12 JUILLET 2020
Dans le silence de la terre, la puissante germination de la Parole
NOUS venons d’entendre la parabole du Semeur. Mais cette merveille de la nature n’est qu’une lointaine image d’une bien autre aventure, celle de la Parole de Dieu, reçue dans une âme plus ou moins disposée, dont l’énergie secrète vise toute à produire du fruit en s’aidant des éléments favorables, eau baptismale et souffle de l’Esprit-Saint.
C’est l’œuvre admirable et pathétique du prêtre de jeter la graine, sans fatigue, au long des années et rarement savoir ce qui naîtra d’elle. Qu’ils sont de beaux exemples ces prêtres français que nous avons connus, ces missionnaires que nos vieux pays ont envoyés sous tous les climats, ensemençant de nouveaux champs avec cette patience du paysan qui laisse l’œuvre se faire, sans la gêner, sans la précipiter et, lorsque rien ne vient, sans découragement continuent et reprennent leur prédication. La terre ne ment pas. C’est aussi vrai des âmes. Il en est de même du champ apostolique. L’ensemence bien celui qui travaille par amour et pour le service du Maître, sans la cupidité de la récolte !
Dans l’âme du paysan règnent une certitude aveugle et calme, celle de la force de la graine, une confiance tranquille dans l’harmonie favorable des éléments et des saisons. Et malgré tout ce qu’il sait des dangers, il escompte une bonne récolte. Il sait qu’elle peut dormir longtemps, prendre couleur de terre et fondre toute sans se perdre pourtant. Un jour, dans la nuit de son sanctuaire, elle renaîtra, poussera un germe puis crèvera le sol à foison ; dès lors elle ne cessera plus de fructifier au centuple.
Vous ne croyez pas assez à la force inouïe de ces moindres paroles venues du Christ et descendues jusqu’à vos cœurs ! Ne dites pas : c’est faute d’avoir reçu, car vous avez été comblés par l’Église votre Mère et le soleil de Dieu qui n’a pas manqué, ni l’eau ni le vent de l’Esprit. Quand donc la terre va-t-elle secouer sa torpeur ?
C’est l’autre face du mystère que cette obscure, aveugle, indisciplinée énergie de la terre. Chacun fructifie selon ses dispositions profondes. C’est une angoisse pour certains apôtres, pour d’autres une peine lancinante cachée sous une froideur voulue, pour la plupart une sérénité héroïque... le mystère de cette terre qui peut-être ne rendra jamais la semence engloutie ! Mais ce souci se résorbe dans une confiance plus haute.
O âme, sois constante ! Car dans le silence de la terre, à toi seule appartient de conserver la parole de Dieu et la laisser mûrir en toi. Dieu te l’a envoyée : Jésus s’est donné à toi, l’Église l’a déposé en ton sein. Son exemple est gravé en ton esprit, son Humanité Sainte a fait de toi son sanctuaire, enfin Lui-même t’a instruite par ses prêtres. Toi seule maintenant chaque jour dois nourrir cette semence de vie éternelle. Œuvre de longue patience, où nul ne peut te remplacer. Au jour de la moisson, personne ne prendra garde à toi si tu as laissé dépérir le trésor qui t’avait été donné ; mais si tu l’as fait revivre au centuple, tu seras alors, ô joie ! la joie de ton Maître.
Abbé Georges de Nantes
Extraits de la Lettre à mes Amis n° 29 – Février 1958