Il est ressuscité !

N° 242 – Avril 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


En route vers Notre-Dame ! (5)

« Dans ce camp si bien ordonné pour la défense de la foi,
les stations de pèlerinage apparaissent comme
autant de forteresses spirituelles, de citadelles sacrées,
de boulevards capables de faire face à l’ennemi... »
(Mgr Freppel, 1891)

EN ce “ mois des fleurs ”, consacré à saint Joseph,  notre grand Protecteur et le Patron de toute autorité, religieuse et politique, nos pèlerinages de dévotion réparatrice se sont multipliés à travers toute la France. Ils ont été si nombreux et si variés que la présentation et le compte-rendu de chacun en seront nécessairement abrégés, mais l’ensemble répond à ce que Mgr Freppel qualifiait déjà de « divine stratégie » dans l’ordonnance de la défense de la Chrétienté ; notre évêque de combat le disait le 10 septembre 1891, lors de la consécration de la chapelle de Notre-Dame du Chêne, aux confins du Maine et de l’Anjou.

NOTRE-DAME DE LA MER

Sur les hauteurs d’une boucle de la Seine, entre Mantes-la-Jolie et Vernon vers l’antique sanctuaire de Notre-Dame de la Mer.
Sur les hauteurs d’une boucle de la Seine, entre Mantes-la-Jolie et Vernon,
l’antique sanctuaire de Notre-Dame de la Mer attire toujours les pèlerins.

« De la fureur des Normands, délivrez-nous ! » L’invocation avait été insérée dans les Litanies des saints, tellement ces farouches guerriers venus du Nord, ces “ rois de la Mer ” débarqués de leurs drakkars à tête de dragon, semaient la terreur, l’incendie et le pillage dans tout le riche bassin de la Seine. C’est à la Fosse-Gévaud, aujourd’hui Jeufosse, entre Vernon et Bonnières, qu’ils amarraient leurs barques, attendant le moment favorable pour monter vers Paris.

En 861, deux chefs vikings, Brinon et Sidroc, allaient l’emporter sur les troupes de Charles le Chauve, quand celui-ci fut providentiellement secouru par le suédois Wiesland, venu lui aussi de « la Mer ». Les habitants de la région élevèrent alors un sanctuaire en l’honneur de la Sainte Vierge, sur les hauteurs du fleuve, à l’extrémité de la seigneurie de Blaru. La petite chapelle existe toujours, plusieurs fois détruite, rebâtie chaque fois. Elle est aujourd’hui l’un des sanctuaires marials les plus fréquentés du diocèse de Versailles. Le bon curé de Bonnières tint à y célébrer pour nous la messe du Cœur Immaculé de Marie, avec des textes liturgiques extraits du livre de Judith, qui s’appliquaient à merveille à l’histoire du sanctuaire et à notre propre pèlerinage :

« Sois bénie, ma fille, par le Dieu Très Haut, plus que toutes les femmes de la terre, lui qui t’a conduite pour trancher la tête du chef de nos ennemis !... Tu as conjuré notre ruine en marchant droit devant notre Dieu. » (Jdt 13, 18-20)

En ces temps lointains où les pouvoirs politiques étaient défaillants et manquaient de force face à l’envahisseur, Notre-Dame se montra à plusieurs reprises la protectrice, le rempart, l’inspiratrice de la défense des cités, en particulier de celles qui allaient former le noyau du domaine royal, entre Paris et Orléans. Après Jeufosse en 861, ce fut l’héroïque défense de Paris en 885, qu’un moine de l’abbaye Saint-Germain-des-Près célébra dans un poème au style rocailleux, mais plein de vie :

« La ville resplendit, consacrée à Marie, par le secours de qui nous eûmes vie et garde. À Elle donc, autant que nos forces pourront, rendons grâce et chantons des odes répétées... Des mains cruelles, du glaive du Danois, Vous avez daigné délivrer le peuple de Lutèce, à Lutèce Vous avez donné le salut... »

La troisième fois, ce fut en 897 à Orléans, où la Vierge noire secourut les défenseurs de la cité, premier d’une longue suite de miracles, tous obtenus à l’invocation de “ Notre-Dame des Miracles ”. Enfin, à Chartres en 911, où le saint Voile de la Vierge, brandi par l’évêque Gantelm sur les remparts de la ville, redoubla le courage des armées chrétiennes et frappa de terreur celles des païens, commandées par Rollon. La défaite de ces derniers mit fin à leurs dévastations. L’année même, la paix était signée entre Rollon et Charles le Simple. Les Normands demandaient le baptême et le duché de Normandie était fondé.

Alors, plus que la référence à ce seigneur “ de la mer ”, venu opportunément au secours du roi de France au neuvième siècle, il semble qu’il faut chercher plus haut la signification du nom de “ Notre-Dame de la Mer ”. Dans la Bible, la mer a toujours été le symbole des puissances suscitées par l’Adversaire, des forces de désordre et de chaos, des nations en furie, que Yahweh doit vaincre pour faire triompher son dessein. Il le fera par « la Femme » (Ap 12, 1), c’est-à-dire l’Immaculée Vierge Marie, qui écrasera la tête du Serpent et, par ses saints serviteurs, vaincra les bêtes surgies de la Mer. Elle est de toutes les batailles de Dieu, spécialement dans les derniers temps, et nous savons que son Cœur Immaculé l’emportera « à la fin », comme Elle l’a promis à Fatima. Elle qui a converti les terribles “ hommes du Nord ” et en a fait de bons chrétiens, aura raison demain de tous les ennemis de la Chrétienté.

ELLE S’APPELAIT THÉRÈSE

En ce 11 mars, dies natalis de Thérèse Darcel, au lumineux sourire, à la fidélité parfaite, nous ne pouvions mieux faire que d’aller prier sur sa tombe, dans le cimetière tout proche de Follainville, ne serait-ce que pour faire connaître aux jeunes générations celle qui fut en son temps “ la sainte de la Permanence ” (cf. CRC n° 281, avril 1992, p. 9 – 24). Notre Père en témoigna le jour de son enterrement :

« Elle était ce que nos vieux Canadiens français appellent “ une femme dépareillée ”, et pour dire la perfection de leur longue vie au service de la maisonnée, ils ajoutent : “ Elle a fait un beau règne. ” Le double éloge dit bien notre Thérèse, et tant d’autres avant elle, après elle j’espère ! Mais je la vois allant tout droit, avec son sourire conquérant, son énergie et même sa passion d’entraîner les autres ! tout droit à ce rendez-vous, avec la mort ? Non, avec Jésus. Tout droit donc, vers la victoire ici-bas du Christ, notre vrai Roi de France, et du roi terrestre son lieutenant, et de la sainte Église notre Mère, tout droit vers l’accomplissement des promesses du Cœur Immaculé de Marie, de Fatima. Cela ne fait pas deux chemins, et il n’y en avait ni troisième ni quatrième. Un seul ! »

Et il ajoutait : « Si survient quelque grande épreuve sur notre CRC, sur nous, sur vous, j’irai là-bas, à Follainville, sur sa jeune tombe, comme faisaient les premiers chrétiens sur les reliques des martyrs, comme je suis revenu sur la tombe de ma mère en un moment, le plus tragique de notre existence, pour notre salut commun, et je suis sûr que nous serons sauvés par son intercession comme nous l’avons été alors. » Après sa famille de sang qui lui reste fidèle, et qui nous avait précédés, nous lui confiâmes la poursuite de notre “ opération spéciale mariale ”.

« MES AMIS, QUE RESTE-T-IL ?... 
NOTRE-DAME DE CLÉRY ! »

Le lendemain, nous retrouvions une autre centaine d’amis aux abords du village de Cléry-Saint-André, entre Blois et Orléans, le long d’une ancienne voie romaine, la même qu’emprunta sainte Jeanne d’Arc lors de sa campagne de la Loire. À Cléry, c’est dans la dévotion de nos rois qu’il faut se plonger pour retracer l’histoire de la basilique et du pèlerinage, intimement liée à la destinée du Royaume des lys. N’en retenons ici que quelques sommets significatifs.

Saint Louis passa en 1258 sur la terre de Cléry, dont il était “ coseigneur ”, et recommanda à ses habitants de bien prier Notre-Dame. Assurément, Celle-ci fut touchée de l’attention du pieux souverain puisque, quelques années plus tard, en 1280, « le soc d’une charrue mit à jour une statue de la Vierge Marie à l’Enfant. D’où venait-elle ? Qui l’avait taillée ? Dieu s’est réservé le secret de ses origines. Cette découverte fit grand bruit. Les habitants de Saint-André accueillirent avec vénération ce précieux dépôt et le portèrent dans la chapelle des seigneurs de Cléry. À peine la statue de Notre-Dame a-t-elle reçu les premiers hommages, que la Vierge ne laisse plus de doute sur ses intentions. Des grâces merveilleuses sont accordées aux prières des pèlerins, des miracles répandent au loin le nom de Notre-Dame, les malades y sont apportés, toutes les misères viennent y chercher le courage, la patience et la consolation... »

Philippe le Bel s’enthousiasma de cette “ découverte ”, lui attribua le succès de ses conquêtes et fit fondre une cloche qui passa pour être la plus belle de France. Il voulut aussi, pour abriter la statue de la Vierge, édifier une magnifique église, mais ce furent ses héritiers qui réalisèrent son projet.

Au siècle suivant, que restait-il “ au Dauphin si gentil ” ? Quelques villes et bourgs autour d’Orléans, parmi lesquels Cléry. Mais l’Anglais Salisbury s’en empara, ravagea le bel édifice et, ô sacrilège ! brûla la statue. La réponse divine ne se fit pas attendre : un boulet lui fracassa le visage quelque temps après, alors qu’il assiégeait Orléans. Et bientôt, Jeanne la Pucelle délivrait la ville et reprenait Cléry, hélas en ruines, aux côtés de Dunois. Ce dernier devint le compagnon d’armes du dauphin, le futur Louis XI. La victoire de Dieppe, remportée le 15 août 1443 à la suite d’un vœu prononcé en direction de Cléry, sonna l’heure de la restauration de l’antique sanctuaire « en très belle architecture ».

Louis XI s’attacha merveilleusement à Notre-Dame de Cléry, en fit une chapelle royale au même titre que la Sainte Chapelle de Paris, l’enrichit d’insignes reliques, et obtint même du pape Sixte IV pour lui et ses successeurs, en vertu de son sacre et de son attachement au Saint-Siège, le titre de « premier chanoine de la collégiale de Cléry » ! C’est là qu’au commencement de 1471, il fit réciter au son des cloches pour la première fois en France l’Angelus de midi. Le 27 juin suivant, une ordonnance royale consacrait cette coutume pour tout le royaume. Enfin, il y fit édifier son tombeau, qu’on peut admirer encore.

Après les dévastations protestantes, c’est Henri III qui fut l’artisan d’une nouvelle restauration de Cléry, avec la contribution des chevaliers de l’Ordre du Saint-Esprit qu’il avait créé. Le roi s’y était rendu plusieurs fois, à pied depuis Paris, en pèlerinage de réparation et de supplication pour obtenir un héritier ! Les Bourbons imitèrent les Valois dans leur dévotion à Notre-Dame de Cléry, jusqu’à ce que s’y produise un mystérieux avertissement.

LE MYSTÉRIEUX LANGAGE DES LARMES

Notre-Dame de CléryLe lundi de Pentecôte 1670, pendant plus de deux heures, les chanoines qui récitaient leur office virent le visage de la statue de la Sainte Vierge et celui de l’Enfant-Jésus s’animer, changer de couleur, passer à différentes reprises d’une pâleur d’agonisant à une rougeur très vive, se couvrir de sueur et verser d’abondantes larmes. Au bruit du prodige, la foule accourut, tous purent monter au jubé et considérer de près la merveille qui s’opérait. Une enquête fut ouverte, et un procès-verbal dressé en bonne et due forme. Quarante et un témoins vinrent prêter serment et faire chacun leur déposition. Tous s’accordaient sur la réalité du miracle, qu’il restait cependant à interpréter.

L’église de Cléry étant chapelle royale et le roi de France “ premier chanoine ”, il semble que c’est à lui que l’avertissement était adressé, selon les paroles de l’Évangile du jour : « Celui qui croit en lui [le Fils de Dieu] n’est pas jugé, mais celui qui refuse de croire est déjà jugé » (Jn 3, 18) ; une manière de dire à Louis XIV alors dans tout l’éclat de son règne : attention ! un temps d’épreuve se prépare, où il faudra choisir entre la lumière et les ténèbres, la foi et l’incrédulité, et déjà le Ciel semblait en connaître l’issue... Le roi, qui passa plusieurs fois à Cléry, eut connaissance du miracle des larmes.

C’est en 1673, donc trois ans après, que commenceront les révélations de Paray-le-Monial, qui culmineront seize ans plus tard dans la demande à lui adressée, de consacrer son Royaume au Sacré-Cœur de Jésus. Mais le roi n’était-il pas déjà trop occupé de sa gloire, et des conquêtes de son règne ? Ne mettait-il pas trop sa confiance en lui-même, en sa sagesse, alors que de terribles ennemis, non seulement extérieurs, mais aussi à l’intérieur, commençaient à saper son trône ? Beaucoup plus que les scandales de la cour, c’est cela qui était inquiétant... Et Jésus et Marie, vrais Roi et Reine de France, connaissaient d’avance une agonie, à la pensée des malheurs qui allaient s’abattre sur leur peuple d’élection. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’un tel avertissement miraculeux se produisait dans notre Histoire sainte de France.

Cela fait penser aux larmes de la Vierge de Syracuse en août et septembre 1953. Là aussi, les faits sont simples et limpides : un buste de la Vierge montrant son Cœur, Cœur entouré d’épines et d’où s’élèvent des flammes, que l’on vit verser des larmes. L’archevêque de Syracuse comprit tout de suite le message : « Si la Madone a versé des larmes, elle l’a fait pour nous adresser un reproche, ou du moins un grave avertissement. » C’était l’époque où Pie XII, à l’instar de son prédécesseur, commençait à s’éloigner de Fatima et à négliger ses demandes. La prophétie que Notre-Seigneur avait faite à sœur Lucie à Rianjo s’accomplissait :

« Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le malheur. Jamais il ne sera trop tard pour recourir à Jésus et à Marie. »

Cette dernière parole, c’est tout le message que saint Jean Eudes prêcha au dix-septième siècle en Normandie, et qui enflamma la dévotion de nos amis venus pèleriner dans le diocèse de Coutances, où le saint éleva la première chapelle en l’honneur du Saint et très unique Cœur de Jésus et Marie.

SUR LES BORDS DE LA VIRE

Le samedi 18 mars, c’est la très belle “ Vierge du Pilier ”, honorée dans l’abside de l’église Notre-Dame de Saint-Lô, qui reçut nos premiers Je vous aime, ô Marie. La tradition rapporte que saint Vincent Ferrier introduisit ce vocable dans la ville normande, au cours d’une mission qu’il prêchait en 1418, en mémoire de Notre-Dame del Pilar, vénérée à Saragosse depuis des temps immémoriaux, et qui pour nous, pèlerins de Fatima, rappelle la consécration de l’Espagne au Cœur Immaculé de Marie, qu’y prononça Franco, le 12 octobre 1954, par obéissance aux demandes de Notre-Dame de Fatima.

Trois fois abattue et mutilée, trois fois restaurée, en “ esprit de réparation ”, la Vierge du Pilier de Saint-Lô fut vénérée par les deux grands missionnaires que furent saint Jean Eudes et saint Louis-Marie Grignion de Montfort, – on voit encore au flanc de l’église la chaire extérieure, une des trois qui existent en France, où ils prêchèrent à la foule assemblée dans la cour du palais épiscopal, aujourd’hui place du marché –, sans oublier le futur saint Jean de Brébeuf, apôtre des Hurons en Nouvelle-France, qui naquit et vécut toute son enfance sur les bords de la Vire, à quelques kilomètres de la ville. Un ami phalangiste nous retraça cette histoire mouvementée, avant que nous assistions à la messe, qui nous fit entendre le saisissant appel du prophète d’Osée : « Venez, retournons vers le Seigneur ! il a blessé, mais il nous guérira ; il a frappé, mais il nous soignera. » (Os 6, 1-2)

Mais c’est surtout sous le patronage de saint Jean Eudes que nous voulions placer notre pèlerinage de dévotion réparatrice : n’a-t-il pas été en Normandie et jusqu’à la cour du roi de France, le père, le docteur et l’apôtre du culte liturgique du “ Cœur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu ”, dont Dieu veut instaurer la dévotion dans le monde entier ?

« Hâtez-vous, disait-il, qu’est-ce que vous attendez ? Pourquoi différez-vous un seul moment ? N’est-ce point que vous craignez de faire tort à la bonté nonpareille du très adorable Cœur de Jésus si vous vous adressez à la charité du Cœur de la Mère ? Mais ne savez-vous pas que Marie n’est rien, n’a rien et ne peut rien que de Jésus et par Jésus et en Jésus et que c’est Jésus qui est tout, qui peut tout et qui fait tout en elle ? Venir au Cœur de Marie, c’est venir à Jésus ; honorer le Cœur de Marie, c’est honorer Jésus ; invoquer le Cœur de Marie, c’est invoquer Jésus. » (La Vie et le Royaume de Jésus, § 11)

La halte du pique-nique nous fit découvrir la maison natale de Jean de Brébeuf, dont une partie a été transformée en chapelle. Un autre ami phalangiste évoqua pour nous la figure de ce grand missionnaire normand, que l’oratorio de frère Henry “ Sainte Marie des Hurons ” (2021) a mis en scène d’une manière si émouvante, et au sujet duquel son supérieur, le Père Ragueneau, écrivait en 1649, au lendemain de son martyre :

« Souvent Notre-Seigneur s’est apparu à lui, quelquefois en état de gloire, mais d’ordinaire portant sa Croix ou bien y étant attaché ; qui imprimait dedans son cœur des désirs si ardents de beaucoup souffrir en son nom, que quoiqu’il eût beaucoup souffert en mille occasions, se plaignait de son malheur, croyant que jamais il n’avait rien souffert, et que Dieu ne le trouvait pas digne de lui faire porter la moindre partie de sa Croix. Notre-Dame lui était aussi très souvent apparue, qui d’ordinaire laissait en son âme des désirs de souffrir, mais avec des douceurs si grandes et une telle soumission aux volontés de Dieu, qu’ensuite son esprit en demeurait dans une paix profonde et dans un sentiment élevé des grandeurs de Dieu. Il a eu quantité de notables apparitions de Notre-Dame, de saint Joseph, des Anges et des Saints... »

« DIEU AYDE ET NOTRE DAME ! »

Redescendus dans la vallée, nous suivîmes le chemin de hallage le long de la Vire, aux contours pleins de charmes, et nous acheminâmes en chantant le Rosaire jusqu’au sanctuaire de la Chapelle-sur-Vire, dont frère Louis-Gonzague nous conta l’histoire, en enfant du pays.

En 1197, Robert seigneur de Tresgotz installait en ce vallon isolé et tranquille trois bénédictins de l’abbaye de Hambye, pour qu’ils se dévouent au culte de Dieu et de Notre-Dame. Quand la Normandie fut rattachée au Royaume de France par Philippe Auguste, ses terres passèrent aux mains de seigneurs bretons, Henry d’Avaugour et Geoffroy Boterel, que nous avons déjà rencontrés à Quintin en Bretagne. Ces croisés qui achevèrent leur vie sous le froc franciscain, ainsi que leurs successeurs, favorisèrent eux aussi le culte marial sur les bords de la Vire, tant et si bien que la Reine du Ciel favorisa la chapelle de deux présents :

Ce fut d’abord, au quatorzième siècle, la découverte dans la rivière d’une statue de sainte Anne portant la Vierge, qui elle-même tient l’Enfant divin : jetée sur la rive, elle se brisa en deux, mais « voici que les fragments se rapprochent d’eux-mêmes, se rejoignent et se soudent » ; puis au seizième siècle, ce fut la trouvaille par un berger d’une statue de Notre-Dame, vêtue d’une robe rouge aux plis droits, enveloppée dans un manteau bleu, tenant d’une main une figue et, de l’autre, présentant son Enfant : « Venez à moi, vous tous qui me désirez, rassasiez-vous de mes fruits. » (Eccl. 24, 19) Les deux statues sont encore vénérées dans le sanctuaire.

Passons sur les péripéties de la construction successive des trois chapelles, l’arrivée des religieuses de la Miséricorde, envoyées par sainte Marie-Madeleine Postel, et l’institution de missionnaires diocésains pour accueillir les pèlerins. Car, au temps de la religion de nos pères, les foules furent au rendez-vous. Pour le couronnement de la statue, en 1886, on comptait 40 000 pèlerins ! Et quelle meilleure illustration des grâces de guérison, de conversion et de persévérance dans le bien, répandues ici largement par Notre-Dame de Miséricorde – c’est ainsi qu’à la Chapelle-sur-Vire, on l’invoque depuis huit siècles –, que ces mille ex-voto qui tapissent les murs du chœur de la basilique. « La Chapelle-sur-Vire, écrit Mgr Grente, un autre enfant du pays, est, pour le diocèse de Coutances, la maison où notre Mère du Ciel nous attend, l’annexe sacrée de la demeure de ses enfants, le témoin, ou la confidente de leurs joies, de leurs espérances ou de leurs larmes. »

Aujourd’hui, hélas, le sanctuaire est de plus en plus désert... Il est pourtant fondé sur le roc, et a essuyé tant de tempêtes déjà, qu’il faut espérer sa résurrection et y contribuer pour notre petite part, en reprenant le “ cry ” des croisés normands : « Dieu ayde, et Notre Dame ! »

PRÉDICATION DANS LA CATHÉDRALE

Le lendemain 19 mars, quelques-uns de nos pèlerins se retrouvèrent à Coutances sur les pas de saint Jean Eudes, d’abord pour repérer la chapelle de l’ancien Séminaire, – l’actuel lycée Lebrun –, élevée par le fondateur entre 1652 et 1655, et dédiée pour la première fois en France, et dans le monde ! « à l’honneur du très saint Cœur de la bienheureuse Vierge, qui n’a qu’un même cœur avec son Fils bien-aimé ». Elle porte à son frontispice l’inscription : « Fundavit eam Mater Altissimi. » Et on raconte que tous ceux qui participèrent à sa construction furent l’objet de protections et de secours visibles.

La “ tour lanterne ” de la cathédrale de Coutances.
La “ tour lanterne ” de la cathédrale de Coutances, souvent qualifiée de “ sublime folie ”. En juin 1944, une bombe incendiaire la percuta et n’explosa pas.
Au bas du pilier nord, Notre-Dame de Coutances veillait.

Dans le transept de la belle cathédrale, surmontée de sa tour lanterne, qui ressemble de loin à quelque vaisseau de haut-bord environné d’une escadre de clochers, repose Marie des Vallées, « la femme la plus sainte » que Jean Eudes ait connue. Un jour, il la fit interroger Notre-Seigneur sur ce « culte nouveau » du Cœur de Marie. Jésus l’assura qu’il avait été inspiré par lui et qu’il s’élèverait contre tous ceux qui s’y opposeraient. Elle vit aussi « le Seigneur tirant de sa poitrine son propre Cœur environné de flammes et lui disant : “ Voilà notre Cœur ; c’est celui de ma Mère, mais c’est le nôtre aussi, car enfin Moi, ma Mère et vous, nous n’en avons qu’un que voilà. ” »

Nous étant retirés dans la chapelle absidiale pour y réciter le chapelet, nous commençâmes par écouter un sermon de notre Père, prêché à Jossselin en 1982, sur le salut des pauvres âmes opéré par la dévotion au Cœur de Marie : « La Très Sainte Vierge, c’est l’invention de Dieu pour sauver les pécheurs de l’enfer. Dans son enfance, notre saint a senti l’horreur du péché et il a eu ce réflexe providentiel de se jeter dans les bras de la Vierge Marie et d’aller jusqu’à l’excès de la confiance, jusqu’à l’excès de la consécration et du don. Comme nous aurions besoin de prédicateurs enflammés comme saint Jean Eudes pour nous redonner le culte de Marie, l’amour très intime, très proche, très humain, de Marie, du Cœur de Marie, que nous sentions battre ce Cœur... Il l’a choisie comme épouse, c’est-à-dire comme son tout sur la terre et dans le Ciel. Il a gagné ! »

Tout comme saint Joseph...

LE CŒUR AFFLIGÉ DE SAINT JOSEPH

Ce même 19 mars avaient lieu deux pèlerinages en l’honneur de saint Joseph, l’un en Champagne autour de nos communautés, l’autre en Vendée, conduit par nos ermitages de l’Ouest.

Notre très chéri Père céleste a enflammé le cœur de saint Joseph d’un amour très pur et tout divin pour la Vierge Marie. Au Ciel, saint Joseph, toujours éperdu d’amour pour l’Immaculée Conception, peut-il faire autrement que souffrir de tous les blasphèmes, outrages et indifférences qui blessent le Cœur de son Épouse chérie, tout autant que le divin Cœur de Jésus ? « Sa douleur à lui, le Juste au cœur si humble, délicat jusqu’au scrupule, c’est de s’en croire la cause, de s’en prétendre responsable. N’est-il pas le Patron de l’Église universelle comme il fut à Bethléem le chef de la Sainte Famille et à Nazareth le supérieur de sa maison ? Et voilà que tous ces maux viennent de chez lui ! de son domaine ! de l’Église dont il a la garde. » (Lettre à la Phalange n° 26, Noël 1989)

En apparaissant le 13 octobre 1917 dans le ciel de Fatima aux trois pastoureaux, non seulement il a montré la puissance que Dieu lui accorde en ces derniers temps, mais en vrai chef de famille, il est venu appuyer de son autorité paternelle les demandes de la Reine du Ciel. Rien ne cause donc une plus grande allégresse à saint Joseph que de voir ses enfants aller à lui, afin de réparer tant de crimes et consoler avec lui Notre-Dame des peines qui l’accablent. Il est le premier dévot et serviteur du Cœur Immaculé de Marie. C’est ce que nous enseigne la “ Pratique de ses sept douleurs et allégresses ”, révélée au seizième siècle à deux franciscains qu’il sauva d’un naufrage :

« Je suis Joseph, si vous voulez faire quelque chose qui me soit agréable, ne laissez passer aucun jour sans réciter dévotement sept fois l’Oraison dominicale et la Salutation angélique en mémoire des sept douleurs dont mon âme fut affligée et en considération des sept allégresses dont mon cœur fut souverainement consolé pendant les jours que je passai sur la terre dans la compagnie de Jésus et de Marie. »

Saint Joseph étant le patron de l’Église universelle, la principale intention à lui confier est celle du Saint-Père, qui a inauguré son pontificat en sa fête il y a juste dix ans (19 mars 2013) : qu’il allume dans son cœur de pasteur le feu d’amour divin qui brûle le sien pour la Toute-Sainte au Cœur Immaculé, Reine de l’univers, qu’il l’embrase du désir de la consoler, – cela vaudra mieux qu’une mirifique réforme “ synodale ” –, afin que le dogme de la foi soit restauré et les âmes sauvées de l’enfer par son obéissance réglée sur celle de saint Joseph.

PAR LE MINISTÈRE DES ANGES

La chapelle Saint-Joseph des Anges a été l’œuvre de l’abbé Charles Cardot, curé de Villeneuve-au- Chemin dans le diocèse de Troyes, de 1854 à 1891, et de ses paroissiens et amis. La vénérable Mère Chapuis, supérieure de la Visitation de Troyes, avait dit à madame Cardot que l’enfant qu’elle portait serait un prêtre qui ferait beaucoup de bien, et le jeune abbé reçut cette consigne, lors d’une retraite à la Grande Chartreuse : « Il faut établir la dévotion à saint Joseph des Anges, afin de faire prier pour les petits enfants. » Parce que leurs anges voient sans cesse la Face de Dieu, et que saint Joseph est l’image du Père éternel. L’abbé Cardot devint par la suite l’ami intime du Père Emmanuel, curé du Mesnil-Saint-Loup, et s’associa avec zèle à l’œuvre de la Sainte Espérance.

Quelques années plus tôt, en 1847, le pape Pie IX avait étendu à toute l’Église la fête du patronage de saint Joseph, fixée au troisième dimanche après Pâques. Son mot d’ordre était : « Allez à Joseph, et faites tout ce qu’il vous dira. » (Gn 41, 55)

Nos frères de la maison Saint-Joseph ne se le firent pas dire deux fois et entreprirent une grande marche (46 km) pour s’y rendre en vrais pèlerins, marche rythmée de sept stations, durant lesquelles ils méditèrent les sept douleurs et allégresses du Cœur de saint Joseph, en s’aidant d’extraits de Lettres et de sermons de notre Père. Les communautés les rejoignirent à la chapelle de Villeneuve-au-Chemin, visible sur les premiers coteaux du pays d’Othe, car elle est surmontée d’une statue monumentale de l’Immaculée Conception, autrefois dorée, et tous assistèrent à la messe solennelle célébrée en l’honneur de saint Joseph.

Frère Bruno prêcha l’après-midi sur saint Joseph, l’homme instruit et conduit vers Marie par les Anges : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie. » Ce que commentait notre Père : « Se donnant l’un à l’autre, c’est Dieu qu’ils se donnaient mu­tuellement. Car c’est dans la foi qu’ils s’étaient épousés. Telle fut la perfection de leur contrat, telle fut la marque de leur confiance mutuelle. Le cœur du juste Joseph en reçut alors comme une ré­vélation : en aimant la Vierge Marie comme l’incarnation de la Loi, de la Sagesse divine si ardemment désirée, il entra dans l’amour de complaisance que Dieu le Père a pour cette enfant bénie, qui est sa parfaite, son “ Immaculée Conception ”. Elle était venue chez lui comme fiancée. Dans une illumination joyeuse, saint Joseph l’avait tout de suite accueillie comme sa petite reine. » Elle, la Reine des anges !

« La présence de Marie était d’une densité extraordinaire. Saint Joseph aussi, sans s’en rendre compte, avait sur elle le même rayonnement. “ Comme il aime Dieu ! Comme il le sert ! Qu’il est honnête, juste et bon ! Quel dévouement admirable ! ” Et la Vierge ne cessait ces litanies secrètes de l’admiration et de l’affection. »

Notre dévotion réparatrice a donc été vécue pour la première fois à Nazareth : « C’était, disait notre Père, entre Marie et Joseph, une inhabitation mutuelle, véritable reflet du Mystère trinitaire. Lui habitait en Elle, et Elle en lui, et sans réticence. Comme si le Cœur Immaculé était là, qui battait dans celui de saint Joseph. Il lui semblait qu’elle vivifiait tout en lui, de sa ferveur incomparable. Elle le sanctifiait par sa seule présence et il lui semblait emporter en lui un amour émané d’elle, qui le transportait, sans jamais éprouver le besoin d’en écarter le souvenir pour aller à Dieu. »

SAINT-JOSEPH DU CHÊNE

En Vendée, le pèlerinage débuta par une messe célébrée dans la chapelle de Notre-Dame de Bellefontaine, où Cathelineau et ses compagnons venaient, le rosaire à la main et le Cœur de Jésus sur la poitrine, fortifier leur foi et consoler Notre-Dame des impiétés révolutionnaires. Détruit par les républicains, le sanctuaire fut rebâti par les moines de la Trappe voisine.

Au cœur de la Vendée, Saint-Joseph du Chêne.
Au cœur de la Vendée,
Saint-Joseph du Chêne.

Puis nos pèlerins se mirent en chemin jusqu’au sanctuaire de Saint-Joseph du Chêne, sur la paroisse de Villedieu-la-Blouère, au cœur de la Vendée militaire. Le sanctuaire est né de la dévotion d’un bon curé, l’abbé Pelletier, et de son ami, le jésuite Nicolas-Louis Lamoureux, plus connu sous le nom de “ Père Louis ”. En 1856, l’idée leur vint de placer une statue de saint Joseph dans le creux d’un chêne dont le tronc mesure 18 mètres de circonférence ( !), et qui présente en son centre une vaste cavité. « Une sorte de caverne ouverte dans ses flancs, écrit le Père Louis, peut donner place à quarante-cinq personnes. Ce tronc vénérable porte encore des branches qui se couvrent de feuillage et donnent des glands. C’est un objet de curiosité pour toute la région et même pour beaucoup d’étrangers venus de loin. J’ai eu le bonheur de consacrer ce chêne à Saint-Joseph. Un autel de granit surmonté d’une statue de grandeur naturelle a été installé dans la cavité intérieure. Tout cela avec l’assentiment de l’évêque et du clergé. »

Le 23 juin suivant, le pape Pie IX signait un bref accordant des indulgences aux pèlerins de Saint-Joseph du Chêne. Une première chapelle fut inaugurée le 24 août 1859. En 1861, l’Œuvre de saint Joseph était érigée en archiconfrérie par les jésuites d’Angers. Elle se répandit dans le monde entier, grâce aux Sœurs du Bon-Pasteur d’Angers.

Le 8 décembre 1870, le pape Pie IX proclamait saint Joseph patron de l’Église universelle. Le mois de mars devint le mois de saint Joseph. Au milieu d’ex-voto qui disent sa puissance et sa bonté, on lit sur une plaque des consignes qu’on pourrait croire dictées pour notre “ opération spéciale mariale ” : « Le pape Pie IX et le bienheureux pape Pie X ont demandé aux pèlerins de Saint-Joseph du Chêne pour la suite des temps de prier pour la paix, le triomphe de la vérité, la conversion des pécheurs à l’Église. » La défense de la foi et la restauration de toute autorité légitime, expliquèrent nos frères, intéressent au premier chef saint Joseph.

NOTRE-DAME DE LA SAINTE ESPÉRANCE

Le samedi 25 mars était le premier anniversaire de la consécration par le pape François « de la Russie, de l’Ukraine, de l’Église et du monde entier » au Cœur Immaculé de Marie. Comme elle attend, pour produire ses fruits de grâce et de miséricorde, que le Saint-Père embrasse et répande la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois, c’est vers d’autres forteresses de la foi mariale, en Champagne et en Bretagne, que sont montées en ligne d’autres unités de la Phalange. Pour fortifier notre sainte espérance en son triomphe prochain et recevoir en retour de son Cœur maternel toute aide et toute protection.

Notre-Dame de la Sainte Espérance au Mesnil-Saint-Loup.
Notre-Dame de la Sainte Espérance
au Mesnil-Saint-Loup.

« C’est le Cœur de la Sainte Vierge qui nous a donné la grâce de la Sainte Espérance, disait le Père Emmanuel. Seules les âmes humbles comprennent le Cœur de la Sainte Vierge, et se tiennent unies à ce Cœur très aimant et très pur. »

C’est ainsi que cent vingt pèlerins suppliants effectuèrent à la demande de frère Bruno leur pèlerinage de réparation au Cœur Immaculé de Marie, Mère de la Sainte Espérance. Ils se retrouvèrent d’abord à Villemaur, au pied de la statue de Notre-Dame de la Confiance érigée en 1952 sur la route de Pâlis, par l’abbé Besançon, le prédécesseur de notre Père. Quand celui-ci arriva six ans plus tard, l’état des paroisses de Villemaur, Palis et Planty témoigne de l’ampleur de la tâche accomplie avec l’aide de Notre-Dame et du Sacré-Cœur. L’opposition républicaine et communiste n’avait cependant pas désarmé : le 13 octobre 1962, la statue fut profanée et broyée à la masse. En réparation, une nouvelle statue, identique à la précédente, fut réinstallée et bénite solennellement le 8 décembre suivant. À nouveau brisée et remplacée dans les années 1980, Notre-Dame de la Confiance appelle chaque 15 août les fidèles paroissiens de Villemaur à venir perpétuer à la nuit tombée le vœu de 1952.

Au terme de huit kilomètres de sentiers venteux, avec la flèche de l’église de Mesnil en ligne de mire, ils arrivèrent au but pour une “ messe de la Sainte Vierge ”, l’évêque de Troyes ayant « fortement déconseillé » au curé de célébrer pour eux la messe de l’Annonciation. Nos amis étaient heureux et fiers de partager le sort humilié de notre Père, pèlerin de la Sainte Espérance ; cela ne diminua en rien, au contraire, leur foi en l’Église Sainte et leur sainte espérance dans le Cœur Immaculé de Marie.

La dévotion à Notre-Dame de la Sainte Espérance est indissociable en effet de celle à son Cœur Immaculé. Lorsque l’abbé André sollicita de l’autorité épiscopale l’érection en confrérie de l’association de prière qu’il avait établie, il se heurta à des difficultés inattendues : les statuts furent modifiés, la mention du Cœur de Marie disparut, la formule “ convertissez-nous ” fut remplacée par “ Refuge des pécheurs, priez pour nous ”. Mais renoncer à la mention du Très Saint Cœur de Marie parut au curé au-dessus de ses forces. « La dévotion à Notre-Dame de la Sainte Espérance, disait-il, est un écoulement d’amour du Saint Cœur de Marie... Je renonçai à voir la prière perpétuelle érigée en confrérie, mais je ne renonçai pas à la petite prière. »

Prières, repas et instructions se succédèrent pour la joie de tous, jusqu’aux Vêpres de l’Annonciation, chantées dans l’église avec une ferveur que le Père Emmanuel aurait aimée ! Et avec à l’esprit cette certitude : pour réapprendre à l’Église à espérer et à se convertir, la dévotion réparatrice s’accorde aujourd’hui à merveille avec la “ prière perpétuelle ”, par laquelle le saint curé fit du Mesnil-Saint-Loup une paroisse modèle :

« Notre-Dame de la Sainte Espérance, convertissez- nous ! La Vierge s’est nommée ; dans son Cœur Immaculé tous ont découvert l’assurance de la Miséricorde divine et déjà le projet sûr et précis de leur salut : en Elle sont tous les trésors de la grâce et de la sainteté. Elle les détient, tels qu’Elle les a reçus de son divin Fils et voilà qu’Elle nous les découvre... Cette lumière émeut, elle bouleverse, elle démonte les plus endurcis, elle balaye les résistances comme des barrages de roseaux. Ce sont les larmes, c’est l’exclamation qui livre les cœurs et les vies à la maîtrise céleste. Convertissez-nous. Eh bien soit ! Accomplissez ce que Vous voulez, ce que Vous tenez caché dans votre Cœur.... À cette minute où toute la paroisse reprend en chœur et adopte l’invocation nouvelle, on peut dire que le Mesnil s’accorde avec Dieu et contresigne le contrat de sa conversion sous le regard de Marie. » (Un curé et la Sainte Vierge, p. 26)

Il en sera ainsi demain pour chaque paroisse et chaque nation, quand l’Église tout entière embrassera la dévotion demandée instamment par le Ciel pour venir en aide aux âmes qui se perdent.

« Si nous voulons dire avec une parfaite intelligence notre Prière Perpétuelle, écrivait encore le Père Emmanuel, il nous faut avoir devant les yeux les besoins de toutes les âmes qui sont sur la terre. Il nous faut considérer ces multitudes d’âmes encore plongées dans les superstitions du paganisme, et dont l’enfer se remplit tous les jours, et souhaiter à ces âmes la grâce de la foi et du baptême ; il nous faut considérer le grand nombre de chrétiens qui sont séparés de la Sainte Église de Dieu et de Dieu lui-même par l’hérésie, et leur souhaiter la grâce de rentrer au giron de notre commune mère la Sainte Église catholique. Il y a là plus de cent millions d’âmes séparées de nous par le schisme gréco-russe, le protestantisme, l’anglicanisme. Hélas ! que de grandes et belles âmes il y a là, qui ont reçu notre baptême, et qui n’ont plus notre foi. Beaucoup de ces âmes ont encore l’Eucharistie et nos autres sacrements : mais l’unité de la Sainte Église catholique n’étant point gardée, ces âmes infortunées qui n’ont point l’Église pour Mère, ne sauraient plus avoir Dieu pour Père. Avec cela, il y a sur la terre plusieurs millions de Juifs. Si au lieu de blasphémer Notre Seigneur Jésus-Christ, ils avaient le bonheur de le reconnaitre, de l’adorer et de l’aimer avec nous. Enfin, au sein de l’Église même, combien d’âmes sont égarées par le naturalisme, le rationalisme et tous les vains systèmes du temps présent. Il faut nous rendre attentifs à tous ces maux, sensibles de si grands malheurs, et souverainement désireux d’en voir la fin, quand chaque jour nous disons : Notre Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous ! » (Bulletin de Notre-Dame de la Sainte Espérance, septembre 1878)

NOTRE-DAME DE TOUTE-AIDE

Ce même jour de l’Annonciation, les enfants de nos familles bretonnes suivaient une petite retraite, à l’ombre du sanctuaire aimé de Notre-Dame du Roncier à Josselin. Confessions, communions réparatrices, instructions sur « la divine, l’angélique pureté d’une âme d’enfant de Bretagne », Pierre Henry, devenu religieux Oblat de Marie Immaculée, « cœur de feu dans les glaces polaires ». Racontée par frère Pierre, c’est captivant !

Notre-Dame de Toute-Aide (Querrien).
Notre-Dame de Toute-Aide (Querrien).

Par exemple, comment notre missionnaire fit, en 1948, un “ Grand Retour ” jusqu’au Pôle Nord. « Nous avons transporté en cinq jours et cinq nuits, à 180 milles, raconte-t-il, ce bois que nous avions mis huit ans à rendre à Pelly Bay. J’avais eu l’idée, au moment du départ, de faire de ce voyage une sorte de procession mariale comme j’apprenais qu’on en faisait partout. Nous plaçâmes donc sur la traîne d’avant une image de Notre-Dame du Perpétuel Secours, vénérée par tous nos chrétiens de Pelly Bay, et nous nous mîmes en route vers le pôle magnétique. Partout, les Esquimaux venaient à notre rencontre et priaient avec nous la Vierge. Plusieurs pleuraient de voir partir le missionnaire, pensant le perdre pour toujours. Presque tout le voyage se fit dans le silence et la prière.

« Arrivés au sud de la péninsule de Boothia, nous passâmes assez loin d’un camp que nous savions mal disposé : mais tous nous regardaient de loin avec des longues-vues et n’en croyaient pas leurs yeux. Ça, c’était l’Église qui montait, qui montait vers le pôle magnétique. Arrivé un samedi soir à Thom Bay, je choisis tout de suite un beau plateau surplombant la mer et le consacrai à Marie. “ C’est votre douaire, ma bonne Mère, régnez ici, soyez un flambeau pour les païens qui vous entourent ”... » (cf. Le Père Pierre Henry, apôtre des Netjiliks, Il est ressuscité n° 4, avril 2001, p. 5-13)

À L’ECOLE DE MAMAN

« Après la grâce de Dieu, je suis devenu missionnaire par l’exemple et l’esprit de foi de ma mère. Elle eut toujours le secret désir d’avoir un prêtre parmi ses enfants et, très tôt, elle découvrit que son Pierre serait celui-là. Je me vois encore tout jeune l’accompagner dans ses travaux : elle déversait dans mon cœur quantité de petits conseils et de délicats secrets. Elle me parlait de la prière, de la messe et des exemples des saints prêtres qu’elle avait connus et qu’elle rêvait de me voir imiter. Ses paroles tombaient sans bruit dans mon âme comme la rosée matinale sur un terrain préparé. Oh ! les doux souvenirs de mon enfance où les conversations sans apprêt de ma mère m’acheminaient lentement vers le service de Dieu.

« De son âme, unie à Dieu, la prière jaillissait tout naturellement, comme la fraîcheur des matins de printemps. Sa joie me ravissait et me donnait envie de répéter tout bas les nombreuses oraisons jaculatoires de son crû qu’elle mêlait tout haut à son travail. C’est bien elle qui m’apprit tout jeune à prier comme les oiseaux apprennent à voler et à chanter à leurs petits. Précieuse habitude qui devait aller s’amplifiant et me rendre tant de services dans la vie ! À l’école de maman qui aimait visiter les malades, donner à manger aux pauvres, consoler les affligés et ensevelir les morts, l’amour et la tendresse pour les malheureux allèrent croissant dans mon cœur jusqu’à cet élan irrésistible qui me ferait porter l’Évangile aux plus déshérités du monde. C’est bien grâce à elle que je suis devenu missionnaire. » (Écho du Lié, bulletin paroissial de Plouguenast, 11 juin 1967)

Le lendemain, nous fîmes pèlerinage à Notre-Dame de Toute-Aide, à Querrien-La Prenessaye, où le jeune Pierre Henry se rendit avec sa mère, en 1919, faisant à pied, depuis leur village de Plouguenast jusqu’au sanctuaire de Querrien, une marche de trente kilomètres pour remercier la Bonne Vierge du retour de la guerre des trois fils aînés.

Après la messe dominicale à Plémet, nous y arrivâmes à notre tour, et frère Loïc nous raconta la touchante histoire de ces apparitions. C’était le 15 août 1652. La Vierge Marie, que le pieux roi Louis XIII venait de proclamer Reine de France, apparut à une bergère de onze ans, Jeanne Courtel, sourde-muette de naissance qui, dès la première apparition, fut guérie de son infirmité. La “ tant belle Dame ” lui dit :

« J’ai choisi ce lieu pour y être honorée. Je désire que l’on me construise une chapelle au milieu du village.

– Hélas ! Je ne suis qu’une pauvre petite bergère ; j’ignore tout du monde et je n’ai ni sou ni maille : en quoi pourrais-je bien vous être utile dans la construction d’une chapelle ?

– Mais si ! j’ai besoin de toi. Va trouver le recteur, et prie-le de m’édifier un sanctuaire à Querrien et d’y organiser un pèlerinage... des pèlerins viendront en foule de tous côtés. »

Sur ses indications à la petite voyante, la statue d’une Vierge à l’Enfant fut découverte le 20 août dans une mare au milieu du village. Une statue sculptée par un moine, saint Gal, disciple de saint Colomban... au septième siècle ! Le recteur, messire Audrain, hésitait toujours. L’évêque de Saint-Brieuc, lui, n’hésita pas. Mgr de la Barde, disciple de saint François de Sales et grand dévot de la Sainte Vierge, qu’il appelait sa « chère Dame et Maîtresse », aussitôt averti, diligenta une enquête en règle, vint sur les lieux et autorisa la construction d’une chapelle : « La Mère de Dieu veut qu’on lui élève un sanctuaire en ce village : foi d’évêque ! nous bâtirons ici même, une chapelle qui sera digne d’Elle et de nous. » C’est lui qui donna à la Vierge le vocable de “ Notre-Dame de Toute-Aide ”.

Et de fait, elle est bien digne de la Reine du Ciel et de son royaume de France, cette petite église de granit si bien ornée et pourvue de dévotion, qui accueille encore aujourd’hui des pèlerins accourus « de tous côtés » ! Nous en étions la modeste manifestation en ce dimanche de la Passion, nous souvenant de la recommandation de Notre-Dame, le 13 juillet 1917, de « réciter le chapelet tous les jours en l’honneur de Notre-Dame du Rosaire, pour obtenir la paix du monde et la fin de la guerre, parce qu’Elle seule pourra vous secourir ». Elle met sa joie et sa gloire à assurer « toute aide à tout appel », comme le dit le cantique traditionnel.

Nous prîmes ensuite nos bâtons de pèlerins pour une marche pénitente et priante vers La Chèze, sur les pas de saint Louis-Marie Grignion de Montfort.

LA GRÂCE DE LA CHÈZE

C’est en 1707, à son retour de Rome, où le pape Clément XI l’avait nommé “ missionnaire apostolique ”, et après un pèlerinage au Mont-Saint-Michel pour se placer sous la protection du grand Archange, que le Père au grand chapelet s’agrégea aux auxiliaires de M. Leuduger qui prêchaient une mission à La Chèze, près de Loudéac. On visite encore au-dessus de la porterie du manoir de La Chèze la cellule occupée par le saint, transformée en oratoire.

Au cours de la mission, le Père de Montfort apprit que saint Vincent Ferrier avait prophétisé, trois cents ans plus tôt, au spectacle d’une chapelle à moitié en ruines, qu’elle serait un jour restaurée : « Cette œuvre de réparation est réservée à un homme que le Tout-Puissant fera naître dans les temps reculés, homme qui viendra en inconnu, qui sera beaucoup contrarié et bafoué et qui, cependant, avec le secours de la grâce, viendra à bout de cette sainte entreprise.

C’est moi, dit M. Grignion, qui tenterai l’œuvre annoncée. Je n’ai aucune ressource assurée, mais Dieu m’aidera. »

La relique de la Vraie Croix offerte par l’apôtre de Marie à La Chèze.
La relique de la Vraie Croix offerte par l’apôtre de Marie à La Chèze. « Jamais la Croix sans Jésus, ni Jésus sans la Croix. » Pour être un vrai “ ami de la Croix ”, pas de chemin plus assuré que la dévotion à la Vierge Marie. C’est le divin “ secret des élus ”.

Une armée de maçons et de charpentiers accourut aussitôt et se mit à sa disposition. Les travaux furent poussés avec tant d’ardeur qu’à la fin de la mission suivante, c’est-à-dire en l’espace de trois mois, la chapelle était achevée et demeure aujourd’hui encore une des plus belles églises de la région. Une immense procession vint y introniser une statue de Notre-Dame de Pitié. L’église Notre-Dame de la Croix devint le foyer d’une ardente dévotion au saint Rosaire et le siège d’une confrérie des “ Amis de la Croix ”, à qui le saint missionnaire fit don d’une relique de la Vraie Croix que lui avait donnée le Pape.

La statue existe toujours au-dessus du maître-autel. Il faut plusieurs personnes pour la déplacer. Mais la tradition rapporte que, au cours de la Révolution, comme on craignait le pillage de la chapelle, une vieille paroissienne monta jusqu’au piédestal où reposait la statue et, afin de la soustraire à la profanation, entreprit elle toute seule de l’enlever. Elle l’emporta sans effort, et la cacha tout le temps des persécutions. Et la relique ?

Un concours providentiel de circonstances permit à madame la Maire de La Chèze de la redécouvrir l’an passé, au lendemain de la consécration de la paroisse au Cœur Immaculé de Marie ! dans un placard où, depuis soixante ans, elle avait été remisée. Nous fûmes les premiers à la vénérer, je ne vous dis pas avec quelles émotion et action de grâces !

« Je ne vous oublierai jamais, écrivait le saint dans sa dernière lettre à mère Marie-Louise de Jésus, pourvu que vous aimiez ma chère Croix, en laquelle je vous suis allié. »

HEUREUSE OCCURRENCE

La traditionnelle retraite des enfants à la maison Saint-Joseph, qui coïncide toujours avec la solennité des Rameaux, tombait cette année le premier samedi du mois d’avril et donna lieu à un pèlerinage de notre “ opération spéciale ”. Elle permit aussi à frère Bruno de rappeler à la centaine d’enfants qui se pressaient dans nos murs les principes même de la dévotion réparatrice :

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est une Alliance entre Jésus et le Cœur Immaculé de Marie, en vue de notre salut, à nous leurs enfants ; nous sommes invités par le Ciel, par Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, à entrer dans ce renouvellement d’Alliance. Certains théologiens ne comprennent pas le pacte conclu par Notre-Seigneur avec sa Mère, mais vous, mes enfants, vous allez très bien comprendre.

« Comme si Jésus avait dit à la Sainte Vierge : “ J’ai essayé de gagner les âmes avec mon Sacré-Cœur, et cela ne marche pas. Puisque les hommes sont tellement têtus et fermés, incapables de m’aimer et de faire ce que je leur ai demandé, malgré mes promesses, maman, passez la première et tâchez de les séduire, de les attacher à vous, afin qu’ils fassent ces actes de dévotion qui nous permettront de les sauver, sinon ils iront tous en enfer. 

« La révélation du Cœur maternel de la Sainte Vierge, voilà le secret ! “ Le cœur d’une maman est ce qu’il y a de plus beau sur la terre, et ce n’est pourtant qu’un reflet du Cœur Immaculé, disait le P. Gabriel Jacquier, religieux de saint Vincent de Paul, aux enfants de son patronage parisien. Enfonçons-nous dans cet abîme de tendresse, nous y trouverons la vie. ” La vie surnaturelle, la vie de la grâce, la vraie Vie. C’est là, dans le sein virginal de Marie, sur son Cœur Immaculé, que le Bon Dieu m’a déposé le jour de mon baptême, en m’adoptant pour son enfant et en me donnant pour Mère la Mère de son Fils unique, Jésus-Christ, Notre-Seigneur.

« Vous voyez son Cœur Immaculé représenté sur la statue sculptée par frère Henry ; la Sainte Vierge le tient dans sa main et nous le présente à aimer, mais c’est Lui qui nous a aimés le premier ; cet amour est symbolisé par les flammes qui s’en échappent. Il est aussi... entouré d’épines, qui le blessent cruellement.

« Notre dévotion se fait alors réparatrice, pour enlever ces épines. Que veut dire le mot réparation ? Ah ! mes enfants, cela se comprend tout seul. Quand on apprend que sa maman est l’objet de méchancetés, d’injures, de grossièretés – quand c’est contre la Sainte Vierge, cela s’appelle des blasphèmes, c’est-à-dire des insultes pour nier sa gloire et ses privilèges dont le Bon Dieu l’a ornée –, on ne peut pas rester indifférent, inerte. Pour la défendre, on se précipite pour la “ consoler ” de son chagrin de voir ces âmes tomber en enfer, et “ réparer ” par notre amour, notre tendresse, les offenses dont elle est l’objet, afin que le Bon Dieu pardonne et que ces âmes aillent au Ciel. »

NOTRE-DAME DU CHÊNE

En chemin vers Notre-Dame du Chêne sur les hauteurs de Bar-sur-Seine.
En chemin vers Notre-Dame du Chêne sur les hauteurs de Bar-sur-Seine.

L’après-midi, nous nous rendîmes en pèlerinage sur les hauteurs de Bar-sur-Seine où, depuis plus de neuf siècles, la Vierge Marie est honorée sous la forme d’une minuscule Pieta découverte dans le creux d’un chêne par un pâtre attiré par un merveilleux concert d’oiseaux. C’était l’occasion de reprendre ce que disait Mgr Freppel, le 10 septembre 1891, à l’occasion de la consécration d’une autre chapelle dédiée à Notre-Dame du Chêne, aux confins du Maine et de l’Anjou.

« L’Église, mes Frères, est un immense camp retranché qui occupe toute la surface de la terre. Dans ce camp si bien ordonné pour la défense de la foi, castrorum acies bene ordinata, les stations de pèlerinage apparaissent, de distance en distance, comme autant de forteresses spirituelles, de citadelles sacrées, de boulevards capables de faire face à l’ennemi : turris fortitudinis a facie inimici. Dieu les multiplie suivant les besoins des temps et à mesure que de nouvelles attaques se préparent contre la grande armée du Christ. Là sont concentrées, plus puissantes que partout ailleurs, les armes de la prière. Là viennent échouer les assauts de l’enfer et du monde, contre le rempart que fait à la doctrine Celle dont l’Église a pu dire qu’elle a vaincu toutes les hérésies : cunctas hæreses interemisti in universo mundo. Admirables dispositions de la divine stratégie ! »

L’évêque d’Angers comparait ensuite les sanctuaires marials à des “ sources ”, « où le céleste Médecin des âmes opère ses guérisons les plus merveilleuses par l’intercession de Marie. Ah ! qui pourrait dire combien de pécheurs ont retrouvé, en ces lieux, avec le pardon de leurs fautes, l’empire sur leurs passions, le courage de la vertu, la persévérance dans le bien ! Que d’incrédules y ont ouvert les yeux à la lumière et déploré les égarements de leur vie passée ! Que de conversions obtenues dans ce sanctuaire où tant de saintes âmes ont prié devant l’image de Notre-Dame du Chêne ! Car c’est encore là ce qui fait l’excellence des églises de pèlerinage. Elles ont des trésors de miséricorde incomparables. En vertu de la communion des saints, ces sources de grâce sont alimentées par tout ce que la foi et la piété des siècles y ont accumulé d’actions méritoires devant Dieu. » La vénérable visitandine Mère Chappuis par exemple vint y prier et y reçut des grâces insignes.

C’est une source de grâce et de miséricorde, vraie “ fontaine de Siloé ” ! que nos enfants trouvèrent au sanctuaire caché dans les bois, puisque le clergé de Bar les y attendait pour la confession du premier samedi du mois, tandis que nous faisions résonner sous ses voûtes séculaires le cantique traditionnel :

« Tes chers enfants, auguste et sainte Reine,
Sont engagés dans de rudes combats,
Ils sont venus vénérer ce vieux chêne
Et réclamer le secours de ton bras. »

Nous avions anticipé en l’honneur de notre Reine ce que nous fîmes le lendemain dans la procession des Rameaux, en chantant à pleine voix : « Vive la Reine ! Chez nous, soyez Reine ! » Elle règne en effet sur le Cœur du Roi par son Cœur Immaculé, et le Roi veut qu’Elle règne sur tous les cœurs pour les toucher, les convertir, les sauver. Et si quelques modernes pharisiens s’en scandalisent : « Maître, vous entendez ce que crient ces enfants ! » Jésus leur répondra : « S’ils se taisent, les pierres crieront ! » Les pierres de tous nos sanctuaires de France...

De même que Jésus choisit pour entrer à Jérusalem de monter sur un ânon, l’humble monture des rois d’Israël, Notre-Dame avançait au milieu de ses enfants sur un brancard de procession, modeste équipage pour une Reine de France, tout comme le “ char de la Vierge ” lors de son Grand Retour ! Quant au signe donné aux païens qui demandèrent à « voir Jésus » et qui eurent le saisissement de le voir en agonie (cf. Jn 12, 27), regardez le Cœur de notre Reine, tout entouré d’épines, qui le blessent et le déchirent affreusement. Avant de connaître son triomphe et d’entrer dans sa gloire, son Cœur si sensible doit souffrir, comme celui de Jésus : quelle humiliation pour un païen d’aujourd’hui, quelle tristesse pour ses enfants, quelle agonie pour l’Église ! Mais la vraie sagesse, la vérité totale sont là, tout enfermées aujourd’hui dans le Cœur Immaculé de Marie, où la Passion de son Fils se réfléchit tout entière comme dans un miroir.

« LUCERE ET ARDERE PERFECTUM »

Au-dessus de la porte du presbytère de Bar-sur-Seine, nous avions lu cette inscription, extraite d’un sermon de saint Bernard sur la Nativité de saint Jean-Baptiste, dont Notre-Seigneur a dit qu’il était “ une lampe qui brûle et qui brille ” : « Ardere parum, lucere vanum, lucere et ardere perfectum... Briller seulement est inutile, et brûler seulement est insuffisant ; mais brûler et briller, voilà la perfection. »

Que Monseigneur de Troyes nous le pardonne ! cette devise convient si parfaitement à notre Père fondateur, que nous avons donné frère Georges de Jésus-Marie en exemple et en maître de dévotion réparatrice aux enfants de la petite retraite, en nous aidant du livre composé par nos sœurs : « Il était une fois... Georges de Nantes. » La sainte Écriture recommande cette piété filiale : « En actes comme en paroles, honore ton père afin que la bénédiction te vienne de lui. » (Eccl 3, 8) Il suffit de tourner les pages de notre livre, on est sûr d’y retrouver, à chaque étape de cette vie toute remplie de l’amour de Jésus et du service de l’Église, l’empreinte reçue ou transmise de sa dévotion mariale, ardente autant qu’éclairante.

En quatre chapitres. 1) Dévotion reçue, mieux : “ transfusée ” du cœur de ses parents et de ses maîtres dans son cœur d’enfant de l’Église : « Alors je suis enfant de Marie. Ce n’est pas une dévotion, c’est la dévotion, c’est la réalité, la reconnaissance des enfants pour Celle qui les a enfantés au Calvaire. »

2) Dévotion “ cultivée ” à l’école de ses devanciers, comme le curé du Mesnil-Saint-Loup, et sans cesse approfondie par le prêtre qu’il était devenu, serviteur de sa Reine, ami de l’Époux, commissionnaire de leur Amour divin auprès des âmes, et dans ce service : « J’ai soif de l’aimer, votre Mère et ma Mère, avec une tendresse, un respect, une admiration infinis ! Et quelle affection je trouverai dans votre Cœur filial pour notre Reine et pour le bienheureux Joseph. »

3) Dévotion “ engagée ”, pour la défense de la foi contre toute hérésie, de l’unité de l’Église contre tout schisme, et dans les luttes des derniers temps contre tout antichrist : « Votre leçon nous sauve des mirages de l’Antichrist qui vous est tout entier contraire. Vous êtes l’Épouse des noces éternelles, alors qu’il prétend nous réduire à l’esclavage de la Cité terrestre. » Mission périlleuse de Contre-Réforme et de Contre-Révolution, mais « on ne peut pas être enfant de Marie, sans être dans l’Église aux postes difficiles et dangereux, et sans lutter contre le démon pour servir le Christ par la force du Saint-Esprit ».

4) Dévotion “ embrasée ” enfin, par une consécration totale, plaçant la Sainte Vierge dans le mystère de son Immaculée Conception « au-dessus de toutes mes affections du cœur, toutes mes convictions et pensées, mes œuvres extérieures, mes désirs... ce que notre doux Seigneur veut et attend de notre génération pour la sauver. Ce Dieu dont l’amour infini se porte de toute éternité sur Elle veut enfin que nous commencions par nous consacrer à Elle, si nous voulons lui plaire à Lui, en entrant dans ses préférences. »

Notre Père a entendu le “ cri ” de Notre-Dame à Fatima : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. » Ce que sœur Lucie traduisait : « Cela signifie amener les âmes à une consécration totale, c’est-à-dire à se convertir, à se donner et à estimer intimement, à vénérer avec amour. C’est dans cet esprit de consécration et de conversion que Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. » (Appelos n° 11)

Les eaux de la grâce et de la miséricorde de notre Père du Ciel avaient formé dans le cœur de notre Père « un bassin de tendresse et de dévotion alimentant les trois fleuves de ma foi, de mon espérance et de ma charité, pour arroser et vivifier et féconder toutes âmes de chrétiens et de futurs chrétiens jusqu’à la consommation de ce monde et l’instauration dans la Gloire du Père, de votre Royaume, ô Jésus-Christ mon Sauveur, ô Immaculée Conception, notre divine Mère, dans l’unité, la paix et la joie éternelles du Ciel. » (CRC n° 348, juillet 1998, p. 4)

Il n’y a plus « pour nous qu’à suivre la procession, et marcher au combat sous les étendards sacrés de la Sainte Face de Jésus, du Cœur Immaculé de Marie, de l’admirable sourire de Jean-Paul Ier », stimulés par la voix de notre Père, ardente, ferme et constante toujours, qui nous entraîne... jusqu’au Ciel !

Frère Thomas de Notre-Dame
du Perpétuel Secours et du Divin Cœur.