I. Le don divin de la grâce
Plaire à Dieu, notre Père céleste, suivre et imiter Jésus-Christ, croire en Lui et pratiquer ses commandements, voilà certes un idéal de perfection et de bonheur enviable, mais c’est, l’expérience des juifs et des païens de jadis le prouve suffisamment, chose bien impossible aux seules forces naturelles de l’homme. D’autant qu’il n’est même plus dans sa condition de nature, mais au-dessous, blessé par le péché originel, rendu par là étranger à Dieu, asservi au mal et mêlé à un monde dont Satan est le prince.
« Non, enseigne le catéchisme, nous ne pouvons pas sans le secours de Jésus-Christ vivre chrétiennement et parvenir au ciel ; car lui-même nous a dit : “ Sans moi, vous ne pouvez rien faire ”. » (quest. 155)
Vivre chrétiennement, c’est beaucoup plus qu’être honnête, juste, bon, et même pieux comme tout homme devrait l’être selon la loi de sa nature et l’inspiration de sa conscience. C’est être “ parfait ” et “ saint ” comme l’est notre Père céleste. Il faut pour cela changer intérieurement et devenir à la ressemblance de Jésus-Christ comme des “ fils de Dieu ”. Les Pères de l’Église osaient dire en effet : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu. » Et saint Paul a cette magnifique exclamation : « Tout riche qu’il était, le Christ s’est fait pauvre afin de nous enrichir par sa pauvreté. » (II Cor. 8,9)
La sainteté, la richesse des vertus de la vie divine étaient hors de nos possibilités d’hommes et de pécheurs. Mais Lui, le Fils de Dieu en qui surabondent la Sagesse et tous biens, en se faisant homme notre frère, nous a offert de partager ses richesses divines. C’est le premier soin du chrétien de répondre à cette offre.
Note. Pour atteindre à la perfection et pour faire son salut, l’homme a certainement besoin du secours extérieur des lois, lois de Dieu, lois des autorités naturelles, accompagnées d’une force qui y oblige, en surveille l’observation et sanctionne toute défaillance. Mais saint Paul a définitivement montré qu’à elle seule la loi est inopérante, qu’elle donne plutôt aux hommes le sentiment de leur impuissance et qu’elle excite leur malice, au lieu de les en guérir et de les fortifier dans le bien. Il faut d’abord que le cœur de l’homme soit changé. C’est l’œuvre de la bienveillance et bienfaisance divine, opérée par Jésus-Christ. C’est la nouveauté absolue de la grâce, vie nouvelle et énergies surnaturelles par lesquelles le chrétien devient capable de pratiquer toute la perfection de la loi dans une vraie liberté spirituelle. Il faut donc traiter d’abord de la grâce qui est demandée par la prière et donnée par les sacrements de l’Église, avant de parler des vertus et des commandements qu’il faut pratiquer pour être sauvé. C’est si vrai que la sainte Église donne tous les sacrements de “ l’initiation chrétienne ” avant d’obliger ses fidèles à la pratique de la loi et des œuvres chrétiennes.
LA VIE DE LA GRÂCE
« La grâce est un don surnaturel que Dieu nous accorde par pure bonté. » (quest. 157) Ce don mystérieux, invisible bien entendu ! dont le chrétien n’a même pas le sentiment, l’expérience intime, ou très rarement, ce don qui élève, qui purifie, qui fortifie l’homme sans aucun mérite de sa part, est convenablement appelé “ la grâce ”, parce qu’il est d’abord tout à fait gratuit, Dieu faisant grâce à sa créature de tout ce qui, en elle, mériterait plutôt un châtiment, et aussi parce que ce don revêt l’âme de beauté, de grâce en la rendant image de Dieu, resplendissante de sa divine beauté et gloire.
Jésus-Christ, le Verbe fait chair, était vraiment tout empreint dans son âme et son corps d’homme de la “ grâce ” de sa divine Personne. En se faisant notre frère jusque dans le partage de notre “ pauvreté ” sur la Croix, jusque dans l’expiation de nos crimes par le don de son Sang en notre faveur, il nous a ouvert le torrent divin de sa “ grâce ”, purifiante, sanctifiante, symbolisée par l’eau et le sang jaillis de son Cœur transpercé et arrosant la terre.
C’est ainsi que « la grâce sanctifiante est le don que les trois personnes divines nous font de la vie surnaturelle en venant habiter dans notre âme. » (quest. 159) En effet, au même moment où Dieu nous communique sa grâce, sa vie, sa sainteté par son Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ, Il nous adopte pour ses enfants et nous fait être tels en vivant avec nous et en nous. Ce que précise magnifiquement l’explication suivante : « La vie surnaturelle fait de nous les enfants adoptifs de Dieu, les frères de Jésus-Christ et les temples vivants du Saint-Esprit. » (quest. 160)
Évidemment, cette présence de Dieu-Trinité dans l’âme qu’Il a choisie et qu’Il élève ainsi jusqu’à s’en déclarer le Père, le Maître et l’Époux intérieur, l’Ami intime, est un grand mystère. Nous y croyons par la foi en Jésus qui nous l’a révélé et en son Église qui nous l’enseigne. Mais on ne le voit pas clairement, on n’ose même pas y penser trop, tant c’est une réalité sublime !
Avant même de se l’unir intimement par la “ grâce sanctifiante ” qui est la vie divine instaurée à demeure dans l’âme, et après plus encore, répondant à chaque prière, la devançant même, le bon Dieu aide sa créature qu’il veut toute à Lui, parfaite en beauté, en justice et en sainteté, par des secours passagers, inspirations, lumières, saints désirs, rencontres providentielles, événements heureux, “ grâces actuelles ” qui rappellent à l’homme de quel amour il est toujours prévenu, devancé, accompagné, entouré...
« La grâce actuelle est un secours passager que Dieu nous donne pour nous aider à faire le bien et à éviter le mal. » (quest. 164)
LES SACREMENTS, CANAUX DE LA GRÂCE
Notre Père céleste n’a pas voulu, du moins pour l’ordinaire, nous donner sa grâce vivifiante et ses bienfaits surnaturels en tout instant, comme incognito, et pas davantage il n’a voulu nous les donner à chacun en cachette, à part de tous les autres. Car cette vie de la grâce est celle même de Jésus-Christ son Fils bien-aimé et de l’Église qui en est le Corps social, le continuant à travers les siècles, le répandant par toute la terre.
C’est par des gestes accompagnés de paroles, du Christ et de l’Église, de l’Église au nom du Christ, que la vie de la grâce nous est principalement et ordinairement donnée. Et ces grands actes de notre religion s’appellent les sacrements. « Un sacrement est un signe sensible, institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour conférer la grâce. » (quest. 182)
Il suffit à l’homme de demander le sacrement, avec foi dans le don invisible qui lui sera fait par ce signe, et avec l’intention droite d’en tirer profit pour son âme... Et il suffit au ministre du sacrement de bien accomplir l’action prescrite selon ce qu’a voulu le Christ et ce qu’a réglé son Église, avec l’intention droite de faire ainsi ce que Dieu veut... pour que la vie divine passe par les mains de l’homme et entre dans le cœur de celui qui l’a demandée. Ainsi Dieu se fait-il comme notre serviteur pour nous élever jusqu’à Lui. Et cependant rien ne se fait en tout cela sans que sa grâce nous ait prévenus et mus vers Lui.
Il y a sept sacrements. Trois d’entre eux sanctifient les étapes principales de l’existence humaine, la naissance, la croissance et la mort ; deux subviennent aux besoins élémentaires des âmes, leur purification et leur sustentation ; et deux autres assurent la régénération de la société chrétienne, au temporel et au spirituel.
Ainsi à toutes les étapes et dans tous les grands besoins de la vie terrestre, les sacrements sont les canaux ordinaires des dons divins, comme l’a très bien expliqué saint Thomas (Sum. theol., IIIa, quest. 65, art. 1). Mais nombre d’autres rites, prières et dévotions accompagnent ce “ septénaire sacré ”, et confèrent aussi des grâces actuelles spécifiques, répondant à nos innombrables besoins, ce sont les sacramentaux, toujours efficaces pour obtenir tant de biens matériels et spirituels dont notre Père céleste désire nous faire don.