III. Le baptême

C’est un ordre du Seigneur Jésus, le plus précis, le plus clair, le plus catégorique de tous : « Allez par le monde entier prêcher l’évangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné. » (Mc 16, 15-16) Ce « bain d’eau qu’une parole accompagne »(Éph. 5, 26), était la reproduction par les Apôtres de Jésus-Christ et sur son ordre, du baptême de pénitence de Jean-Baptiste (baptiser veut dire baigner, immerger), mais cette fois procurant le don divin de la grâce que celui du Précurseur ne pouvait qu’annoncer et préparer.

LE SACREMENT DE NOTRE RÉGÉNÉRATION

Le baptême, mystère pascal. Comme les Hébreux traversant la mer Rouge pour échapper à l’esclavage de Pharaon, le catéchumène passe, par les eaux du baptême (où jadis il était immergé), du monde mauvais à l’Église sainte, de l’état de péché à l’état de grâce, de l’empire de Satan au Royaume du Christ. Uni à lui sacramentellement, il meurt avec lui, pour renaître avec lui à une vie nouvelle.

Du monde à l’Église.Dans une démarche dramatique et comme n’en pouvant plus, le catéchumène décide de rompre avec le monde perverti, de fuir “ cette génération dévoyée ”, pour demander asile à l’Église, comme en l’Arche unique qui sauve des eaux mortelles du déluge. Alors éclate la joie. Mort au monde, le baptisé est enfanté par l’Église des eaux fécondes de son sein virginal. Il a désormais Dieu pour père et l’Église pour mère. Il appartient désormais à Jésus son sauveur, le nouvel Adam, et à Marie médiatrice de toutes grâces, nouvelle Ève du genre humain rénové et personnification de l’Église.

Du péché à la grâce.Le baptême efface dans ses eaux salutaires tout péché : Confiteor unum baptisma in remissionem peccatorum. C’est ce que signifie et opère formellement son geste de purification. Tout est enlevé de l’ancien Mal : la tache originelle, les péchés de l’homme et leur charge de peines temporelles. Seule subsiste, mais atténuée, mais contrebattue par des forces supérieures, la “ concupiscence ”, l’attrait au mal, objet d’une lutte constante en l’homme terrestre jusqu’à sa mort.

Baptistère de sainte Thérèse
Baptistère de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face

Du démon à l’Esprit-Saint.« Sors de cet enfant, Esprit impur, et cède la place à l’Esprit-Saint Consolateur ! » L’exorcisme baptismal montre l’état misérable où gît tout homme né de la chair, avant son baptême. Privé de la grâce, esclave de Satan, il ne peut être libéré et sauvé que par la puissance de l’Esprit-Saint qui s’exerce souverainement dans ce sacrement.

De la solidarité adamique à l’incorporation au Christ. Le baptême nous arrache à une solidarité de péché et de révolte contre Dieu, pour nous établir en communion avec nos frères déjà sanctifiés “ dans le Christ ”. Ce qu’expliquait saint Paul, l’Apôtre des païens :« Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Ainsi nous avons été ensevelis avec lui par le baptême qui nous plonge en sa mort, afin que, de même que le Christ a été ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous vivions d’une vie nouvelle... Regardez-vous donc comme morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ Jésus. » (Rom. 6, 3-11)

De l’orphelinat des fils d’Adam à l’adoption divine. Jésus lui-même le révéla à Nicodème, le baptême est une nouvelle naissance, absolument nécessaire à l’homme pour être sauvé : « En vérité, en vérité, je te le dis : Nul à moins de naître de l’eau et de l’Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. » (Jn 3, 5) Le baptême fait de nous des “ hommes nouveaux », réellement « participant à la nature divine », devenus « fils dans le Fils » et « cohéritiers » avecLui de la vie éternelle. Le baptême est le sacrement de l’adoption filiale.

LE BAPTÊME, SACREMENT NÉCESSAIRE AU SALUT

La parole de Jésus est formelle, l’enseignement de l’Église jusqu’à ces tout derniers temps, où “ les fumées de Satan ” l’ont envahie et enténébrée, l’est aussi : Nul n’entrera dans le Royaume de Dieu s’il n’est baptisé du baptême chrétien. C’est pourquoi « les parents sont obligés de faire baptiser leurs enfants le plus tôt possible après leur naissance » (quest. 190). Et pourquoi faut-il que l’Église soit obligée d’obliger, quand il s’agit du bien le plus précieux que les êtres humains puissent désirer et obtenir pour leurs enfants comme pour eux-mêmes ! Quiconque n’a pas reçu le baptême sacramentel sera-t-il nécessairement damné ? Non. L’Église sait que Dieu offre à tous les hommes, et véritablement à chacun d’entre eux “ pour qui le Christ est mort ”, la grâce du salut et les moyens pratiques d’y accéder. « Lorsqu’on ne peut être baptisé, le baptême peut être remplacé par le martyre qu’on appelle le baptême de sang, et par un parfait amour de Dieu qu’on appelle baptême de désir. » (quest. 189) Il ne faudrait pas interpréter si étroitement cette libéralité divine qu’on fasse Dieu injuste envers les myriades d’hommes qui n’ont jamais connu le Nom même de notre Sauveur. Mais il ne faudrait pas non plus étendre tellement cette miséricorde que le zèle missionnaire de l’Église en soit ralenti et qu’on laisse perdre ces myriades d’âmes retenues, ou remises ! sous le joug terrible de Satan.

C’est pour répondre à une si grande urgence que l’action de baptiser est si simple : verser de l’eau sur le front de l’homme ou de l’enfant à baptiser, en prononçant les paroles du Sacrement nécessaires à sa validité : « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » En cas de danger de mort, n’importe qui, même un incroyant, un païen, un criminel peut baptiser. Car par nos mains, dignes ou indignes, c’est toujours le Christ qui baptise.

Le baptême administré avec une intention droite et s’il s’agit d’un adulte, reçu avec foi, est toujours valide, c’est-à-dire qu’il confère la grâce qu’il signifie au moment même et par son action même, ex opere operato. Il ne produit cependant son plein effet de renouvellement intérieur et de sanctification que si le catéchumène adhère à la foi divine, unique et vraie, la foi catholique, et s’il a un ferme propos de conversion. « Celui qui reçoit le baptême s’engage à croire en Jésus-Christ et à pratiquer ses commandements ; à renoncer au démon et au péché. » (quest. 194)

Si la vraie foi ou le repentir nécessaire font défaut – comme dans l’hérésie ou le schisme –, le sacrement produit son effet, le baptisé reçoit le caractère indélébile de “ fils de Dieu ” qui marque son incorporation à l’Église catholique et le rend apte à recevoir les autres sacrements. Mais la grâce sanctifiante est comme paralysée, liée en lui jusqu’à ce qu’il se soit converti ou amendé.

Quant aux petits enfants, incapables d’accomplir par eux-mêmes l’acte de foi et de formuler les engagements demandés, c’est l’Église en leurs parents, en leurs parrain et marraine, qui leur prête ses propres sentiments et leur mérite d’accéder à ce sacrement. Ce“ désir de l’Église maternelle ”ne s’étend-il pas mystérieusement très, très loin, se faisant“ baptême de désir ”pour les enfants morts-nés, pour les simples, pour les païens ? Dieu le sait ! Encore faut-il que l’Église désire, gémisse et prie pour tous les candidats éventuels aux limbes ou à l’enfer. Mais on peut raisonnablement penser que le désir des parents compte pour leurs enfants qu’une circonstance indépendante de leur volonté, tel un accident, a privés de la vie à la veille de leur baptême. Le Christ est souverainement libre dans l’inter­prétation et l’extension de ses sacrements.

Concluons : Le baptême qui nous libère du péché et de la damnation, qui nous introduit dans la famille de Dieu et fait de nous son propre temple, est l’événement, le don le plus important de toute notre vie. Cette grâce inouïe, conférée par ce seul sacrement en une seule fois et pour toujours, doit être cependant défendue, entretenue et réveillée sans cesse. Des rites de notre vie chrétienne y aident : la communion solennelle et la profession de foi, la cérémonie du renouvellement des vœux du baptême, lors de la veillée pascale, si impressionnante. À vrai dire, bien des actes simples, tel le signe de croix, telle la récitation du Credo sont autant de réactualisations de la grâce du baptême. Et les vœux religieux plus que tout, en sont l’épanouissement, gage du céleste salut.

Ainsi avons-nous déjà revêtu la robe nuptiale pour le banquet des noces de l’Agneau. Puissions-nous la conserver sans tache jusqu’au jour de notre entrée dans la Vie, notre naissance au Ciel, Dies natalis !