La préexistence de l'âme de la Vierge Marie
L’IMMACULÉE CONCEPTION
DIEU est Amour (1 Jn 4, 8), et la première œuvre de cet amour divin, vivant, agissant, est l’Immaculée Conception : un Cœur, lui-même foyer incandescent de « circumincessante charité », le Cœur Immaculé de Marie. « C’est une Femme », conçue avant toute création, dans la pureté originelle de sa nature et de son sexe, « pleine de grâce » (Lc 1, 28) (...).
De l’Immaculée Conception de la bienheureuse et toujours Vierge Marie à l’Incarnation du Verbe Fils de Dieu Sauveur et Roi des siècles, quelle orthodromie ravissante, divine ! Les scribes inspirés, auteurs des livres de Sagesse de l’Ancien Testament, ont perçu cette présence féminine auprès de Dieu, préparant la venue du Fils de Dieu et de l’Esprit-Saint sur la terre, créée avant les siècles, en mystérieuse préexistence auprès du Dieu Créateur, et princesse de Juda dès l’origine : « Les abîmes n’étaient pas encore, et déjà j’étais conçue. » (Pr 8, 24)
« Je suis sortie de la bouche du Très -Haut... Le Créateur de toutes choses donna ses ordres. Celui qui m’a créée m’a fait dresser ma tente, Il m’a dit : “ Installe-toi en Jacob, entre dans l’héritage d’ Israël ”. » (Si 24, 8)
PRÉEXISTENCE
Généralement, certaines notes, en bas de page de nos bibles et de nos bréviaires, prennent soin de limiter cette préexistence, appliquée par l’Église à la Vierge Marie en toutes ses fêtes liturgiques, à une pensée, à une intention de Dieu dénuée de toute réalisation créée. L’abbé de Nantes s’est pris à songer que c’était trop peu, pour Dieu et pour Elle, que cette vue d’Elle par Lui comme d’une pure conception intime, idéale, mais que, cédant à son bon plaisir d’amour et de gloire, Lui, Dieu l’aura voulue, Elle, l’Immaculée, déjà âme vivante, pleine de sagesse, d’amour et de louanges, qui puisse participer avec Lui à la création du monde, à la naissance du genre humain et de toutes ses générations, à la vue pitoyable de leurs péchés, infirmités et misères : « L’ âme de Marie préexistante serait déjà en lien avec tous les êtres vivants depuis Adam et Ève, en charge de corédemption. Et les trois Personnes divines recevraient dès l’origine ainsi, de sa Voix très pure, louanges et gloires : “ J’entends ma bien-aimée, ma vierge colombelle... Que ta voix est douce et ton visage charmant ! ” »
Telle est la révélation chrétienne de l’Immaculée Conception : du sein de Dieu notre Père, la Conception de la Vierge Immaculée, que l’Église fête le 8 décembre, immense joie, grâce de salut, promesse de miracles de Miséricorde... Contemplation de notre Mère très chérie, apparaissant dans le Ciel du jardin d’Éden, d’où sont chassés la femme pécheresse et son époux, déchus de leur état de grâce et de perfection. Eux, si misérables ! Et Elle d’une beauté suprême, d’une divine et, pour ainsi dire, d’une infinie perfection.
Mystère sauveur, présent dès avant l’histoire humaine, près de Dieu, l’Immaculée Conception n’est pas seulement une créature prise d’entre les femmes et prémunie contre le péché, préservée de toute tache. La Vierge Marie est la Personne que Dieu a conçue dans sa Sainteté, à l’origine des siècles. C’est à Elle qu’il a pensé d’abord, avant même de créer l’univers, avant de créer Adam et Ève et la suite des générations. Elle est le premier projet de Dieu, Père et Fils, dans leur Esprit-Saint et de toute éternité. Dieu le Père a voulu la donner pour épouse à son Fils. Un poème de saint Jean de la Croix, le Romancero, nous fait voir et entendre leur dialogue : « Une épouse qui t’aime, mon Fils, j’aimerais te donner qui vivre avec nous puisse mériter »... Bien sûr, notre Père n’impose à personne cette nouveauté. Sagesse ou folie ?
N’est-ce pas plus simplement un excès de réalisme dans la contemplation d’une préexistence éternelle de toute la création et donc de sa fleur incomparable dans le concert des trois Personnes divines ? Eh bien ! son intuition ne l’avait pas trompé. Un jour, en la fête du mariage de la Sainte Vierge et de saint Joseph, samedi 23 janvier 1999, un frère déposait sur son bureau un texte extrait des Écrits spirituels de sainte Louise de Marillac. Ce document n’est pas daté, sinon de « la veille de la Conception de la Sainte Vierge », et il s’agit très probablement de la vigile du 8 décembre 1658. Ce jour-là, saint Vincent de Paul, sur la demande de sainte Louise de Marillac, présenta et ratifia, au Saint-Sacrifice de la messe, l’oblation perpétuelle de la « Compagnie » des Filles de la Charité, à Marie, leur « unique Mère », sous le vocable de l’Immaculée Conception.
Extrait de Préparer Vatican III, p. 14-18
UN SONGE DE SAINTE LOUISE DE MARILLAC
ET UNE PENSÉE TOUTE SIENNE DE LA CONCEPTION DE L’IMMACULÉE
« La veille de la Conception de la Sainte Vierge ayant entendu la lecture de l’épître de ce jour [« Le seigneur m’a créée au début de ses desseins, avant ses œuvres les plus anciennes. dès l’éternité, je fus sacrée, dès le commencement, avant l’origine de la terre. » (Pr 8, 22- 23)], j’eus en songe la vue d’une grande obscurité en plein midi, ne paraissant que peu au commencement et suivie d’une nuit très obscure qui étonnait et effrayait tout le monde. Je sentais seulement soumission à la divine Justice. Cette obscurité passée, je vis le plein jour venir, et en quelque partie de l’air fort élevée, j’y vis comme une figure de celle qui nous représente la Transfiguration, qui me semblait être figure de femme.
« Néanmoins, mon esprit fut surpris de grand étonnement qui me portait à reconnaissance vers Dieu, mais telle que mon corps en souffrait, et m’éveillant sur cela, je souffris quelque temps encore ; et la représentation m’en est toujours demeurée en esprit, contre l’ordinaire de mes songes, me représentant cette première grâce en la Vierge être le commencement de la lumière que le Fils de Dieu devait apporter au monde.
« En ma méditation sur le sujet de l’épître, voyant que la Sainte Église appliquait à la Sainte Vierge son être devant la Création du monde, mon esprit y a acquiescé, pensant que non seulement elle était de toute éternité en l’idée de Dieu par sa prescience, mais encore préférablement à toute autre créature pour la dignité à laquelle Dieu la destinait de Mère de son Fils. Il a su être voulu avant la création de toutes choses terrestres qui pouvaient être témoins du péché de nos pères. Dieu a voulu faire un acte de sa volonté spécifiée pour la création de l’âme de la Sainte Vierge, et ce pourrait aussi avoir été un acte effectif, ce que je soumets entièrement à la Sainte Église, ne m’en servant que pour en honorer davantage la Sainte Vierge, et lui renouveler notre dépendance en général, de la Compagnie, comme ses plus chétives filles, mais la regardant aussi comme notre très digne et unique Mère. « Que soient aimés Jésus et Marie ! « Adorez la Vierge que Dieu a voulu racheter avant la créer, et lui représentez l’état de votre conscience, et lui demandez qu’elle obtienne l’amendement de votre vie, et le délivrement de vos plus urgentes nécessités, comme un plus grand amour à son Fils et une plus forte liaison à sa divinité humanisée. » (Écrits spirituels de Louise de Marillac, éd. 1983, p. 730 ; cf. CRC n° 353, février 1999, p. 33)
« De même qu’il fut un long temps où, jusqu’aux plus grands docteurs, saint Bernard, saint Thomas d’Aquin, la plupart niaient que la Vierge Mère de Dieu eût totalement échappé à la souillure originelle et condamnaient les tenants de l’Immaculée conception ; puis un temps où l’Église donna libre cours à cette pieuse croyance et son extraordinaire effervescence en toute la Chrétienté, pour enfin la proclamer triomphalement, le 8 décembre 1854, après mille ans de saintes controverses et d’avancées contrariées vers le but désiré... ; de même les siècles prochains pourront voir grandir et dans mille ans triompher la croyance en la préexistence de l’âme de Marie, ainsi établie dès l’origine Médiatrice universelle et Mère de tous les vivants à la naissance et à la vie desquels, dans le Cœur de Dieu, elle présida. Que cela soit une opinion permise ! et qu’on s’applique à en développer toutes les solides raisons et l’admirable convenance ! » (CRC n° 282, mai 1992, p. 8)