L'abbé Victor Berto
L'abbé Victor Berto était Romain d'esprit et de cœur. Formé au Séminaire français de Rome, il exalta toute sa vie, « avec un lyrisme extraordinaire et un pieux amour », l'Église de Rome, Mère et Maîtresse, elle seule, de toutes les Églises locales.
Notre Père écrivait de lui en janvier 1969 : « J’ai approché ce saint prêtre d’assez près pour garder à jamais le trésor de son affection de père. Elle était humble et pourtant seigneuriale comme il convient à un modeste enfant de Bretagne mais Docteur romain ! (…)
« De famille pauvre et qui ne l’oublie pas ; savant avec simplicité, professeur incomparable, d’une rayonnante dévotion. On le renvoie du Séminaire de Vannes comme “ nationaliste d’Action française ” et “ autonomiste breton ”… Pendant ce temps, il se dévoue à recueillir, nourrir, élever et sanctifier des orphelins. On lui en trouvera 700 au jour de sa mort ! De surcroît, il suscite une admirable Congrégation religieuse, les Tertiaires dominicaines du Saint-Esprit. Il les installe à Pontcalec et les voue à l’éducation de ces pauvres malheureux. Telle est l’Église des saints, l’Église des pauvres, c’est la même et unique. (…) »
Durant le Concile, ne supportant pas l'idée d'une débâcle romaine, il pensa que certainement celui-ci se terminerait bien, dans la lumière du Saint-Esprit. Théologien personnel de Mgr M. Lefebvre pendant les deuxième et troisième sessions, « il se battait à Rome pour sauver ce qui pouvait, ce qui devait l'être », et il écrivait de longues lettres à l'abbé de Nantes pour lui exprimer son désaccord au sujet de ses critiques du Pape et de ses analyses du Concile qu'il jugeait trop pessimistes. Il préférait, il voulait, quant à lui, « être soumis à l'extrême et servir quand même l'Église en son Chef, en sa Tête romaine ». Il ne put malheureusement se rendre à Rome pour la dernière session de Vatican II, sa mauvaise santé le contraignant à rester en France. Quand, après la clôture du Concile, il apprit que Mgr Lefebvre avait signé la déclaration sur la liberté religieuse, il en fut catastrophé.
Bientôt, il fut contraint de s'avouer la faillite de la Réforme de Vatican II. Il encouragea alors vivement l'abbé de Nantes à poursuivre le combat de Contre-Réforme. Dans une de ses lettres, il lui disait : Vous êtes fils d'officier de marine, tonnez donc, tonnez fortement, en bon canonnier...
En 1968, la parution du Nouveau Catéchisme et la Note pastorale de l'épiscopat français sur la contraception le remplirent d'une indignation sacrée. Au point que, durant les semaines précédant sa mort, qui survint le 17 décembre 1968, « il ne voulait plus épargner personne et était décidé à combattre l'incurie, la forfaiture, l'apostasie partout, si haut que ce soit ». Le 12 juillet 68, il écrivait à l'abbé de Nantes : « J'ai lu vos Lettres sur le Nouveau pseudo-Catéchisme. À mon avis, vous n'avez rien fait de plus beau, de plus théologique et de plus décisif. Mais vous avez affaire à des gens de mauvaise foi. Au-delà d'un certain degré, l'erreur ne peut être que volontaire. Qui ne voit pas du premier coup que ce fatras enseigne une autre religion que la catholique, c'est qu'il ne veut pas le voir. » « J'en suis témoin, rapporte l'abbé de Nantes, il était épouvanté de la forfaiture perpétrée par nos évêques, de leur crime contre la foi. Il me disait craindre pour leur salut éternel. »
L'hostilité déclarée de l'épiscopat français à la morale enseignée dans l'encyclique Humanæ vitæ conduisait Mgr Marcel Lefebvre à pronostiquer un schisme de l'Église de France. L’abbé Berto, lui, observait que le Pape ne tenait pas à ce que ses Actes soient reçus, enseignés, obéis. Le 3 décembre 1968, il écrivait à l'abbé de Nantes : « Attendre que le schisme soit consommé ? Mais il ne le sera pas. Les évêques ne le proclameront pas, et le Pape est trop timoré pour le déclarer. Je crains que lui-même ne soit pas sûr que son encyclique soit irréformable... ! Pratiquement, il admet un pluralisme doctrinal jusque dans le sein de l'Église et il admet la compossibilité de la communion avec lui et de la désunion d'avec lui. Il n'y aura pas de schisme formel. Il n'y aura qu'un schisme vécu. Votre devoir est de protester de toutes vos forces contre ce schisme “ vécu ” ! »
Notre Père eut le bonheur de revoir une dernière fois l'abbé Berto à Pontcalec trois semaines avant sa mort. « De ce Docteur romain, rapporta-t-il en janvier 69 dans son article nécrologique L'abbé Berto notre ami, je reçus le 20 novembre dernier le plus beau des témoignages, au vol d'une conversation : “ M. l'Abbé, vous êtes Romain ! Je n'en suis pas revenu d'apprendre que vous aviez fait vos études ailleurs qu'à Rome. À lire vos écrits - et vous savez avec quelle attention je les lis depuis dix ans - j'avais le sentiment que vous aviez sucé le lait de la doctrine sainte sur les genoux de l’Alma Mater, Ecclesia Sancta Romana ! ” Et comme certain confrère [c'était l'abbé Noël Barbara] protestait avec force qu'il était, lui aussi “ romain ” comme tout prêtre se devait de l'être : “ Non, non, Monsieur de Nantes est Romain, de cette manière trop rare qui fut la nôtre, disciples du cardinal Billot, du P. Le Floch et de ces hommes admirables qui nous ont faits ce que nous sommes, indéfectiblement attachés au Siège romain. ” Je ne cite pas ces mots par vanité, mais un tel témoignage répond à ceux qui nous accusent d'être contre le Pape, contre l'Église, alors que nous n'avons rien de plus cher, comme ce Maître disparu, que de les défendre et servir à tout prix, serait-ce, ce qu'à Dieu ne plaise, contre eux-mêmes aux heures les plus noires. »
Extraits de Pour l'Église tome 2, p. 336-338