14 JUILLET 2017
Le Bon Samaritain
LA parabole du bon Samaritain intervient à un moment de la vie publique de Notre-Seigneur où les pharisiens et les docteurs de la Loi essaient de le prendre en défaut.
« Et voici qu’un légiste se leva et lui dit pour l’éprouver : “ Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ” Il lui dit : “ Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Qu’y lis-tu ? ” Il répondit : “ Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. ” »
« Tu as bien répondu, lui dit Jésus. Fais cela et tu vivras ! » Ce n’est pas la peine d’être docteur de la Loi pour se faire faire la leçon comme ça ! Piqué au vif, il aggrave son cas en affectant de ne pas savoir qui est son prochain. En fait, il tend un piège à Jésus, parce que la Loi disait très bien : « Ton prochain, ce sont les enfants de ton peuple. » C’est précisé dans le passage du Lévitique.
« Lui, voulant se justifier, dit à Jésus : “ Qui est mon prochain ? ” Jésus reprit : “ Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent le laissant à demi mort. Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là, il le vit et passa outre. Pareillement un lévite survenant en ce lieu le vit et passa outre. ” »
Je ne sais pas si vous êtes allés sur la route de Jéricho. De Jérusalem à Jéricho, on descend vers le Jourdain, plusieurs centaines de mètres de dénivelé, c’est un coupe-gorge ! Un prêtre passe par là, c’est un fonctionnaire du Temple. Il avait pour rôle au Temple d’offrir les bêtes qui allaient être sacrifiées. Le lévite, c’est l’enfant de chœur qui était chargé d’enfoncer le poignard dans la gorge de la victime et de la saigner, de la rendre après en avoir gardé une part pour sa famille. Donc, l’un et l’autre représentent ce qu’il y a en Israël de plus respectable et donc de plus tenu à respecter le précepte de la charité et à donner l’exemple. Ils passent, ils n’ont rien vu !
« Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. »
Un Samaritain, c’est un étranger pour les juifs. La Samarie est située entre la Galilée au nord et la Judée au sud, Jésus l’a traversée plusieurs fois, mais quand on voulait éviter la Samarie, on passait par la Transjordanie, la vallée du Jourdain. Les Samaritains, depuis plus de trois siècles étaient une race mêlée et détestée par les juifs dont ils avaient occupé le pays pendant l’exil de Babylone. C’étaient des schismatiques, avec leur temple construit sur le mont Garizim, que montre du doigt la Samaritaine à Jésus pour lui dire que c’est là que leurs pères adorent. Jésus lui répond qu’elle a tort parce que le salut vient des juifs.
Mais cette parabole semble démentir cette parole. Pour cet homme tombé dans le fossé, le salut ne vient pas des juifs ! Il va venir du Samaritain :
« Il s’approcha, banda ses plaies, y versa de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier en disant : “ Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai à mon retour ”. »
Jésus, à la fin, en conclusion, retourne au légiste sa question :
« Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? »
Selon un procédé qui lui est habituel, Jésus est déconcertant. Il ne dit pas : « Lequel des trois a considéré le juif tombé aux mains des brigands comme son prochain que la Loi commande d’aimer ? » C’est cela, la question que lui a posée le docteur de la Loi. Mais : « Lequel s’est montré son prochain ? »
C’est le Samaritain ! Ce serait trop demander au docteur de la Loi de dire cela, le mot qui désigne l’ennemi détesté lui écorcherait la bouche, alors il ne le dit pas, il répond :
« Celui qui a exercé la miséricorde envers lui. » La réponse est on ne peut plus juste !
« Jésus lui dit : “ Va, et toi aussi fais de même ”. » Fais de même ? Fais comme le Samaritain !
Notre Père a écrit, en marge de sa synopse : « Quelle date dans l’histoire de l’humanité ! » Pourquoi ? Parce que cela veut dire, non seulement : « Prends ce Samaritain pour modèle de la charité qu’il faut pratiquer envers les frères », mais « aime-le comme toi-même ! » Ce qui est le commandement de la Loi. C’est le Samaritain qu’il faut aimer comme soi-même ? Qui est-il donc, ce Samaritain ? Il y a longtemps que les Pères de l’Église et notre Père à leur suite ont répondu : quel est cet homme qui vient de loin, qui se penche sur cet homme qui est en train de mourir dans le fossé, pour le ramener à la vie ? C’est lui-même, Jésus. C’est tout le mystère de Jésus.
On comprend bien, à force de réfléchir à cette parabole, pourquoi Jésus ne pouvait pas dire les choses clairement, sinon par cette histoire qui plonge dans un abîme de réflexion.
Notre bon Samaritain à nous, c’est Jésus, notre Sauveur, évidemment !
Parce que ce Samaritain n’appartient pas au peuple juif qui le méprise, il n’appartient pas à notre race de pécheurs ; Jésus, de même. C’est tout à fait comparable. Il vient de loin, il vient avec sa Croix et c’est en vertu de sa Croix qu’il va nous sauver.
Sur la terre étrangère en ce monde, nous n’aurons jamais quelqu’un qui nous soit plus proche que Jésus. Personne ne sera plus charitable, plus dévoué, plus sacrifié envers nous que Jésus. Il m’a relevé du fossé où je gisais, il a versé de l’huile et du vin sur mes plaies, son propre Sang, il m’a chargé sur sa propre monture qui est la Croix, il m’a mené à l’hôtellerie qui est l’Église et m’a confié aux soins de l’hôtelier en lui disant : « Prends soin de lui et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour qui ne saurait tarder ! »
Frère Bruno de Jésus-Marie
Extraits de la lecture spirituelle de frère Bruno du 31 août 2014