dimanche 2 février 2025
La présentation de Jésus au Temple
En apparence, cette scène de la présentation de l’Enfant-Jésus au Temple de Jérusalem est très modeste. Rien ne paraît distinguer Joseph et Marie des couples ordinaires. Les femmes montaient au Temple pour y être purifiées rituellement, car selon la loi de Moïse, elles contractaient une souillure lors de l’accouchement. Quant aux fils premiers-nés, ils devaient être consacrés à Dieu comme sa propriété, puis lui être rachetés, au prix d’un sacrifice de substitution.
Mais l’Immaculée Vierge Marie n’avait pas besoin d’être purifiée de quelque souillure que ce soit ! D’ailleurs, saint Luc ne dit rien de tel. Quant à Jésus, il était hors de propos d’immoler une bête pour le racheter, puisque toute sa vocation serait de servir son Père, jusqu’à offrir sa propre vie en sacrifice.
En fait – mais nous commençons à en avoir l’habitude – la réalité du mystère renverse les apparences de cette scène si humble. En ce jour, le Messie monte à Jérusalem en conquérant. C’est la sainteté de Dieu qui s’avance ! Le moment est solennel, car l’entrée de Jésus dans le Temple accomplit une prophétie de Malachie, que l’Église nous fait chanter le 2 février, pour la fête de la Présentation de Jésus : « Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez. Il purifiera les fils de Lévi et les affinera comme or et argent, et ils deviendront pour Yahweh ceux qui présentent l’offrande selon la justice. » (Ml 3, 1-3)
C’est bien ce que nous suggère saint Luc : « Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification – des juifs –, selon la loi de Moïse, ils l’emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu’il est écrit dans la Loi du Seigneur : “ Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur ”, et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la Loi du Seigneur, “ un couple de tourterelles ou deux jeunes colombes ”. » (Lc 2, 22-24)
Marie ne monte pas au Temple pour s’y faire purifier, mais pour y offrir son Enfant, qui sera la victime d’un sacrifice de purification du peuple juif. Et pour s’offrir avec Lui ! Ainsi, les deux colombelles immolées sous leurs yeux les personnifient tous deux et annoncent leur sacrifice du Calvaire.
Mais voici que paraissent deux vieillards, deux prophètes, qui vont expliciter ce mystère. Saint Luc nous dresse d’admirables portraits de ces pauvres de Yahweh, de véritables saints, qui personnifient et achèvent la perfection de l’Ancienne Alliance, en reconnaissant le Messie.
« Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit-Saint reposait sur lui. »
Dans cet Évangile de l’Enfance, l’Esprit-Saint souffle en tempête et nous le voyons envahir tous les personnages à leur tour !
« Et il avait été divinement averti par l’Esprit-Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint donc au Temple, poussé par l’Esprit, et quand les parents apportèrent le petit enfant Jésus pour accomplir les prescriptions de la Loi à son égard, il le reçut dans ses bras et bénit Dieu. »
Étonnamment, dans toute cette scène, nous ne voyons pas paraître de prêtre, mais seulement ce prophète : saint Luc nous signifie par-là que le sacerdoce ancien est dorénavant caduc. Le vieillard Syméon entonne son cantique du Nunc Dimittis, que nous chantons encore tous les soirs à complies. À travers lui, c’est le crépuscule de l’Ancien Testament qui jette ses derniers feux pour célébrer le Salut de Dieu – c’est-à-dire ce Jésus qu’il tient dans ses bras, le mot est le même – comme une lumière éclairant toutes les nations : l’Ancienne Alliance s’épanouit en religion catholique, c’est-à-dire universelle.
Mais ce crépuscule est rougeoyant...
En effet, aussitôt après cette admirable action de grâce, Syméon se tourne vers Marie pour lui annoncer un mystère de mort et de résurrection :
« Vois ! cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction – et toi-même, une épée te transpercera l’âme ! –, afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs. »
En une phrase, c’est le résumé de tout l’Évangile. Nous méditons la Présentation de l’Enfant-Jésus au Temple comme un mystère joyeux du Rosaire, mais quelle douleur ! De ce jour, la Vierge Marie n’a plus connu un seul instant de sérénité sur la terre. La pensée de la mort de son Fils ne l’a plus quittée, à laquelle elle s’associerait, en Corédemptrice.
Aujourd’hui, deux mille ans après, cette souffrance demeure encore, le Cœur Immaculé de Marie est toujours transpercé, parce que Dieu Notre-Seigneur est horriblement outragé par les hommes ingrats. La douleur de Jésus et Marie est la pierre d’achoppement de notre salut : « Qui s’émouvra de la blessure du Cœur de Marie sera sauvé, nous assurait notre Père. Qui méprisera ou ignorera les Douleurs de Marie sera condamné. »
La prophétesse Anne, qui survient à son tour, paraît rendre sa gaité à la scène. Elle loue Dieu et parle de l’Enfant à tous les gens pieux de Jérusalem ; à tous ceux, nous dit saint Luc, qui attendaient non pas la « délivrance », comme le traduisent nos Bibles, mais « la rançon de Jérusalem » (v. 38), précise frère Bruno. La rançon de Jérusalem, c’est ce bel Enfant-Jésus que la Vierge Marie porte au Temple.
C’est le premier offertoire, en vue du Saint-Sacrifice de la Croix, renouvelé à chacune de nos messes. Sœur Lucie a admirablement résumé ce mystère : lors de la Présentation de Jésus, « les mains pures de Marie ont été la première patène sur laquelle Dieu plaça la première hostie ».
Frère Guy de la Miséricorde
Extrait de Il est ressuscité ! n° 249, novembre 2023