9 JUILLET 2017

Descendre et s’humilier est l’unique chemin
pour parvenir à la contemplation de Dieu

Le Christ en prière par Niklaus Weckmann vers 1514

L’ÉGLISE en ce 14e dimanche du temps ordinaire nous fait méditer sur la prière que Notre-Seigneur adresse à son très chéri Père céleste pour le remercier d’avoir révélé sa sagesse, non pas aux sages et aux savants, mais aux tout-petits. Cette émouvante prière est suivie d’une promesse bien consolante que j’aimerais vous commenter à la lumière de saint Augustin et qui rejoint admirablement l’enseignement de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus sur la petite voie d’enfance.

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. »

Saint Augustin commente : « Pourquoi sommes-nous tous dans la peine si ce n’est parce que nous sommes des hommes mortels, fragiles, infirmes, portant des vases de terre qui se gênent les uns les autres. Mais si les vases de la chair se gênent, qu’on leur élargisse les voies de la charité. »

Nous comprenons à lire ce Père de l’Église que nous sommes tous de bien humbles chrétiens et que la vie commune provoque beaucoup d’entrechocs entre personnes qui se gênent les unes les autres. Saint Augustin ajoute que par la charité, nos cœurs s’élargissent.

« Pourquoi Jésus dit-il : Venez à moi, vous tous qui peinez, si ce n’est pour que vous ne peiniez plus ? Et si vous continuez à peiner, que vous aimiez votre peine ? Et la promesse de notre divin Sauveur suit sans tarder : Et moi, je vous soulagerai. »

« Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi, non pas à organiser le monde ni à créer toutes les choses visibles ou invisibles, ni à faire des merveilles dans ce monde et à ressusciter de morts, mais que je suis doux et humble de cœur. »

Nous sommes frappés, depuis le Concile Vatican II, de voir que l’Église a découvert qu’elle était créée et mise au monde pour aider la Chine à reconstruire des usines atomiques, pour apprendre aux noirs à voter et autres stupidités du même genre. Pie X, qui était un saint selon le Cœur de Dieu, disait que cela n’avait aucune importance pour le Royaume de Dieu.

On trouve la même chose chez Saint Augustin qui nous met en garde contre ce danger, cette tentation d’employer les forces surnaturelles, le trésor de savoir, de science, de civilisation de l’Église pour travailler à la construction du monde présent. Quelle folie ! Ce n’est pas cela que Jésus est venu nous apporter. Dans Gaudium et Spes, il n’y a pas de citations de l’Évangile qui ne soient tordues pour leur faire dire le contraire de ce qu’elles disent. L’Évangile nous apprend à aller au Ciel et à en prendre les moyens.

Lorsque Jésus nous dit : « Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît. » La justice est évidemment le moyen d’aller au Ciel. Ce n’est pas le ferment qu’on va introduire dans la société pour la démocratiser. On trouve de temps en temps chez les Pères de l’Église comme saint Augustin des explications qui vont directement, implacablement au contraire de cette prétendue nouvelle évangélisation.

« Veux-tu être grand ? continue saint Augustin, commence par être le plus petit. Penses-tu à construire un haut édifice ? Pense d’abord au fondement de l’humilité. Et plus on veut que la masse de l’édifice soit grande et surchargée d’étages, plus cet édifice doit s’élever, plus profondément on creuse les fondations. En vérité, le bâtiment durant sa construction s’élève ; mais celui qui creuse les fondations descend très bas. La construction donc, s’humilie avant son élévation et le faîte se dresse après l’abaissement. »

Il faut qu’on s’abaisse dans les profondeurs de son néant avant son élévation. Quand l’élévation est en bonne route, le faîte se dresse après son abaissement. Nos âmes doivent faire pareil. Saint Jean de la Croix, dans son poème, dit : « J’allais si bas, si bas, qu’à la fin, j’atteignis le but », et Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus a repris cette citation dans son apologie de l’amour.

Saint Augustin achève son commentaire : « Quel est le faîte de l’édifice que nous nous efforçons de construire ? Jusqu’où doit arriver le sommet de cet édifice ? Je le dis tout de suite : jusqu’à la contemplation de Dieu. »

C’est bien ce que tous les saints nous apprennent. Saint François d’Assise avec sa pauvreté s’est abaissé et sainte Thérèse nous dit qu’elle est descendue si bas, si bas, qu’à la fin, elle atteignit son but. C’est ce qu’elle explique dans sa petite voie d’enfance : Il faut redevenir comme des petits enfants. Et en même temps, elle avait conscience d’être montée jusqu’au sommet de la montagne mystique. Elle en avait conscience, tout en sachant que c’était par l’ascenseur des bras de Jésus-Christ. Elle avait conscience d’être descendue si bas que l’humilité était entrée en elle pour n’en plus sortir. Là-dessus, elle commença une course de géant, non pas par ses propres forces à elles, mais cachée dans les bras de son Époux. Et du Ciel elle pourrait nous dire : « Jésus m’a rendu toute puissance au Ciel parce que pour son Amour, j’ai voulu rester toute petite sur la terre. »

Et Saint Bruno, qu’allait-il faire dans sa solitude ? S’enfoncer tellement qu’il puisse aller jusqu’au sommet de la vie mystique qui est la vision de Dieu. Je pourrais les prendre tous. Saint François de Sales ne dit pas autre chose à Sainte Jeanne de Chantal.

Ce qui nous est promis, c’est la contemplation du vrai Dieu, du Dieu souverain : « Car voilà le vrai bonheur, écrit saint Augustin, voir le Voyant, car à nous est promise la vision du Dieu vivant et voyant. »

Il faut, après avoir lu un texte comme celui-là, réfléchir et comprendre que notre vie se résume dans cette descente et cet abaissement. Nous sommes sur la terre non pas pour jouir, non pas pour nous élever, réussir à faire de grandes choses, mais pour nous abaisser, nous renoncer. Quand cela nous arrive, il ne faut donc pas nous étonner. C’est notre vocation. Et c’est par ce chemin que dès maintenant, nous serons introduits à la contemplation.

Cette contemplation est l’apprentissage du Ciel nous dit sainte Bernadette, l’apprentissage de la vie bienheureuse du Paradis qui nous attend. Il serait anormal et périlleux pour nous d’envisager sérieusement une autre vie que celle qui nous est donnée, qui est notre bonheur et par laquelle nous pouvons arriver jusqu’au sommet de la montagne et de là, aller à Dieu.

Cette comparaison d’une grande maison que nous voulons édifier est instructive. Il faut creuser et descendre, il est vrai, mais c’est la condition pour monter, monter et finalement, atteindre notre but, déjà en partie, touchant les arrhes de la béatitude céleste dès ici-bas pour arriver enfin au Ciel où nous lèverons les yeux avec une sainte audace, comme l’épouse du Cantique, pour voir Celui qui, depuis longtemps, a les yeux fixés sur nous avec amour. Ainsi, nous partagerons la béatitude de tous ces saints et saintes que nous aimons et qui nous invitent à les imiter pour les rejoindre un jour au Ciel.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du Sermon du 4 octobre 1997