Les sacrements
LE BAPTÊME
LITURGIE BAPTISMALE
Croire en Jésus-Christ et se convertir à Lui pour être sauvé ne sont que les deux volets d’un même diptyque. Or cette vie que le Christ donne au monde, c’est le baptême qui la procure, et le baptême est le premier engagement du croyant sur la voie de la conversion. Voilà pourquoi le baptême est celui de tous les sacrements dont l’Écriture parle le plus, celui dont la nature nous est la mieux connue par la Révélation avant même que nous n’ayons étudié son rite traditionnel. (…)
Jésus avait dit : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 18-19). C’était donner à tout jamais et inconditionnellement l’ordre de joindre le geste à la parole, le sacrement à la prédication. On annoncerait la foi pour obtenir la conversion des cœurs et à tous les convertis on donnerait le baptême qui les introduirait seul dans la communauté des sauvés « dans le Christ ». (…) L’Église, croyant en son Seigneur et obéissant joyeusement à ses préceptes, n’a jamais jusqu’à nos jours douté de la force convaincante de son kérygme ni de la puissance transformante de son rite principal, premier, le baptême. Si quelque manque se manifeste, de toutes manières, cela ne pourra jamais venir de ce côté-là. Jésus l’a dit, il suffit !
« UN BAIN D’EAU QU’UNE PAROLE ACCOMPAGNE » (Ep 5, 26)
De tous les sacrements, le baptême est celui qui se prête le mieux à l’analyse et à l’interprétation de ses rites. Son élément est l’eau, sa forme est un bain, ou une ablution, qu’une parole rehausse de l’usage naturel à une signification surnaturelle, spirituelle, et chrétienne : « Je te baptise au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Quoi de plus clair ? Le corps est baigné – baptiser veut dire baigner –, l’être total est purifié par l’Esprit, il renaît d’une vie nouvelle, justifié, christianisé, adopté pour enfant de Dieu, frère du Christ et temple du Saint-Esprit. C’est ainsi. Il faudrait toutefois ne pas s’enfermer dans l’exacte détermination actuelle, quoique séculaire, de la matière et de la forme du sacrement, pour demeurer attentifs et ouverts à ce qui fut et qui pourrait revivre... (…)
Comment les Apôtres puis l’Église primitive ont-ils baptisé, nous l’ignorons. Cependant les grands traits de la liturgie baptismale paraissent fixés dès les origines et ne varieront plus. Nous connaissons très bien les Catéchèses baptismales du IVe siècle, l’âge d’or de la Patristique, celles de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Ambroise et de saint Augustin, les rites magnifiques de l’époque, qui ne développent certainement rien d’autre que les cérémonies déjà traditionnelles, de source apostolique. Par les sacramentaires léonin, gélasien, grégorien, ces rites nous ont été conservés et sont passés dans notre rituel actuel du baptême des adultes, presque intégralement. Les auteurs modernes ont raison de nous raconter avec soin le détail de tous ces rites car leur symbolisme est d’un incomparable enseignement. (…)
CATÉCHÈSE BAPTISMALE
De cette grande et universelle lex orandi se dégage une leçon claire et imposante sur la lex credendi de l’Église du Christ. Les rites du baptême en dévoilent le sens. C’est celui d’un changement de vie, d’un arrachement à un monde et d’un attachement à un autre, d’une mort et d’une résurrection, d’un retour à l’Orient, du côté du Paradis perdu.
EAU MORTIFIANTE ET VIVIFIANTE
J’aimerais dire que le païen, le juif, le musulman, bref l’homme universel, dans sa condition historique, va au baptême comme on se jette à l’eau n’en pouvant plus.Pour quitter la vie, le monde, pour en finir. Les Pères, dans leurs catéchèses baptismales, insistaient sur cet aspect mortifiant de l’eau dans laquelle devaient être immergés les catéchumènes. (…) Comme les eaux du Nil sur lesquelles fut exposé Moise en détresse, comme la mer en furie où est jeté Jonas... Mais ainsi suicidé à une intenable vie, le baptisé est retiré des fonts comme un noyé sauvé des eaux, comme Moïse sauvé du Nil, comme Jonas que le mystérieux Poisson recueillit et rejeta sur la plage, surtout comme le peuple hébreu sortant de la Mer Rouge libéré de la captivité, échappé à ses poursuivants, sauvé. (…) Ce sont là des figures du Mystère ; elles révèlent son sens d’une mort volontaire au passé et d’une résurrection miraculeuse à une vie donnée d’en haut.
Nous avons l’impression que dans les temps de la Rome païenne et décadente cette liturgie se comprenait très bien. Le dégoût des vices les plus odieux, universellement répandus (croyons-nous !) dans le paganisme, l’avortement, l’esclavage, la violence, et la répulsion pour un monde décadent dont les fêtes et les jeux du cirque respiraient une férocité ou une luxure bestiales, il nous semble que tout cela manifestait trop fortement « le démon, ses pompes et ses œuvres », sa puissance d’illusion, ses prestiges et sa tyrannie, pour que les catéchumènes ne veuillent s’en délivrer par la mort sacramentelle et le changement total dont elle était le signal et le ressort profond. (…)
Au-delà de la situation particulière des personnes, la Liturgie catholique atteint la réalité la plus profonde d’un monde soumis à Satan, ses rites développent les étapes d’un combat cosmique où des forces supérieures se livrent un assaut dont les âmes sont le champ clos et l’enjeu. Ici le démon règne en maître, et là son Adversaire déjà vainqueur, le Christ, sous la Croix duquel milite l’Église. Tout baptême est une victoire chèrement, durement acquise, arrachée à l’Autre, le Prince de ce monde. (…)
Telle est la vue très concrète, très pratique, imparable, que la Liturgie nous impose du PÉCHÉ ORIGINEL dans son enveloppement historique : c’est le monde cassé, le monde maudit, le monde démoniaque, si fascinant et attirant qu’il puisse nous paraître. Et c’est la complicité et connivence qui toujours subsistent en l’homme païen pour ses prestiges. La nécessité du baptême pour être sauvé, si souvent affirmé par Jésus et par ses Apôtres, le miracle de libération qu’il constitue se trouve ainsi enseigné, illustré par la liturgie baptismale de manière plus saisissante encore que par nos dogmes.
ÉGLISE MATERNELLE
Mais ce même acte de suicide mondain est aussi un enfantement chrétien. Tout catéchumène ne se détache du monde des ténèbres que pour naître à la vraie lumière et entrer dans le Royaume de Dieu. (…) Le baptême figure très concrètement le miracle d’une nouvelle naissance, la métamorphose d’un passage à une autre vie sans commune mesure avec l’autre à jamais quittée. Le rite signifie, par la confession de foi au Dieu Trinité, ou par la parole du prêtre qui baptise, que ce changement se fait dans et par l’eau, comme dans le sein de la Mère Église et par sa vertu. (…) Ce qui est signifié tangiblement dans la liturgie du baptême, c'est le renoncement au monde païen, c'est le rejet de Satan partout présent dans les institutions, les pompes et les œuvres de ce paganisme, et l'entrée, j'aimerais dire le rapatriement, l'engouffrement du catéchumène dans l'Église comme dans une forteresse, un sanctuaire, un abri protecteur, une maison nourricière... Cela, c'est l'impression très forte, la réalité immédiate que conserve de l'antique notre liturgie, d'un salut dans l'Église, opposée au monde mauvais.
L’Église est ce nouveau Paradis où le catéchumène revient pour retrouver la vraie vie. (…)
La théologie saura donner à cette symbolique sacramentaire une interprétation dogmatique juste et précise. (…) Cette dernière sera le développement d’une théologie baptismale dont le fondement se trouve dans le sacrement lui-même, dans son sens premier, profond, définitif : deux mondes et deux systèmes de vie s’opposent, s’affrontent, monde de Satan, monde d’en bas, de péché, de corruption et de mort, monde d’en haut auquel nul ne peut naître sans mourir d’abord, où nul n’a accès sans être arraché au péché, à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, sans être introduit ou mieux enfanté par l’Église des eaux fécondes de ses entrailles virginales, dans le Christ Jésus Notre-Seigneur. (…)
« DANS LE CHRIST »
Le baptême signifie contre le pélagianisme ancien et l’humanisme moderne que le salut de l’homme n’est pas en l’homme. Mais, allant beaucoup plus loin que la circoncision juive, laquelle n’était que figurative du salut et ne valait pas à l’homme la grâce de la justification par elle-même mais par la foi à Celui qui allait venir... plus loin que le baptême de Jean, baptême d’eau pour la rémission des péchés, simple signe de dispositions humaines méritoires,... le seul baptême chrétien opère le changement de l’homme, parce qu’il est Sacrement efficace et Mémoire de la mort et de la résurrection du Sauveur.
Son rite le montre, l’affirme, mais il faut recourir aux Écritures et à la prédication du Magistère pour l’entendre parfaitement. Saint Paul, audacieusement, assimile l’Action baptismale, d’immersion dans les eaux mortifiantes et vivifiantes, à l’ensevelissement du Christ et en fait comme le mime opératoire de la Passion rédemptrice du Seigneur. Le baptisé s’identifie à Lui, pour oser descendre dans la mort et s’ensevelir avec lui, se libérant ainsi de ses passions, expiant ses péchés, échappant à son Adversaire qui le poursuivait jusqu’à cette frontière infranchissable. Alors, identifié au Christ jusqu’à partager son destin essentiel, il ressuscite avec Lui, sort du tombeau revêtu comme lui d’une vie nouvelle et éternelle, participant à sa métamorphose stupéfiante. Extraordinaire comparaison et vérité vraie ! (…)
À cet extraordinaire symbolisme les Pères n’ont pas craint d’en ajouter un autre, celui du sein maternel de l’Église que figurait pour eux la piscine baptismale et ses eaux vivifiantes. (…) Instruits par les Saints Apôtres et par les Pères, nous ressentons l’immense joie du baptême qui nous donne Dieu pour Père et l’Église pour mère dans le Christ. Et si l’enfantement commence à la conception pour ne jamais être achevé – elles me comprennent, les vraies mères, ils me comprennent les pères vraiment chrétiens – alors il est sûr que le sacrement de baptême est un enfantement dont les premiers rites commencent dès la conception sainte et chaste de l’union conjugale et dont la liturgie ne finira qu’au jour de notre nouvelle naissance, dies natalis, au Ciel !
PASTORALE BAPTISMALE
L’Écriture, la Tradition, le Magistère ont fait à cette Liturgie pendant plus de quinze siècles un accompagnement sûr et triomphant. Et pourtant ! La difficulté de son administration en forme solennelle à des masses de plus en plus grandes de convertis força d’en abréger et simplifier les rites au point d’en atténuer le symbolisme. (…)
Eh bien, malgré toutes ces transformations le baptême, même réduit à une liturgie expéditive, dans son symbolisme appauvri, prenant figure de simple formalité, conserva dans la foi du peuple chrétien sa pleine réalité de naissance à la vie de la grâce et son importance capitale pour le salut éternel. Cela n’a changé que depuis quelques lustres, sous la poussée du MODERNISME vulgarisé et généralisé par la prétendue Réforme conciliaire. (…) Que s’est-il donc passé ? et où en sommes-nous ?
LE TEMPS DU FAUX SEMBLANT
La rupture entre le sacrement et la vie ne vient pas de l’amenuisement du symbole. (…) Je la vois d’abord dans l’invasion de l’Église par l’Humanisme moderne, bouleversant les soubassements intellectuels et affectifs de la vie sacramentelle. (…) Le monde a été promu, de contre nature qu’il paraissait jusqu’à la fin du Moyen-Âge, à un état de nature entièrement rationnel. Il cesse alors d’être considéré comme hostile et dangereux pour le salut ; il paraît neutre,il cesse d’être suspect d’infestation diabolique. Bientôt l’homme naturelle sauvage, et l’homme du monde,le libertin, n’ont plus paru foncièrement mauvais ni différents du chrétien. La raison commençait à parler un langage différent de la foi, dangereusement contraire même, et les symboles liturgiques seyaient mal dans cette ambiance...
Certes, les fidèles continuaient à demander le baptême, et le clergé à le donner selon la coutume de l’Église ; tous croyaient encore au changement profond qu’il opérait, en remettant le péché originel et en conférant la grâce. Mais ce changement ne modifiait plus, pour eux, que les rapports de la créature au Créateur ; il ne changeait rien à ses rapports avec le monde et ses relations avec les autres hommes, avec la société. Le salut devenait un acte conventionnel, relevant de l’arbitraire divin, sans correspondre à rien de réel dans la vie temporelle, séculière. Soit que le monde fut invinciblement mauvais et la nature de l’homme viciée, selon Luther, soit que le drame de la rédemption se déroule tout dans la sphère transcendante de la Justice de Dieu, selon Calvin, ou dans l’illusion du sentiment, selon Érasme, le baptême ne changeait rien à rien dans la situation concrète des individus et des peuples. La religion s’évadait du réel, sans qu’on s’en aperçoive clairement. (…)
Mais le jour devait venir où le clergé découvrirait avec effroi l’absence de motivation profonde des demandes de sacrements voulus pour le rite lui-même, le signe pour ce qu’il est et non plus pour ce qu’il signifie et qu’il opère invisiblement. Suspectant là un formalisme mondain, certains prôneront l’abandon de ces vestiges de christianisme et le refus du baptême. C’est évidemment éteindre la mèche qui fume encore. (…)
LES BONNES INTENTIONS DES RÉFORMATEURS
Je ne crois pas qu’il y ait eu dans cette fausse manœuvre une hypocrisie du clergé cherchant à ressaisir par de fortes exigences son pouvoir sur les masses qu’il sentait lui échapper. Cette étrange décision est à situer dans une « pastorale d’ensemble » dont la louable intention était de stopper la décadence du sentiment religieux populaire en provoquant de la part des fidèles un effort d’attention et de participation plus personnel et plus suivi... (…)
Ainsi, depuis trente ans en France et depuis le Concile partout dans le monde, le clergé, abandonnant soudain le juridisme et le ritualisme séculaires, manifesta un grand enthousiasme pour la rénovation des rites et multiplia les innovations dans le but de faire des sacrements une vraie rencontre de Dieu où se trouve fortifié l’engagement chrétien.
ÉCHEC TOTAL, DÉCEPTION PROFONDE
Heureux ou malheureux, de bon ou de mauvais goût, orthodoxes ou aberrants, ces changements, dont l’intention était louable, ont été contre toute attente absolument vains. (…)
Cet échec a, beaucoup plus profondément qu’on ne veut le reconnaître, déconcerté les prêtres et surtout les plus réformistes. Devant le résultat négatif de leurs efforts de sacramentalisation, beaucoup ont achevé de ne plus croire à la force divine du sacrement, et je dis achevé à dessein. Ils sont maintenant prêts à abandonner la substance du baptême, l’initiation au Mystère chrétien, pour lui substituer d’autres rites qui parlent à l’homme moderne, sans prendre garde que ces signes leur parlent dans l’exacte mesure où ils ne sont plus ni divins ni chrétiens et qu’ils signifient et opèrent autre chose que la grâce. Ce sera par exemple un rite d’inscription dans la communauté, marquant l’engagement de l’adolescent dans la lutte de l’humanité pour sa libération des aliénations naturelles, économiques, sociales, culturelles. L’Humanisme aura alors supplanté la religion et l’Église s’apercevra, mais un peu tard, qu’elle s’était depuis longtemps laissé gagner par le monde jusqu’à se distraire et déposséder de ses Signes et des Mystères divins qu’ils véhiculent.
UNE INNOVATION DES PLUS CONTESTABLE
Le début de la fin, c’est la critique sans cesse amplifiée du « pédobaptisme », entendez : du baptême des enfants. Il existe sur ce sujet toute une littérature. (…) Mais une interrogation radicale ne devrait pas être lâchement évitée par tous ceux qui préconisent le retour au baptême par étapes : le rite d’inscription au catéchuménat, dans de tels cas, confère-t-il déjà la grâce sanctifiante ? Le catéchumène adulte ou le nouveau-né, inscrit mais non encore baptisé, s’il meurt entre-t-il au Ciel ou non ? Si oui, à quoi bon le baptême ! Si non, de quel droit prendre un tel risque et l’imposer même à rencontre de la volonté des parents ? Il faut répondre, Messeigneurs. (…)
C’est au Magistère Suprême qu’il revient de trancher cette question primordiale, après que les théologiens aient posé le problème dans les termes qu’autorise la tradition liturgique et dogmatique de l’Église, mais avant que les pasteurs ne prennent aucune décision de changement ! (…)
Retarder le baptême à cause de l’incroyance des parents se comprend au Togo musulmanisé, où la foi des enfants, si elle n’est pas soutenue, ne pourra résister aux sollicitations de l’Islam. Et encore ! Mais en France il n’est pas tant question de ce risque que du désir de parents très chrétiens, et progressistes, de voir leur enfant décider lui-même de sa religion quand il sera grand ! Alors, là, ce qui prime, ce n’est pas le vœu du baptême, c’est le culte de l’homme, de sa libre décision, de sa libre pensée. Ce vœu-là ne vaut certainement pas baptême de désir, non ! L’enfant reste donc dans son péché originel et dans le foisonnement des péchés personnels qu’il y ajoutera bientôt, avant que sa Majesté soit invitée à faire librement savoir quelle est la religion de son bon plaisir !
LA VÉRITÉ DU BAPTÊME
En réalité, toutes ces solutions dites pastorales masquent une débâcle qu’elles précipitent. L’archaïsme des réformes liturgiques s’accorde mal avec le modernisme de la prédication qui les accompagne. On dit que le peuple fidèle ne comprend plus l’utilité ni la grandeur du baptême ? On imagine que le baptême ne donne plus ce qu’il promet, ce qu’il signifie ? Mais c’est que le baptême est mal donné et son signe détourné de sa signification ! La faute ne peut être que de ce côté-là où nul ne va la chercher !
Ô hommes d’église, vous baptisez certes soigneusement, validement. Mais le signe aussitôt administré, vous y joignez votre contre-signe, au témoignage franc et massif de la liturgie infaillible vous ajoutez le contre-témoignage de votre prédication trompeuse ! Le rite les détache du monde et vous vous hâtez de les y ramener ! Ô hommes d’église, croyez-vous donc si mal à ce que vous faites ? Vous donnez la grâce d’une nouvelle naissance à un nouveau royaume, tout de pureté et de clarté, et aussitôt après vous renvoyez ces agneaux nouveaux-nés chez le Prince de ce monde ! Enfants, adultes, une fois baptisés et désireux de mener une autre vie, rendus par Dieu capables de sainteté, avant même qu’ils aient pu oublier leurs engagements ou faiblir dans le combat, vous, leurs Pères dans la foi, vous leur faites une obligation sacrée de retourner là d’où ils viennent et y négliger, y contredire, y mépriser et renier leurs engagements sacrés !
Ô prêtres ! Croyez, vous d’abord, au Pouvoir que vous détenez, aux énergies que vous délivrez, à la Cité Sainte où vous introduisez les enfants de votre sacerdoce, et vous verrez qu’un peuple nombreux s’attachera à vos pas et vous demeurera fidèle pour la vie et pour l’éternité ! (…)
LA RÉFORME DU BAPTÊME
Sur l’âge du baptême, l’Église de Vatican III ne supportera aucune remise en question. Ce doit être le plus tôt possible. Pour l’adulte, dès qu’il s’est converti ; que son instruction soit menée sans retard jusqu’à sa Nouvelle Naissance, de préférence durant le Carême pour s’accomplir dans la Vigile Pascale. C’est une lente acquisition de la discipline sacramentaire que le droit a définitivement consacrée.
Parlons de ce baptême des enfants. Il doit être solennel. Cela impose une forte réaction contre l’abus de l’ondoiement, qui contribue à détruire le sens du signe baptismal. Il vaudrait mieux le réserver rigoureusement aux cas urgents et interdire alors le complément de cérémonies (sic) où le prêtre se trouve, par juridisme, dans le ridicule devoir d’exorciser... un baptisé ! Cet emmêlement de signes contradictoires est à bannir absolument.
Ce que nous proposerions, dans le sens d’une rénovation des traditions malheureusement abolies, serait un acte liturgique d’inscription catéchuménale. Dès que possible, en même temps qu’il serait déclaré à la Mairie par exemple, le nouveau-né serait présenté au prêtre de la paroisse ; sur-le-champ, aurait lieu l’inscription pour le baptême et fixation de la date ; le prêtre procéderait à l’exsufflation, exorcisme préparatoire, à la signation en forme de croix, imité en cela par les parents, et à la cérémonie du sel, très parlante. Il serait alors possible de remettre quelque peu la grande fête du baptême, sans craindre que la famille ne l’ajourne indéfiniment.
Le baptême des enfants n’a rien gagné à venir encombrer la Messe dominicale. Cette réforme a été une erreur, sur laquelle il faut revenir au plus vite ; de même l’usage récent des baptêmes collectifs, en série, travail à la chaîne comme en usine. Je l’ai fait, je sais ce que c’est ; cela déplaît aux chrétiens, et avec raison. Le baptême doit rester ce qu’il est lentement devenu, un rite familial, et c’est une grâce d’approche du prêtre, et de retour, de réinsertion dans l’Église du groupe familial autour de l’enfant. Car la famille est la vraie « communauté de base » de l’Église ! (…)
L'Église devrait par conséquent améliorer son accueil des parents chrétiens, et systématiquement souligner le courage et mérite qu’ils ont à faire baptiser leur enfant. Elle exprimerait ainsi sa gratitude, sa joie, pour l'intérêt qu'elle a, elle-même, à compter un enfant de plus et un élu pour le Ciel. Cette idée de l'apport positif de toute âme nouvelle à la vitalité de l'Église, à son combat dans le monde et à la gloire de Dieu est monstrueusement absente de la totalité de l'Église conciliaire. Montrez-moi un texte !
On aimerait que le rite de l’immersion soit remis en vigueur. Ne baigne-t-on pas les nouveaux-nés indéfiniment, dans nos sociétés férues d’hygiène anglo-saxonne ? Ce bain-là, à la différence des autres, serait l’unique, le non-réitérable. Je le voudrais aussi pour les adultes, non pour reprendre aux Baptistes ce signe grandiose qu’ils ont su restaurer avec succès, mais pour graver dans l’esprit des catéchumènes l’idée qu’ils seront entièrement purifiés de ce Monde mauvais et convertis du Péché ancien, par cette immersion, pour renaître à une nouvelle vie et dans une autre société. À défaut, que du moins l’eau coule avec abondance sur leur front ! (…)
LES RENOUVELLEMENTS DU BAPTÊME
Ce que les liturgistes partisans du baptême par étapes, à la différence des idéologues libéraux, désiraient surtout c’était la restauration de cette lente préparation et progression du catéchumène, assurées par l’Église, qui faisaient de sa conversion et de son baptême une grande chose. Mais il y a une solution autre que de différer le baptême jusqu’à l’âge de sept ou dix-huit ans ! Non certes de le réitérer, ce qui est formellement exclu, mais de le renouveler dans certaines cérémonies, au long des années de catéchisme.
On rétablirait très heureusement le rite d’inscription, les divers scrutins, la tradition des Évangiles, la Profession de foi, la renonciation au démon et l’attachement à Jésus-Christ enfin, d’année en année, pour culminer dans les cérémonies de Communion Solennelle et de Confirmation.
Ensuite, au cours de la vie, restaurée magnifiquement, par Pie XII, la Vigile Pascale, donne l’occasion aux vrais fidèles de renouveler liturgiquement et sacramentellement les vœux de leur baptême chaque année. On aimerait aussi que très officiellement la Consécration des Vierges et les Vœux religieux en général soient assimilés à un renouvellement du don de la grâce baptismale. Non que toutes ces cérémonies réitèrent le sacrement unique et définitif, mais elles en réveillent le bienfait. Ainsi le baptême retrouverait-il son sens au long de la vie, et jusque dans chaque ablution d’eau bénite et chaque signe de croix. Évidemment dans une perspective chrétienne de fuite du monde, de haine de Satan qui en est le Prince et de lutte contre la chair ! Autrement toute restauration liturgique demeurera œuvre d’archéologue, et folklorique.
Abbé Georges de Nantes
Extraits de la CRC n° 113, janvier 1977, p. 5-12