Le cardinal Ratzinger 

à la conquête du trône pontifical

« Je comprends enfin que Joseph Ratzinger n’est là, en ce haut poste auprès de Jean-Paul II, que par sa servilité doucereuse et empressée, depuis l’âge de trente-cinq ans envers le cardinal Frings, archevêque de Cologne et chef du complot moderniste allemand destiné à abattre la foi catholique romaine, d’abord par le démantèlement du Saint-Office et ensuite par la conquête du trône pontifical. »

(Georges de Nantes, CRC n° 211, mai 1985, p. 9)

EN mai 1983, lors de la démarche romaine de l’abbé de Nantes pour obtenir l’ouverture du procès en hérésie, schisme et scandale du pape Jean-Paul II, le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, est resté en retrait. Il ne fit rien pour que la plainte introductive au procès soit reçue en cour de Rome et il laissa le Pape donner directement ses instructions au secrétaire de la Congrégation, Mgr Jérôme Hamer, comme nous l’avons vu précédemment (Il est ressuscité n° 87, p. 20).

Cependant, le cardinal Ratzinger n’a pu ignorer les accusations portées par le théologien de la Contre- Réforme catholique puisque la Congrégation pour la doctrine de la foi publia une notification qui prétendait justifier... l’injustifiable ! à savoir la dérobade et la forfaiture de l’Accusé, Souverain Juge en sa propre cause.

De surcroît, le 8 juin 1983, notre Père lui écrivit :

« Éminence,

« Quoiqu’il n’ait été fait nulle mention de Votre Grandeur lors de l’entretien que m’a accordé Mgr Hamer, il me paraît utile de vous adresser copie de la lettre que je lui envoie à l’intention du Souverain Pontife. Non que je doute qu’il ne la transmette au Pape, mais pour que Votre Éminence ait en main propre cet élément capital de mon dossier au Saint-Office.

« Et je profite de l’occasion pour exprimer à Votre Éminence l’énorme déception causée parmi la foule immense des bons catholiques français par sa stupéfiante dérobade, récente, dans l’affaire des catéchismes français. Pour ma part, je trouvais déjà très anormal qu’un préfet du Saint-Office fasse d’une affaire de foi l’objet d’un élégant discours, et non d’une sentence souveraine de proscription des textes hérétiques incriminés ; c’est vous dire que votre volte-face et votre complicité actuelle avec nos évêques prévaricateurs ne m’ont pas surpris. Mais les fidèles qui gardent leur confiance en Rome en ont été très scandalisés. Si cela pouvait vous faire réfléchir, je serais heureux de vous en avoir averti. »

L’abbé de Nantes évoquait ainsi son discours du 16 janvier 1983, à Paris, et son “ communiqué conjoint ” avec l’archevêque de Lyon, dix jours plus tard, où ils affirmaient qu’il n’était pas question de remettre en cause “ l’admirable effort catéchétique ” entrepris en France ! En dénonçant la connivence du “ gendarme romain ” avec “ l’assassin de la foi ” gallican, notre Père notait : « Plus personne ne fait son travail ecclésiastique à Rome, à la Curie. On fait semblant. » (CRC n° 193, octobre 1983, p. 6)

Frère Michel a décrit, le mois dernier, l’apostasie de Jean-Paul II. Il faut maintenant présenter le rôle joué par le cardinal Ratzinger.

Avec une remarquable intuition, notre Père pressentait qu’il se préparait à lui succéder sur le Siège de Pierre. Et c’est en pensant à notre pape Benoît XVI que nous lirons les analyses et les conclusions de notre Père. Nous remarquerons que le cardinal Ratzinger affirmait le contraire de ce qu’il soutient aujourd’hui : il démontrait et soulignait la discontinuité entre les nouveautés du concile Vatican II et le magistère antérieur de l’Église. Nous constaterons, par ailleurs, que Benoît XVI renouvelle les manœuvres qu’il a déjà opérées en tant que cardinal, pour désorienter, tromper et “ rallier ” les intégristes.

LE SAINT-OFFICE ANÉANTI

Rappelons que le jeune abbé Joseph Ratzinger fut, au concile Vatican II, le théologien personnel du très moderniste cardinal Joseph Frings, archevêque de Cologne. Comme le Saint-Office était le ministère du gouvernement pontifical, chargé de veiller à la conservation et à la défense de la foi au sein de l’Église, les modernistes, particulièrement Ratzinger et Frings, lancèrent, dès le début du Concile, de perfides attaques contre cette institution.

Le 8 novembre 1963, le cardinal Frings déclarait dans l’aula conciliaire : « La façon de procéder du Saint-Office, dans beaucoup de domaines, n’est pas en phase avec notre temps, porte préjudice à l’Église et est une cause de scandale pour beaucoup. »

C’était, mot à mot, la déclaration que l’abbé Ratzinger lui avait préparée (cf. Norbert Trippen, Kardinal Frings, t. 2, éd. F. Schöningh, 2005, p. 383).

Malgré les véhémentes protestations, très argumentées, des Pères traditionalistes, le pape Paul VI demanda le soir même au cardinal Frings de préparer la réforme du Saint-Office qui sera neutralisé, démantelé, anéanti, à la fin du Concile, par le motu proprio Integræ servandæ du 7 décembre 1965. Lui succédait la Congrégation pour la doctrine de la foi, chargée non pas de fulminer des condamnations, mais de “ susciter des progrès de doctrine en fonction des acquisitions de la culture et des sciences humaines ”. Avec un tel objectif, la nouvelle Congrégation favorisa le pullulement des hérésies dans l’Église et contribua à y détruire la foi.

Quinze ans plus tard, en 1981, lorsque le cardinal Ratzinger, alors archevêque de Munich, fut nommé par Jean-Paul II préfet de cette Congrégation, il était décidé à ne pas se livrer au labeur inquisitorial qu’accomplissait autrefois le préfet du Saint-Office en recherchant les erreurs et leurs auteurs pour les condamner. « Jamais, confiera-t-il plus tard, je n’aurais accepté de me consacrer à ce service ecclésial si ma tâche avait été avant tout celle d’un contrôle. » (CRC n° 207, p. 21)

Notre Père examina alors, avec la plus grande attention, tant les discours du nouveau préfet que les documents et livres qu’il publia, pour voir si ses prises de position prétendument réactionnaires constituaient de vraies ou de fausses réactions. Des analyses tellement perspicaces de notre Père, nous garderons ici des extraits particulièrement significatifs, qui nous permettront de découvrir, peu à peu, la véritable personnalité du cardinal Ratzinger.

TROIS BLÂMES VÉHÉMENTS

Certes, le 6 août 1983, le préfet de l’ex-Saint-Office écrit aux évêques sur le pouvoir de consacrer l’Eucharistie. Il les met vivement en garde contre les « opinions erronées » qui se fondent sur le « sacerdoce commun » des fidèles, proclamé au concile Vatican II, pour présumer le droit des laïcs à « présider et à consacrer l’eucharistie ».

« Est-ce parfait ? Non ! répond notre Père. Et la Congrégation pour la doctrine de la foi mérite trois blâmes véhéments, que nous lui faisons la charité de lui signifier.

« Premièrement. À peine le document publié, son préfet l’annule dans sa conférence de presse du 8 septembre, assurant que les doctrines erronées visées par cette déclaration “ ne sont pas très répandues ”. D’ailleurs, “ aucun nom de théologien ou de communauté n’est cité dans cette lettre : les tendances sont diffuses et diverses... Le but de ce document n’est donc pas de prononcer des sanctions touchant des personnes ou des communautés, mais de conforter les fidèles et les prêtres, car, ici ou là, des problèmes existent, même s’il n’y a pas péril en la demeure. ” »

Et notre Père de laisser éclater son indignation : « Langage d’eunuque. On prend la grosse voix pour faire aux évêques un devoir sacré de réprouver ces affreuses hérésies, réprimer ces odieuses pratiques, et puis soi-même, préfet du Saint-Office, on s’écrase, on s’effondre devant les journalistes !

« Deuxièmement. Pourquoi donc cette défense solennelle de la foi catholique ? Hélas ! je vous le donne en mille ! Pour l’honneur de Dieu ? Point. Pour le salut des âmes ? Que non ! Alors, pour le respect du sacrement ? Nenni. Voici le motif, avoué aux journalistes par le même cardinal préfet... pour se faire pardonner cet accès de rigueur. Hé ! leur a-t-il dit, nous y avons été contraints par... nos frères séparés que de tels excès scandalisent !

« “ Cette lettre, leur a-t-il confié, est appelée à avoir un certain retentissement œcuménique ; spécialement auprès des Églises orthodoxes, parfois inquiètes de voir ou d’entendre certaines pratiques et théories s’éloigner de la foi commune du premier millénaire, aujourd’hui réaffirmée ( !) avec clarté ( !!) par l’Église catholique. De même, pour le protestantisme, il y a une certaine recherche de la structure épiscopale, comme le montre encore la récente assemblée du Conseil œcuménique de Vancouver. 

« Les hérétiques et schismatiques séculaires sont plus chrétiens que notre Église postconciliaire en folie. C’est pour les rassurer qu’on fait mine de remettre de l’ordre chez nous.

« Troisièmement, et c’est le plus grave : Qu’y a-t-il de mal à des eucharisties célébrées par de faux prêtres ou “ prêtresses ” ?

« Réponse : “ Les fidèles qui font la tentative de célébrer l’eucharistie en dehors du lien sacré de la succession apostolique fondé sur le sacrement de l’ordre s’excluent de la participation à l’unité de l’unique Corps du Seigneur, et par conséquent ils ne nourrissent pas la communauté, ils ne l’édifient pas, mais ils la détruisent. 

« C’est tout. Les griefs de Rome expriment son souci de défendre l’institution sacerdotale et l’unité de communion du Corps du Seigneur, à savoir l’Église. Mais nullement la pensée, le souci, la hantise de défendre Dieu, outragé par ces fausses messes, qui sont des simulacres, soit idolâtriques si l’on croit vraiment consacrer et sacrifier le Corps et le Sang du Christ, soit profanateurs et blasphématoires si l’on n’y croit même plus. C’est Jésus-Christ qui est crucifié une nouvelle fois dans ces parodies sacrilèges. Et de cela Rome n’a cure. Il y a là pire scandale que dans le scandale même de ces eucharisties aberrantes. Rome a le culte de l’homme et de l’institution, et de la hiérarchie et de soi-même. Mais de Dieu, nullement. » (CRC n° 193, octobre 1983, p. 7)

ROME REVIENT ?

L’abbé de Nantes est sans parti pris.

En janvier 1984, en ouvrant la Documentation catholique, il trouve une interview du cardinal Ratzinger sur Luther et l’unité des Églises.

« On en commence la lecture avec appréhension, raconte-t-il. Eh bien, c’est parfait ! C’est limpide, c’est splendide et même, mais oui ! allez-y voir vous-mêmes... courageux. C’est un “ Non ! ” savant, dogmatique, définitif, catégorique à tous les faux espoirs et les menteuses combines de l’œcuménisme luthéro-catholique.

« Cela ne s’explique pas autrement que par la foi. Le cardinal Joseph Ratzinger a la foi catholique, même s’il est actuellement empêché d’en produire les œuvres. » (CRC n° 197, février 1984, p. 14)

Mais l’année suivante, notre Père sera conduit à réviser son jugement. En novembre 1984, sous le titre “ Rome revient ”, il commente la parution d’un entretien du cardinal Ratzinger avec le journaliste Vittorio Messori, dans le mensuel italien Jesus. Le prélat y lance un cri d’alarme, révélant au grand public l’état épouvantable de l’Église, caractérisé par l’apostasie. Il y distinguait cinq trains d’erreurs très graves, répandues dans quatre continents sur cinq, celui du goulag, de l’enfer soviétique, étant protégé de la contagion occidentale par ses miradors et ses barbelés :

Négation de Dieu Père, et Fils, et révolte contre le Créateur tout-puissant.

Négation du mystère de l’Église et révolte contre sa divine autorité.

Négation et refus du magistère dogmatique et moral de l’Église.

Négation du lien de l’Église à la Bible et refus de recevoir la Bible de l’Église.

Négation des frontières de l’Église et réhabilitation de toutes les religions.

Le bilan du cardinal Ratzinger sur l’état effroyable de l’Église semblait authentifié par Notre-Dame de Fatima, dont le cardinal avouait connaître, de la veille, le Secret du 13 juillet 1917, dans sa troisième partie que les Papes successifs refusaient de révéler au monde depuis vingt-cinq ans : « Si, l’ho letto, oui, je l’ai lu ! »

Dans une conférence prononcée à la Mutualité, le 20 décembre 1984, l’abbé de Nantes s’offrit de l’aider de toutes ses forces pour restaurer la foi et l’unité autour de l’Église de Rome : « Je veux croire que c’est un retour, un commencement de retour du magistère romain à sa fonction divine de conservation, de défense et d’enseignement de la Vérité révélée. »

DÉFENSEUR DE LA FOI OU SYNDIC DE FAILLITE ?

L’abbé de Nantes lui écrivit ensuite une “ Lettre ouverte ” d’adhésion, publiée dans la CRC n° 207, de janvier 1985 : « Tout ce que vous avez affirmé de la foi de l’Église, nous le professons d’esprit et de cœur ; tout ce que vous avez dénoncé, stigmatisé et contredit, nous le rejetons avec la même indignation, avec plus d’horreur même, n’étant retenus par aucun devoir de réserve. »

Cependant, notre Père manifestait son étonnement de voir le préfet de l’ex-Saint-Office parler des hérésies qui envahissent l’Église, à titre privé, en vacances à Bressanone, loin de son bureau de travail, ayant dépouillé les signes de son autorité et comme en dilettante. « En les disant ainsi, vous semblez leur donner droit de cité et reconnaître dans les démons qui les propagent, des “ interlocuteurs valables ”, comme on dit et fait en politique des terroristes qu’on va bientôt changer en chefs d’États ! »

L’abbé de Nantes formulait alors une demande :

« Éminence, pour endiguer de nouveau ce grand assaut contre la foi, et le vaincre, il faudrait en connaître non seulement les hérésies mais les hérésiarques, en publier non seulement les thèses mais les docteurs. Qui sont ces molti teologi, ces innombrables théologiens répandus dans le monde pour la perte des âmes, qui corrompent fidèles, prêtres et peut-être évêques même, je n’ose dire cardinaux ? Certains princes de l’Église, Éminence, n’en sont-ils pas ? Il faut savoir, il est grand temps. »

Notre Père suppliait le cardinal de passer de l’entretien journalistique à la manifestation de la vérité ès qualités de cardinal préfet de la Congrégation pour la défense de la foi, par la condamnation solennelle des hérésies et des hérétiques. Sinon, lui disait-il, « qu’êtes-vous de plus qu’un syndic de faillite, un liquidateur, et non plus un ministre de la défense, un juge de la foi, pour le service de Dieu seul et le salut des pauvres âmes ? »

Le cardinal faisait le constat de l’effondrement de l’Église, mais en épargnant le Concile. Il s’en prenait au Konzils-Ungeist, c’est-à-dire au post-Concile au sens d’  “ esprit anticonciliaire malfaisant ”, survenu après le Concile pour en gâter les fruits.

Selon lui, l’effroyable décadence de l’Église avait été provoquée par « l’impact de l’évolution culturelle, liée à l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie du secteur tertiaire, avec son idéologie libérale radicale de type individualiste, rationaliste, hédoniste ».

« Il me semble, commentait notre Père, qu’on pourrait aussi bien disculper le pangermanisme d’être la cause du foudroyant succès du nazisme, en accablant les pauvres Bavarois catholiques du quaternaire par exemple, ou imputer la perte de son Empire par la France, non à de Gaulle et à la démocratie, mais à l’avènement d’une nouvelle “ bourgeoisie du tertiaire ” ! »

L’ILLUSION DU RENOUVEAU CHARISMATIQUE

Certes, le prélat avait lu le troisième Secret de Fatima. Mais au lieu de s’appuyer sur les révélations de la Reine des Apôtres pour dénoncer la « ruine » de l’Église, et pour défendre et illustrer les grandes vérités dogmatiques, il se livrait à des appréciations flatteuses du Renouveau charismatique comme si ce mouvement était la “ nouvelle Pentecôte ” annoncée par Jean XXIII, apportant le remède salutaire et providentiel à la décadence postconciliaire.

« Le Renouveau charismatique, écrivait l’abbé de Nantes, est fondé sur le miracle, l’extraordinaire à jet continu, une illumination sensible et collective dans “ l’Esprit ”, qui frôle l’expérience sensuelle du plaisir de vivre ensemble.

« En définitive, c’est à cela que tous vos entretiens aboutissent. C’est là, cette “ recette ”, où vous puisez votre extraordinaire sérénité, votre confiance en l’avenir, votre certitude d’un “ salut ” opéré par le seul Seigneur Jésus-Christ, aidé de ses “ serviteurs inutiles ”, cette “ restauration ” qui, tournant le dos au passé à jamais révolu, “ regarde en avant vers le Seigneur, vers l’accomplissement de l’histoire de l’Église ”, c’est le pentecôtisme. Et le Pape en est convaincu avec vous, plus que vous...

« Je comprends que ce Renouveau se présente à vous, Éminence, sous le jour favorable d’une foi qui n’ergote ni ne doute, qui ne fait pas le détail..., à l’opposé de ces effrayantes déviations doctrinales que vous dénoncez. Mais c’est l’autre branche de l’antique hérésie subjectiviste, autosuggestionnaire, donc également et foncièrement antichrétienne et anticatholique. Romantisme, rationalisme, même culte du moi, culte de l’Homme, et non de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

« Voyez comme est, ici aussi, “ évacuée la Croix de Jésus-Christ ”, de ce fait absente de tout votre discours ! Là non plus la Rédemption n’est point sacrifice, mais libération... charismatique de prétention, chrétienne de nom, sentimentale d’apparence, mais de fait sensuelle. C’est l’autre face, complice, du modernisme ravageur. Avec cette dernière folie, le grand navire de l’Église qui sombrait lentement, soudain se redresse, pointe la proue vers le ciel, il semble un instant monter vers lui ! Mais c’est pour rapidement s’abîmer dans les flots. » (CRC n° 207, p. 13-15)

Le cardinal Ratzinger se montrait favorable aux apparitions de Medjugorje, qui avaient débuté en juin 1981, et dont notre Père mit très rapidement en doute le caractère divin. Car on rapportait que l’Apparition promettait « de donner la paix aux hommes de quelque religion qu’ils soient. Pour Dieu, disait-elle, toutes les religions sont égales, pareilles. Dieu ignore leurs différences. » Assurément, un tel message était inspiré par le même Esprit que celui du concile Vatican II.

Dès le 5 octobre 1981, lors du congrès de la Contre-Réforme catholique, notre Père affirmait :

« Medjugorje peut être une simagrée de Satan pour nous faire oublier Fatima. »

En effet, le démon déteste Fatima parce qu’il ne peut pas supporter qu’on révèle aux gens où il les mène, c’est-à-dire en enfer, et par quel moyen ils peuvent y échapper, à savoir la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie.

Les manifestations de Medjugorje, liées aux mouvements charismatiques, débutèrent un mois après l’attentat du 13 mai 1981 contre Jean-Paul II, et tournèrent les esprits des Romains, le Pape et ses dévoués serviteurs y compris, vers la Bosnie, donc vers l’Est,  « à trois mille kilomètres de Fatima... et à cent mille années-lumière de ses exigences précises, vitales, incontournables ! » (CRC n° 199, avril 1984)

Interrogé sur Medjugorje, Ratzinger répondait : « Dans un tel domaine, la patience est un élément essentiel de la politique (sic) de notre Congrégation. Nous ne pouvons évidemment pas interdire à Dieu de parler à notre temps par des personnes simples et des signes extraordinaires. »

Mais l’évêque du lieu, Mgr Zanic, n’avait-il pas démontré que ces événements n’étaient pas de Dieu ? Son rapport du 30 octobre 1984 éclairait et tranchait la question. « Nous l’avons, disait notre Père à Ratzinger, donc vous l’avez, vous le connaissez. Dès lors, c’est l’attentisme qui est impie et criminel, parce qu’il fait les affaires du diable. On “ ne peut pas interdire à Dieu de parler ”, dites-vous. Mais on peut et on doit interdire au diable et à tout être menteur d’usurper l’autorité sainte de Dieu et de sa divine Mère !

« Pourquoi donc surseoir ? Parce que le Renouveau charismatique est la dernière illusion de l’Église postconciliaire et, comme on dit improprement, la seule “ alternative ” à la Contre-Réforme catholique au vingtième siècle. » (CRC n° 207, p. 13)

À LA CROISÉE DES CHEMINS

Le cardinal Ratzinger eut à connaître l’abbé de Nantes particulièrement en cet hiver 1984-1985. En effet, la vidéocassette de sa conférence de la Mutualité sur l’entretien du prélat avec Messori lui fut remise en main propre par des amis allemands.

Les semaines passèrent. Comme notre Père ne recevait aucune réponse, une Allemande écrivit au cardinal : « Éminence, j’ai appris que l’abbé de Nantes, un grand théologien français, s’est proposé de vous aider pour restaurer la foi dans l’Église. Je ne comprends pas votre silence à son égard. »

Le préfet de l’ex-Saint-Office lui fit répondre par son secrétaire, Joseph Clemens, le 5 février 1985 :

« Il n’est pas possible au cardinal Ratzinger, pour des raisons de principe, de recevoir l’abbé de Nantes. »

De plus, une autre Allemande, madame Élisabeth von Gagern, rencontra le prélat pour obtenir qu’il accorde une audience à notre Père. Il refusa, voulant “ garder ses distances ” vis-à-vis du théologien de la Contre-Réforme catholique.

Par ailleurs, dans la revue Jesus, Vittorio Messori n’avait donné que des extraits de ses entretiens avec le cardinal Ratzinger, lesquels devaient paraître intégralement dans un livre : Rapport sur la foi. Or, bientôt, on affirma à Rome qu’avant de le publier, le cardinal allait en revoir plusieurs passages pouvant être mal interprétés.

Sur les entrefaites, en janvier 1985, le pape Jean-Paul II annonça la réunion d’un Synode extraordinaire pour célébrer le vingtième anniversaire de la clôture du Concile, afin d’en aviver le souvenir et d’en revivre l’expérience charismatique. Comme si le Pape voulait empêcher que les récentes déclarations du préfet de l’ex-Saint-Office sur le « malaise de la foi » n’aboutissent à la remise en cause d’  “ acquis ” du Concile.

« Si cette indiction du Synode n’est pas la contradiction absolue de l’œuvre du cardinal, remarquait notre Père, c’en est tout au moins le contraire, et quelle contrariété ! Au lieu de s’inquiéter du mal et peut-être changer d’orientation, le Pape annonce qu’on se vantera du Concile comme d’un bien divin pour mieux persévérer dans sa voie dont il est évident qu’elle est la voie de la perdition. » (“ Errare humanum est, perseverare diabolicum ”, CRC n° 209, mars 1985)

RÉFORMISTE OPINIÂTRE

Au printemps 1985, évoquant « monsieur de Gobemouche qu’immortalisa notre Bainville », l’abbé de Nantes écrivait :

« Gobemouche comme pas deux, j’attendais le Rapport sur la foi, promis pour fin janvier, dont j’escomptais un secours décisif de Rome à ceux qui bravement luttent partout dans le monde pour la foi contre la montante, l’universelle, l’irrépressible apostasie. Avoir Rome pour nous, quel rêve ! Et enfin “ que les méchants tremblent et que les bons se rassurent ”, selon l’admirable maxime louis-quatorzième ! Ouaite ! Voici que notre cardinal lunatique sort, en lieu et date du Rapport contre-réformiste, un bouquin conciliaire, œcuménique, ultra-réformiste. » (“ Après ce pavé dans la mare ”, CRC n° 211, mai 1985, p. 4)

Il s’agissait des Principes de la théologie catholique, « recueil de travaux épars, des années 1972 à 1982, à visée œcuménique et conciliaire, d’ailleurs et de ce fait sans âme et sans cœur, glacial vraiment, d’où l’angoisse pour la foi de l’Église et le salut des âmes est rigoureusement absente ».

Notre Père en publia une critique approfondie, très éclairante pour connaître les convictions libérales de Ratzinger et sa conception de l’œcuménisme.

CONTINUITÉ OU DISCONTINUITÉ 
BENOÎT XVI DÉSAVOUÉ PAR LE CARDINAL RATZINGER...

Dans l’épilogue du livre, le cardinal dévoilait le fond de sa pensée sur le concile Vatican II : « Le plus important dans ses Actes, c’est l’ouverture au monde préconisée par la constitution Gaudium et spes, sur l’Église dans le monde de ce temps (...). En liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde, Gaudium et spes est une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Église avec le monde tel qu’il est devenu depuis 1789. »

Cette réconciliation avec le “ monde moderne ”, révolutionnaire, voulue par Lamennais, Montalembert et tous les libéraux, mais condamnée par le Syllabus du bienheureux Pie IX, Ratzinger la considérait comme un progrès irréversible accompli par le Concile : « Il ne peut y avoir de retour au Syllabus. »

« Vingt ans, affirmait-il par ailleurs, ont changé dans l’Église catholique bien plus de choses que ne l’auront fait deux siècles. » (CRC n° 213, p. 3)

Comprenons sa pensée : depuis deux siècles, l’Église refusait de s’ouvrir aux idées et aux principes de 1789, elle les avait même condamnés... Grâce au concile Vatican II, elle a rattrapé son retard, elle a plus changé qu’en deux mille ans d’immobilisme !

Aujourd’hui, le pape Benoît XVI tient un tout autre discours en développant une “ herméneutique de la continuité ” pour obtenir le ralliement des traditionalistes aux hérésies conciliaires.

Qui croire ? Benoît XVI ou le cardinal Ratzinger avouant et démontrant la discontinuité, pour s’en féliciter ?

C’est au pape Benoît XVI de répondre en tranchant ces controverses par un acte solennel de son magistère extraordinaire et infaillible, comme ne cesse de le lui demander notre frère Bruno de Jésus.

LA HAINE DE PIE IX, DE PIE X 
ET DE L’ABBÉ DE NANTES.

« On constate, remarquait encore notre Père, que le texte de Ratzinger et ses notes concernant Pie IX et le Syllabus, saint Pie X et sa lutte contre le modernisme sont rédigés en termes savamment dosés, pour insinuer toutes les critiques diffamatoires imaginables à leur encontre. Dans le but évident d’innocenter, de réhabiliter les tenants des erreurs et les fauteurs des persécutions contre la foi et contre l’Église, des deux cents dernières années, et de ridiculiser, pire, de rendre odieux les papes Pie IX et saint Pie X. Ils auraient, stupidement rétrogrades, fait barrage à la science moderne et à la politique libérale !

« De telles faussetés révèlent, mon pauvre Georges Gobemouche, en l’actuel préfet de l’ex-Saint-Office un complice et un coopérateur, secret, habile, tenace, des modernistes et libéraux d’hier et d’aujourd’hui. Leur trait d’union, leur signe de reconnaissance ? C’est précisément la haine de Pie IX et de saint Pie X, l’horreur du Syllabus et de Pascendi. » (CRC n° 211, p. 7-8)

De plus, « avec Joseph Ratzinger, comme avec Karol Wojtyla, l’esprit révolutionnaire retrouve son identité profonde et première : la Révolution est allemande, germanique dans son essence, elle remonte à Luther, passe par Kant et les idéalistes allemands. Cette pensée, cet esprit germanique éprouve une haine millénaire pour ce qui est romain, latin, de Contre-réforme et, par excellence, français, de la France d’Ancien Régime... D’où l’insurmontable répulsion de Ratzinger pour le traditionalisme anticonciliaire. » (Georges de Nantes, Notes manuscrites, Congrès 1985)

« Je comprends maintenant pourquoi le cardinal refuse, comme le Pape, de me recevoir, de me répondre, et même d’accuser réception de mes envois, écrits et enregistrés, d’offre de dialogue ! On ne peut voir, même en peinture, un homme que l’on hait d’une haine mortelle. » (CRC n° 211, p. 10)

Le souci essentiel du prélat allemand était de prévenir toute réaction de Contre-Réforme. En effet, en conclusion de son bref bilan, « très négatif », de la réforme conciliaire, il écrivait : « Reste-t-il autre chose qu’un monceau de ruines, d’expériences peu judicieuses ? Gaudium et spes, Joie et espoir, s’est-il mué en Luctus et angor, Tristesse et angoisse ? Le Concile était-il une fausse voie d’où il nous faut absolument sortir pour sauver l’Église ? Les voix de ceux qui parlent ainsi deviennent de plus en plus fortes et le nombre de ceux qui les suivent s’accroît. On devrait se garder de minimiser ce processus. On ne s’opposera jamais assez à cela. »

Et notre Père d’observer : « Ce sont là ces inavouables “ raisons de principe ” qui lui interdisent de nous recevoir, de nous écrire, de nous adresser le moindre signe de vie. Nous sommes morts pour lui. Qu’il sache du moins qu’il n’est pas encore mort pour nous... et que nous ne le lâcherons pas qu’il ne nous ait bénis ou maudits, non selon ses haines et ses folles amours, mais de la part de son maître et selon leur infaillible magistère. » (ibid., p. 9 et 12) Comme si notre Père pressentait que Ratzinger serait un jour lui-même détenteur de ce magistère infaillible !

THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION : “ GARDONS LA CHIMÈRE ” !

LES chroniqueurs de droite, se fiant aux apparences, présentaient les Instructions du cardinal Ratzinger sur la théologie de la libération, comme des mises en garde réactionnaires. Notre Père, par son analyse approfondie de ces textes, en dévoilait le caractère foncièrement révolutionnaire et il dénonçait vigoureusement la connivence du cardinal avec ces soi-disant théologiens, tel le Père Boff, qui, au nom de l’Évangile, prêchaient au peuple la révolution et s’engageaient dans les guérillas communistes, notamment en Amérique latine.

Dans sa critique de l’Instruction sur quelques aspects de la théologie de la libération, datée du 6 août 1984, notre Père contestait la majeure du raisonnement, c’est-à-dire le principe premier exposé dans l’introduction du document : « L’Évangile de Jésus-Christ est un message de liberté et une force de libération. Cette vérité essentielle (vous avez bien lu : cette vérité essentielle !) a fait l’objet ces dernières années de la réflexion des théologiens, dans une attention nouvelle qui est par elle-même riche de promesses. »

« Voilà des paroles de charitable compréhension qui ne nous ont jamais été adressées, remarquait notre Père. Mais ce cardinal inconsistant flatte d’emblée les traîtres désensoutanés qu’il a reçu mission de morigéner, les prêtres révolutionnaires communistes.

« Les phrases suivantes sont typiquement révolutionnaires chrétiennes. C’est la théologie de Lamennais, de Sangnier et de tous nos rouges-chrétiens, nos libérateurs et épurateurs sanglants de 1944. Ceux qui travestissent le mystère de la rédemption, la passion et la croix du Christ, en conquête de la liberté religieuse, politique, sociale, économique et culturelle :

« La libération est d’abord et principalement libération de la servitude radicale du péché. Elle appelle, par une suite logique, la libération des multiples servitudes ( ?) d’ordre culturel, économique, social et politique qui dérivent toutes ( ?), en définitive ( !), du péché et qui constituent autant d’obstacles empêchant les hommes de vivre conformément à leur dignité. »

« Je ne suis pas sûr, commentait notre Père, que cette logique soit chrétienne et catholique. Je suis même sûr du contraire, et la Lettre sur le Sillon, du saint pape Pie X, m’en assure.

« L’Évangile, et l’Église qui ne saurait avoir d’autre fidélité ni d’option contraire, enseignent que le Christ nous promet dès ici-bas la libération du péché et de la servitude de Satan. Mais qu’il n’a jamais promis de nous libérer, sinon dans l’autre monde, des éprouvantes conséquences du péché, originel, atavique ou personnel, telles que la maladie, les guerres, les violences, les injustices, l’esclavage. Et moins encore des imperfections et insatisfactions qui sont dans la nature des choses et affectent notre condition terrestre, telles ces inégalités cuisantes que les discours démagogiques contemporains tiennent pour des injustices criantes dont il faut absolument réclamer la suppression ! »

Ratzinger adoptait le schéma révolutionnaire, hégélien, qui prend le contre-pied de l’enseignement évangélique. Dans la dialectique hégélienne, le rapport maître esclave est la structure de toute relation humaine, c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir un rapport social entre deux êtres humains sans que l’un soit un oppresseur, un exploiteur, et l’autre, un opprimé, un exploité. Cette contradiction engendre une dialectique qui serait le ressort de l’histoire. Le maître est tellement égoïste et dominateur qu’il écrase son esclave. Ce qui pousse ce dernier à la révolte jusqu’à annihiler son maître...

Notre Père, lui, tire de sa doctrine “ totale ”, qui nous fut exposée dans la deuxième partie des études de notre camp, une tout autre vision de la société : ce qui la caractérise et la constitue, ce sont d’abord des relations filiales, de père à fils, à l’image de notre Dieu, c’est-à-dire de la relation de Dieu le Père engendrant son Fils. Ce sont aussi des relations d’époux à épouse, à l’image des rapports entre le Christ et l’Église. Contrairement à ce que prétend Hegel, ces relations ne sont pas des rapports d’opposition, mais de composition, d’amour, de soumission et d’obéissance, quand elles sont vivifiées par la grâce.

Selon Ratzinger, toutes les servitudes dérivent en définitive du péché, et le Christ serait venu nous en délivrer. Donc, si l’on suit sa “ logique ”, la “ servitude ” de l’enfant, qui doit obéir à son père, est une conséquence du péché originel.

  Absolument pas ! lui répond l’abbé de Nantes. En revanche, ce qui est une conséquence du péché, c’est qu’un enfant trouve insupportable d’obéir à son père.

« On n’est pas marxiste, à Rome, notait encore l’abbé de Nantes. Mais on est hégélien, on est mennaisien, on est révolutionnaire en plein, mais chrétien et non pas communiste.

« Ce qui est condamné ? Non, même pas, “ signalé aux pasteurs, théologiens et fidèles ”, ce sont “ les déviations (ah !) et les risques (ah !) de déviation... que comportent certaines ( !) formes de théologie (sic) de la libération qui recourent, d’une manière insuffisamment critique ( !), à des concepts empruntés à la pensée marxiste. 

« Mais point la révolution, la libération des peuples contre toute oppression. Au contraire ! Lisez donc plutôt :

 Plus que jamais, il convient que des chrétiens nombreux, dont la foi soit éclairée et qui soient résolus à vivre la vie chrétienne dans son intégralité, s’engagent, par amour pour leurs frères déshérités, opprimés ou persécutés, dans la lutte pour la justice, la liberté et la dignité humaine. 

« C’est l’éternel dialogue du démocrate chrétien et du bolchevique. L’un propose l’avènement d’une nouvelle société parfaitement égalitaire et fraternelle, par l’amour, l’éducation, la non-violence. L’autre lui tend la kalachnikov : “ Allons, finis les boniments, c’est par la violence seule, et la terreur, qu’on en terminera avec la société bourgeoise et qu’on entrera dans le socialisme ! 

« Relisez saint Pie X : “ Le Sillon convoie le socialisme, l’œil fixé sur une chimère. 

« Rome en est encore à la chimère quand déjà les jésuites et les franciscains du Pérou et du Salvador en sont au fer et au feu. »

(CRC n° 204, septembre 1984, p. 11 et CRC n° 207, janvier 1985, p. 6)

VISÉES ŒCUMÉNIQUES.

Dans cet ouvrage au titre trompeur, Principes de la théologie catholique, notre Père détecte tout le venin de la “ théologie ” de Vatican II : « Nous voilà embarqués dans la galère à Congar, jadis condamnée, l’Église œcuménique où tous ex æquo sont des “ frères séparés ”, tous héritiers du même “ héritage chrétien ”, appelés à recomposer ensemble l’Unam Sanctam comme avec des morceaux recollés on arrive à reconstituer un vase brisé. »

Le cardinal Ratzinger examine les positions et revendications contradictoires des unes et des autres confessions, la catholique, l’orthodoxe et la protestante :

« On voit d’abord quelles exigences maximales feraient certainement échouer la recherche de l’unité.

« L’exigence maximale de l’Occident à l’égard de l’Orient serait de demander une reconnaissance de la primauté de l’évêque de Rome, selon toute l’étendue définie en 1870, et la soumission à une pratique de cette primauté telle que celle acceptée par les uniates.

« L’exigence maximale de l’Orient consisterait à vouloir que soit déclarée erronée la doctrine de 1870 sur la primauté, et que soient supprimées toutes les déclarations dont le caractère obligatoire repose sur cette doctrine, depuis le Filioque jusqu’aux dogmes mariaux des dix-neuvième et vingtième siècles.

« L’exigence maximale de l’Église catholique à l’égard du protestantisme serait celle de regarder les ministères ecclésiastiques des protestants comme nuls et d’exiger tout simplement la conversion au catholicisme.

« L’exigence maximale des protestants à l’égard de l’Église catholique serait de vouloir que, par une reconnaissance sans réserve de tous leurs ministères, elle adopte leur notion du ministère et leur manière de concevoir l’Église, et renonce pratiquement à la structure apostolique sacramentelle ; c’est-à-dire inversement qu’elle se convertisse au protestantisme et accepte comme la figure historique de l’Église la variété des types communautaires les plus différents.

« Les trois premières exigences maximales sont à peu près unanimement écartées par la conscience chrétienne universelle... »

Et notre Père de demander : « Qu’est-ce que ce machin, ce Masdu, ce monstre qu’appelle à la barre, en témoin de l’Esprit, notre cardinal ? Qu’est-ce que cette “ conscience chrétienne universelle ” substituée à l’Esprit-Saint, âme de l’Église, et à l’Église enseignante ? ceux-ci se trouvant jugés et condamnés par celle-là ?

« Car ladite “ conscience chrétienne universelle ” est censée “ écarter ” les deux “ exigences ” dites par le cardinal “ maximales ”, mais en toute vérité normales, nécessaires, irréformables, que la sainte Église formule à l’égard du schisme prétendu orthodoxe, et de l’hérésie prétendue réformée.

« Qui plus est, cette “ conscience chrétienne universelle ” tiendrait, “ à peu près unanimement ”, pour évidente et fascinante l’  “ exigence maximale des protestants à l’égard de l’Église catholique ” !

« Le cardinal en vient à perdre toute retenue au point d’écrire ces paroles insensées :

« “ L’unité elle aussi est une vérité chrétienne, une réalité essentielle dans le christianisme, et le rang qu’elle occupe est si élevé qu’elle ne peut être sacrifiée qu’à des nécessités tout à fait fondamentales, et non pas lorsque l’obstacle est une question de formulations ou de pratiques, peut-être importantes, mais qui ne détruisent pas la communion dans la foi des Pères et dans sa configuration ecclésiale fondamentale. 

« Paroles insensées parce que “ l’unité ” dont il dit qu’elle est “ vérité chrétienne ” et “ réalité essentielle ” si élevée qu’on doit tout lui sacrifier, ce n’est plus dans la bouche de ce juge suprême de la foi romaine l’unité catholique mais l’unité chrétienne dite œcuménique ! L’Unam Sanctam n’existe pas, pas encore ! Mais à force de se renoncer et de se dépasser, l’Église romaine la retrouvera, peut-être dans la “ catholicité commune jamais perdue ”, qu’ek-ksé-kça ? » (CRC n° 211, p. 4-5)

DE COMPROMIS EN CAPITULATIONS.

Il ne faut pas passer trop vite sur les conceptions œcuméniques de Ratzinger puisque, devenu Pape, il s’est aussitôt fixé comme « priorité de travailler à la reconstruction de l’unité pleine et visible de tous les fidèles du Christ » (Discours des 20 avril et 19 août 2005). Ainsi n’a-t-il rien renié de ses engagements œcuméniques, mais il les a renouvelés en se référant à son « expérience » en ce domaine « depuis au moins quarante ans, presque cinquante ans » (2 mars 2006).

Poursuivant sa critique du dialogue œcuménique, notre Père remarquait : « En si beau chemin, que le cardinal Ratzinger dénomme “ la recherche de l’unité de l’Église ” ! aucun obstacle ne sera jugé infranchissable. Et puisqu’il faut, pour cette “ recherche d’une communion ecclésiale ”, trouver une base d’accord dans “ la confession et la foi de l’Église au sein de laquelle l’individu participe à une vie et s’ouvre à une rencontre personnelle avec Dieu ”, il va falloir pour le cardinal trouver une interprétation catholique jusque dans “ les écrits symboliques de l’Église évangélique luthérienne ”. Eh bien ! oui...

« “ Les recherches de ces dernières années convergent sur le fait que, si la Confession d’Augsbourg, en tant que livre symbolique luthérien fondamental, a été composée de telle manière qu’on pouvait l’interpréter, selon le droit d’Empire, comme une confession catholique, ce n’est pas seulement pour des raisons diplomatiques ; elle a été aussi conçue, avec une conviction profonde, comme recherche d’une catholicité évangélique, comme un effort pour filtrer l’apport bouillonnant (j’aime ces adjectifs bruyants placés aux trous de la pensée avouable, pour en cacher la misère) du mouvement réformateur primitif de manière à en faire une réforme catholique. 

« Je ne sais pas comment on lit la Confession d’Augsbourg en allemand, mais je sais ce qu’elle veut dire et dit fort clairement en bon français. C’est une arrogante et hypocrite déclaration de guerre au catholicisme, au profit d’une religion nouvelle, antichrist, religion de l’homme et religion séculière, responsable volontaire de la ruine du christianisme et de la naissance du monde moderne, matérialiste athée. Je l’ai démontré sans réplique, dans ma conférence à Strasbourg, pour son 450e anniversaire fêté là-bas de manière indécente : “ La Confession d’Augsbourg, une utopie anticatholique ” (CRC n° 156, août 1980).

« Le mensonge majeur est de soutenir que Melanchton a rédigé la Confession d’Augsbourg pour exprimer la foi catholique, la vraie foi chrétienne, “ le dogme de l’Église ancienne ”, en accord “ avec la forme ecclésiastique fondamentale de celui-ci ” ! Si c’était vrai, – mais c’est évidemment faux, et le contraire tout net de la vérité historique et dogmatique –, alors le concile de Trente et tout le magistère de l’Église romaine auraient erré, dans la stupidité et l’injustice, tandis que la Parole de Dieu et sa sainteté auraient trouvé refuge depuis quatre cent cinquante ans dans Luther et Melanchton, et leurs sectateurs !

« Le cardinal poursuit son propos d’œcuménisme et, de nouveau, nous ressert sa théorie de l’unité, “ bien prioritaire ”, dans et par “ le respect de l’autre dans sa recherche de ce qui est l’essentiel du christianisme ”, ce pragmatisme qui tourne à l’indifférence religieuse, pousse les luthériens à être pleinement luthériens... et les catholiques à renoncer à leur étroit “ particularisme ”, à leur “ confessionnalisme ”.

« Une fois les protestants bien convaincus de luthéraniser à fond, restera à faire avaler aux catholiques ce luthéranisme comme expression légitime et fraternelle de la foi commune à tous, évangélique donc et catholique. »

Les efforts de Ratzinger aboutiront à l’Accord luthéro-catholique sur la doctrine de la justification, signé à Augsbourg, le 31 octobre 1999, par le cardinal Cassidy et des représentants de la Fédération luthérienne mondiale.

Et notre Père de titrer son commentaire demeuré inédit : “ L’Église de Rome à genoux aux pieds du docteur Martin Luther. ” C’est trop évident, « l’Allemagne luthérienne a gagné ! »

Aujourd’hui, sous le pontificat de Benoît XVI, nous voici à la dernière étape de son « programme » œcuménique. En effet, notre Père y distinguait « trois étapes folles :

« Premièrement, diffamer si bien les fermes catholiques romains qu’ils soient exclus de l’Église et proprement anéantis. Avec quelle froide haine ! pour un doux prince de l’Église !

« Deuxièmement, contredire un excès d’indifférence qui se contenterait de réconciliation superficielle.

« Troisièmement, entre intégrisme et indifférentisme, tracer cette voie qui, au-delà des Églises d’aujourd’hui, conduira à la super-Église de demain, enfin à “ l’unité ”, en un “ centre commun ”, qui n’est ni ici ni là-bas, mais ailleurs, mais en haut, mais en l’avenir que Dieu seul sait :

« “ Il est clair que les deux premières attitudes, prises en elles-mêmes, sont beaucoup plus naturelles à l’homme que la troisième, car celle-ci tout à la fois exige de lui les plus hauts dépassements et lui impose le plus extrême dépouillement, réclamant de lui une patience inépuisable et la disponibilité pour une purification et un approfondissement toujours nouveaux. Mais le christianisme repose effectivement sur la victoire de l’invraisemblable : sur l’aventure du Saint-Esprit qui conduit l’homme au-dessus de lui, et qui, précisément par là, le ramène à lui-même. C’est parce que nous avons confiance dans cette force du Saint-Esprit que nous espérons voir se réaliser l’unité et que nous nous mettons au service de l’œcuménisme de la foi. 

« Le théologien qui a écrit ces pages, notait l’abbé de Nantes, est un illuminé, ou un sceptique. De toute manière, ce ne peut être un humble et loyal fidèle de l’Église catholique romaine. Or, en fait, c’est le grand définiteur, inquisiteur et défenseur de la vraie foi catholique, ce “ pro-préfet ” de la Suprême sacrée Congrégation du Saint-Office dont le Souverain Pontife est le préfet ! Rome n’est plus dans Rome. » (CRC n° 211, p. 7)

MODERNISTE IMPÉNITENT

En avril 1985, tandis que le Rapport sur la foi n’est toujours pas publié, paraît en librairie une réédition d’un autre ouvrage de Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd’hui. C’est son maître livre, de 1968, qui contient une dialectique allemande pour rationaliser les mystères de la foi, dont les représentations anciennes n’auraient prétendument aucun sens pour l’homme moderne...

Suivons notre Père dans sa critique de l’ouvrage, tellement intelligente et perspicace. Il note d’abord que « trop d’allusions ou d’appels aux sciences modernes manquent totalement de sérieux », par exemple la référence élogieuse à Jacques Monod, « quelqu’un que je connais assez pour le mépriser parfaitement »  (cf. “ Dieu existe ”, CRC n° 44, mai 1971, p. 1-11).

« Que peut valoir une théologie à ce point serve de la modernité ? Hélas ! moins que rien, et pire que tout. Déjà nous en avertit la note que voici, à propos de la prétendue “ création ” ou “ forgerie ” (sic) du Nom de Yahweh, dans le “ récit ” du Buisson ardent, “ œuvre de la foi d’Israël ”, “ création ” qu’une “ forte présomption, de nos jours, conduit à attribuer à Moïse ” :

« “ C’est le point de vue de l’historien. La conviction du croyant n’en est pas affectée ; pour lui, cette transformation créatrice n’a été possible que sous la forme d’un accueil de révélation. Le processus de création est d’ailleurs toujours un processus d’accueil. 

« C’est là, exactement, littéralement, l’essence même du modernisme dénoncé et anathématisé par saint Pie X.

« Moderniste n’est pas un mot bénin, un mot sans venin. Il désigne, depuis l’encyclique Pascendi (1907), du nom ostentatoire dont ils se dénommaient eux-mêmes, un parti d’hérétiques de la pire espèce, décidés à s’incruster dans l’Église à force de dissimulation et de faux serments, pour en mieux détruire la foi traditionnelle et, par là, toute l’institution. Pour leur substituer une religion toute subjective, individuelle et démocratique, toute de sentiment et de liberté, adhérant charismatiquement à des mystères chrétiens que cependant, par raison et par science, ils rejettent hors de la réalité physique et historique.

« Parce que l’esprit moderne ne saurait rien admettre qui dépasse le cours ordinaire des choses et ne puisse être expliqué par les sciences rationnelles. Il convient cependant d’accorder aux “ révélations divines ” une adhésion du cœur, une émotion de la sensibilité, comme à ce que la communauté humaine accueille de “ divin ” dans certaines expériences si hautes qu’elles ne peuvent venir que de l’Esprit, qui souffle où il veut.

« Telle est la foi du moderniste Ratzinger, gonflée comme une outre de phénoménologie allemande. Alors, gare aux dégâts ! » (“ Rome perd la foi ”, CRC n° 212, juin 1985, p. 3)

L’ASCENSION... UNE IMAGE POUR DIRE QUE !

« Croire à l’Ascension corporelle de Jésus ressuscité, en son corps, à la vue de ses disciples, est devenu la pierre de touche de la vraie foi catholique », écrit notre Père.

Or, Ratzinger affirmait : « Parler d’ascension au ciel ou de descente aux enfers, reflète, aux yeux de notre génération éveillée à la critique par Bultmann, cette image du monde à trois étages que nous appelons mythique et que nous considérons comme définitivement périmée (...). On ne saurait plus, au fond, parler de  haut  et de  bas  ou de  gauche  ou de  droite ”. Le cosmos ne nous donne plus de directions fixes. » Bref, « la conception d’un monde à trois étages, au sens local, a disparu ».

Il suffit à l’abbé de Nantes, pour faire voler en éclats cette « quincaillerie pseudo-scientifique », de poser une question : La pesanteur a-t-elle disparu ?

Voici maintenant en une phrase le « condensé indélébile » de l’hérésie : « Cette conception d’un monde à trois étages a certainement fourni les images par lesquelles la foi s’est représenté ces mystères. »

Et l’abbé de Nantes de commenter : « Le cardinal préfet du Saint-Office est tout aussi moderniste, et formellement hérétique donc, à chasser de l’Église du Christ comme un vulgaire Luther, que les auteurs du catéchisme Pierres Vivantes dont il dénonçait hier encore les insuffisances, par une hypocrisie colossale à laquelle j’aime mieux m’être une nouvelle fois laissé prendre.

« Pour lui, en 1968 comme en mai 1985 où il se réédite, traduit en français pour le réconfort de la clique épiscopale en flagrant délit de perfidie, l’Ascension est une image pour dire que... »

L’abbé de Nantes expose magistralement la théorie moderniste en mettant en lumière son caractère insensé :

« À l’origine du christianisme, il y a “ la foi ” de la communauté (quelle foi ? de quelle communauté ?), qui croit en “ ces mystères ” (lesquels ? et venus d’où ?) qu’il lui faut “ se représenter ” (n’en ayant donc encore nulle idée précise, nulle vue, aucune appréhension sensible) à l’aide d’  “ images ” (véhicules irréels d’idées qu’elles n’évoquent qu’en les trahissant, en les matérialisant), “ fournies ” par des apparences physiques éminemment trompeuses liées à des “ conceptions définitivement périmées ”. “ Certainement ” !

« Je croirai Ratzinger le jour où, place Saint-Pierre, aux yeux de ses trente collaborateurs du Saint-Office, il... tombera dans le ciel et disparaîtra dans un nuage, prouvant ainsi que “ le haut et le bas ” sont des conceptions fallacieuses, dépassées, et responsables de la foi stupide de l’Église depuis deux mille ans au miracle réel de l’Ascension et à son mystère divin signifié par ce miracle même.

« Ici, Ratzinger rime avec menteur. Son herméneutique de parfait moderniste constitue les Évangélistes, saint Luc au premier chef, des menteurs. Les Apôtres, qui sont les premiers garants de notre Symbole baptismal, des menteurs. Toute l’Église qui les a crus, depuis les baptisés du jour de la Pentecôte jusqu’à notre actuel gardien de la foi catholique, une fantastique collection d’imbéciles ou d’imposteurs, le tout coiffé de despotes imposant par l’inquisition et la torture au peuple ignorant des sottises en lesquelles ils ne croyaient pas eux-mêmes.

« Le menteur qui siège au Vatican ne croit pas à l’événement de l’Ascension dans sa réalité historique, objective, physique. Ainsi, il refuse de croire avec l’Église, comme toute l’Église apostolique, à la parfaite loyauté des premiers témoins, témoins oculaires, à l’inspiration des écrivains sacrés, à l’inerrance de leurs récits. Le cardinal Ratzinger est un hérétique patent, public et opiniâtre. Il réédite en 1985 ses hérésies formelles de 1968. » (CRC n° 212, juin 1985, p. 4)

L’IRRÉALITÉ DUDIT “ CIEL ”.

« Ratzinger se croit très fort d’enrober son christianisme sentimental, vidé de tout contenu réel, d’explications prétendues scientifiques et philosophiques, par lesquelles il se flatte, avec un orgueil ingénu, de rendre “ compréhensibles ” et, de là, acceptables à l’homme moderne, résurrection et ascension, ciel et enfer, fin du monde et jugement dernier, devenus des images incolores, inodores et sans saveur, des états d’âme d’un chacun.

« Par exemple, le “ ciel ”... Le “ ciel ” entre guillemets ! “ C’est à partir de là seulement que l’on peut montrer ce que le chrétien entend vraiment par ciel ” (j’attire votre attention sur la tournure, toute subjectiviste, idéaliste, irréelle, de la phrase). Il ne s’agit pas d’un lieu (ah ! voilà le crapaud moderniste dans la bulle de l’alcootest du gendarme), d’un lieu éternel, supra-terrestre, ni simplement d’un domaine éternel métaphysique ( ?!). Il faut plutôt dire (toujours le discours, qui se substitue au vrai réel) que les réalités ciel ” et “ ascension du Seigneur  sont inséparablement liées (entendez : le “ ciel ” est aussi irréel qu’on vient de vous dire l’  “ ascension ” !). C’est à partir de ce rapport seulement que le sens christologique, personnel, historique du message chrétien au sujet du ciel devient clair (après deux mille ans d’obscurité !).

« Autrement dit (pour être encore plus clair !) le ciel n’est pas un lieu qui aurait été fermé avant l’ascension du Christ par un décret positif de Dieu, pour être ouvert ensuite par un décret également positif. La réalité ciel ” (ce besoin de dire : la réalité ciel ” témoigne de l’irréalité dudit “ ciel ” entre guillemets) ne devient au contraire effective que dans la rencontre intime de Dieu et de l’homme. Le ciel est à définir comme (mesurez à ce jargon le degré d’irréalisme où se situe la pensée moderniste !) le contact de l’être de l’homme avec l’être de Dieu ; cette rencontre intime de Dieu et de l’homme a été définitivement réalisée dans le Christ, lorsque, à travers la mort, il a passé au-delà du bios à la vie nouvelle. »

Notre Père demande : « Qu’est-ce que cela veut dire ? S’agit-il d’une théologie allemande, impénétrable à un esprit français ? » Et de répondre : « La question n’est pas là. Cette théologie est moderniste, elle n’est pas, mais alors pas du tout catholique. Saint Pie X l’abominait et ne concevait pas, ne tolérait pas qu’un tenant de pareille hérésie exerce la moindre fonction ecclésiastique. Qu’est-ce que Joseph Ratzinger fait donc au Saint-Office ? Précisément, il l’occupe pour le neutraliser, en attendant de le détruire... ou de le retourner contre nous. » (CRC n° 212, p. 4-5)

L’ÉGLISE : “ LA GRANDE PROSTITUÉE ” 
DÉNONCÉE PAR LUTHER.

Dans ce même livre, l’ancien expert du cardinal Frings développe une théorie de l’Église tout à fait luthérienne. C’est dans la logique de sa “ recherche œcuménique de l’unité, bien prioritaire ”, comme nous l’avons vu précédemment. Il lui faut « faire avaler aux catholiques ce luthéranisme comme expression légitime et fraternelle de la foi commune à tous » (CRC n° 211, p. 7).

Sa théorie luthérienne, le théologien allemand l’expose sous le titre : “ La sainte Église catholique ”.

« Les guillemets sont de Ratzinger, explique notre Père. C’est une citation... des autres ; c’est la pensée ingénue, la foi naïve des autres. Non pas de lui. En effet :

« “ Si nous voulons être francs, nous devons bien reconnaître que nous sommes tentés de dire que l’Église n’est ni sainte ni catholique. Le deuxième concile du Vatican lui-même en est venu à ne plus parler simplement de l’Église sainte, mais de l’Église pécheresse ; et si l’on a critiqué le Concile à ce sujet (la suite, je vous la donne en mille ! La seule critique que l’on ait pu formuler, ou entendre à ce sujet, c’est... ? c’est ? Non, vous ne devinerez jamais !)

« “ ... cela a été tout au plus pour lui reprocher (tentez encore votre chance : reprocher quoi ? d’avoir été bien osé d’insulter sa propre Mère, l’Épouse du Christ ? Non, vous n’y êtes point du tout)

« “ ... d’avoir été trop timide dans son affirmation, tellement est fort aujourd’hui, dans notre conscience à tous, le sentiment de la condition pécheresse de l’Église. Il est fort possible que joue également ici l’influence d’une théologie luthérienne du péché, et donc un présupposé dogmatique. ” »

Cette “ dogmatique luthérienne ” rejoint sa « propre expérience » :

« Les siècles de l’histoire de l’Église sont tellement remplis de défaillances humaines, que nous pouvons comprendre l’effroyable vision de Dante, voyant la prostituée babylonienne assise dans le char de l’Église, et que nous trouvons concevables les paroles terribles de l’évêque de Paris, Guillaume d’Auvergne (treizième siècle), qui disait que tout homme, à la vue de la dépravation de l’Église, devait se sentir glacé d’horreur. “ Ce n’est plus une épouse, mais un monstre effrayant, difforme et sauvage... 

« En note, Ratzinger renvoie au “ grand article de Hans Urs von Balthasar, Casta meretrix, dans (cela ne s’invente pas !) Sponsa Verbi, Einsiedein, 1961 ”. Dans une revue dont le nom est Épouse du Verbe, un grand article intitulé Chaste putain ! Ils sont impies, ils sont tous fous. » (CRC n° 212, p. 5)

Le théologien luthérien poursuit : « L’Église est devenue aujourd’hui pour beaucoup l’obstacle majeur à la foi. Ils n’arrivent plus à voir en elle que l’ambition humaine du pouvoir, le jeu mesquin de ceux qui, avec leur prétention d’administrer le christianisme institutionnel, semblent constituer le principal obstacle au véritable esprit du christianisme. »

Notre Père commente : « L’homme qui a écrit et qui publie ces lignes, s’il chante le Credo, est un menteur. Il proclame : “ Je crois la sainte Église catholique ”, mais d’abord, il la traite de putain. »

Et de lui opposer l’enseignement infaillible du premier concile du Vatican, dans sa constitution dogmatique sur la foi catholique :

« C’est à l’Église catholique seule que se réfèrent tous ces signes si nombreux et si admirables disposés par Dieu pour faire apparaître clairement la crédibilité de la foi chrétienne. Bien plus, l’Église, à cause de son admirable propagation, de son éminente sainteté, de son inépuisable fécondité en tous biens, à cause de son unité catholique et de sa solidité invincible, est par elle-même un grand et perpétuel motif de crédibilité et un témoignage irréfutable de sa mission divine. » (De fide catholica, Denzinger no 1794)

Notre Père suit pas à pas le prétendu théologien dans les méandres de sa pensée : « Substituant au miracle de l’Église capable de prouver sa crédibilité à toute âme sincère, le scandale d’une Église prostituée, Ratzinger va trouver la plus incroyable, la plus prétentieuse, la plus monstrueuse raison de croire quand même en cette Église pécheresse. Et cette raison, c’est lui ! » C’est sa propre excellence à lui, qui sauve tout par sa seule foi ! Lisez plutôt :

« En fin de compte l’on ne peut ici (l’On, c’est Ratzinger lui-même) que donner témoignage de sa foi et dire pourquoi l’on arrive malgré tout ( !) dans la foi (sentiment intime, expérience indicible, sans autre raison ni fondement que l’excellence de soi et l’infaillibilité de son moi), à aimer cette Église (quel dédain !), pourquoi l’on ose ( !) toujours encore reconnaître à travers les traits défigurés (de cette putain), le visage de l’Église sainte. »

« C’est-à-dire, consent-il à expliquer en parfait luthérien, que dans le péché de l’homme descend la grâce divine, et que la grâce subsistant au centre du péché est pur objet de la foi confiance, de la foi amour, de la foi malgré tout du saint homme devenu pour ses frères un garant de Dieu :

« “ Le mot saint ne signifie pas d’abord, dans toutes ces affirmations, la sainteté des personnes humaines, mais renvoie au don divin qui apporte la sainteté au milieu du péché de l’homme. L’Église n’est pas appelée sainte dans le Credo parce que tous ses membres seraient des hommes saints et sans péché, – ce rêve, qui resurgit à toutes les époques, n’a pas de place dans l’univers réaliste de notre texte, même s’il exprime de façon émouvante une nostalgie de l’homme, qui ne le quittera pas, aussi longtemps qu’un ciel nouveau et une terre nouvelle ne lui accordent pas ce que ce siècle ne pourra jamais lui donner. 

« Ici l’auteur ment avec habileté. Car, entre la théorie de l’Église putain, et cette utopie d’une Épouse du Christ dont “ tous les membres seraient des hommes saints et sans péché ”, – la ruse du rat-chanteur est un peu grosse –, il y a la sereine modération de notre catéchisme, en réponse à la question :

« Pourquoi dites-vous que l’Église est sainte ?

–  Parce que Jésus-Christ son fondateur est saint ;

parce que sa doctrine et ses sacrements sont saints ;

parce qu’elle a toujours formé des saints. ” (qu. 131) »

DUPLICITÉ MODERNISTE.

Ratzinger développait ensuite une théorie de « “ sanctification ” luthérienne, dont le concept est si utile à nos parangons de Vatican II, dans leur pourriture mentale et morale ! C’est une sanctification “ forensique ”, tout extérieure, qui ne change rien à l’état corrompu de l’Église conciliaire, au contraire l’encourage à l’aggraver chaque jour davantage !

« La pensée glisse, serpente. On était parti de l’accusation portée par Vatican II contre l’Église des temps anciens, dont le scandale était tel qu’il constituait un obstacle majeur à sa crédibilité. Mais la foi de Ratzinger passait outre. Et puis, la Réforme conciliaire en cours allait tout changer ! Cependant on en venait à très bien concevoir que la grâce puisse habiter jusqu’au sein de la corruption humaine... Voici maintenant que nous est suggéré davantage : la grâce doit habiter dans le péché, à l’exemple du Christ lui-même ! »

On ne pouvait mieux résumer la pensée du théologien allemand qui écrivait :

« L’Église n’est-elle pas simplement le prolongement de cette insertion de Dieu dans la misère humaine, n’est-elle pas simplement la continuation de la communauté de table de Jésus avec les pécheurs, de cette solidarité qui lui fait partager la détresse du péché, au point de paraître s’anéantir en elle ? »

Héraut de la vérité catholique, notre Père concluait : « J’accuse Joseph cardinal Ratzinger d’hérésie luthérienne, et je réclame son renvoi du Saint-Office, son excommunication majeure et la prohibition de ses œuvres. » (CRC n° 212, p. 6)

Cependant, n’avait-il pas publié, quelques mois plus tôt, un document remarquable sur Luther et l’unité des Églises ?

« Je suis content, expliquait notre Père, de m’être laissé prendre à certains textes émanés de lui, superbement réactionnaires. On ne pourra pas m’accuser de préjugés, ni d’une hostilité a priori. Maintenant, ces textes me paraissent des trompe-l’œil, habituels aux modernistes, et des contre-feux destinés, en dénonçant eux-mêmes ce que nous condamnons, à ôter à nos cris toute influence et à nos personnes toute autorité. C’est habile ! » (ibid., p. 5)

Telle est la duplicité des modernistes : « C’est toujours pareil, ils veulent demeurer dans l’Église, s’y maintenir à tout prix et, pour aboutir à leurs fins, s’y étaler dans des chaires d’université, y accéder aux plus hautes fonctions à Rome même, en mentant sur la foi, en mentant sur eux-mêmes et, finalement, en se mentant à eux-mêmes jusqu’au point de tomber dans l’incurable magma de sincérités successives et contradictoires.

« Ainsi de Joseph cardinal Ratzinger, devenu, tout moderniste qu’il est, le pro-préfet de la suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office, comme on disait jadis. Au tribunal suprême de la foi, le criminel est devenu grand juge. » (ibid., p. 3)

QUI TROMPE QUI ?

Comment interpréter les prises de position presque contradictoires du cardinal, dans la conjoncture de ces années 1984-1985, alors que les catholiques s’alarmaient de voir tant de désordres et de scandales dans l’Église et jusque dans sa Tête romaine elle-même ?

« Qu’est ce jeu du chaud et du froid que souffle le cardinal passant de l’intégrisme au progressisme, faisant des sourires à l’un puis à l’autre camp ? Qui veut-il vraiment tromper, et qui protéger, encourager, promouvoir ? Maintenant c’est trop clair », écrivait notre Père au printemps 1985.

« Je comprends, enfin, Georges de Gobemouche, qui tout de même n’avale pas mais recrache avec dégoût ce qu’il lui arrive de gober par son trop de confiance, non certes en l’Église de Jésus-Christ, mais en ses pasteurs de mensonge et de tueries, non, c’est trop bête !

« Dans le réveil et l’insurrection de la foi catholique, – je dis simplement “ catholique ” –, face au débordement de l’impiété et de l’hérésie, de l’anarchie et même de l’apostasie partout dans le monde, du fait de la hiérarchie, c’est patent, du clergé et surtout des ordres religieux postconciliaires, cela crève les yeux, l’Allemand posté au Saint-Office agit selon sa nature. Il donne à fond dans la réaction, pour en prendre la tête, en éclipser les véritables guides, – le véritable guide, notre Père ! – puis l’ayant confisquée à son profit, en infléchir la marche et la ramener au service de ses desseins, ou la perdre irrémédiablement dans les sables. » (CRC n° 211, p. 9 et n° 212, p. 8)

Notre Père avait parfaitement discerné la manœuvre du « cardinal félon », destinée à rassurer et à séduire les traditionalistes :

« Le cardinal, s’étant fait un renom de conservateur par quelques éclats de voix récents, ratisse large dans les milieux de droite, de tradition, dans le but d’isoler, de laisser terriblement seuls et incompris ceux qui refusent de perdre la foi comme lui, avec Rome, pour retrouver tous les avantages et les honneurs d’une confortable carrière ecclésiastique. » (ibid., p. 14)

Le ralliement tentateur, le cardinal Ratzinger le proposait à Mgr Marcel Lefebvre qui avait signé tous les actes de Vatican II. Devenu Pape, il lève l’excommunication des successeurs de l’évêque schismatique pour engager le dialogue avec eux. Mais jamais il n’a levé la suspense de l’abbé de Nantes pour dialoguer avec lui, et pour cause !

« On me reprochera, écrivait notre Père, des insolences envers le cardinal préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et, à travers lui qui en est le collaborateur le plus proche dans le domaine sacré de la foi, – l’autre, Casaroli, est plus proche encore, touchant la politique et l’argent –, envers le pape Jean-Paul II, vicaire de Jésus-Christ “ indigne ”, il le dit lui-même, et, en cela, il a raison. Ce ne sont pas des insolences, ce sont des insultes. Je dirais même, des outrages. Assimilables à des violences, verbales certes, mais qui dans leur ordre sont beaucoup plus graves que des coups et blessures physiques.

« C’est ma manière de signifier à mes lecteurs que je trouve la situation des plus grave et que je ne suis pas en train d’esquisser par-derrière une tentative de ralliement et de réconciliation. Je brûle mes vaisseaux pour mieux me battre contre ce parti devenu maître de l’Église et qui s’apprête, demain, à substituer son autorité, celle de Vatican II, à l’autorité de Jésus-Christ. » (“ Ratzinger et ses anabaptistes ”, CRC n° 213, juillet 1985, p. 8)

RATZINGER ET SES ANABAPTISTES

À ses amis qui lui demandaient : « Ratzinger a-t-il donc lancé son cri d’alarme en 1984 sans en penser un seul mot ? » notre Père répondait : « Non, certes. Ratzinger est bien ennuyé. Parce que le mouvement réformiste va trop vite. » (CRC n° 211, p. 10)

Son livre, tellement attendu, Entretien sur la foi, qui parut le 30 mai 1985, vérifia les analyses de notre Père : « Voilà clairement avoué le but premier et principal de l’offensive de Ratzinger contre ses amis progressistes, comme fut jadis à Wittenberg celle de Luther contre les anabaptistes : pour sauver chacun sa boutique, celui-ci son hérésie, celui-là, pareil ! son Concile... et l’un comme l’autre, rallier à leur réforme les Allemands effrayés des excès scandaleux qui en résultaient, et de ce fait tentés de... revenir au catholicisme ! » (CRC n° 213, p. 4)

Certes, le préfet de l’ex-Saint-Office désavouait les ultramodernistes, ses anciens amis et compagnons de combat, Hans Küng, Schillebeeckx et les autres, pour lesquels Vatican II n’était qu’un point de départ. « Le problème du cardinal est de persuader les zozos de ne plus faire les imbéciles. Au lieu d’interpréter le Concile comme une invitation accélérante à la folie en spirale centrifugeuse, tâcher de les retenir dans le colimaçon d’une déraison constante et contrôlée, équilibrant les forces centrifuges et centripètes par un conservatisme bon enfant », le conservatisme de Vatican II !

PLUS PERSONNE ?

Il existait pourtant une autre solution, la seule solution catholique et salutaire, que l’abbé de Nantes lui avait rappelée avec tellement d’insistance : revenir sur les monstrueuses hérésies du Concile, les rétracter.

Or, Ratzinger l’écartait, dès les premières pages de son livre : « Sur l’importance, la richesse, l’opportunité et la nécessité des grands documents de Vatican II, il ne se trouve personne, catholique et voulant le rester, qui ait – ou puisse nourrir – quelque doute que ce soit. »

« Plus personne ? commentait l’abbé de Nantes. Nous donc, nous ne sommes “ personne ” ! Il n’y a pire péché contre autrui que de l’atteindre dans son être même en niant qu’il existe. Ainsi est-il privé, dans son inexistence légale, de tout droit, de tout pouvoir, de toute dignité. Les opposants au Concile, aux Actes du Concile eux-mêmes et à tout ce qui s’ensuit, sont non-vus : “ On ne trouve personne ”... C’est une sorte d’homicide juridique.

« Nous sommes exclus de la société des vivants et, en tout cas, de leur Église. Ne serions-nous qu’une poignée, cette “ Église conciliaire ”, par une telle exclusion, ne serait plus catholique, mais schismatique. » (CRC n° 213, p. 3)

Ratzinger disait aussi : « Par l’aile conservatrice (où on ne trouve “ personne ”...), le Concile est considéré comme responsable de la décadence actuelle de l’Église catholique et on le juge même comme une apostasie à l’égard du concile de Trente et de Vatican I : au point que certains sont allés jusqu’à en demander l’annulation ou une révision qui équivaudrait à une annulation. »

« Paroles prodigieuses ! Voilà donc, en face des milliers et centaines de milliers de progressistes, avec leurs millions de suiveurs, un autre groupe, de poids comparable, cent mille fois moins nombreux, donc de qualité infiniment supérieure. Ce groupe s’appelle “ personne ”, “ on ”, ou encore “ certains ”...

« Mais le meilleur, c’est la fin. Ce menteur d’Allemand qui campe au Vatican s’est trahi en quatre mots : “ une révision qui équivaudrait à une annulation ”. Ah ! là... Un texte qui, de toute évidence, ne pourrait être “ révisé ” sans être  annulé ” s’appelle un faux, une monstruosité juridique, ou criminelle. Ah ! Nous savons maintenant que les Actes de Vatican II ne pourraient être révisés sans être nécessairement et évidemment annulés. Et Ratz n’a jamais attaqué le Concile, jamais ! Il dort sur le crime, la conscience apparemment tranquille... » (ibid., p. 4)

DU PASSÉ FAISONS TABLE RASE.

Voici l’axiome du cardinal définissant sa position, c’est un axiome typiquement moderniste :

« J’ai toujours voulu rester fidèle à Vatican II, cet aujourd’hui de l’Église, sans nostalgie pour un hier irrémédiablement passé, sans impatience pour un demain qui ne nous appartient pas. »

« Un tel principe d’action, remarque notre Père, est doublement et triplement absurde, dans son évolutionnisme sans fleuve ni rives, où “ tout coule, rien ne demeure ”, disait le vieil Héraclite, entraînant à sa suite la bande des sophistes qui corrompirent l’esprit et le cœur des jeunes Athéniens. Et d’autant plus imbécile que l’homme qui parle a coincé son horloge pour prétendre qu’il est midi encore, quand le soleil de Vatican II est couché depuis belle lurette. »

En 1985, Vatican II était vieux de vingt ans. Ce n’était déjà plus “ l’aujourd’hui de l’Église ” !

« À Ratzinger qui lui objectait que les conciles de Trente et du Vatican (le premier), et Pie IX et Pie X étaient couchés depuis longtemps et ne pouvaient donc plus nous dispenser la moindre lumière, Mgr Lefebvre regarda sa montre et répondit : “ Ratzinger le sera bientôt, Éminence ! ” S’il le lui a dit, il ne l’a pas convaincu.

« Ratzinger ne s’est pas couché, il ne se couchera pas. Il a bloqué le balancier de son horloge bavaroise le 7 décembre 1965. Il avait trente-huit ans. Il était jeune, il était beau, il était le phénix des experts allemands. Cette vieille célébrité n’a pas vu le temps passer. De toutes les autres, il sait qu’elles sont passées, trépassées ou dépassées. Mais elle est toujours là, toujours belle et jeune. Son heure à elle, c’est l’aujourd’hui de l’Église et du monde. Le ciel et la terre passeront, mais Vatican II et son soleil, Ratzinger, ne passeront point ! Blasphème... »

De plus, « le rejet du passé, autre que de folklore, est le signe indubitable et suffisant de l’hérésie. Donc, tous ceux qui font du passé la règle de leur aujourd’hui, en dogme, en morale, en liturgie, en droit, et l’idéal de leur futur, sont catholiques. Et c’est bien ce qu’on leur reproche, sous prétexte d’évolutionnisme et de modernisme !

Le cardinal Ratzinger avec Jean-Paul II« En revanche, ceux qui dressent l’aujourd’hui ou, à peine pire, le demain de l’Église contre un hier qu’ils abhorrent, sont suspects d’hérésie et ne peuvent pas ne pas l’être : on n’a généralement pas longtemps à chercher pour trouver et montrer en quoi ils ont fait, comme disait Pie IX, “ naufrage dans la foi ”.

« Car notre religion ne nous monte pas au cœur et à la conscience, chaque matin nouvelle, comme prétendent les modernistes et charismatiques de toute époque, foi évoluant sans cesse si capricieusement qu’aujourd’hui, en survenant, efface tout d’hier et ne laisse rien savoir de demain ! Notre religion vient du passé, intégralement, à charge pour aujourd’hui d’en défendre, conserver intacte et transmettre à demain la tradition, sans altération ni nouveauté substantielle.

« La tradition est cette présence du passé, au présent de l’Église et à son avenir jusqu’à la consommation des siècles. Mais non pas n’importe quel passé, non pas le passé fallacieux des révolutions. Le passé qui est celui de la révélation divine, de l’incarnation du Verbe, de la rédemption de l’humanité par la Croix de Jésus-Christ, de sa résurrection glorieuse et de son ascension corporelle, de son institution de l’Église et de la communication de ses divins pouvoirs, de l’envoi enfin, par Lui, du Saint-Esprit à ses Apôtres au jour de la Pentecôte et de sa merveilleuse assistance à son Église en tout temps, fors en celui de l’apostasie prédite et nous y sommes... C’est cela qui ne passera jamais. Et par rapport à quoi Vatican II, Paul VI, Jean-Paul II et Ratzinger ne sont que feuilles mortes d’automne emportées par le vent, et qu’on brûle... » (CRC n° 213, juillet 1985, p. 2)

« POURQUOI IL FAUT REVENIR À MARIE. »

C’est sous ce titre que Vittorio Messori rapporta des confidences du cardinal Ratzinger sur un point capital puisqu’il s’agissait du « discours sur Marie ». Le prélat avouait avoir changé, en reconnaissant que les novateurs de Vatican II, dont il était, avait eu tort de défendre une “ position minimaliste ” :

« Au début du Concile, je ne comprenais pas du tout ces antiques formules comme Marie est l’ennemie de toutes les hérésies ”. D’autres, comme De Maria numquam satis, de Marie on ne dira jamais assez ”, me semblaient excessives. La situation changeant, pendant le Concile et depuis, et en approfondissant ce thème, j’ai dû changer d’avis. »

« Paroles étonnantes, qu’ensuite vous justifiez lumineusement, lui écrivait l’abbé de Nantes. Tous les grands dogmes de notre foi tiennent si étroitement aux gloires et aux privilèges de Marie que croire à ceux-ci, c’est éviter toute erreur sur ceux-là. Les deux dogmes les plus anciens, de la Virginité perpétuelle et de la Maternité divine de Marie, mais aussi les deux plus récents, de la Conception immaculée et de l’Assomption, mettent pratiquement à l’abri la foi en Jésus homme-Dieu et sauvent les prérogatives du Père tout-puissant, qui peut intervenir sur la matière elle-même, etc.

« On reconnaît vos préoccupations actuelles touchant la foi : elles vous ont conduit à considérer la foi en Marie comme la défense de la foi tout court. Comme c’est vrai ! » (CRC n° 207, janvier 1985, p. 11)

Le cardinal avait certes “ changé ” à l’égard de la très sainte Vierge Marie, mais pas au point d’adhérer au message de Notre-Dame de Fatima.

« Je crains que vous-même, intoxiqué par les diaboliques critiques du doux Père Dhanis, consulteur au Saint-Office et qui fut parmi les juges dans mon procès de 1968 ! vous ne vouliez pas donner foi au message de salut, puisque vous ne faites aucune mention des demandes du Ciel qui en sont l’essentiel, ces demandes auxquelles est subordonnée la grâce divine sur notre monde en détresse. » (ibid., p. 12)

Puisque notre Saint Père le pape a annoncé qu’il se rendrait à Fatima le 13 mai 2010, il nous faut prier pour qu’il ouvre son âme à la grâce et au mystère de Fatima. Et le monde sera sauvé !

Ce changement de l’esprit et du cœur du Pape, nous voulons l’obtenir par l’intercession de la messagère de Notre-Dame, sœur Marie-Lucie de Jésus et du Cœur Immaculé : « Quand je serai libérée de la prison de cette terre, écrivait-elle le 9 août 1960, mon apostolat sera plus fécond et mes possibilités décuplées. »

Prions sœur Lucie d’intercéder pour le Saint-Père !

Si Benoît XVI laisse passer la grâce de son pèlerinage du 13 mai 2010 sans satisfaire aux demandes de Notre-Dame de Fatima, il sera, comme notre Père le disait de Jean-Paul II en de semblables circonstances, « le plus malheureux, le plus à plaindre de tous les hommes de ce temps ».

Il est ressuscité ! n° 88, décembre 2009