L’abbé Jean-Pierre Chaperot, notre ami
L’ABBÉ Jean-Pierre Chaperot s’est éteint dans la paix de Dieu, à l’âge de 82 ans, en notre maison Saint-Joseph, le mercredi 11 mai, alors qu’il n’avait plus aucune charge dans le diocèse de Nanterre. Très malade, devant être dialysé trois fois par semaine, il avait dû quitter définitivement son logement chez les sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve, à Neuilly, en septembre dernier, après avoir été pendant plus de dix ans leur aumônier. Elles le pleurent aujourd’hui.
L’abbé Chaperot a connu les écrits de l’abbé de Nantes dès son séminaire : « La lecture en cachette des Lettres à mes amis fortifia ma vocation. » Puis il s’abonna à la Contre-Réforme catholique mensuelle. « Je lisais toujours en premier la Page mystique. » Vicaire, puis curé de Saint-Maxime à Antony, il édifia les familles de notre Communion phalangiste par sa piété et son zèle pour administrer les sacrements.
« L’abbé Chaperot était toujours disponible pour nous recevoir en confession : nous en avons énormément profité, en particulier lorsqu’il était curé à Saint-Maxime d’Antony, puis à Meudon-la-Forêt. En plus des permanences qu’il assurait, il suffisait de le prévenir par téléphone pour avoir un rendez-vous très rapidement. Papa m’a dit qu’il avait fait le vœu de ne jamais se dérober lorsqu’il était sollicité par un pénitent. »
Pendant plus de dix ans, il assura chaque mois pour nos amis parisiens une heure sainte pendant laquelle il ne cessait de confesser, avec un confrère. À mon arrivée à la sacristie, sa première question était toujours : « Comment va frère Bruno ?... Et frère Gérard ?... Et frère Christian ? » Puis il commentait avec perspicacité le dernier numéro d’Il est ressuscité. Confiant dans le jugement du Père et des frères, la lecture d’un article pouvait le faire changer radicalement d’avis, par exemple sur Marthe Robin.
Comprenant la portée théologique des nouveautés pastorales que notre Père proposait, il les adoptait ; par exemple, pour les Louanges divines, lors des Saluts du Saint-Sacrement : Béni soit Jésus-Christ, vrai Dieu fait homme.
Toujours jovial, on n’arrivait pas à savoir la gravité de ses maladies.
Quand il fut hospitalisé à Saint-Joseph, à Paris, un de nos jeunes amis, alors interne, put le visiter souvent. Le 21 septembre 2020, il m’écrivait : « Grâce à Dieu, l’aumônier de l’hôpital est un prêtre qui s’en occupe à merveille, l’aime et l’admire beaucoup. Il lui donne la communion tous les jours. Le Père Chaperot a lu avec grand intérêt les deux derniers numéros d’Il est ressuscité et me demande des nouvelles des communautés dès qu’il me voit. »
Quelques jours plus tard, je lui rendais visite dans sa chambre d’hôpital où je le trouvais avec sa chère sœur Catherine qui s’éclipsa tout de suite. Sa première question :
« Comment va la CRC ?
– Très bien, mon Père, nous préparons notre congrès annuel. »
Je lui proposai de réciter un chapelet. À peine était-il achevé qu’il me demanda d’en commencer un deuxième : « On va le dire pour votre ministère apostolique, pour la CRC. »
La semaine suivante, le 1er octobre, il me parut très affaibli. Un infirmier le quittant lui demanda s’il fermait la porte de sa chambre ou s’il la laissait ouverte. Et l’abbé de s’écrier : « La porte du Ciel, vous la laissez ouverte. » En se rendormant, il murmurait la prière : « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous. » L’infirmier vint lui donner à boire. Il lui répondit : « Quiconque donnera à boire à l’un de ces petits rien qu’un verre d’eau fraîche... »
Une autre fois, en entrant discrètement dans sa chambre d’hôpital, j’eus l’impression qu’il dormait et je me dirigeai silencieusement vers la chaise. « François ! » s’écria-t-il alors. « Oui, mon Père. » – « Chapelet ! »
Comme il ne trouvait pas son chapelet, je lui en donnai un, et nous l’avons récité ensemble : sa voix était faible, mais il mettait toujours un accent particulier sur sainte miséricorde, à la fin de la prière de Fatima.
En décembre dernier, entre deux dialyses à la clinique Aura, à Paris, il eut le courage de venir par ses propres moyens à la maison Saint-Joseph pour célébrer la messe de minuit, à minuit ! et la messe du jour. Avec quelle attention il écouta la prédication du frère Bruno !
Le 17 avril, en la fête de Pâques, il arriva à la maison Saint-Joseph. Quelques jours après, il assura les confessions. Comme je l’en remerciai, il me répondit : « Cette communauté est formidable. »
Ayant entendu avec nous, au réfectoire, la lecture du livre du docteur Barbet sur la Passion de Notre-Seigneur, je lui proposai de lire un article du frère Bruno sur le Saint-Suaire. « Non, me dit-il, je suis dans la dévotion réparatrice. » De fait, il lisait l’article sur la dévotion des cinq premiers samedis paru dans Il est ressuscité d’avril. Ce fut sa dernière lecture.
Quand il était soucieux, ennuyé, ou souffrant, et que le soir je lui demandai avec frère Joseph-Sarto sa bénédiction, son visage devenait tout à coup joyeux et recueilli. Il fermait les yeux, récitait une série d’invocations assez variées : ce pouvait être les prières de Fatima, des invocations au Sacré-Cœur. Une fois, il dit : « Nous vous remercions, ô mon Dieu, pour toutes les grâces d’aujourd’hui, pour toute la charité fraternelle, et pour le Cœur eucharistique de votre Divin Fils. »
Le dimanche 8 mai, comme il paraissait beaucoup souffrir du dos, je lui disais : « Vous avez mal. » Il me répondit : « J’ai mal à cause de mes péchés. »
Le mardi 10, au retour de sa séance de dialyse, il était épuisé. Assis sur sa chaise, il me demanda ce que la communauté avait fait au cours de la matinée. Je lui racontais la distribution du travail par frère Bruno au petit déjeuner. À peine avais-je fini qu’il me dit : « Et comment vont les sœurs ? »
Au cours de l’après-midi, ses propos devinrent peu à peu incohérents. À 8 heures du soir, cherchant à l’apaiser, je me mis à réciter tout haut le chapelet, auprès de son lit. J’eus la joie de l’entendre répondre distinctement à ces Je vous aime, ô Marie ! Ce fut notre dernière conversation. À 4 heures du matin, notre si cher abbé était entré dans son repos éternel.
Terminons par un mot de notre frère Bruno de Jésus-Marie, après l’une de ses dernières messes : « Quand l’abbé Chaperot célèbre la messe, il est à la fois prêtre et victime. »
Frère François de Marie des Anges