Le Père Thomas

UN OBLAT DE MARIE IMMACULÉE,
DISCIPLE DE L’ABBÉ DE NANTES

Notre Père avec le Père Thomas
Notre Père avec le Père Thomas.

« Je crois que j'ai rencontré un saint prêtre. » dira l’abbé de Nantes au lendemain de sa rencontre, en août 1991, avec le Père Henri Thomas, oblat de Marie Immaculée. Ce dernier venait d’écouter, sur cassettes, les conférences de notre Père sur la religion des saints du XIXe siècle : “ La religion de nos pères ”. Il en était transporté d’enthousiasme, tant cela lui rappelait l’enseignement, la ferveur et les bons exemples de ses parents.

Dans le sillage de ces conférences, il découvrit peu à peu tout le trésor de doctrine amassé par l’abbé de Nantes. Il apprécia beaucoup ses études historiques sur le Maréchal Pétain, comprenant enfin pourquoi ce grand Français était si calomnié, et pourquoi aussi ses parents l’estimaient tant. Mais ce sont surtout les travaux approfondis de notre Père sur les apparitions de Fatima qui le passionnèrent, car durant toute sa vie de prédicateur il avait prêché, avec bonheur et profit, le message de la Vierge de Fatima.

Cependant, à partir de 1961 et pendant plusieurs années, un grave cancer l’empêchera de prêcher. Après des mois de lutte et alors qu’il n’y avait plus d’espoir, il guérit et reprit ses prédications.

Le Père ThomasMais les temps avaient changé, nous étions en pleine Révolution tranquille, accentuée par la révolution conciliaire de Vatican II. Prêcher Fatima et donc exhorter les fidèles à prier, à se sacrifier pour sauver les âmes de l’enfer, était passé de mode. On se plaignit à ses supérieurs, mais lui leur avouera bien simplement qu’il était incapable de mettre sa foi et sa dévotion à la Sainte Vierge au goût du jour.

Il obtint de son supérieur d’être nommé en Floride aumônier de cette clinique où il avait été si bien soigné durant sa maladie. Il va vivre là pendant 25 ans comme un solitaire et un pauvre, faisant du bien aux quelques Canadiens-français des environs, se dévouant auprès des malades et jardinant.

Ce n’était pas un esprit rebelle ou schismatique, il suivra les changements liturgiques imposés par la hiérarchie, mais il sera toujours affligé par la décadence de l’Église, la déchéance des âmes et surtout de ses Canadiens-français qu’il aimait tant.

UN DISCIPLE

Ayant écouté notre Père sans a priori, il y retrouva tout ce que l’Église, en la personne de ses chers parents ou de ses vénérés maîtres, lui avait appris. Aussi devint-il un disciple enthousiaste et raisonné de l’abbé de Nantes. Il posait des questions pour mieux comprendre le combat de notre Père, ses démarches canoniques en vue d’obtenir un jugement infaillible du pape sur toutes les nouveautés que le Concile Vatican II avait imposé à l’Église et qui la menait à la ruine. Lorsque le bon père comprit les tenants et aboutissants d’une crise qui le faisait souffrir depuis plus de trente ans, ce fut pour lui une véritable libération.

Notre Père avec le Père Thomas

L’INCOMPARABLE AUMÔNIER DE NOS CAMPS

Durant l’été 1993, il vint à la Maison Sainte-Thérèse pour servir d’aumônier à notre camp de jeunes. Frère Pierre témoigne : « Il confessait, mais bien vite il s'est rendu compte que je dirigeais les enfants... Il me posa alors des questions générales de morale et sur notre manière d’en traiter concrètement afin de pouvoir dire les mêmes choses que moi. Je suis resté confondu de son humilité. Avec nos enfants, “ le feu a pris ” tout de suite, comme il aimait à dire. Les enfants l’adoraient et ils allaient se confesser à lui plusieurs fois par semaine, certains deux fois par jour… Quel bonheur de les voir ressortir du confessionnal, le visage illuminé d’un sourire radieux, et de poursuivre avec les autres la récitation du chapelet. À la veillée, c’était un boute-en-train hors pair, il avait toujours une histoire drôle ou un chant qui devenait le grand succès du camp. »

Nous avons surtout appris à le connaître durant l’été 1994, car il raconta aux enfants ses souvenirs d’enfance. Chaque jour le sermon était attendu par tous avec une délicieuse impatience. Il nous fit tellement aimer, admirer son père, Oliva, dont la première épouse était morte après avoir mis au monde son cinquième enfant. Après avoir pris conseil de son curé, il épousa bien vite Marie, sa belle-sœur. Avec elle, il devait faire, selon l’expression consacrée des anciens Canadiens-français, “ un beau règne” : 19 enfants au total, dont deux deviendront Oblat de Marie Immaculée et six religieuses.

Famille Thomas.
Famille Thomas. Le père Henri Thomas se trouve sur le 1er rang, le deuxième à partir de la gauche.

Ce qui ressortait de ses souvenirs : c'est l'affection familiale ! Rien de tel pour vous donner l'envie d'avoir une famille nombreuse, et de faire effort afin de devenir à son tour un membre de cette vraie aristocratie canadienne-française, qui a façonné la province en faisant de la terre.

Il nous faisait rire aux larmes en racontant des histoires qui paraissaient des anecdotes mais qui nous révélaient la vertu de ses parents. Son Père, qui savait tout faire, était devenu l'homme de confiance des millionnaires anglophones qui avaient leur villa au bord du lac Magog, tous des protestants. Oliva refusait cependant le travail le dimanche. On lui répondait : “ Tu n'auras pas le contrat. ” Oliva tenait tête, calmement : “ Never mind... ” et il obtenait finalement le contrat.

Malgré les tempêtes de neige, il ouvrait le chemin qui conduisait à la paroisse avec ses grands fils, à la pelle. Les protestants les regardaient derrière leurs fenêtres, admiratifs : « Ça fait quinze ans que je “t’watch”, et tu n'as jamais manqué la messe... » Oliva ne se demandait pas si on pouvait ou non manquer la messe, il regardait la gloire qui manquerait au bon Dieu, si on n’y allait pas. Dans l’ombre d’un tel homme, son épouse se dévoua tant et plus avec bonheur, car au cœur du foyer elle était l’amour, l’enthousiasme sans cesse jaillissant et elle chantait sans cesse.

On comprend qu’une telle vertu ait été récompensée par tant de vocations religieuses et sacerdotales. Le père Thomas entra à la suite de son frère chez les Oblats de Marie-Immaculée, mais quitter sa famille lui causa beaucoup de peine.

PRÉDICATEUR ET PROFESSEUR

Il fut ordonné à Ottawa le 15 juin 1941. Son père étant malade, l’évêque lui donna la permission de célébrer chez lui la messe avec une hostie faite à partir d'une farine de blé cultivée par son père. Émotion de cette messe célébrée « face au peuple ». Ses supérieurs l’envoyèrent d’abord à l’école de prédication de Notre-Dame du Cap, puis il devint professeur d’éloquence et de chant, avant de prêcher des retraites. Un jour, le père Lelièvre, le célèbre prédicateur du Sacré-Cœur, apprend que le père Thomas a prêché toute la nuit au Cap-de-la-Madeleine : heure Sainte, sermons, chapelets, cantiques… Il le rencontre et lui dit familièrement : « Vraiment, Henri, tu m’bats ! » Compliment d’un saint à un autre saint...

Père ThomasEn 1947, il accompagna le périple de Notre-Dame du Cap qui sillonna la province jusqu'à Ottawa pour le congrès marial, qui fut un rassemblement prodigieux. C’est lui qui avait la charge de faire chanter les foules : 500 000 personnes, ce fut son jour de gloire...

Entre 1948 et 1961, infatigable prédicateur, il ne prendra jamais de vacances. Son repos, c’est la consolation qu’il reçoit de sa prédication de Fatima. Il voyait et goûtait les bons fruits de son apostolat et il s’exclamait alors, en action de grâce, avec un accent et une mimique inimitables : « C’est-tu “don” bon de faire du bien ! »

UN OBLAT DE MARIE IMMACULÉE CRUCIFIÉ

Depuis le Concile, il avait été pour ainsi dire sevré de ce bonheur, mais il le retrouva de nouveau avec nos communautés et les familles de nos amis. Que de grâces, que de bienfaits nous lui devons, quel souvenir ému il a laissé au cœur de chacun...

Nous aurions pu, lui et nous, nous entraider, nous entraîner pendant de nombreuses années, mais notre Bon Dieu est ami des sacrifices, et il fallait qu’un si méritant serviteur soit marqué du signe de la Croix, de la persécution.

En 1995, quelqu’un de bien intentionné probablement le dénonça auprès de ses supérieurs. Ceux-ci qui l’ignoraient pour ainsi dire totalement depuis sa nomination comme aumônier en Floride, lui interdirent de fréquenter la CRC et de lire la moindre ligne de l’abbé de Nantes. Il se défendit simplement en disant la vérité : il n'avait rien trouvé de contraire chez l'abbé de Nantes à ce qu'il avait appris de ses parents. Puis en religieux, il obéit et entra dans une solitude, avec tout de même auprès de lui, dans cette agonie, un ange consolateur, sa fille spirituelle, son âme-sœur, une de nos plus ardentes phalangistes. Il souffrit alors de la solitude mais plus encore des épreuves qui accablèrent notre Père à partir de 1996.

Père Thomas

Entre lui et nous restait l'union de prière. Et nous savions que pour lui cela n'était pas un vain mot. Que de chapelets, que de sacrifices offerts, certain connus lorsqu'il était souffrant, et certains inconnus, comme seule une âme délicate justement peut en avoir.

Son cancer ayant repris, il passa les derniers mois de sa vie dans l’infirmerie de sa communauté, à Richelieu. Le 10 mai 2003, il se fractura la hanche. Dernières souffrances, ultime purification de sa belle âme de prêtre. Son âme-sœur en avait eu le pressentiment, et effectivement, la Sainte Vierge est venue chercher son prédicateur, son oblat le 13 mai au jour anniversaire de son apparition à Fatima.