Le Père Joseph Krémer
L’ABBÉ DE NANTES AU SECOURS D’UN SAINT MISSIONNAIRE
Les amitiés sacerdotales de notre Père ne sont pas nombreuses mais elles sont figuratives de ces milliers de saints prêtres et religieux, qui ont tant souffert de cette rupture de tradition, de cette désorientation qui s’est imposée dans l’Église à la suite du Concile Vatican II.
Le Père Joseph Krémer a souffert ce martyre parce qu’il voulait rester fidèle, coûte que coûte, à ses vœux religieux et à sa chère congrégation des Pères du Saint-Esprit, dont il avait reçu tant de bienfaits depuis son entrée au petit séminaire en 1935.
UN ENFANT DE DIEU FORMÉ À RUDE ÉCOLE
Mais pour ce jeune alsacien né le 2 octobre 1923 dans une famille très pauvre mais qui trouvait son “ réconfort dans une ardente piété tout empreinte de dévotion à la Vierge Marie, et qui s’enthousiasmait au récit de l’apostolat des missionnaires ”, la souffrance n’attendra pas les années soixante pour se faire connaître à lui, elle sera la compagne de toute sa vie.
Appelé par le Bon Dieu à la manière du jeune Samuel, il doit faire face aux réticences de ses parents, douleur de voir pleurer sa mère... Ce petit alsacien de 12 ans qui ne parle qu’allemand et dont l’instruction est fort sommaire entre au séminaire de Neufgrange où l’on ne parle que français : « Les débuts furent douloureux, je reçus punition sur punition pour avoir parlé allemand. L’époque le voulait ainsi et je n’accuse personne de sévérité. » Il redouble sa première année, apprend pendant ce temps le français, rattrape son retard scolaire et sera ensuite dans les premiers de sa classe. Joie ! car désormais rien ne s’oppose à ce qu’il devienne prêtre. Elle est de courte durée car la guerre de 39-45 va lui imposer une douloureuse attente.
En 1942, l’Alsace occupée est considérée comme terre allemande, Joseph Krémer est obligé de s’enrôler dans le service du travail obligatoire puis dans l’armée allemande qu’il intègre en 1943. Comme il ne cache pas qu’il est catholique et veut être missionnaire, il devient vite le souffre douleur de ses supérieurs, mais il saura aussi leur imposer le respect. En 1944 il se bat sur le front russe, mais en s’assurant bien de ne jamais tuer personne. Il est tour à tour blessé puis fait prisonnier des Russes. Pendant six mois il connait l’enfer du goulag, il passe à travers à la manière d’un saint :
« ... Les tracasseries, les coups de fouet, tout cela ne me touchait pour ainsi dire pas du tout. Le corps souffre mais l’âme exulte. Ma vie spirituelle, je crois, avait atteint un niveau très élevé bien que pendant une année entière je n’eusse pas l’occasion de recevoir les sacrements. Je priais sans cesse. Pendant cette guerre, j’ai expérimenté combien l’Évangile est vrai quand il dit que, dans chaque circonstance de la vie, Dieu est présent et maintenant je sais qu’Il l’est encore davantage au moment des épreuves. »
VERS LE SACERDOCE
Libéré en décembre 1945, il retrouve ses parents la veille de Noël. Après ses cinq années de tourmente, il est extrêmement fatigué et déprimé. L’Église va reprendre son pauvre enfant en mains. Son cher curé est là pour l’accueillir, l’encourager à poursuivre ses études et retourner au séminaire. Il intègre celui que les Pères du Saint-Esprit ont ouvert pour les vocations tardives, et grâce à son directeur et ses professeurs, il retrouve vite son enthousiasme. En 1947, il se consacre à la Très Sainte Vierge en entrant dans la confrérie de Marie Reine des Cœurs, l’année suivante il intègre le noviciat des spiritains. Il sera ordonné prêtre le 4 juillet 1954.
UN MISSIONNAIRE HEUREUX
Son premier pays de mission sera le Cameroun. À la mission de Makak il se dévoue sans compter et connait le bonheur du missionnaire qui répondant à l’ordre du Divin Maître prêche la vérité, donne les sacrements, gouverne le petit troupeau de ses enfants et familles avec une tendresse toute maternelle. L’Église fait merveille, les conversions abondent, il est heureux de se dévouer dans l’obéissance à des supérieurs zélés.
En 1959, il est nommé supérieur de la mission de Dizangué et il s’y dévoue avec le même bonheur, mais il est atteint de tuberculose, probable séquelle des mauvais traitements de sa captivité. Il rentre en Europe pour se faire soigner, et ne reprendra sa vie missionnaire qu’en 1961 pour aller à l’Île Maurice.
Les temps ont changé, la décolonisation a partout semé l’esprit de révolte. Les massacres interreligieux se multiplient. En 1968, il a le courage de sauver un musulman : « Père au nom du Christ, sauve-moi ! ». Reconnaissance éperdu du malheureux, mais campagne médiatique de ses coreligionnaires contre le Père Krémer, et hostilité des prêtres créoles qui reprochent au Père d’avoir sauvé un “ sarrasin ”...
LA GRANDE ÉPREUVE : LE CONCILE Vatican II
Les souffrances que nous venons brièvement de relater sont inhérentes à la vie missionnaire, elles ne sont rien à côté de l’épreuve qui s’est insidieusement puis impérieusement imposée à lui, celle des bouleversements apportés par le Concile Vatican II. Le témoignage de cet homme d’Église, si respectueux, admiratif, reconnaissant vis à vis de ses supérieurs est d’une sincérité, vérité au dessus de tout soupçon :
« Les changements imposés par le Concile sont apparus plus tard dans nos missions, confiait-il. Au début, je trouvais qu’ils étaient bons et m’y pliais sans difficulté. (…) Et peu à peu, au fur et à mesure que tous les changements prévus par le Concile étaient effectués dans ma paroisse, dans la ligne de l’ “ aggiornamento ”, mot qui m’a toujours choqué, je sentais que je ne pouvais pas être d’accord avec tout. J’étais torturé, me disant : “ Mais c’est le Pape et l’Église qui ont parlé ! ” et quelques minutes après : “ Non, je ne peux accepter cela ”... Surtout à propos de la Messe en français que je me suis mis à dire à la fin des années 60. Au début, c’était tout neuf et cela venait du Concile, j’ai accepté tout de suite et puis je me suis rendu compte qu’on avait démoli la Messe. Mais que faire ? Et les questions s’ajoutaient les unes aux autres. Les laïcs, les prêtres autour de moi, suivaient mais je n’étais pas à l’aise. Je suis resté ainsi pendant presque vingt ans, je ne perdais pas la foi, mais cela n’allait plus ! La Providence m’a accordé la grâce de connaître l’abbé de Nantes au bon moment, sinon j’aurais ou perdu la foi ou suivi Mgr Lefebvre. »
UN CURÉ DE PAROISSE ET LA SAINTE VIERGE
Fortement ébranlé par les événements de l’Île Maurice, il est envoyé par ses supérieurs à l’Île de la Réunion. Il devient curé de la paroisse de la Ressource consacrée à Notre-Dame Auxiliatrice, et il s’y dévouera pendant trente-quatre ans de 1970 à 2004. Pour faire face aux difficultés, les intimes comme celles inhérentes à celles de son nouveau ministère : pauvreté, alcool, immoralité, analphabétisme, le père Krémer, en vrai fils du Bienheureux Père Liberman, décide de consacrer sa paroisse au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie. Il fit cette consécration avec l’accord de son évêque, et la Sainte Vierge répandit à profusion ses grâces sur toute la paroisse, et bénit les travaux du curé qui avait si grande foi et confiance en Elle.
Alors que la proportion des enfants assistant à la messe du dimanche était en moyenne de 25 % dans toute l’île, le père avec ses 400 enfants faisait presque du 100 %, et tout à l’avenant : « Les visites au Saint-Sacrement se multiplient surtout le jour du catéchisme. Toute la journée, on trouve maintenant des enfants en prière à l’église, alors qu’auparavant aucun enfant ne venait à l’église en dehors des offices ou avant l’heure fixée pour la leçon de catéchisme. Actuellement une cinquantaine d’enfants assistent à la Messe du mardi soir au cours de laquelle je parle de Fatima et des trois petits voyants que je leur présente comme des modèles pour leur âge, ce qui ne s’était jamais vu. Pourtant, certains enfants font un parcours de trois kilomètres et d’autres encore davantage pour y être fidèles, car la paroisse comprend huit grands quartiers très distants les uns des autres ; le plus éloigné est à sept kilomètres et... ils viennent !... à pied bien entendu !
« Presque tous les enfants portent sur eux la médaille miraculeuse et disent le chapelet en entier chaque jour.
« Dans cette nouvelle atmosphère, faire le catéchisme est un vrai régal... Je constate également que nos catéchistes sont maintenant plus éveillées et pleines de zèle. Depuis septembre, vingt à trente enfants environ viennent à la confession chaque soir alors qu’autrefois il fallait leur tirer l’oreille, et je n’ai pas l’impression qu’on en restera là. »
Tout ce bien ne se faisait pas sans des contradictions qui auraient eu probablement raison de notre bon Père, mais c’est alors qu’il connut l’abbé de Nantes...
AMITIÉ SACERDOTALE, SERVICE DE L’ÉGLISE ET AMOUR DE MARIE
C’est la Sainte Vierge et plus précisément Notre-Dame de Fatima qui arrangea la rencontre puisque le père Krémer le connut à travers les quatre tomes de toute la vérité sur Fatima, la mention continuelle de l’auteur à “ notre Père ” lui faisant désirer faire sa connaissance. La rencontre eut lieu durant l’été 1989. Ils s’entretinrent longuement des nouveautés issues du Concile qui le désorientaient tellement. Il était particulièrement bouleversé de constater que les âmes de son troupeau lui échappaient parce qu’elles ne voulaient plus avouer leurs véritables péchés en confession. Fallait-il les absoudre ? L’abbé de Nantes lui raconta ses propres déceptions de curé de campagne et l’encouragea à faire la part des choses entre la loi et son application qui dépend de pressions sociales et d’autres facteurs dont il faut tenir compte. L’Église accepte cela et donne quand même l’absolution. L’abbé de Nantes lui fournit également tous les arguments qui lui permirent de résister à la tentation de se laisser emporter par les intégristes qui aimaient fréquenter La Ressource.
Il repartit bien réconforté, attaché à notre Père et à la maison Saint-Joseph comme à sa vraie famille. Mais pendant son absence sa paroisse avait été travaillé par des propagandistes de l’Action Catholique. Le bon père pouvait s’appuyer sur de nombreuses familles fidèles comme celle de notre frère Scubilion et aussi sur des familles CRC temporairement installées à la Réunion et qui se succédèrent providentiellement jusqu’à la fin de son ministère. Charité fraternelle vécue, très consolante qui lui donnera le courage d’affronter des oppositions de plus en plus vives : « Quant aux dimanches, ils sont pour moi de vrais jours de fête car ils sont aussi des jours de rencontre avec la famille CRC. Une fois par mois je prends mon repas chez eux [...]. Vous pensez bien que, chaque dimanche, nos entretiens spirituels occupent tout notre temps. Ainsi vos conférences, vos sermons, toutes les cassettes, tous vos écrits... sont passés en revue systématiquement, semaine après semaine. Entre nous règne l’amitié la plus parfaite. Je peux vous assurer que jamais encore dans ma vie je n’ai été autant lié avec une famille. »
En 1992 il revient à la Maison Saint Joseph pour assister à la prise d’habit de son fils de prédilection, qui reçoit le nom de frère Scubilion de la Reine des Cieux : intense joie surnaturelle. Pour le plus grand bonheur de tous il sera cette année là l’aumônier des 500 jeunes de nos camps : « Je ne croyais pas qu’il existait encore en France des enfants aussi bien élevés, aussi pieux, aussi aimables, aussi bons Français, aussi saints, quelle agréable surprise ce fut pour moi ! Quelles actions de grâces j’ai envoyées au Ciel ! Je me croyais dans un autre siècle. Eh bien, non ! C’est bien le nôtre. Voilà donc des enfants tels que le Bon Dieu les a toujours voulus. Cela, je le dois à frère Gérard et aux autres Frères qui l’accompagnaient. »
En 1994, il se croit arriver à la dernière étape de sa vie, il est en passe de devenir aveugle, 1/10e d’acuité visuelle et processus de dégénérescence de ses nerfs optiques. Il profite pour écrire ce qu’il croit être une dernière lettre à son “ bon et cher Père de Nantes ” :
« C’est au prix d’une grande difficulté que je vous écris ce petit mot. Dieu seul sait ce qui adviendra de ma vue. Par avance, tout est accepté. “Dieu a tout donné, Dieu a tout repris...” Veuille-t-il cependant me laisser au moins un œil !
« Mais pourquoi vous écrire dans une telle situation ? Tout simplement parce que j’ai “deux trois” choses à vous dire ou à vous redire. D’abord ma grande reconnaissance pour ce que vous êtes dans ma vie, et pour vous dire ensuite que je demeurerai fidèle à la route que vous tracez. Cette route est celle de l’Évangile, de l’éternelle vérité. En vous écoutant, j’ai chaque fois l’impression de réentendre mes professeurs de séminaire. Je n’arrive pas à comprendre comment d’autres, qui ont eu ces mêmes maîtres, ont pu tourner la page et aller dans une autre direction. Je crois vous l’avoir déjà dit : au moment où commencèrent ces bouleversements, j’étais, moi aussi, bien secoué, mais je me suis toujours dit : “Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ! ” Puis je vous ai rencontré et la lumière m’est de nouveau apparue.
« Je vous dois tant de reconnaissance car grâce à votre grande famille de la CRC, j’ai rencontré des amis comme je n’en avais encore jamais eus. Ici, on n’a pas toujours le mot “je t’aime” à la bouche, mais la charité chrétienne est pratiquée, presque à la perfection. Je crois que l’essentiel est dit. Il ne me reste plus qu’à vous dire : Joyeux Noël ! Bonne et Sainte Année ! Bon et cher Père, veuillez bénir votre serviteur et fils, et agréer mes sentiments très respectueux en Jésus et Marie. »
Cette affection mutuelle était aussi un baume sur le cœur de notre Père, qui comptait sur les doigts d’une main de telles amitiés sacerdotales.
Son docteur espérant lui faire gagner un demi ou peut-être un point d’acuité visuelle, il se fit opérer. Après l’opération le Père commença une neuvaine à Notre-Dame des larmes de Syracuse et appliqua chaque soir un coton empreint des larmes de Notre-Dame. Au terme de la neuvaine, son œil s’ouvrit, il voyait parfaitement ! Quelques jours plus tard le docteur confirme : Votre œil a une vision de 10/10e! , avec pour seule explication que la science est imprévisible (sic)...
La Sainte Vierge lui ayant rendu la vue, il va employer ses dernières forces à la servir. Depuis 1987, il fait chaque 1er samedi du mois les exercices spirituels demandés par Notre-Dame de Fatima. En septembre 1995 il édifie un oratoire en son honneur à Beaumont, au flanc d’une montagne escarpée, et il en fait un lieu de pèlerinage de plus en plus fréquenté. Pour fortifier sa paroisse dans la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, il voulut représenter dans son église la vision de Tuy. Ce zèle en l’honneur de la Sainte Vierge valut au bon Père une campagne de dénigrements :
L’évêque de l’île reçut une lettre ouverte dans laquelle le Père Krémer était accusé d’être intégriste et hostile au concile Vatican II. Cette lettre, pleine de calomnies (et de fautes d’orthographe), fut distribuée sous forme de tracts avant d’être publiée dans le journal de l’île. Le Père Krémer écrivit au frère Scubilion :
« Jamais je n’aurais pu imaginer que l’ennemi puisse avoir tant de haine pour Notre-Dame de Fatima, son message et Tuy, la Très Sainte Trinité. Tu n’as aucune idée de la tempête que mes projets, pourtant inoffensifs mais bienfaisants, ont soulevée non seulement à La Ressource, mais dans toute l’île grâce à la presse. Quant à l’évêque, il m’a donné tort et simplement abandonné dans la tourmente. Je lui ai écrit trois fois, mais il n’a fait que me téléphoner pour me condamner.
« Humainement parlant, ma situation n’est guère brillante mais heureusement je sais que Dieu veut ce que je fais. »
« Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé », disait Notre-Dame à Lucie.
« D’autre part, ce qui m’est un grand soutien, c’est que toute la paroisse est derrière moi, à part une exception que tu connais. J’ai eu de nombreuses lettres et surtout de très nombreux coups de téléphone, toujours pour me féliciter et m’encourager à réaliser notre projet. Il n’est donc plus question de faire marche arrière et de me coucher devant l’ennemi. Nous resterons fidèles à notre foi en l’existence de la Très Sainte Trinité et en l’authenticité du message de Fatima.
“ L’exception ” est un franc-maçon de la paroisse qui voulut alors contraindre le Père Krémer à supprimer la sonnerie de cloches. Il adressa d’abord sa requête au moyen d’une lettre polie, puis usa d’injures et de menaces de mort au téléphone. La mairie s’en mêla. Son évêque, Mgr Aubry, ne soutint pas le Père Krémer et lui demanda de sonner uniquement aux heures qui conviendraient au franc-maçon ! Le Père Krémer refusa de ne sonner que « pour la gloire de l’homme ». Il fit donc taire ses cloches...
L’évêque eu au moins le mérite de le maintenir encore dans sa paroisse et de renvoyer la meute des loups ravisseurs venus lui demander la destitution du père Krémer : « Laissez-donc ce prêtre tranquille. » Il devait se rappeler la parole du maître et juger l’arbre à ses fruits... il les constatait chaque année lors des nombreuses confirmations des adolescents de la paroisse de la Ressource.
Le 9 mai 2004, le P. Krémer présida sa dernière grande cérémonie à La Ressource en présence de Mgr Aubry. En bon et fidèle serviteur, il lui remit sa chère paroisse :
« Monseigneur,
« Après trente-trois années de présence à La Ressource, permettez-moi de remettre entre vos mains cette paroisse que j’ai beaucoup aimée et servie. Comment en aurait-il été autrement puisque c’est le Seigneur qui, par l’intermédiaire des supérieurs, me l’a confiée ? (...)
« Bref, l’heure est venue pour moi de me retirer. Je partirai donc en emportant cette paroisse dans mon cœur ; cette paroisse à laquelle j’ai donné plus de trente-trois années de ma vie. Ce diocèse également, avec son pasteur c’est-à-dire vous, Monseigneur, me seront toujours très chers. En attendant de nous retrouver tous un jour dans la grande maison de notre Père du Ciel où nous nous aimerons tous les uns les autres sans nuage aucun.
« On a dit aussi parfois que j’étais un peu trop sévère. C’est vrai. Pourquoi le nier ? C’était mon péché de jeunesse. Aujourd’hui on dit plutôt que je suis devenu un peu mou et que je laisse tout passer. Que ceux que j’ai blessés me pardonnent comme je pardonne à ceux qui m’ont fait de la peine et peut-être du mal.
« Et maintenant, Monseigneur, je vous confie ces soixante-quatre jeunes afin que, par le sacrement de la Confirmation, ils deviennent des chrétiens vraiment authentiques, c’est-à-dire soucieux du Royaume de Dieu. Par ce sacrement de Confirmation, vous allez y contribuer. C’est pourquoi, en mon nom et au nom de la paroisse, laissez-moi vous promettre nos sincères prières et vous dire un grand merci pour l’intérêt que vous avez toujours porté à notre petite paroisse confiée à Notre-Dame Auxiliatrice. Amen. »
Le 31 mai 2004, en la fête de Marie Reine, Médiatrice de toutes grâces, il quittait définitivement cette paroisse tant aimée et adressait à ses enfants ses adieux les plus affectueux. Les plus fidèles d’entre eux comprirent qu’ils perdaient un Père unique et qu’à La Ressource plus rien ne serait comme avant.
DÉRÉLICTION
De retour en métropole il a la joie de revoir la Maison Saint Joseph, notre Père, son fils frère Scubilion, et ses filles spirituelles. Il a partagé, cœur à cœur avec la communauté, les épreuves que notre Père endure depuis 1996. Désormais son “ bon Père l’abbé de Nantes ” est irrémédiablement malade.
C’est maintenant à son tour de connaitre aussi la plus grande déréliction. Ses souffrances corporelles ne seront rien en comparaison des angoisses spirituelles qu’il éprouvera dans sa communauté. Les cérémonies eucharistiques aux innovations liturgiques souvent indignes l’épouvantaient : « Autrefois la messe était mon bonheur, maintenant elle me fait peur. Nous sommes les bourreaux du Vendredi saint. ». Il ressentait vivement le poids de la Croix mais savait y voir aussi la réalisation de sa prière quotidienne : « Que par amour pour vous, Jésus-Marie, je sois méprisé, oublié, mal jugé, abandonné... pourvu que vous teniez compte de ma grande faiblesse et que l’ennemi n’ait aucune prise sur moi. »
Comme Jésus dans son agonie il reçut la visite de quelque ange consolateur lui apportant les dernières nouvelles de sa famille spirituelle, et une semaine plus tard il s’éteignit doucement, seul, le 17 février 2006 à 4 h 30, la Sainte Vierge réalisant certainement la dernière prière de son humble et courageux serviteur :
« Ô mon Jésus, qui avez dit : “ En vérité, je vous le dis : Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon Nom, Il vous l’accordera ” ; voici qu’à votre Père, en votre Nom, je demande par le Cœur douloureux et Immaculé de Marie, pour moi et les miens, la grâce de mourir dans un élan d’amour. »
Extraits de Il est ressuscité n° 49, août-sept., n° 50, oct. 2006