acquérir des frontières naturelles, inviolables, pour préserver le royaume de l’invasion, notamment au Nord, en Flandre, et en Franche-Comté. D’ailleurs, la France exerçait un tel rayonnement que Louis XIV parvint, par une habile diplomatie, à intégrer au Royaume des places qui ne demandaient que cela, comme Strasbourg en 1680.

Au milieu de la gloire qu’il déployait à Versailles, dans les fêtes qui s’y succédaient, il ne faut pas oublier que Louis XIV voulut donner à son peuple l’exemple d’un “ Roi Très Chrétien ”. Il récite la prière avec ses courtisans à son lever et à son coucher, Il assiste à la messe quotidienne, il respecte jeûnes et abstinences, il suit les offices de la Semaine sainte, participe aux grandes processions, etc. S’il céda aux tentations de la chair, il se savait pécheur, et cela ne le détourna pas de son service de l’Église. Il connut une entente profonde avec Bossuet, qu’il nomma grand prédicateur de la cour, et qui entreprit de lutter contre les progrès de l’esprit libertin, de profit et de jouissance.

PROVIDENTIELLES ÉPREUVES.

Mais Notre-Seigneur, pour conduire Louis XIV à s’en remettre à Lui seul en entrant dans son “ grand dessein ”, va permettre que ce Roi se heurte à bien des difficultés afin de lui montrer que sans Lui, l’homme, fût-il roi de France, ne peut rien faire. Ce sont les années tournantes de 1680.

Il découvrit d’abord avec horreur la sombre affaire des poisons, dans laquelle a trempé sa maîtresse, madame de Montespan, et qui le pousse finalement à mettre de l’ordre dans sa vie morale.

C’est ensuite le conflit avec le pape Innocent XI au sujet des nominations épiscopales. Les relations s’enveniment au point que les évêques de France menacent de rompre avec Rome, et le Pape en vient même à excommunier secrètement le roi de France.

En 1688-1689 commence la grande menace de la Ligue d’Augsbourg. L’empereur d’Autriche Léopold, vainqueur des Turcs, se retourne contre la France, aussitôt rejoint par de nombreuses principautés d’Allemagne et d’Europe centrale. Au même moment, Guillaume III d’Orange, le stadhouder de Hollande, protestant fanatique, ennemi personnel de Louis XIV, devient roi d’Angleterre. L’Espagne, enfin, se joignit en 1690, à cette Ligue contre la France. Louis XIV devait donc faire face à la quasi-totalité de l’Europe unie contre lui, et combattre sur toutes les frontières du Royaume, excepté celles du Jura.

C’est dans ces circonstances que Notre-Seigneur intervient, pour offrir le salut du Royaume de France, comme prémices au Règne de son Sacré-Cœur dans le monde entier.

L’OFFRE DU CIEL.

Le 17 juin 1689, Il apparaît une dernière fois à sainte Marguerite-Marie pour lui révéler ses demandes. Lisons notre Père, qui commentait le témoignage de la confidente du Sacré-Cœur :

« “ Il désire donc, ce me semble, entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, pour y être honoré autant qu’il y a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion... 

« Tout ça est d’une profondeur extrême, c’est le moment sublime de l’histoire de France, selon moi. Jésus a été outragé dans le palais de Caïphe, dans le palais de Pilate et dans le palais d’Hérode. Il veut, en cette année 1689, être honoré dans les palais des rois et des grands prêtres.

« “ ... et qu’il reçoive autant de plaisir de voir les grands de la terre abaissés et humiliés devant lui, comme il a senti d’amertume de se voir anéanti à leurs pieds. 

« Jésus a été plein d’amertume quand il était anéanti, Lui, le Fils de Dieu, amertume pour sa gloire, mais amertume pour le bien des humains qu’Il venait sauver, lorsqu’il était humilié devant les grands de la terre. Imaginez Hérode, Pilate et Caïphe ligués contre Lui ! Il veut maintenant être glorifié.

« “ Et voici les paroles que j’entendis au sujet de notre roi : Fais savoir au fils aîné de mon sacré Cœur... 

« Pas étonnant que ce soit le fils aîné parce que depuis Clovis, la France a été considérée par les papes et les évêques et elle a été déclarée par certains papes, d’une manière très explicite, la fille aînée de l’Église. Lui est le fils aîné de mon sacré Cœur, parce qu’il est roi de France.

« “ Fais savoir au fils aîné de mon sacré Cœur, que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance... 

« Prières de Marguerite du Saint-Sacrement, de Beaune, au Saint Enfant Jésus, pour que le royaume ait un dauphin. Nous sommes en plein miracle ! Mais il y a un plan en cela. Louis XIV va recevoir la réponse à son angoisse : mais enfin pourquoi, moi, ai-je été ainsi considéré, prédestiné par Dieu, pour quelle tâche ? La voici :

« “ Fais savoir au fils aîné de mon sacré Cœur, que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu’il fera de lui-même à mon Cœur adorable, qui veut triompher du sien... 

« C’est une affaire de Cœur à cœur. C’est sublime. Ce n’est pas une affaire officielle, publique, extérieure. Jésus veut le cœur de Louis XIV. Il veut qu’il se purifie de ses tentations, de ses infidélités à la loi de Dieu, il veut que Louis XIV consacre son cœur au Cœur de Jésus.

« “ ... et par son entremise de celui des grands de la terre. 

« Quand Louis XIV se sera fait le dévot du Sacré-Cœur, les grands de la terre, les autres rois et les princes, et les princes de sa propre Maison, seront comme amenés à le faire.

« Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre triomphant de tous les ennemis de la sainte Église. 

« C’est là déjà la coalition de tous ces pays germaniques et anglo-saxons tombés dans le protestantisme, pleins de haine pour le roi de France autant que pour le pape de Rome qui pourtant s’est fait leur allié à ce moment-là, ce sont ces royaumes gouvernés par des têtes superbes et orgueilleuses, on pense à ce Guillaume d’Orange par exemple, on pense à celui qui bientôt se déclarera indûment roi de Prusse, et tous ces hommes-là sont les ennemis du Sacré-Cœur et le Sacré-Cœur va employer les armées de Louis XIV pour les humilier et les convertir sans doute.

« “ ... pour le rendre triomphant de tous les ennemis de la sainte Église ”, qui sont aussi les ennemis de son Royaume.

« Voilà ce que Marguerite-Marie a entendu le 17 juin 1689. » (Conférence Louis Dieudonné II, 1989)

Ainsi le roi de France est-il la “ pièce maîtresse ” du grand dessein du Sacré-Cœur de Jésus. C’est à lui, en premier lieu, que Notre-Seigneur a adressé ses demandes, parce qu’il avait alors une influence telle qu’il pouvait entraîner toute la Chrétienté, et ainsi obtenir l’accomplissement des promesses du Sacré-Cœur. Notre Père disait qu’on se prend à rêver de ce qui aurait pu être et qui n’a pas été... Mais, ajoutait-il, il faut rêver de ce qui aurait pu être, parce que, grâce à Dieu, ce qui aurait pu être sera ! Le Sacré-Cœur a promis qu’il régnerait, malgré Satan et ses suppôts.

QU’AURAIT DONC ÉTÉ LE RÈGNE DU SACRÉ-CŒUR EN CE XVIIe SIÈCLE ?

Premièrement, Notre-Seigneur promettait un grand renouveau de la ferveur, de la dévotion, dans l’Église.

Sainte Marguerite-Marie écrivait que le Divin Cœur de Jésus « avait choisi Louis XIV comme son fidèle ami pour faire autoriser la messe en son honneur par le Saint-Siège apostolique et en obtenir tous les autres privilèges qui doivent accompagner cette dévotion de ce Sacré-Cœur. »

Précisément, en cette année 1689, Innocent XI rendit son âme à Dieu. Ses successeurs, Alexandre VIII puis Innocent XII, se montrèrent beaucoup plus bienveillants envers Louis XIV, qui aurait donc aisément pu leur demander d’autoriser la messe en l’honneur du Sacré-Cœur, et de favoriser cette dévotion en lui accordant des indulgences.

Ainsi le culte du Sacré-Cœur se serait-il répandu rapidement dans toute l’Église, par la hiérarchie, et c’eût été le vrai remède aux débats sans fin, extraordinairement embrouillés, suscités par les jansénistes, les quiétistes et les humanistes, où s’épuisait la théologie. Jusqu’en 1685, Molinos, le docteur du quiétisme, tenait pignon sur rue à Rome, avec le soutien de personnages influents du Saint-Siège, malgré les mœurs dissolues qu’entraînait sa fausse mystique ! Et si on trouvait alors de grands défenseurs de la foi, comme Bossuet, il manquait une mystique vraie et enthousiasmante, qui nourrisse les esprits et embrase les cœurs.

La révélation du Sacré-Cœur de Jésus, de sa Miséricorde infinie, aurait été le remède au jansénisme, tandis que la révélation des exigences de la Sainteté de Justice, ainsi que les petites pratiques de dévotion, de religion demandées par Notre-Seigneur auraient été un rempart contre l’illusion quiétiste.

Et non seulement cela, mais ce culte nouveau aurait pu susciter un grand élan de conversion, de sanctification dans tout le peuple chrétien, selon Sa promesse. Dans l’une de ses lettres, sainte Marguerite-Marie évoquait les « trois canaux qui jaillissent de la source du Cœur de Jésus » :

« Premièrement, de miséricorde pour les pécheurs, sur lesquels découle l’esprit de contrition, de pénitence.

« Le second est de charité, qui s’étend pour le secours de tous les misérables qui sont en quelque nécessité, et particulièrement pour ceux qui tendent à la perfection. » Dans une autre lettre, sainte Marguerite-Marie développe davantage cette promesse : « Pour les personnes séculières, elles trouveront par le moyen de cette aimable dévotion, tous les secours nécessaires à leur état, c’est-à-dire la paix dans leurs familles, le soulagement dans leurs travaux, les bénédictions du Ciel dans toutes leurs entreprises, la consolation dans leurs misères ; et c’est proprement dans ce sacré Cœur qu’elles trouveront un lieu de refuge pendant toute leur vie et principalement à l’heure de la mort. Ah ! qu’il est doux de mourir après avoir eu une tendre et constante dévotion au sacré Cœur de Jésus-Christ ! »

Enfin, « du troisième découlent l’amour et la lumière pour les parfaits amis qu’il veut unir à lui, pour leur communiquer sa science et ses maximes, afin qu’ils se consacrent entièrement à lui procurer de la gloire, chacun en sa manière ; et la Sainte Vierge sera la spéciale protectrice de ceux-ci, pour les faire arriver à cette vie parfaite. »

Elle écrivait encore : « Que ne puis-je raconter tout ce que je sais de cette aimable dévotion et découvrir à toute la terre les trésors de grâces que Jésus-Christ renferme dans ce Cœur adorable et qu’il a dessein de répandre avec profusion sur tous ceux qui la pratiqueront ! Je vous conjure, mon révérend Père, n’oubliez rien pour l’inspirer à tout le monde [...]. Les trésors de bénédictions et de grâces que ce sacré Cœur renferme sont infinis. Je ne sache pas qu’il y ait nul exercice de dévotion dans la vie spirituelle qui soit plus propre pour élever en peu de temps une âme à la plus haute perfection et pour lui faire goûter les véritables douceurs qu’on trouve au service de Jésus-Christ. Oui, je le dis avec assurance, si l’on savait combien cette dévotion est agréable à Jésus-Christ, il n’est pas un chrétien, pour peu d’amour qu’il ait pour cet aimable Sauveur qui ne la pratiquât d’abord. »

Ce culte nouveau aurait donc suscité une grande rénovation de la vie religieuse, ainsi que la confidente du Sacré-Cœur l’écrivait ensuite :

« Faites en sorte, surtout, que les personnes religieuses l’embrassent, car elles en retireront tant de secours qu’il ne faudrait point d’autre moyen pour rétablir la première ferveur et la plus exacte régularité dans les communautés les moins bien réglées et pour porter au comble de la perfection celles qui vivent dans la plus grande régularité. »

Elle en avait elle-même donné le modèle dans son monastère de Paray-le-Monial, dont le démon était pour ainsi dire devenu le maître, mais dont les religieuses infidèles se sont peu à peu converties grâce au Sacré-Cœur, par elle.

Parmi ces communautés religieuses, de même que la Visitation, la Compagnie de Jésus reçoit des promesses particulières, et la charge de répandre la dévotion au Sacré-Cœur. Les jésuites étaient alors très nombreux et très influents dans toute la Chrétienté, mais beaucoup d’entre eux avaient tendance à l’humanisme et au laxisme moral, dont certaines propositions de casuistique furent même condamnées par Rome en 1679 et en 1700.

Sainte Marguerite-Marie écrivait : « Le divin Cœur désire ardemment d’être connu, aimé, honoré particulièrement de ces bons Pères, auxquels il promet, si je ne me trompe, de répandre tellement l’onction de son amour sur leurs paroles avec des grâces fortes et puissantes, qu’elles seront comme un glaive à deux tranchants, qui pénétreront les cœurs les plus endurcis des plus obstinés pécheurs, pour en faire sortir la source d’une véritable pénitence qui purifie et sanctifie les âmes. Mais il faut que, pour cela, ils tâchent de puiser toutes leurs lumières dans la source du sacré Cœur. » Et donc qu’ils se purifient de leur humanisme mondain.

LA CONQUÊTE DU MONDE AU SACRÉ-CŒUR.

Conjointement à ce renouveau de ferveur dans l’Église, Notre-Seigneur promettait une prodigieuse extension de la Chrétienté, qui aurait dû aboutir à son Règne sur toute la terre. C’est pour cela que son Sacré-Cœur veut « régner dans le palais de Louis XIV, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, afin de les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre triomphant de tous les ennemis de la Sainte Église. »

Il s’agit donc, en cette année 1689, de la Ligue d’Augsbourg, de cette coalition dont le plus acharné contre Louis XIV, le pire ennemi de la Sainte Église est Guillaume III d’Orange. En premier lieu, le Sacré-Cœur donnerait à son Fils aîné la victoire contre lui, et le rétablissement d’une monarchie catholique en Angleterre, ce que Louis XIV tenta vainement d’obtenir par ses propres forces, jusqu’en 1692. La coalition rassemblait aussi les principautés germaniques protestantes, dont la Prusse. Sous l’étendard du Sacré-Cœur, grâce à Lui, les armées de France auraient triomphé de ces hérétiques qui infestent l’Europe depuis la révolte de Luther. Suite à ce miracle, il aurait été facile à l’Église de reconquérir ces peuples, de les convertir, notamment grâce à l’apostolat des jésuites. Ainsi la première victoire du Sacré-Cœur aurait été la guérison du cancer protestant qui gangrène la Chrétienté depuis 1517.

La Ligue d’Augsbourg comptait aussi deux souverains catholiques, l’empereur Léopold d’Autriche et le roi Charles II d’Espagne. Le premier fut un grand défenseur de la Chrétienté contre les Turcs, mais il voulait rivaliser avec le roi de France. Le second s’était joint à la coalition sous l’influence de l’empereur, mais il était naturellement très proche de Louis XIV, qui était veuf de sa sœur, la reine Marie-Thérèse. Le petit-fils du “ Roi-Soleil ”, Philippe, lui succéda sur le trône d’Espagne. Devant les victoires miraculeuses que le Sacré-Cœur aurait accordé à la France, et grâce à la médiation de l’Église, ces deux souverains auraient eu toutes les raisons, non seulement de faire la paix avec Louis XIV, mais de le suivre dans sa dévotion au Sacré-Cœur.

Alors, par ce concert des nations chrétiennes, le règne du Christ-Roi se serait étendu sur toute la terre. Avec l’empereur d’Autriche, le roi de France aurait pu reprendre la Croisade contre l’Empire ottoman qui tombait en morceaux, au lieu de soutenir les Turcs pour affaiblir les Autrichiens ! Il aurait repris les projets de conquête d’Alger qu’il avait entrepris au commencement de son règne, ouvrant ainsi la Terre sainte, et toute l’Afrique, à la colonisation et à l’évangélisation.

Quant à l’Amérique, la victoire contre les puissances protestantes aurait mis fin à la guerre acharnée menée par les Anglais et les Hollandais contre nos colonies, particulièrement le Canada. Et tous les États-Unis, dont Robert Cavelier de la Salle avait pris possession au nom du roi de France, en descendant le Mississippi jusqu’au golfe du Mexique, auraient pu bénéficier de notre colonisation et de nos missionnaires, au lieu de tomber sous la coupe des protestants. De même que l’Asie, si les jésuites envoyés là-bas avaient été de fervents dévots du Sacré-Cœur au lieu de se perdre dans l’inculturation et une folle missiologie syncrétiste.

On voit ainsi par quels moyens Notre-Seigneur voulait établir son Règne : par l’Église et par la force temporelle des nations chrétiennes, pour sauver, s’il est possible, tous les hommes, les engager à répondre à l’amour de son Divin Cœur.

HÉLAS ! CE GRAND DESSEIN FUT CONTRARIÉ, ENTRAVÉ

Ce qui devait être n’a pas été. C’est le mystère de l’orthodromie divine, conduite par Dieu vers l’accomplissement de ses volontés, malgré l’infidélité des hommes. Il a permis cela.

Louis XIV, dont l’obéissance aurait dû entraîner toute la Chrétienté, n’a pas voulu. Notre-Seigneur l’a dit explicitement à sœur Lucie en 1931, se plaignant que le Saint-Père lui oppose le même refus : « Ils n’ont pas voulu écouter ma demande. Comme le roi de France, ils s’en repentiront, mais ce sera tard. Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le malheur. Jamais il ne sera trop tard pour recourir à Jésus et à Marie. » (cf. frère François de Marie des Anges, Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, p. 213)

Les jésuites aussi négligèrent les demandes du Sacré-Cœur, mis à part quelques saintes exceptions comme saint Claude la Colombière, et les Pères Croiset et de Galliffet, qui se consacrèrent à répandre cette dévotion, notamment par des ouvrages remarquables. Mais ils rencontrèrent de vives oppositions à Rome même, jusqu’au pape Benoît XIV (régnant de 1740 à 1758) qui fit résolument obstacle au culte du Sacré-Cœur, arguant qu’il est inadmissible d’avoir de la dévotion pour un muscle, un organe particulier du Christ !

Ainsi, si le culte du Sacré-Cœur se répandit peu à peu dans le peuple grâce à de saintes âmes, à de saints prédicateurs comme saint Louis-Marie Grignion de Montfort, son grand dessein n’a pu s’accomplir. Notre-Seigneur n’a pas recouvré la royauté universelle à laquelle Il aspire, sur les rois et sur les princes en même temps que sur toute l’Église, par un culte vraiment public. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais on ne refuse pas impunément la miséricorde : le châtiment va tomber, terrible. Au lieu du dessein d’amour du Sacré-Cœur, qui voulait ruiner l’empire de Satan, ce fut la victoire des enfers déchaînés, pour le malheur des hommes ici-bas, et la damnation éternelle d’un grand nombre d’âmes.

LE “ GRAND DESSEIN ” DE SATAN : 
TOUT POUR CONDUIRE LES ÂMES EN ENFER

Dans ce but, il va s’acharner à détruire les institutions dont le Bon Dieu se sert pour sauver les âmes, à commencer par les nations catholiques, et la première, la monarchie française.

Cela commence dès les années 1690 avec Fénelon, ce jeune évêque ambitieux et séduisant, précepteur du dauphin, très influent à la cour. Il y répandit son mauvais esprit contre l’absolutisme de Louis XIV, ainsi que sa fausse mystique. Son Télémaque, une satyre allégorique du grand Roi, prétend tracer les lignes d’un gouvernement idéal fondé sur l’amour et la fraternité, tablant sur la bonté et la vertu de tous les hommes et dénonçant la guerre comme le plus grand des maux. Il inspira profondément l’esprit révolutionnaire des prétendues “ lumières ”, notamment Rousseau, qui fut son fervent admirateur.

À sa mort, le chevalier de Ramsay, qui installa la franc-maçonnerie en France, poursuivit son œuvre de sape. Ainsi l’esprit de contestation et de libéralisme se propagea-t-il dans les hautes classes de la société, jusqu’à la cour. Le jansénisme renaissant et le laxisme s’implantaient aussi durablement, malgré tous les efforts du Roi et de Bossuet.

En même temps, les puissances protestantes ennemies de la France, que le Sacré-Cœur voulait vaincre, affermissaient leur pouvoir. Louis XIV, malgré tout son génie politique, échoua dans son dessein de vaincre Guillaume III sur son propre sol. En 1692, après nos défaites navales de Barfleur et de La Hougue, il est définitivement et solidement établi sur le trône d’Angleterre, qui devient le foyer et le soutien de toutes les subversions contre la papauté, les monarchies catholiques et tout spécialement la couronne des lys.

Au terme de la guerre de succession d’Espagne, en 1712, le funeste traité d’Utrecht scelle cet affermissement des puissances protestantes. Georges de Hanovre, nouvel usurpateur plus fanatique encore que Guillaume d’Orange, est reconnu roi d’Angleterre, tandis que Frédéric de Hohenzollern, l’électeur de Brandebourg qui s’est autoproclamé “ roi de Prusse ” en violation des usages internationaux, voit aussi son pouvoir affermi. L’Angleterre, en outre, nous contraint de céder l’Acadie et les territoires de la baie d’Hudson, fermant comme d’un verrou l’accès de notre Canada français et commençant sa protestantisation forcée. Cela sonne le glas de la colonisation française sur le continent américain.

Cette fin du règne de Louis XIV est très sombre, même si le Roi reste d’une grande dignité. Une épidémie de variole décime son entourage et met en péril la succession royale. À sa mort en 1715, il ne lui reste qu’un arrière-petit-fils de trois ans, le futur Louis XV, et le duc d’Orléans, son libéral et ambitieux petit-neveu, qu’il n’aime pas.

UN TERRIBLE FIGURATIF : LA RÉGENCE DU DIABLE.

La régence du duc d’Orléans figure bien le châtiment que s’attire la monarchie française en refusant de se soumettre au règne du Sacré-Cœur. Peu de temps après la mort du Roi, le Régent fait casser son testament par le Parlement de Paris, afin de se faire accorder tous les pouvoirs. C’est une véritable usurpation.

Il rompt d’emblée avec le caractère sacré, personnel, du pouvoir royal, en instaurant autour de lui un ordre de conseils, cellules incapables de gouverner, dissipées en mille discussions et querelles. C’est la création d’une coterie manœuvrée par des intérêts privés, par l’argent et l’opinion. La folle politique financière du Régent, le premier à “ faire marcher la planche à billets ”, profite aux spéculateurs les moins scrupuleux, aux dépens des honnêtes gens.

La morale n’échappe pas au débordement, le duc d’Orléans payant lui-même d’exemple, notoirement. Ce chancre de l’immoralité, du libertinage, fixé dans le corps de la société française, à sa tête aristocratique, n’en sera plus arraché. Et c’est par la corruption de l’âme et des sens que cette aristocratie et le haut clergé qui en est issu coururent à leur perte, entraînant la couronne sacrée dans leur chute.

La dépravation intellectuelle, moins voyante, n’en est pas moins destructrice de la nation. C’est la grande offensive de la philosophie rationaliste, panthéiste ou athée, venue de l’étranger, qui suscite des émules en France avec Voltaire et Montesquieu.

Leur critique corrosive des institutions françaises est accompagnée d’un éloge de la libérale Angleterre, avec laquelle le Régent a commis le crime de faire Alliance, ainsi qu’avec les Provinces-Unies protestantes, contre la catholique Espagne, où règne Philippe V, le petit-fils de Louis XIV !

LE CHÂTIMENT ET SON REMÈDE.

Et pourtant, le Sacré-Cœur n’abandonne pas son dessein de miséricorde. En 1720, une épidémie de peste touche Marseille, en châtiment de son immoralité et du jansénisme qui gangrenait son clergé. En trois mois, la ville a été réduite de moitié, avec quarante mille morts. Faute d’hôpitaux, les cadavres décomposés jonchent les rues de la cité. Notre-Seigneur fait alors savoir à sa confidente, sœur Anne-Madeleine Rémuzat, qu’Il mettrait fin au châtiment si l’Église de Marseille avait recours à son Sacré-Cœur.

Après bien des atermoiements des échevins, la ville tout entière fit une cérémonie publique d’amende honorable derrière son saint évêque, Mgr de Belsunce, si bien que l’épidémie prit fin rapidement et définitivement. Ce miracle eut un grand retentissement dans tout le royaume, contribuant à une grande extension du culte du Sacré-Cœur. Tout au long du dix-huitième siècle, cela parut aux âmes saintes le modèle de ce qu’il faudrait faire pour obtenir le salut de la France par le Sacré-Cœur.

LOUIS XV CÈDE PAR FAIBLESSE.

En effet, quand en 1723 s’achève cette régence du diable, par l’accession au pouvoir du jeune Louis XV, tout laisse présager un grand règne. Courageux, travailleur, d’une piété et d’une vertu réelle, manifestant une grande sagesse politique, un grand sens de l’administration, un grand courage militaire, il fut, pour son peuple, “ le bien-aimé ”. Il a beaucoup aimé, au commencement de son règne, sa sainte épouse, Marie Leczinska, qui avait déjà embrassé avec ardeur la dévotion au Sacré-Cœur révélée à Paray-le-Monial.

Mais le démon ne chômait pas. Louis XV a été pris par la folie des sens, il s’est livré à ses maîtresses, qui elles-mêmes étaient dirigées par la franc-maçonnerie. En 1745, il s’éprend d’une passion folle pour celle qu’il nomma ensuite marquise de Pompadour. Par elle, le diable reprend possession du cœur du Roi et par là de la France, expliquait notre Père. Athée, amie intime de Voltaire, elle soutient tous les mauvais esprits du royaume, avec l’argent de Louis XV qui ne lui refuse rien. Le gouvernement royal en est profondément affaibli : au traité de Paris, en 1763, la France perd tout son empire colonial américain, la “ terre sainte ” de Nouvelle-France, ainsi que le Sénégal et les Indes, à l’exception des Antilles, pour continuer le commerce ! Ce sont des dizaines de milliers de Français ardemment catholiques et royalistes abandonnés aux mains homicides des anglo-­protestants... C’est l’antithèse absolue du grand dessein du Sacré-Cœur.

L’année suivante, le funeste ministre Choiseul, ami de la Pompadour, obtient l’expulsion puis l’abolition de l’ordre des jésuites. La Justice divine commence ainsi à frapper ceux qui n’ont pas voulu répondre aux demandes du Sacré-Cœur, mais c’est aussi le dernier rempart contre l’impiété grandissante qui est abattu.

Louis XV ! s’exclamait notre Père. S’il avait été chaste, il aurait eu le don de Dieu d’être fidèle à son épouse et de se ranger tout au service du Sacré-Cœur, il aurait été le plus grand Roi, beaucoup plus grand encore que Louis XIV.

LA VANITÉ DE LOUIS XVI ENTRAÎNE LA RÉVOLUTION.

« Pour moi, disait notre Père, je pense finalement que Louis XVI a été le plus mauvais roi de sa dynastie. Il a été celui que Maurras appelait “ Télémaque XVI ” c’est-à-dire que, disciple de Fénelon, imbu de quiétisme, de romantisme, disciple de Rousseau, il a voulu être aimé de son peuple et, déclarant l’aimer, il n’a pas fait son métier de roi qui n’est pas d’aimer, mais de gouverner ! Ou plus exactement, de trouver dans son amour conduit par la raison et par la sagesse politique, la fermeté de gouverner. Pour moi, il a offusqué le Sacré-Cœur, parce que c’était son cœur à lui qu’il donnait au fond à aimer et à adorer et à son peuple, au lieu de se rapporter au Sacré-Cœur. Mais ça, c’est une vue mystique. »

Affronté aux agitations croissantes suscitées par la franc-maçonnerie, par les protestants, les jansénistes, subversion diabolique animée par les idées des prétendues “ Lumières ”, il n’a pas voulu les combattre, comme il en avait le devoir. Il n’a pas eu recours au Sacré-Cœur pour obtenir d’en être délivré.

Ainsi, disait encore notre Père, « le crime de Louis XVI s’accomplit en un mois, le mois de juin 1789 : Louis XVI s’efface devant l’Assemblée nationale, ou plutôt devant les États généraux qu’il reconnaît comme Assemblée nationale. C’est le tiers état qui se constitue Assemblée nationale, le 17 juin 1789, cent ans après les promesses du Sacré-Cœur, comme une sorte de châtiment. Il se fait Assemblée constituante et c’est le roi lui-même, Louis XVI, le 27 juin, dix jours après, qui reconnaît l’événement et qui s’efface, efface son pouvoir royal en faveur de ce prétendu souverain, parfaitement illégal, qui est une démocratie où des représentants du peuple illégalement réunis décident de donner une nouvelle constitution à la France.

« Louis XVI est ainsi le créateur de la République, c’est vraiment l’homme indispensable sans lequel jamais la République n’aurait vu le jour en France. Il le fait en violation du serment de son sacre et en violation de toute la tradition de sa famille. Louis XVI est un criminel ! »

Il reconnaît ainsi la “ souveraineté populaire ” qui est le fondement même de la Révolution. Le pouvoir vient-il de Dieu ou des hommes ? Louis XVI accepte que ses sujets s’émancipent de l’autorité divine, pour se gouverner eux-mêmes. Lui qui devait être le lieutenant du Sacré-Cœur a accepté que son royaume bafoue ainsi la souveraineté du Christ-Roi.

Aussitôt, le duc d’Orléans profite de cette faiblesse, de cette aberration de Louis XVI pour susciter la terreur, en vue de régner à sa place. C’est lui qui est aux commandes des émeutes révolutionnaires, payant de ses deniers des agitateurs comme Robespierre, dont il fut finalement la victime.

LE TRIOMPHE DE SATAN

Quand Louis XVI, le lieutenant du Christ sacré à Reims, est guillotiné le 21 janvier 1793, et que la Terreur fait couler des flots de sang innocent, il apparaît clairement que c’est désormais le démon qui règne sur la France, en la personne des députés Jacobins menés par Robespierre.

L’Église de France est brisée par la Constitution civile du clergé. Les prêtres qui veulent rester fidèles à leur foi et qui refusent de prêter serment de fidélité aux idées révolutionnaires sont persécutés, guillotinés. Un grand nombre d’âmes, privées des sacrements et de la prédication de la vérité, sont jetées sur la voie de l’impiété. Les ordres religieux, déjà dissous en 1790, offrent nombre de victimes saintes, comme les carmélites de Compiègne, qui montent à l’échafaud le 17 juillet 1794 pour “ crime ” de dévotion au Sacré-Cœur. Les révolutionnaires avaient trouvé chez elles un hymne contre-révolutionnaire chantant la libération du Roi et le bonheur du peuple à l’heure du triomphe du Sacré-Cœur. Cela figure bien la lutte menée par l’empire de Satan contre le grand dessein du Cœur de Jésus.

Mais les massacres de la Terreur ne pouvaient pas durer indéfiniment. On a compté 1500 guillotinés, uniquement pour Paris, en juin-juillet 1794 ! Quand les plus furieux des diaboliques se furent entretués, le “ noyau dur ” de la Révolution instaura le Directoire puis l’Empire, pour pérenniser ses acquis et sa fortune. La reprise du culte fut autorisée en 1795. Les prêtres exilés revinrent, la foi partout refleurit, plus ardente. La République, fatiguée de tant de crimes, avait-elle desserré son emprise ? Non pas, mais celle-ci devenait plus subtile, plus pernicieuse.

Sous le Directoire, toute velléité de réaction royaliste est écrasée dans le sang. Les prêtres qui refusent de faire serment de « haine à la royauté et d’attachement à la République » sont déportés ou exécutés.

Mais Napoléon Bonaparte, à qui les révolutionnaires remettent le pouvoir pour sauver la République à bout de souffle, comprend qu’il n’est plus question de réduire l’Église par la persécution, mais de la séduire et de l’asservir. Dès 1799, il institue la liberté des cultes, supprime les serments à la République, et travaille à établir un concordat avec le Saint-Siège, qui fut signé le 15 juillet 1801.

PAR CE CONCORDAT, L’ÉGLISE EST LIÉE À LA RÉVOLUTION.

En acceptant ce concordat, malgré les vives oppositions qu’il a rencontrées parmi ses cardinaux, le pape Pie VII a tout d’abord cédé sur les principes. Car la religion catholique n’y était plus reconnue comme la seule vraie, mais uniquement comme celle professée par la majorité des Français. L’État de Napoléon demeurait laïque, et le Pape admettait cette laïcisation de la politique, renonçant donc pratiquement au règne du Christ sur la France. C’est absolument l’antithèse de ce que voulait faire le Sacré-Cœur avec son « fils aîné », le Roi sacré. La religion fut ainsi cantonnée dans la sphère de la “ conscience ”, au rang de n’importe quelle conviction personnelle.

Deuxièmement, ce Concordat marquait une aliénation de l’Église au gouvernement révolutionnaire, qui se chargeait désormais de nommer les évêques et de rétribuer le clergé, moyennant une promesse de fidélité de tous les clercs... L’Église est ainsi devenue la servante de l’État, qui nomme évidemment de préférence des évêques qui lui sont favorables, c’est-à-­dire ouverts aux principes révolutionnaires de 1789, aux Droits de l’homme, “ liberté-égalité-fraternité... ou la mort ” !

Satan, après avoir renversé la monarchie, commence donc insensiblement à instiller dans l’Église le venin de la Révolution, cause de notre ruine actuelle.

Mais le Divin Cœur de Jésus, compatissant à la misère et détresse de son peuple de France, offrit une nouvelle fois sa miséricorde.

LA RESTAURATION

Car la longue passion du petit Louis XVII dans les infâmes geôles républicaines a expié l’infidélité de ses pères au Christ-Roi. Le sang versé par tant de saintes victimes de la fureur révolutionnaire, de même que les larmes et les supplications de tant d’âmes dévotes au Divin Cœur de Jésus, obtinrent la fin du châtiment, et le retour du Roi. En 1815, les princes d’Europe coalisés, excédés par les folles guerres de Napoléon, viennent le défaire jusqu’en France et imposent le retour de la dynastie légitime des Bourbons.

Louis XVIII, bien qu’il ait accepté d’emblée une Constitution parlementaire pour le Royaume, avait un sens profond de sa légitimité. Il était conscient de tenir son autorité d’En-Haut, de gouverner au Nom de Dieu, à qui il devrait rendre compte. Quand son frère lui succède en 1824 sous le nom de Charles X, il tient à être sacré à Reims, bravant les railleries des impies, mais aux acclamations de son peuple, pour bien manifester que la grâce de la religion royale était retrouvée au Royaume de France.

Aussi, en peu de temps, dès 1815, le pays libéré retrouve-t-il sa paix, sa joie de vivre et sa prospérité. L’Église est libérée de la tutelle républicaine, et de nouveau soutenue par le pouvoir royal. Dès 1816, un projet de révision du concordat de Napoléon est lancé, notamment pour que l’Église recouvre les biens spoliés pendant la Révolution, et surtout pour que la Religion catholique règne à nouveau sur la société.

Cette nouvelle proposition de concordat élaborée par le Roi fut approuvée par Rome en 1817. Mais l’obstacle vint de la chambre des députés qui, selon la Charte de la Restauration, devait ratifier les conventions diplomatiques. C’était absurde, mais Louis XVIII accepta de soumettre ce projet aux votes des députés, qui étaient majoritairement libéraux, francs-maçons et voltairiens, et qui imposèrent de tels amendements que ce concordat ne put passer en loi d’État. Louis XVIII en prit son parti, le Saint-Siège également... et le funeste concordat de Napoléon perdura.

Le parlementarisme fut la plaie, le cancer de la Restauration. Les députés, même quand ils étaient royalistes, “ plus royalistes que le roi ! ” prétendaient représenter le peuple souverain, et n’hésitèrent donc pas à s’opposer à la politique royale. Cette prétendue souveraineté populaire, qui est le pernicieux héritage de la Révolution, s’oppose à la pleine souveraineté du Christ, dont il faut reconnaître le pouvoir absolu en son “ lieu-tenant ”, le Roi sacré. D’autre part, politiquement, cette coexistence d’un pouvoir royal et d’une assemblée parlementaire entraîne infailliblement une division dans l’État, et ouvre la porte à toutes les contestations. D’autant que Louis XVIII, dans sa volonté de réconciliation nationale, avait largement amnistié les criminels de la Révolution et de l’Empire, y compris les régicides... conservant même à des postes d’autorité des fonctionnaires du régime républicain. Restait donc en place tout un “ pays légal ” influent, sourdement ennemi du Roi et de l’Église.

Cette Restauration monarchique était donc mal assise. Dieu l’a permis pour que ce soit le Divin Cœur de son Fils, et Lui seul, qui puisse sauver la France du châtiment, et lui donner une paix, une sécurité, un ordre durables.

LE SACRÉ-CŒUR ÉTAIT PRÊT À TOUT RESTAURER.

En effet, le Cœur de Jésus renouvela sa demande au Roi de France en 1822-1823, par l’intermédiaire de sœur Marie de Jésus, religieuse de la Congrégation de Notre-Dame au couvent des Oiseaux à Paris :

« La France est toujours bien chère à mon divin Cœur, lui dit-Il, et elle lui sera consacrée. Mais il faut que ce soit le Roi lui-même qui consacre sa personne, sa famille et tout son royaume à mon Divin Cœur, et qu’il lui fasse, comme je te l’ai déjà dit, élever un autel, ainsi qu’on en a élevé un au nom de la France, en l’honneur de la Sainte Vierge. Je prépare à la France un déluge de grâces lorsqu’elle sera consacrée à mon Divin Cœur [...]. Je prépare toutes choses : La France sera consacrée à mon Divin Cœur et toute la terre se ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle. La foi et la religion refleuriront en France par la dévotion à mon Divin Cœur. » (cf. Résurrection n° 13, janvier 2002, p. 26)

Ainsi, tout était encore possible. Après l’humiliation, l’épreuve de la Révolution, le triomphe du Sacré-Cœur aurait été magnifique. Par l’expédition contre-révolutionnaire en Espagne (1820), et la prise d’Alger la barbaresque (1830), la France retrouvait son rayonnement missionnaire et colonial qui devait servir au grand dessein du Sacré-Cœur. Mais pour qu’il s’accomplisse, il aurait fallu de la part du Roi un grand acte de foi, ainsi que le courage pour affronter les railleries des impies, en affirmant ainsi publiquement la soumission de la monarchie au Christ-Roi, et non à la prétendue souveraineté populaire.

Le bruit de cette demande se répandit bientôt dans la capitale. Pour s’assurer de son authenticité, les duchesses d’Angoulême et de Berry visitèrent sœur Marie de Jésus. Mais Louis XVIII craignit d’accomplir cette demande publiquement, par crainte des polémiques qu’elle suscitait déjà dans la presse libérale et gallicane. Charles X, son frère, également. Sept ans plus tard, en 1830, la Révolution renversait leur trône... Entre le Sacré-Cœur et Satan, “ il n’y a pas de moyen terme ”.

Charles X était pourtant très aimé de son peuple de France. La révolution de 1830 ne fut pas du tout un soulèvement spontané, mais une sédition téléguidée par le “ noyau dur ” de la Révolution, bourgeois et financiers voltairiens, au profit de Louis-Philippe d’Orléans, prince ambitieux acquis aux principes de 1789. Cette révolution fut aussi le fruit du mauvais esprit qui bouillonnait à la chambre des députés, contre l’Église, contre le Roi et ses ministres. Et Charles X, ayant juré fidélité à la Charte, refusa de faire le coup de majesté qui s’imposait, pour le salut de la France, pour le bien de son peuple, en Nom Dieu ! Il se laissa renverser en trois jours, acceptant une abdication à laquelle rien ne le tenait.

Ce qui a manqué à cette Restauration pour qu’elle porte des fruits durables, concluait notre Père, ce sont des rois qui veulent régner en véritables “ lieutenants du Christ ”, responsables devant Lui et Lui seul, et mettant toute leur confiance dans son Divin Cœur.

ÉPILOGUE

Le grand dessein du Sacré-Cœur était-il définitivement compromis ?

Une jeune novice des sœurs de la Charité de Paris, sœur Catherine Labouré, eut la révélation surnaturelle du drame qui se déroulait. Le 6 juin 1830, raconte- t-­elle, « Notre-Seigneur m’apparut comme un Roi, avec la Croix sur sa poitrine, dans le Saint-­Sacrement, ce qui était pendant la sainte Messe. Au moment de l’Évangile, il m’a semblé que la Croix coulait sous les pieds de Notre-Seigneur, il m’a semblé que Notre-Seigneur était dépouillé de tous ses ornements, tout a coulé par terre. C’est là que j’ai eu les pensées les plus noires et les plus tristes. C’est là que j’ai eu la pensée que le roi de la terre serait perdu et dépouillé de ses habits royaux, et de là les pensées que j’ai eues, je ne saurais l’expliquer, sur la perte qu’on faisait. »

En la personne de Charles X, c’est le règne du Christ que la révolution de 1830 a renversé.

Le Roi légitime exilé, il n’y a plus de monarque pour obéir aux demandes du Sacré-Cœur. Le Royaume est livré aux puissances de l’argent, impies et corruptrices... Cette nouvelle révolution française embrase de nouveau l’Europe, spécialement la Pologne et l’Italie. Sous la vaste influence de Félicité de Lamennais, l’Église voit naître dans son sein le chancre du libéralisme, de l’ouverture aux idées révolutionnaires... Satan déchaîné étend partout son empire, l’apostasie se répand dans la Chrétienté, pour la perte des âmes.

Les hommes infidèles, ingrats, sont-ils définitivement abandonnés par le Ciel à leur châtiment ? Qui pourrait donc nous obtenir le salut, nous sauver du serpent infernal ?

Réponse, dans les pages suivantes !

frère Joseph-Sarto du Christ-Roi.