Il est ressuscité !
N° 219 – Mars 2021
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
« Saint Joseph sera leur grand protecteur
et la Vierge Marie, leur Mère. » (1)
NOUS fêtons saint Joseph, en ce mois de mars 2021 qui lui est consacré, à un double titre : par tradition et sur l’initiative du pape François qui a proclamé une année jubilaire sous le patronage de ce protecteur de l’Église, protecteur des familles nombreuses, chrétiennes, patron de l’enfance. Saint Joseph a une grande puissance sur le Cœur de Jésus, son fils. Ainsi, avec une divine piété, une paternelle miséricorde et tendresse, saint Joseph se penche sur nous et dit : « Ne désespérez pas, je suis là, je prie pour vous. »
Jamais les forces de l’Enfer ne se sont déchaînées à ce point, jamais l’Église n’a été si peu protectrice des âmes, surtout de celles des enfants. Le Mal devient de plus en plus tyrannique, méchant, contraignant ; il veut la chute des bons ; et à lui faire la guerre, on risque soi-même bien lourd ! Le troupeau est abandonné de ses pasteurs sur terre, et des gouvernants dont le devoir serait de punir les crimes !
Cependant, nous n’avons pas le droit d’être tristes, déprimés parce que Jésus et Marie sont là, parce que saint Joseph est notre grand protecteur. Faisons appel à Dieu avec confiance par l’intercession de Jésus, Marie, Joseph.
« Il me semble, disait notre Père, que va se lever dans le monde un beau jour, en quelque endroit, un berger ou un ignorant quelconque qui va faire savoir au monde que tant que nous n’aurons pas invoqué saint Joseph, nous ne serons pas sauvés. Jésus ne peut résister aux demandes de la Sainte Vierge, et la Sainte Vierge ne peut qu’obéir à saint Joseph, parce que c’est le patron.
« Dieu veut qu’on obéisse à l’autorité paternelle qui représente Dieu le Père. De la même manière que le Fils et le Saint-Esprit au Ciel obéissent en tout à Dieu le Père, parce que c’est de Lui que la vie procède et parce qu’ils sont tout rapportés à Dieu le Père, de la même manière Dieu a voulu qu’il y ait des pères, que la société soit paternelle ; il a fait d’Adam la figure du Christ et le Christ, c’est le chef, le patron. »
Or, à Nazareth, pendant trente ans, Jésus a été celui qui obéissait à ses père et mère, à celui qu’il appelait son papa dans la vie courante et à sa maman. Le Fils de Dieu, le créateur de l’univers a voulu être soumis à la Vierge Marie et à saint Joseph. La Vierge Marie, l’Immaculée Conception, la créature la plus parfaite qui soit, a voulu toute sa vie, par obéissance à Dieu, mais aussi de tout son cœur, de tout son amour, avec toute son humilité, tout son sens de l’obéissance selon la loi naturelle, être soumise à saint Joseph.
FIANÇAILLES
Joseph était un homme juste, sage, prudent, appliqué à scruter les saintes Écritures, en particulier les psaumes et les sapientiaux, et à tenter de conformer sa vie le plus exactement possible à la volonté de Dieu signifiée dans sa loi, dans ses conseils, dans ses préceptes particuliers ou ses inspirations.
Tout au long de sa vie, Joseph a obéi à la loi de Dieu, à tel point qu’il est tout disponible, tout disposé à faire la volonté de bon plaisir de son Dieu. Abandonné comme un enfant entre les mains de son père, obéissant à son Père et ainsi, déjà, au cours de cette longue première partie de sa vie, préparatoire, il est véritablement notre patron. Avant d’être le “ patron de la bonne mort ”, il est celui de la bonne vie !
Cet homme d’âge, estimé pour ses vertus acquises grâce à un combat quotidien, parvenu à un état de grande sainteté, a été choisi par les parents de la Vierge Marie comme celui qui serait capable, s’il le voulait bien, de devenir l’époux de cette sainte enfant de quinze ans, qui était tellement pure et tellement tournée vers les choses de Dieu, tellement pieuse, qu’elle ne pensait qu’à une chose : se consacrer à Dieu tout entière et pour la vie.
La rencontre de saint Joseph avec Marie, notre Père nous la présentait comme un don mystique introduisant “ brutalement ” l’âme de saint Joseph dans la connaissance intime de l’amour de Dieu. De la même manière que les enfants de Fatima, deux mille ans plus tard, saint Joseph, rencontrant la Vierge Marie, fut sanctifié par cette rencontre. L’Immaculée Conception, dans sa condition temporelle, ne respirant que la perfection divine, était image de Dieu donnant à saint Joseph une sorte d’illumination. Son visage reflétait la beauté de Dieu, la perfection de la sainteté de Dieu dont elle était véritablement le sanctuaire. Ce fut un éblouissement pour lui : sa chasteté ascétique devint mystique, parfaite et souveraine attention, occupation, disposition de tout l’être à la présence de Dieu en Marie, par Marie, avec Marie, pour Marie. En rencontrant la plus belle, la plus parfaite des créatures, la plus empreinte de la gloire de Dieu, de la beauté de Dieu, de la perfection de Dieu, son cœur s’est jeté vers elle, pour ainsi dire, trouvant en elle « la lumière qui est Dieu », comme disait Lucie de Fatima, la marque de Dieu, le don de Dieu. Quand saint Joseph la regardait, il la dévorait des yeux. Pourquoi ? Parce qu’elle lui faisait davantage connaître la gloire de Dieu. Et Elle, regardant saint Joseph, cet être si aimable, si respectable qui lui était déjà un visage de Dieu son Père, elle l’aimait de tout son amour de Dieu. Et plus ils étaient ensemble, plus leur amour grandissait.
Ainsi, après avoir quitté la Vierge au terme de leur première rencontre, saint Joseph était tellement empreint de ce visage, de cette puissance, de ce regard qui le ravissait, qu’il n’avait plus qu’une pensée, comme Bernadette à Lourdes : la revoir ! Pourquoi ? Pour aimer Dieu davantage, et être toujours avec la Vierge Marie afin d’être, par elle, en elle, par sa médiation, toujours à Dieu et de plus en plus !
Dès qu’il connut Marie, le cœur de saint Joseph, soudain plein d’ardeur surnaturelle, se trouva donc aimanté par la virginité consacrée à Dieu. C’était une révélation qui l’étonnait lui-même. C’était la première osmose de ce mariage d’âmes, telle que toute la vertu virginale de Marie venait maintenant éclore en Joseph !
« Alors, elle était venue chez lui comme fiancée. Dans une illumination joyeuse, saint Joseph l’avait tout de suite accueillie comme sa petite reine. Ils s’étaient donné l’un à l’autre leurs vertus, et rien d’autre que ce trésor divin, rien d’humain.
« Leur vie commune avait commencé, non liée encore mais point capricieuse cependant. Elle ne lui appartenait pas, c’était visible, et cependant elle l’aimait d’une affection dont il n’osait mesurer l’immensité. C’était, pour ainsi dire, infini : elle le recevait dans son cœur de la même manière que lui l’avait reçue, elle, comme un don de Dieu. Son apparition le mettait en grande joie, mais il ne la retenait jamais. “ J’ai pour vous un amour jaloux et divin... Je vous ai présentée à Dieu comme une vierge pure. ” Saint Joseph, avant saint Paul, aimait ainsi celle que Dieu lui avait confiée, le cœur enflammé d’un ardent désir de l’offrir, elle, cette maison d’or, cette tour d’ivoire, cette merveille des merveilles, à Dieu seul !
ÉPOUX DE MARIE
« L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille accordée en mariage à un homme appelé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. L’ange entra chez elle et dit : “ Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. ” À cette parole elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
« L’ange lui dit alors : “ Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. ”
« Marie dit à l’ange : “ Comment cela se fera-t-il, puisque je suis vierge ? ” L’ange lui répondit : “ L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait “ la femme stérile ” ; car rien n’est impossible à Dieu. ”
« Marie dit alors : “ Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. ” Alors l’ange la quitta. » (Lc 1, 26-38)
« Un jour, c’était celui de cette Annonciation mais Joseph ne le savait pas, il la vit transfigurée et, de ce jour-là, elle resta chez lui. Elle n’avait rien dit et cependant tout était changé. Il se sentait comblé de grâces, sanctifié étrangement comme d’une bonté émanée d’elle. Elle était depuis peu l’Arche d’Alliance qui rayonnait toute de la Présence divine, et saint Joseph en était le premier béni comme Obed-Edom l’avait été autrefois lorsqu’il avait accueilli l’arche antique sur son aire ! C’était en Joseph une illumination. Il était enivré d’un amour nouveau. Il voulait qu’elle reste chez lui. Il aurait voulu lui jurer avec solennité qu’il la garderait de tout péril, qu’il était prêt à souffrir mille morts... mais il ne dit rien, comme les simples et les sages. Son silence exprimait plus encore d’amour, de respect. Je pense cependant qu’il pleura abondamment ce jour-là, de joie, sur ses outils, ses planches, en cachette. Il se voyait le gardien du Temple et personne n’aurait pu toucher à sa Reine sans mourir, certainement !
MYSTÈRES DOULOUREUX.
« C’est alors que l’épreuve fondit sur lui. Les mystères douloureux de saint Joseph commencèrent aussitôt que la Vierge partit pour Aïn-Karim. Il avait trouvé bon qu’elle aille assister sa cousine Élisabeth. L’absence, cette fois, lui coûta. C’était pour sa sensibilité une souffrance cuisante, une mort de tous les instants, une inquiétude cruelle, cependant qu’en son cœur juste et fort, il ne voulait que le bien et ne s’apitoyait pas un instant sur lui-même. Que ces mois furent longs, et quelle solitude !
« Lorsqu’elle revint, elle était grosse.
« La vie reprit cependant. Elle ne lui en parlait pas. D’être revenue, c’était assez dire que la chose était sainte. La rentrée dans la vie commune toute faite de prières et de silence valait une confidence claire de sa fidélité inviolable, inviolée, à son double vœu. Il l’aimait toujours et plus encore, et d’une admiration à son comble. Il voulait la garder, la protéger contre tout péril, sentant mieux quelle fragilité était la sienne, pourtant si paisible ! Dans une telle situation, il se sentait d’instinct protecteur et père nourricier. Voyant qu’elle lui conservait son pur amour, sa confiance, se réfugiant plus résolument qu’autrefois auprès de lui, il se savait davantage son époux, dans ce mystère, dans ce secret commun, si lourd et si doux.
« C’est alors que commença son vrai calvaire, bien différent de ce qu’on imagine. La loi de Moïse était là, dans sa rigueur tranchante à laquelle il n’avait pas songé tout d’abord, tant l’idée de quelque adultère lui demeurait extravagante, impensable. Tout dans son cœur, dans sa pensée, le poussait à respecter cette maternité admirable, à partager la ferveur et la grâce qui ruisselaient du cœur, du visage et du regard de son Épouse, mais la loi de Dieu, souveraine, lui ordonnait de la renvoyer et de la dénoncer même ! C’était une agonie, véritable nuit obscure de l’esprit, que ce renoncement dans une aveugle obéissance aux volontés signifiées de Dieu selon les voies communes. Il n’était qu’un juif ordinaire et devait se garder d’aller selon son sens propre là même où il sentait qu’était le bien. En l’absence de toute révélation particulière, de toute explication dissuasive, à l’encontre même de sa sensibilité déchirée, ô mort plus terrible que la mort, il fallait donc la renvoyer, et elle, de son silence, semblait encore approuver la décision qui allait la livrer ! Le sacrifice d’Abraham n’était rien en regard de cette décision affreuse ; saint Joseph, dans l’effroyable solitude de l’atelier où il se réfugiait, poussait des soupirs immenses et pleurait jusqu’à s’en brûler les yeux. Parfois la Vierge entendait, parfois elle voyait et cependant se taisait, gardant sa souveraine pudeur spirituelle et s’en remettant à Dieu, mais la douleur de Joseph en était encore augmentée et il se reprochait d’en avoir fait paraître quelque chose à sa Reine.
« À travers les obstacles qu’oppose la nature, emportant peu à peu sa dure victoire sur les plus purs sentiments de la surnature même, la décision juste se frayait un passage, de jour en jour plus avancé, vers le dénouement héroïque. Comme Isaac, l’enfant de l’espérance, voici que Jésus et sa Mère, toute l’espérance humaine – il le sentait – l’Esprit-Saint le criait en son cœur ! – allaient prendre le chemin fatal. Par son ordre, de lui ! à elle ! un tel ordre ! ils allaient franchir le seuil de sa demeure pour n’y plus jamais reparaître.
« Qu’allait être maintenant sa vie ! sa solitude ! Il n’y songeait pas, oublieux de lui-même et déjà reconnaissant à Dieu de ce bonheur enfui. Mais Marie et l’Enfant, qu’allaient-ils devenir, livrés honteux à la dérision, à la peine, jetés dans la tempête du monde méchant dont il avait voulu les garder ! Oui, il mourait de tristesse, d’appréhension, à la pensée du coup mortel qu’il allait devoir porter à son Épouse Immaculée pour obéir à la Loi du Dieu qu’ils craignaient et aimaient bien plus qu’eux-mêmes. Marie à cette heure lui apparaissait plus sainte que jamais ! Il ne se sentait pas digne de lever sur elle les yeux ni de toucher à ses sandales ou son manteau et pourtant c’est lui qui allait la congédier, Elle, comme une pécheresse ! Saint Joseph connaissait son agonie. Pourtant la Loi était formelle. Il le ferait.
« C’est alors que l’Ange fut envoyé, porteur d’une grande lumière. » (Lettre à mes amis no 99, Noël 1961)
PÈRE DE JÉSUS
« L’ange du Seigneur annonça à Joseph qu’il serait père de Jésus. “ Joseph, fils de David, ne craignez pas de prendre Marie pour votre épouse : ce qui est né en elle est en effet l’œuvre de l’Esprit-Saint. ”
« Il n’y avait plus à hésiter, plus à craindre. Au moment où lui était révélé qui était cet enfant et de qui il venait, une grande joie emplit son âme en même temps que s’effectuait en son esprit un profond changement. Comprenons que Joseph ne pouvait être jaloux : ce que Dieu conçoit et accomplit n’est pas dérobé mais offert au cœur et à la volonté de sa créature ! N’allons donc pas imaginer en Joseph une sorte de couverture légale, sociale, de l’œuvre divine, comme si cet homme avait accepté d’une âme d’esclave, d’être la doublure de Dieu, dont le rôle aurait été de voiler par un mensonge pieux, tout au long de son existence, la réalité d’une autre paternité dont il n’aurait eu que l’apparence. Hélas ! c’est à de telles vues que s’arrête ordinairement notre esprit ! Quelle triste démarche pour un ange, quelle humiliation pour l’époux frustré et invité nonobstant à consentir et se faire complice d’une sorte d’adultère spirituel, quelles manœuvres indignes de Dieu ! Ah ! rejetons-en jusqu’au souvenir à tout jamais loin de nos esprits !
« Ce bouleversement était tout au contraire exactement semblable à celui qui s’était peu de temps auparavant effectué dans l’âme virginale de Marie et l’avait amenée à vouloir ce que Dieu voulait, à se prêter aux œuvres de Dieu comme une humble servante, au vrai ! comme une épouse parfaite. C’est dans de telles dispositions spirituelles que son corps, sanctifié et fécondé par cet Esprit qui régnait en elle, porta le fruit adorable vers lequel montait depuis des siècles la sève de l’humain lignage... En l’âme de Joseph aussi se faisait entendre ce même désir et cette volonté de salut. Le charpentier de Nazareth ne vivait que de cette attente. C’est elle qui l’avait gardé chaste et rendu juste au long d’une vie passionnée de Dieu seul. Il communiait avec Marie dans cette espérance et espérait avec elle en la venue du fils de David. L’ange, d’un simple mot, dirigea ce rayon issu de son cœur vers le sein de Marie, vers l’enfant qui gonflait déjà ce ventre virginal avec force et avec grâce. Cette reconnaissance, cette fixation de son amour le plus profond, le plus véhément, le plus entier qu’il eût jamais éprouvé, ce fut son acte de paternité à lui. Ce fils d’homme dont il rêvait, cette venue d’un Dieu en la chair, il l’avait désirée plus qu’aucun père n’a jamais désiré et connu d’avance le fils de ses œuvres ! Plus fort que l’instinct qui mène l’homme où parfois même il ne veut pas, et toujours où il ne sait pas, cette volonté claire en son esprit, mille fois caressée en son cœur, de l’Incarnation du Sauveur, voilà qu’elle découvrait et reconnaissait dans le sein de Marie son Objet.
« Joseph a conçu cet enfant, non sans doute dans la chair – mais “ la chair ne sert de rien, c’est l’esprit qui donne la vie ! ” – il l’a conçu dans son âme et de toute sa volonté, participant ainsi étroitement à la paternité de Dieu même. L’amour et la fidélité se sont rencontrés, comme chante le psaume, entendez la décision de Dieu et la volonté en attente du Juste. Dans ce fruit mystérieusement éclos au sein virginal de sa propre épouse, Joseph reconnaît maintenant le fruit de sa prière et de ses désirs pieux. Jamais homme n’a participé à la paternité de Dieu comme celui-ci, jamais homme n’a voulu être père et l’a été en effet comme cet homme. Il est à ce moment, le modèle parfait des pères, ceux qui enfantent dans la chair pour le Christ et l’Esprit, non pour la corruption et la mort, et mieux encore ceux qui enfantent le Christ dans les âmes, d’une ardente paternité spirituelle. Son autorité, sa dignité, il ne les dérobe pas à Dieu ; il n’empiète pas sur la souveraineté et le domaine du Père Céleste mais il reçoit dans l’Esprit-Saint une part jamais égalée, jamais approchée, de cette volonté active qui, dans l’Éternel, engendre au Père un Verbe semblable à Lui et, dans le temps, engendre en la chair de son épouse à lui, Joseph, un Dieu Sauveur.
« “ Vous lui donnerez le nom de Jésus. ” Prérogative paternelle. “ Pourquoi, vous ? ” Cela est clair et véritable : toute la longue vie cachée de Nazareth repose sur cette réalité que vous êtes son père avec Dieu et qu’il n’y a là nul mensonge, nul travestissement. Vous êtes sur l’heure entré dans cette vocation avec une allégresse indicible : cet enfant, que pour l’amour de sa Mère vous aimiez déjà, dans la crainte et le tremblement, maintenant vous le découvrez votre propre fils, connu de toute éternité. C’est lui que vous désiriez et aimiez d’un amour formé en vous par Dieu même, et que vous voyez maintenant formé d’un sein virginal qui est tout vôtre, qui par le mariage est devenu votre propre chair et juste l’instrument de vos volontés. Vous appreniez que dans la sagesse divine c’étaient votre volonté, votre prière, unies à celles de votre épouse, ne faisant plus qu’un, à cette heure décisive du salut, qui avaient été l’ultime cause humaine de l’Incarnation. Jésus, c’est vous qui l’aviez engendré avec Dieu, au sein de votre épouse, d’une volonté chaste et spirituelle !
« Et voici que vous êtes transformé : “ Réveillé de son sommeil, Joseph fit ce que lui avait ordonné l’ange du Seigneur et prit avec lui son épouse. Et sans qu’il l’eût connue, elle enfanta un fils, auquel il donna le nom de Jésus. ” Écoutons Bossuet, car il est incomparable : “ Après le songe de Joseph et la parole de l’ange, ce saint homme fut changé : il devint père ; il devint époux par le cœur. Les autres adoptent des enfants : Jésus a adopté un père. L’effet de son mariage fut le tendre soin qu’il eut de Marie, et du divin enfant. ”
« Cette fois, plus de timidité, plus de silence peuplé d’émotions et de pensées retenues, ni non plus de cette étrange vie l’un près de l’autre sans communications intimes. Joseph s’est réveillé doué d’une vocation paternelle, sûre, sanctifiante. Il a parlé à Marie. Alors cette humble épouse, qui avait tout gardé secret pour demeurer en l’état de sujétion où l’avait placée son mariage vis-à-vis de Joseph, voulut lui faire en retour l’aveu entier de son Annonciation. Sa conception virginale s’établissait maintenant en dépendance de la paternité divine accordée à son époux. Dans son humilité, elle se donnait encore la petite place de servante, pour cette grande œuvre de l’Incarnation, et rendait grâces à Joseph d’avoir sur l’ordre de Dieu accepté de la prendre pour épouse et d’avoir reconnu son fardeau délicieux pour son propre enfant. Lui, Joseph, dans la plénitude de l’obéissance à sa vocation de père, n’y contrariait pas. Il savait dans son cœur qu’il n’était rien par rapport à Elle, mais il connaissait clairement qu’en lui désormais s’exerçait l’autorité même de Dieu sur Elle et sur Jésus, le Sauveur !
« Heureux celui qui saura goûter ce mystère ! Joseph et Marie se retrouvaient après l’épreuve plus époux qu’auparavant. Jésus désormais sera leur lien. Son père, non par le sang ni par la volonté de la chair, mais par la vocation même de Dieu, c’est Joseph. Il lui appartient et lui est soumis comme la Vierge Marie elle-même. C’est le créateur qui l’a constitué prince sur sa famille et toute sa maison. C’est par lui, au jugement inspiré de Matthieu lui-même, que Jésus est fils de David ! Ayons nous aussi à cœur d’être avec Jésus, fils de Joseph le charpentier ! » (Lettre à mes amis no 102 du 2 février 1962)
LE MYSTÈRE DE LA SAINTE FAMILLE.
Dans son sermon du 19 mars 1994, notre Père nous disait :
« En aimant la Sainte Vierge, saint Joseph a été épris d’amour pour l’Enfant qui était dans son sein. Elle et lui, cet Enfant, c’est tout un. Enfant à la mamelle, Enfant qui l’embrasse avant de partir en classe parce qu’elle est sa Mère. Jésus embrassait aussi saint Joseph, son papa. Quand l’Enfant naquit à Noël, l’amour de la Sainte Vierge se fit, dans le cœur de Joseph, amour paternel pour cet Enfant à la mamelle. Aucun père n’a aimé son enfant comme saint Joseph a aimé l’Enfant Jésus, parce que le torrent d’amour du Père Éternel pour son Fils Jésus-Christ transfusait dans le cœur de saint Joseph. Dans toutes nos situations, nous trouvons un modèle en contemplant le mystère de cette Sainte Famille. »
C’est pourquoi saint Joseph est notre patron. Il est le patron de l’Église, des familles, de notre maison. Il est le modèle des pères de famille, nous sommes ses enfants. Il a reçu la charge de s’occuper de nous comme la Sainte Vierge a reçu au pied de la Croix la charge de s’occuper de saint Jean et, en la personne de saint Jean, nous avons été pris comme enfants d’adoption par la Sainte Vierge. Nous savons que nous sommes pris dans l’amour de saint Joseph par le fait même.
Nous revenons tous les jours à Nazareth, à l’heure de l’Angélus de midi. C’est un exercice que notre Père pratiquait toujours avec beaucoup de joie, même dans les circonstances dramatiques d’une vie difficile. Puissions-nous ressembler dans toutes nos familles à cette Sainte Famille de Jésus, Marie, Joseph.
BEAUCOUP DE PEINE.
« Là où il y a de l’amour, il n’y a pas de peine, et s’il y a de la peine, on aime sa peine. »
Dès l’avènement du Messie promis par les prophètes, la douleur est mêlée à ce mystère joyeux. Un jour, notre Père commença son homélie de l’Épiphanie en disant, à notre surprise, que les mages rentrèrent, non pas dans leur région, regionem suam, mais dans mon repos, « requiem meam ». Le lapsus était doublement significatif. Ils rentrèrent où ? « L’Évangile dit qu’ils rentrèrent dans leur région, lieu de leur repos, le leur, pas le mien ! Si j’insiste, c’est que c’est vrai. Ils sont rentrés dans leur repos. Ils avaient fait le grand exploit de leur vie, et ils sont entrés dans leur repos.
« Les autres, ils les ont laissés, les “ permanents ”, saint Joseph et la Sainte Vierge. On vient du fond de l’Arabie, du désert de Chanaan, de l’Éthiopie, pour voir le petit. On leur apporte de l’or, de la myrrhe, de l’encens. On l’adore et on repart bien contents. On Lui a fait une belle publicité ; il s’en parle encore !
« D’ailleurs, Isaïe l’avait prédit : c’est la gloire de Jérusalem. C’est comme cela que cela doit se passer. Il y a des gens qui sont faits pour le bonheur des autres. Et puis, la conscience tranquille, ils rentrent chez eux. Les conséquences, c’est pour après. Quelles conséquences ? C’est ce que nous avons lu au deuxième nocturne des matines. C’est très bien de faire des actions glorieuses et de se retirer sous sa tente après, mais il y en a d’autres qui boivent le calice jusqu’à la lie.
« On dit que les mystères joyeux ont accompagné les débuts de la vie de la Sainte Vierge, moi, je ne souhaite pas aux mamans les mystères joyeux que la Sainte Vierge a joyeusement célébrés.
« Par exemple, la Nativité elle-même ! Que nous enseigne saint Léon ? Dieu voulait faire connaître la naissance de son Fils à Bethléem. Il a pris les grands moyens. Les anges, le jour de Noël, c’est charmant. Mais Dieu s’est dit que cela ne suffisait pas. Alors, Hérode se trouve sur le chemin, et c’est d’une cruauté épouvantable. Eh bien ! selon saint Léon, cela fait une publicité inouïe.
« “ Alors aussi le Sauveur fut porté en Égypte. ”
« Dieu a très bien manigancé toute l’affaire. Hérode était au bout de son règne ; quarante ans de règne. Le Messie est né ? Il faut le tuer. Toujours tuer, Hérode a passé toute sa vie à tuer ! Cruauté du persécuteur le plus impie qui soit. Seulement le Sauveur lui a échappé. Hérode n’avait pas pensé qu’un ange apparaîtrait à saint Joseph.
« Allez, dépêche-toi, fais ta valise, prends la Mère et l’Enfant. » À la troisième personne : la Mère... de Dieu, et l’Enfant... de Dieu ! « Voilà mon pauvre saint Joseph dans quel émoi ! “ Vite, Marie, il faut partir ”, et il va chez les Égyptiens. Dieu dit : C’est magnifique, mon Fils va aller en Égypte, comme autrefois les Hébreux ont été en exil longtemps en Égypte, et y ont laissé quelque chose de leur passage. Les Égyptiens sont païens. Ils adorent les chats, les serpents, mon Fils va les visiter, il en restera quelque chose et l’Égypte se convertira. C’est une prophétie d’Isaïe : « Et Yahweh se fera connaître des Égyptiens, et les Égyptiens, ce jour-là, connaissant Yahweh, le serviront par des sacrifices et des offrandes. Ils feront des vœux à Yahweh et les accompliront. Alors, si Yahweh a durement frappé les Égyptiens, il les guérira. Ils se convertiront à Yahweh qui les exaucera et les guérira. » (Is 19, 21-22)
« Il ne perd pas son temps, Jésus ! Et voilà, il reviendra et ce sera un signe, une grâce secrète, dit saint Léon, pour le salut tout proche, “ qu’avant d’avoir rejeté de son âme la superstition, l’Égypte offrit un asile à la Vérité ! ” Avant même de s’être convertie, d’avoir été prêchée, elle peut être glorifiée d’avoir donné un asile, un abri à Jésus, Marie, Joseph, alors qu’ils étaient persécutés. »
C’est un sermon de 1996. À la fin de l’année, notre Père lui-même connaîtra l’exil... en Suisse ! Ainsi put-il compatir à « la misère, la misère de notre Mère très chérie, la Sainte Vierge, la misère de ce bon saint Joseph qui était ennuyé doublement : si encore ce n’était que moi, je m’y ferais, mais quand je pense à Elle et au Petit... Quand je pense qu’on est en train de fuir comme des criminels, obligés de se réfugier en pays étranger ! Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? Mais le Bon Dieu, il est dans tes bras ! Que peut-il nous arriver de mal ? Voilà comment je médite ; j’ai pitié. C’est ridicule, moi, d’avoir pitié de la Sainte Vierge, mais je ne peux pas m’en empêcher ! Et de saint Joseph encore plus ! »
Ce n’est pas « ridicule » du tout ! C’est précisément ce que l’Enfant-Jésus a demandé à Lucie à Pontevedra, le 10 décembre 1925, tandis que la Sainte Vierge « mettait la main sur son épaule et lui montrait, en même temps, un Cœur entouré d’épines qu’elle tenait dans l’autre main. Au même moment, l’enfant lui dit : “ Aie compassion du Cœur de ta très Sainte Mère entouré des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment, sans qu’il y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer. ”
« Puis la Sainte Vierge lui dit : “ Vois, ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats m’enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler. »
Et elle lui enseigne la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis du mois.
« Pauvre saint Joseph, pauvre Sainte Vierge ! Oh ! Vous allez me dire : ils ne sont pas à plaindre, ils sont au Ciel. Pauvres enfants innocents ! Oui, ils sont au Ciel. Mais ils sont tellement près de nous par l’amour, ils sont tellement unis par l’affection, qu’ils s’émeuvent. Ils sont vivants, ils ont un cœur palpitant. »
Jésus et Marie sont ressuscités dans leurs corps et ils sont semblables à nous dans leurs cœurs. Nos défunts qui n’ont plus leur corps, qui sont des âmes séparées de leurs corps, sont enfouis dans le Cœur de Jésus et de Marie.
« Alors, je les plains, saint Joseph, la Sainte Vierge, je les plains, parce qu’ils ont réellement souffert, l’Enfant-Jésus aussi. Puisqu’il est Dieu, il sait tout, il a vécu les événements comme une grande personne, sans en avoir l’air, et il nous est demandé de nous émouvoir. La Vierge Marie et saint Joseph ont souffert et nous penserons que, au bout de deux mille ans, ils ont souffert encore de tant d’injures, de blasphèmes que l’on débite contre eux, à l’appel du président de la République ! Et nous ferons ce que la Sainte Vierge a demandé. Nous commencerons à expier, regretter pour ceux qui n’ont pas de repentir et aussi pour nos propres péchés, nos manques de dévotion, afin que la Sainte Vierge ait quelques épines arrachées de son Cœur, qu’elle respire un peu de bonheur et qu’elle retourne dans son bonheur céleste après avoir débloqué des grâces en faveur de ceux pour lesquels nous prions. »
D’UN SECRET À L’AUTRE
« La Sainte Vierge vient d’apprendre de l’ange Gabriel des choses extraordinaires, de quoi bouleverser sa vie, la déséquilibrer, la “ traumatiser ”, comme on dit maintenant, et elle n’en a rien dit à celui qui lui est le plus proche, tout à fait intime, saint Joseph, son fiancé, l’homme à qui ses parents l’ont confiée.
« Ses parents connaissaient son secret vœu de virginité et ils ont cherché à la caser, mais pas pour devenir la femme d’un homme dans un mariage ordinaire. La petite vierge consacrée à Dieu avait besoin d’un homme qui la protège dans la vie, si ses parents, déjà âgés selon la tradition, venaient à disparaître. Saint Joseph était cet homme choisi pour sa grande vertu, acquise au long des années, et non pas infuse dès sa conception comme l’Immaculée.
« Saint Joseph vivait chez lui, tandis que la Vierge n’habitait pas encore avec lui.
« Au lieu de lui raconter, pleine de joie, ce qui lui était arrivé, elle ne lui en dit rien. Elle a continué de vivre comme auparavant. Elle va, elle vient, elle tient la maison. Quand cela a commencé à être visible, saint Joseph s’est demandé ce qui se passait. Comme plus tard, don Bosco, il a été guidé par l’ange du Seigneur qui lui apparut en songe et lui dit : “ Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme. ” (Mt 1, 20) Cette annonce de la naissance miraculeuse de Jésus change les dispositions de saint Joseph. Avant, il n’était que “ fiancé ” à Marie (1, 18). Puisqu’elle attendait un enfant, nul ne savait de qui, il devait s’effacer. Les fiançailles étaient, par le fait même, rompues. Mais étant donné le plan de Dieu, la volonté de Dieu qui lui était manifestée par l’ange, saint Joseph découvre que, au lieu de congédier la Vierge, il est chargé par Dieu de la protéger en la prenant chez lui comme un vrai mari. Pourquoi ? Parce que l’enfant est de Dieu. C’est la révélation qui est faite à saint Joseph et dont il n’aurait pu se douter. »
Homme juste et prudent, il a l’esprit de Conseil, don du Saint-Esprit. Depuis que la Vierge Marie lui a été confiée, il ne peut qu’être stupéfait de la perfection de cette enfant. Elle-même l’admire beaucoup et garde le silence sur ses propres affaires, ce qui est tout à fait étonnant.
Joseph n’a pas pensé un instant qu’elle avait été violée, car la loi juive faisait un devoir à la femme de se plaindre. Or, la Vierge se taisait. Alors, saint Joseph a compris : la Vierge prophétisée par Isaïe... c’était Elle ! Et il se sentait indigne de vivre à côté d’elle. Mais lorsque, de l’Enfant qu’elle porte, l’ange lui dit : « Tu lui donneras le nom de Jésus », il lui donne délégation de l’autorité de Dieu le Père sur Jésus, Fils de Dieu. Chez les juifs, quand une femme mettait au monde un enfant, la sage-femme mettait le bébé sur les genoux du père. Si l’homme n’était pas sûr d’être le père, il refusait de le recevoir. Sinon, en lui donnant un nom, le père reconnaissait sa paternité. Or, l’ange Gabriel apparu à Marie lui avait dit : « Tu l’appelleras Jésus. » (Lc 1, 31)
« Quand Jésus est né, le fait que Joseph et Marie aient nommé Jésus, chacun à égalité, si on peut dire, montrait qu’il était vraiment Fils de Dieu, représenté par saint Joseph, et il était fils de Marie de la race de David. Voilà les deux filiations bien accordées au sein de cette Sainte Famille de Jésus, Marie, Joseph véritable père de cet Enfant, véritable époux de Marie. »
LE CŒUR DE SAINT JOSEPH.
Nous sommes entrés dans le Cœur mystique de saint Joseph, doux et humble, dont l’amour si pur, si merveilleux passe par le ministère de l’Immaculée Vierge Marie son épouse. Il partage avec elle le secret de Dieu : l’Incarnation, grand mystère caché aux yeux des hommes, mais dont il connaît lui, l’existence, témoin et protecteur de cet enfantement merveilleux d’un Dieu fait homme. Il n’en tirera aucun bénéfice autre que celui d’un amour de plus en plus méritant, de plus en plus héroïque, de plus en plus glorieux. Car le Père Céleste déverse dans le cœur de saint Joseph tout son Cœur divin, au point qu’il se trouve être l’image du Père Céleste, comme un fils ressemble à son Père. Notre Père disait que « saint Joseph est véritablement l’enfant de Dieu, plus qu’aucun autre, à l’exception de Jésus et Marie ».
C’est ainsi que les enfants de Fatima ont vu, le 13 octobre 1917, saint Joseph et l’Enfant-Jésus ensemble bénissant le monde « avec des gestes qu’ils faisaient de la main en forme de croix », que notre Père comparaît au geste d’un curé de paroisse : « Admirable conciliation, admirable ressemblance et imitation de saint Joseph et de l’Enfant-Jésus ! Nous pouvons les voir, à ce moment-là, peut-être comme le roi du monde et le patron de l’Église, mais nous pouvons aussi les voir tous les deux comme deux enfants. J’aime beaucoup les voir comme deux enfants ! Saint Joseph, avec sa simplicité, c’est un grand enfant ! Et l’Enfant-Jésus, c’est l’Enfant de Dieu, c’est le Fils unique de Dieu, qui s’est fait petit enfant pour nous approcher. Ce grand enfant et ce petit enfant qui se ressemblent tellement, ce sont les trésors les plus précieux de la Vierge Marie et de l’Église. Ils font un signe de croix comme un curé de campagne ou comme un saint petit enfant. Ils nous bénissent ! »
LE SECRET DÉVOILÉ
Jésus a sa vie à lui, divine, incompréhensible aux mortels, au-delà de ce qu’il en laisse paraître par sa vie d’obéissance à ses saints parents. À l’âge de douze ans, Jésus est monté avec eux pour la première fois à Jérusalem pour la fête de Pâques. Ils ont accompli les sacrifices, chanté les psaumes des montées, c’est-à-dire des pèlerinages, au cours de plusieurs jours, comme lorsque nous allons à Fatima. La Sainte Vierge et saint Joseph étaient certainement très fervents, mais partagés entre des pensées joyeuses et d’autres pleines d’inquiétudes. Quand les parents repartent, Jésus n’est pas dans la caravane et, lorsqu’ils s’en aperçoivent, ils reviennent à Jérusalem et le recherchent pendant trois jours, on devine dans quelle angoisse ! Ces trois jours sont tout un symbole ! Marie et Joseph le pressentent-ils ? « Mon fils, où étiez-vous ? Votre père et moi étions pleins d’angoisse à vous chercher !
– Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? »
Ce mot de “ Père ” est le même dans la bouche de la Sainte Vierge et dans celle de Jésus. D’un côté, c’est saint Joseph et de l’autre, c’est qui ?
Depuis l’Annonciation, la Sainte Vierge et saint Joseph savaient que Jésus n’avait pas de père humain. Il était le Fils de Dieu. Mais dans la vie quotidienne, depuis douze ans, il avait tout l’air d’un enfant ordinaire, appelant saint Joseph “ papa ” et la Sainte Vierge “ maman ”. Tout à coup, l’enfant révèle qu’il sait tout sur sa propre origine : Dieu est son Père d’une manière toute spéciale, unique. Il obéit à son Père qui est Dieu. Saint Joseph n’est que le serviteur de Dieu et la Sainte Vierge « la servante du Seigneur », comme son Fils. À partir de ce jour, Jésus se manifeste à ses parents comme le Fils de Dieu venu sur terre pour remplir une certaine mission, comme un adulte. Il n’est plus l’enfant tout entier confié à leurs soins. Il s’échappe de leurs mains pour se remettre entre les mains de Dieu, son Père.
La Sainte Vierge et saint Joseph comprennent qu’il ne leur appartient pas, qu’il a une mission à remplir et ils savent, éclairés par la prophétie de Syméon, que ce sera une mission douloureuse. Jésus entre déjà dans sa Passion. Ils retournent à Nazareth, mais rien n’est plus comme avant. Jésus n’est plus cet Enfant si facile. C’est fini. C’est un adolescent sérieux, soucieux, tout occupé non d’un rêve, mais de sa vocation, à l’écoute de son Père qui est dans les Cieux.
Il a quitté le temple, mais il reste dans le sein de son Père. À partir de ce moment, Jésus leur tiendra un langage de maître pour les instruire de tout ce qu’il enseignera plus tard dans l’Évangile. Ils sont à ses pieds, pour ainsi dire, comme cela ne s’est jamais vu dans une famille. Saint Joseph peut déjà reconnaître en Marie l’épouse du Messie, celle dont saint Jean-Baptiste dira :
« Qui a l’épouse est l’époux » ; et se confondant en humilité, en écoutant Jésus leur confier les secrets de son colloque avec son Père, Joseph pourra se dire : « Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse. Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous ; celui qui est de la terre est terrestre et parle en terrestre. Celui qui vient du Ciel témoigne de ce qu’il a vu et entendu », car « le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main » (cf. Jn 3, 29-35).
PAIN DE VIE
À Nazareth, Marie « gardait fidèlement toutes ces choses en son cœur » (Lc 2, 51). Elle les savourait dans son Cœur Immaculé comme un pain descendu du Ciel, dont la manne antique était la figure. Car le Verbe n’est plus silencieux : « Quant à Jésus, il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes. » (ibid.) Il enseignait ses saints parents des volontés de son Père, se donnant lui-même comme un Pain vivant, fruit du travail de Marie lorsqu’elle l’allaitait, et du labeur de Joseph gagnant à la sueur de son front le pain dont il nourrissait la chair du Verbe fait chair.
Saint Joseph vivait dans l’action de grâces de son saint mariage permis, béni, voulu par Dieu le Père, avec l’Immaculée Conception dont la seule présence inondait son âme du sentiment de la miséricorde, du pardon du péché du monde qui adviendrait par le Messie, selon les Écritures. L’œuvre qui justifie, s’il en est une, ne consiste pas à se laver les mains avant de se mettre à table, ni à s’abstenir de manger du porc, ni à éviter de marcher sur une tombe. La loi unique de l’Évangile à venir est le pardon des offenses. « L’attente du Messie, nous disait notre Père, l’attente du Rédempteur dans la foi ne pouvait se matérialiser dans les mœurs, dans la morale, que par le pardon des offenses que les autres nous ont faites. “ Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons... ” »
C’est pourquoi saint Joseph pardonnait pour des raisons tout à fait dogmatiques, centrales, éminemment spirituelles, révélées. Il attendait celui qui pardonnerait au monde et à lui-même, et dans cette attente, il avait lui-même une volonté de pardon universel.
« Allons plus loin, disait notre Père. Comment Jésus serait-il médiateur du pardon divin ? Les prophètes répondaient : En portant sur lui-même toutes les conséquences du péché, c’est-à-dire en endurant sur son propre dos, sur son propre visage, les effets de la malice, de la méchanceté, de la dureté du cœur des hommes. Il sera frappé, bafoué, calomnié, persécuté. Saint Joseph avait lu et médité les prophètes Isaïe, Jérémie, Zacharie. Et ces oracles incomparables lui étaient devenus comme une seconde nature. Le Livre de la Sagesse explique longuement comment les méchants persécutent le juste, le poussent à bout pour voir s’il est vraiment le Fils de Dieu. On va jusqu’à le mettre à mort pour voir s’il aura la constance, la patience, signe de la miséricorde divine. Tel est le mystère de la Rédemption en lequel Joseph et Marie entraient par avance en pardonnant, en souffrant tous les effets de la malice des hommes, en les unissant par avance aux souffrances de Celui qui allait venir, de ce Jésus qui “ leur était soumis ” (Lc 2, 51). »
C’est par là que notre Père a vécu et est mort sous le patronage de saint Joseph, préfiguré par David, son père, fuyant devant Absalom et refusant de le maudire. David attendait le Messie avec componction et contrition de ses péchés, en médiateur de la miséricorde de Dieu. Si David mettait son espérance dans la miséricorde divine pour obtenir le pardon divin, c’est dans la même foi au Sauveur qu’il tirait de son cœur les mêmes sentiments de miséricorde et pardonnait à son fils. (à suivre)
frère Bruno de Jésus-Marie.
SAINT JOSEPH TOUT-PUISSANT
Sainte Thérèse d’Avila écrit dans le récit de sa Vie : « Le Bon Dieu donne seulement grâce aux autres saints pour nous secourir dans tel ou tel besoin ; mais le glorieux saint Joseph, je le sais par expérience, étend son pouvoir à tous. Notre-Seigneur veut nous faire entendre par là que, de même qu’il lui fut soumis sur cette terre d’exil, reconnaissant en lui l’autorité d’un père nourricier et d’un gouverneur, de même il se plaît encore à faire sa volonté dans le ciel en exauçant toutes ses demandes. »