Il est ressuscité !

N° 272 – Décembre 2025

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


La Vierge et le Dragon

SELON l’Apocalypse de saint Jean, le grand combat des armées de Satan contre celles de l’Immaculée et de ses anges se déroula d’abord dans le Ciel : « Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme ! le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. » (12, 1-2)

Vierge pèlerine du Cœur Immaculé de Marie de Pontevedra
« Souvenons-nous que Jésus-Christ est un très bon Fils et qu’Il ne permet pas que nous offensions et méprisions sa Très Sainte Mère. »
Vierge pèlerine du Cœur Immaculé de Marie de Pontevedra
(10 décembre 1925  -  10 décembre 2025)

Ce « signe » succède à l’apparition de l’arche d’Alliance (Ap 11, 19) qui en était la figure. La vision de saint Jean dans le ciel de Patmos nous « dévoile », c’est le sens du verbe grec apokaluptein, que l’arche d’alliance était la figure de cette « Femme ».

Au jour de l’Annon­ciation, la parole de l’ange Gabriel avait déjà laissé entendre à Marie que son sein était la première « tente » où « le Verbe a fixé sa tente parmi nous et nous avons vu sa gloire » (Jn 1, 14).

Cependant, lorsque le Ciel s’ouvre aux yeux de saint Jean, ce n’est pas le Christ qui se montre à lui, mais sa Mère, la Reine de miséricorde. Elle s’interpose au moment où « un tremblement de terre » annonce le jugement de Dieu.

La naissance messianique décrite ici n’est donc pas celle de Jésus à Bethléem, mais celle du matin de Pâques, et les douleurs de l’enfan­tement sont celles du Calvaire, annoncées par Jésus avant d’entrer dans sa Passion : « La femme, sur le point d’accoucher, s’attriste parce que son heure est venue. » (Jn 16, 21)

Les premières douleurs sont celles de la compassion de son Cœur Immaculé percé d’un glaive au

pied de la Croix, selon la prophétie de Siméon : « Et toi-même, une épée te transpercera l’âme afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs. » (Lc 2, 35)

Au moment où Jésus souffre pour acquérir une humanité sanctifiée par son Sang ­précieux, c’est alors qu’elle enfante tout un peuple en la personne de Jean : « Femme, voici votre fils » (Jn 19, 26), selon la prophétie d’Isaïe : « Qui a jamais entendu rien de tel, qui a vu rien de pareil ? Accouche-t-on d’un pays en un seul jour ? Enfante-t-on une nation toute à la fois ? Qu’à peine en gésine, Sion ait enfanté ses fils ! » (Is 66, 8) Marie person­nifie Sion.

Ainsi, Marie n’est pas seulement la Mère de Jésus. Elle est l’Épouse de ce nouvel Adam, Père de tous les hommes qu’il sauve sur la Croix en versant son Précieux Sang pour les enfanter

à la grâce. Elle est elle-même Médiatrice de cette
grâce, puisque c’est Elle qui donne la Vie à cet « Enfant mâle » (Ap 12, 5), le Christ en son Corps Mystique.

Le même Esprit-Saint est en Elle et en Lui pour exercer avec Lui une fonction indivisible de ­paternité-maternité afin d’illuminer et sauver leurs enfants.

Ainsi, cette grandiose vision de l’apôtre Jean est un des fondements scripturaires de la foi de l’Église, depuis toujours, en Marie Corédemptrice et Médiatrice de toutes grâces. C’est-à-dire qu’Elle n’est pas uniquement la « première des rachetés », le « prototype et le modèle de ce que Dieu veut accomplir en chaque personne rachetée », dans une « situation clairement réceptive » vis-à-vis du Rédempteur, comme le prétend le cardinal Fernandez dans la note Mater Populi fidelis. Ce passage de l’Apocalypse nous la montre coopérant activement à la Rédemption, en subordination certes, mais inséparable de son Fils, Dieu Notre-Seigneur, pour racheter l’humanité. Voilà bien ce qu’affirmait saint Louis-Marie Grignion de Montfort : « Ce que je dis absolument de Jésus-Christ, je le dis relativement de la Sainte Vierge. Jésus-Christ l’ayant choisie comme compagne indissoluble de sa vie, de sa mort, de sa gloire, de sa puissance au Ciel et sur la terre, Il lui a donné par grâce, relativement à sa majesté, tous les mêmes droits et privilèges qu’Il possède par nature. » Comme l’écrivait Pie XII dans sa bulle dogmatique Munificentissimus Deus, définissant infailliblement le dogme de l’Assomption : « L’auguste Mère de Dieu, mystérieusement unie à Jésus-Christ de toute éternité par un seul et même décret de prédestination, immaculée dans sa conception, Vierge parfaitement intacte dans sa maternité divine, généreusement associée au divin Rédempteur, lequel a remporté un complet triomphe sur le péché et ses suites, (Marie) a enfin obtenu [...] d’être transportée en corps et en âme dans la suprême gloire du Ciel où, Reine, elle resplendirait à la droite de son Fils, Roi immortel des siècles. »

Elle est donc à la fois au Ciel et sur la terre, lorsque saint Jean la voit glorieuse et souffrante. Comme Jésus lui-même « présent dans tous les tabernacles de la terre » en même temps que dans le Ciel. C’est ainsi qu’ils prennent part, tous deux, au combat qui se livre sur la terre, décrit dans les versets suivants.

« Puis un second signe apparut au ciel : un énorme Dragon rouge-feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème. » (Ap 12, 3)

C’est le serpent tentateur de la Genèse, portant les emblèmes du pouvoir convenant à son rang de prince des démons.

« Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. » (Ap 12, 4)

Allusion à la chute des mauvais anges, entraînés par Satan, aux origines. Et, avertissement : ils sont à l’œuvre « sur la terre » !

LE PÉCHÉ CONTRE L’ESPRIT-SAINT.

La note doctrinale du Dicastère pour la doctrine de la Foi, approuvée par le pape Léon XIV, contre Marie Médiatrice et Corédemptrice, montre que le combat se déroule à présent dans le champ clos de l’Église hiérarchique et que ce combat se fait soudain offensif, frontal, inexpugnable sur la terre, nous engageant à découvert dans cette guerre, la dernière, dans un corps à corps contre Satan lui-même qui se cache mal derrière cette “ note doctrinale ”. Un tel texte ne peut venir que de lui.

Comme nous l’écrit une correspondante au retour de notre pèlerinage à Lourdes et Garaison : « D’apprendre à notre retour que le Pape affirme que Marie n’est pas Co-rédemptrice, est un coup de massue, c’est l’attaque du diable qui n’est pas content que nous ayons fait autant de sacrifices ! »

Un tel texte ne peut venir que de lui, comme un accomplissement de l’avertissement de la vénérable sœur Lucie au Père Fuentes :

« La très Sainte Vierge ne m’a pas dit que nous sommes dans les derniers temps du monde, mais je l’ai compris pour trois raisons :

« La première parce qu’elle m’a dit que le démon est en train de livrer une bataille décisive avec la Vierge, et une bataille décisive est une bataille finale où l’on saura de quel côté est la victoire, de quel côté la défaite. Aussi, dès à présent, ou nous sommes à Dieu ou nous sommes au démon ; il n’y a pas de moyen terme.

« La deuxième, parce qu’elle a dit, aussi bien à mes cousins qu’à moi-même, que Dieu donnait les deux derniers remèdes au monde : le saint Rosaire et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et ceux-ci étant les deux derniers remèdes, cela signifie qu’il n’y en a pas d’autres.

« Et, troisième raison, parce que toujours dans les plans de la divine Providence, lorsque Dieu va châtier le monde, il épuise auparavant tous les autres recours. Or, quand il a vu que le monde n’a fait cas d’aucun, alors, comme nous dirions dans notre façon imparfaite de parler, il nous offre avec une certaine crainte le dernier moyen de salut, sa très Sainte Mère. Car si nous méprisons et repoussons cet ultime moyen, nous n’aurons plus le pardon du Ciel, parce que nous aurons commis un péché que l’Évangile appelle le péché contre l’Esprit-Saint, qui consiste à repousser ouvertement, en toute connaissance et volonté, le salut qu’on nous offre. » (Frère François de Marie des Anges, Sœur Lucie, confidente du Cœur Immaculé de Marie, p. 354)

Repousser le salut que nous offre une tradition immémoriale de recours à la Médiation universelle et nécessaire du Cœur Immaculé de Marie est véritablement le « péché contre l’Esprit-Saint », puisque l’amour infini qui coule sans cesse entre les Trois Personnes divines, du Père au Fils, et de leur commun principe au Saint-Esprit, trouve son “ bassin d’accumulation ” dans le Cœur Immaculé de Marie, notre Mère à tous, à jamais ! Et c’est dans ce Cœur si tendrement proposé à notre soif, que nous avons accès par la charité fraternelle à la Vie divine, que nous retournons à la Source de la grâce et de la gloire « au sein du Père, dans l’unique Sagesse filiale et l’Amour spirituel ».

La Sainte Vierge est la Fille de Dieu le Père, la Mère-Épouse de Dieu le Fils, et la Colombe de ­l’­Esprit-Saint, troisième Personne de la Très Sainte Trinité.

« ILS N’ONT PAS VOULU ÉCOUTER MA DEMANDE. »

Sœur Lucie poursuivait : « Souvenons-nous que Jésus-Christ est un très bon Fils et qu’il ne permet pas que nous offensions et méprisions sa très Sainte Mère... » À Pontevedra, Notre-Seigneur en personne lui avait montré à quel point Il est sensible aux offenses faites au Cœur Immaculé de Marie :

« L’Enfant-Jésus me dit : “ Aie compassion du Cœur de ta très Sainte Mère, couvert des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment, sans qu’il y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer. 

« Ensuite la très Sainte Vierge me dit : “ Vois, ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats m’enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes... ” »

Jamais la vénérable sœur Lucie n’aurait imaginé une telle ingratitude que la négation par le Saint-Siège du “ rôle principal ” du Cœur Immaculé de Marie, qui ne fait qu’un avec Celui de son Fils, dans notre rédemption.

Cette apparition de Pontevedra a eu lieu il y a cent ans, précisément : 10 décembre 1925 – 10 décembre 2025. Cet anniversaire nous rappelle un autre avertissement, tragique, de Notre-Seigneur à sa confidente :

« Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le malheur. »

Le 17 juin 1689, le Sacré-Cœur révélait à sainte Marguerite-Marie ses demandes et ses promesses adressées à Louis XIV, qui n’en a pas fait cas. En conséquence, le 17 juin 1789, le “ tiers état ” s’autoproclamait “ assemblée nationale ”, revendiquant la souveraineté populaire contre la souveraineté absolue de la monarchie de droit divin, événement fondateur de la Révolution. Ainsi, le Ciel avait donné aux hommes un siècle de patience et de miséricorde, avant l’exécution du grand châtiment de leur refus.

Dans cette perspective, constatant la violente opposition de notre hiérarchie à la volonté de Dieu d’établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, plus que jamais, nous devons nous attendre au pire pour la Papauté, pour l’Église et pour nos nations. Mais la promesse divine demeure : « Jamais il ne sera trop tard pour recourir à Jésus et à Marie. Comme le roi de France, ils s’en repentiront, et ils le feront, mais ce sera tard. La Russie aura déjà répandu ses erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Le Saint-Père aura beaucoup à souffrir... »

« POUR ELLE, NOUS SOMMES PRÊTS À TOUT ! »

En 1937, saint Maximilien-Marie Kolbe, affronté à de fortes oppositions au sein de son ordre contre sa dévotion à l’Immaculée, annonçait que “ l’épreuve du sang ” serait nécessaire pour qu’advienne enfin son triomphe, dont il conservait l’invincible espérance, au point d’annoncer « qu’au centre même de Moscou se dresserait la statue de l’Immaculée ».

À ses frères de Niepokalanow, en 1938, il annonçait prophétiquement la Seconde Guerre mondiale : « Mes petits enfants, un combat sans pitié va avoir lieu. Je ne sais ce qu’il sera exactement mais ici, en Pologne, nous devons nous attendre au pire. La guerre est beaucoup plus proche qu’on ne l’imagine, et si elle éclate, cela signifiera la dispersion de notre communauté. Vous devez être préparés à une époque pire que celle-ci. »

Mais, ajoutait-il : « Ce sera certainement permis par l’Immaculée pour notre bien. Il ne faudra pas nous attrister, mais adhérer fermement à la volonté de l’Immaculée. Nous sommes dans une position telle qu’on ne peut nous nuire ; pour Elle, nous sommes prêts à tout, même à donner notre vie, s’ils le veulent ; ce sera un billet gratuit pour le Ciel ! »

Lors de sa première déportation, au camp d’Amtitz, avec ses frères, il leur disait : « Nous ne savons pas ce que nous deviendrons. Essayons d’être prêts à tout ce que l’Immaculée voudra de nous. Donnons-nous complètement à Elle, pour qu’Elle nous guide toujours selon sa volonté. »

Enfin, lors de sa seconde captivité, dans la prison Pawiak, avant d’être envoyé à Auschwitz, il écrivait pour la dernière fois à ses frères, le 12 mai 1941 : « Promettons de nous laisser conduire de la manière la plus parfaite comme Elle veut et où Elle veut toujours nous mener, afin qu’en accomplissant saintement nos devoirs nous puissions, pour lui plaire, sauver toutes les âmes. »

Oui, ô Immaculée Conception, disposez de nous comme vous le désirez, pour que se réalise enfin ce que votre Chevalier a dit de vous :

« Alors les hérésies et les schismes s’éteindront, et les pécheurs endurcis, grâce à l’Immaculée, reviendront vers Dieu, vers son Cœur plein d’amour, et tous les païens se feront baptiser. Ainsi s’accomplira ce que la bienheureuse Catherine Labouré – à qui l’Immaculée a révélé la Médaille miraculeuse – avait prévu : c’est-à-dire que l’Immaculée deviendra la Reine du monde entier  et de chacun en particulier ”. »

Frère Bruno de Jésus-Marie