16 AVRIL 2020
La charité vraie
CETTE parabole du bon grain et de l’ivraie que l’Église nous donne à méditer aujourd’hui semble donner raison au libéralisme catholique qui prétend que dans l'Église, il faut tolérer n'importe quelles idées, n'importe quelles moralités, parce que la charité du Christ exige que le vrai, le faux, le bien, le mal, grandissent ensemble, laissant à Dieu le soin de juger à la fin des temps.
Si nous agissons ainsi au nom de cette parabole de l'Évangile, nous périrons ! Car il y a des divisions, des différences qui sont inacceptables dans un pays, dans une famille, dans l'Église. Vous entendez parler de la charité évangélique comme si c'était la confusion, le respect de toutes les opinions, de toutes les conduites, de tous les comportements. Mais il vous faut savoir que, jusqu’à ces dernières années, l’Église n'a jamais interprété ainsi cette parabole.
Voici la distinction qui va nous tirer de difficulté et nous donner la bonne interprétation : Le mal se présente sous deux aspects.
Il y a le mal de l'intelligence, le mal objectif, le mal de situation dont on ne veut pas sortir.
Il y a le mal de la volonté, le mal de la faiblesse, de la lâcheté et de la conduite.
Le mal qui concerne la décision volontaire de l'intelligence, cela s'appelle l'hérésie, le schisme, le scandale ! Ce sont des choses objectives dans lesquelles l’individu s'obstine par une décision commune très claire de son esprit et de sa volonté. Ce mal-là, aucune société ne peut le supporter. C’est pourquoi l'Église a été comparée au filet dans lequel il y a de bons et de mauvais poissons. On met dehors l'hérétique, le schismatique, le pécheur public, c'est-à-dire le scandaleux qui s'obstine dans une conduite répréhensible et scandaleuse pour tout le monde. Celui-là, on ne peut plus le supporter dans la communion de l’Église, il est comme le mauvais poisson de la parabole du filet.
Dans l'Église, il y a des gens qui doivent se corriger ou partir. Nul ne peut plaire à Dieu que dans la foi. Si vous n'avez plus la foi, vous devez être mis dehors de l'Église. L’Église ne peut pas supporter quelqu'un qui est contre Dieu ouvertement et qui lui désobéit ouvertement et obstinément.
Mais en revanche, l'Église doit être très tolérante envers les gens qui ont des défauts, qui ne nous plaisent pas parce qu'ils n'ont pas la même façon de voir les choses que nous. Il y a donc tout un autre domaine, celui des opinions, des comportements, de la faiblesse humaine. Nous ne sommes pas tous des saints !
Cela nous permet de dire d'une part que l'Église est intraitable pour ceux qui sont révoltés contre Dieu ; et qu'en revanche, l'Église peut nous demander à tous d'avoir une grande charité mutuelle parce qu’elle nous promet que ceux qu’elle garde dans son sein sont dignes de bonté, de miséricorde, de compassion et d'estime parce que ce sont des hommes de bonne volonté.
Voilà, c’est ainsi que dans les familles, les parents et les enfants doivent se supporter et doivent s'aimer malgré leurs défauts. Dans la patrie, les gouvernants et les concitoyens doivent se supporter malgré leurs défauts et quelquefois malgré leurs grands écarts de conduite. Et pardonner et encore pardonner. Mais il y a certaines choses qui atteignent les fondements mêmes de cette société qu'on ne doit pas supporter.
Gardons bien présent à l'esprit pour nous-mêmes qu'il y a une limite, une frontière rouge qu'il ne faut jamais dépasser. Et la dépassant, nous mériterions l'excommunication, que ce soit dans la famille, dans la société humaine, politique, que ce soit surtout dans l'Église. C'est un retranchement que Dieu lui-même considère comme fait par Lui ! Mais en dedans des limites de cette frontière rouge, quoique nous soit pénible tel ou tel, nous devons l'aimer comme un frère, prier pour lui, le supporter, l'aider dans le bien afin que lui-même nous pardonne, nous supporte et nous exhorte au bien, de telle manière que la charité et la paix puissent subsister dans notre Église, dans notre nation et dans nos familles.
Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 8 février 1981