Il est ressuscité !

N° 249 – Novembre 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Adorer l’Immaculée

ELLE est la “ Femme ” revêtue de la Gloire de  Dieu même parce qu’elle est sa “ Conception ”, l’œuvre qui émane, toute pure, de sa Gloire. Elle est admirable, aimable à l’homme comme à Dieu. Notre cœur est fait pour l’aimer. Elle est parfaitement, divinement belle.

Elle est première dans l’histoire du monde, et dans chacune de nos âmes qu’Elle enfante à la grâce. « Elle est un effluve de la puissance de Dieu, une émanation toute pure de la gloire du Tout-Puissant ; aussi rien de souillé ne s’introduit en Elle. Elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de la majesté de Dieu, une image de sa bonté. » (Sagesse 7, 25-26)

De l’Immaculée Conception de la Bienheureuse et toujours Vierge Marie à l’Incarnation du Verbe, Fils de Dieu Sauveur et Roi des siècles, quelle orthodromie ravissante, divine !

« Les abîmes n’étaient pas encore et déjà j’étais conçue. » (Pr 8, 24)

« Je suis sortie de la bouche du Très-Haut... Le Créateur de toutes choses donna ses ordres. Celui qui m’a créée m’a fait dresser ma tente. Il m’a dit : Installe-toi en Jacob, entre dans l’héritage d’Israël. ” » (Si 24, 8)

Cédant à son bon plaisir d’amour et de gloire, Lui, Dieu l’a voulue, Elle, l’Immaculée, déjà âme vivante, pleine de sagesse, d’amour et de louanges, capable de participer avec Lui à la création du monde, à la naissance du genre humain et de toutes ses générations, en rendant aux trois Personnes divines, de sa Voix très pure, louanges et gloire :

« J’entends ma bien-aimée, ma vierge colombelle... Que ta voix est douce et ton visage charmant ! »

Du sein de Dieu notre Père, la Conception de la Vierge Immaculée, fêtée le 8 décembre par l’Église, annonce la grâce du salut. L’apparition de notre Mère très chérie dans le Ciel du jardin d’Éden, promet des miracles de Miséricorde à la femme pécheresse et son époux, déchus de leur état de grâce et de perfection. Eux, si misérables ! et nous avec eux ! Et Elle, d’une beauté suprême, d’une divine et, pour ainsi dire, d’une infinie perfection. Première “ surprise de l’Esprit ”, que ne discerne pas le pape François au début de l’Histoire sainte. Quel aveuglement ! « Elle est, en effet, plus belle que le soleil, elle surpasse toutes les constellations. Comparée à la lumière, elle l’emporte ; car celle-ci fait place à la nuit, mais contre la Sagesse, le mal ne prévaut pas. » (Sg 7, 29-30)

Mystère sauveur présent dès avant l’histoire humaine, près de Dieu. Car l’Immaculée Conception n’est pas seulement une créature prise d’entre les femmes et prémunie contre le péché, préservée de toute tache. La Vierge Marie est la Personne que Dieu a “ conçue ” dans sa Sainteté, à l’origine des siècles. C’est à Elle qu’il a pensé d’abord, avant même de créer l’univers, avant de créer Adam et Ève, et la suite des générations. Elle est le premier projet de Dieu, Père et Fils, dans leur Esprit-Saint, et de toute éternité, Dieu le Père a voulu la donner pour Épouse à son Fils.

Un poème de saint Jean de la Croix, le Romancero, nous fait voir et entendre leur dialogue : « Une épouse qui t’aime, mon Fils, j’aimerais te donner qui vivre avec nous puisse mériter »...

Bien plus, sainte Louise de Marillac a contemplé, dans tout le réalisme d’une préexistence éternelle, la fleur incomparable de toute la création dans le concert des trois Personnes divines. Son témoignage est daté de « la veille de la Conception de la Sainte Vierge ». Il s’agit très probablement de la vigile du 8 décembre 1658, jour où saint Vincent de Paul, sur la demande de sainte Louise, présenta et ratifia, au Saint-Sacrifice de la Messe, l’oblation perpétuelle de la « Compagnie » des Filles de la Charité, à Marie, leur « unique Mère », sous le vocable de l’Immaculée Conception.

« La veille de la Conception de la Sainte Vierge, ayant entendu la lecture de l’épître de ce jourle seigneur m’a conçue au début de ses desseins, avant ses œuvres les plus anciennes. Dès l’éternité, je fus sacrée, dès le commencement, avant l’origine de la terre » (Pr 8, 22-23) ], j’eus en songe la vue d’une grande obscurité en plein midi, ne paraissant que peu au commencement et suivie d’une nuit très obscure qui étonnait et effrayait tout le monde. Je sentais seulement soumission à la divine Justice. Cette obscurité passée, je vis le plein jour venir, et en quelque partie de l’air fort élevée, j’y vis comme une figure de celle qui nous représente la Transfiguration, qui me semblait être figure de femme.

« Néanmoins, mon esprit fut surpris de grand étonnement qui me portait à reconnaissance vers Dieu, mais telle que mon corps en souffrait, et m’éveillant sur cela, je souffris quelque temps encore ; et la représentation m’en est toujours demeurée en esprit, contre l’ordinaire de mes songes, me représentant cette première grâce en la Vierge être le commencement de la lumière que le Fils de Dieu devait apporter au monde.

« En ma méditation sur le sujet de l’épître, voyant que la Sainte Église appliquait à la Sainte Vierge son être devant la Création du monde, mon esprit y a acquiescé, pensant que non seulement elle était de toute éternité en l’idée de Dieu par sa prescience, mais encore préférablement à toute autre créature pour la dignité à laquelle Dieu la destinait de Mère de son Fils. Il [son être] a su être voulu avant la création de toutes choses terrestres qui pouvaient être témoins du péché de nos pères. Dieu a voulu faire un acte de sa volonté spécifiée pour la création de l’âme de la Sainte Vierge, et ce pourrait aussi avoir été un acte effectif, ce que je soumets entièrement à la Sainte Église, ne m’en servant que pour en honorer davantage la Sainte Vierge, et lui re­nouveler notre dépendance en général, de la Compagnie, comme ses plus chétives filles, mais la regardant aussi comme notre très digne et unique Mère.

« Que soient aimés Jésus et Marie !

« Adorez la Vierge que Dieu a voulu racheter avant la créer, et lui repré­sentez l’état de votre conscience, et lui demandez qu’elle obtienne l’amendement de votre vie, et le délivrement de vos plus urgentes nécessités, comme un plus grand amour à son Fils et une plus forte liaison à sa divinité humanisée. » (Écrits spirituels de Louise de Marillac, éd. 1983, p. 730 ; cf. CRC n° 353, février 1999, p. 33)

Notre Père a fait de ce texte un commentaire “ extasié ” :

« L’épître de ce jour » est la prosopopée de la Sagesse qu’on lit au Livre des Proverbes, chapitre 8, appliquée par la liturgie de cette fête de la “ Conception ” à la Vierge Marie.

« La sainte a rêvé sur ce texte dont elle avait entendu la lecture avant de se coucher et de s’endormir. Le songe se déroule en plusieurs phases. Elle a vu d’abord une “ obscurité ” inhabituelle “ en plein midi ”, comme serait un début d’éclipse, grandissant lentement jusqu’à “ une nuit très obscure ”, comme serait une éclipse totale. Étonnement “ de tout le monde ” : on n’avait jamais vu pareille noirceur, en plein midi ! Effroi, comme il arrive toujours aux animaux les jours d’éclipse. Mais ici, il s’agit de ténèbres spirituelles.

« La sainte, pour sa part, en éprouve plutôt une disposition de soumission intime “ à la divine Justice ”. Ce songe vient de Dieu, comme une vision d’Apocalypse, avertissement d’un châtiment mérité. Soumission : que Sa volonté soit faite !

« Un autre tableau succède au premier, dans une cohérence qui montre bien l’origine surnaturelle de ce songe. Comme à la fin d’une éclipse, la clarté du jour revient et paraît, en “ un ciel fort élevé ”, qui est le séjour de Dieu, naguère visité par saint Paul : “ Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans, était-ce en son corps ? Je ne sais ; était-ce hors de son corps ? Je ne sais ; Dieu le sait... Cet homme-là fut ravi jusqu’au troisième ciel. Et cet homme-là, était-ce en son corps ? était-ce sans son corps ? je ne sais, Dieu le sait, je sais qu’il fut ravi jusqu’au Paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire. ” (2 Co 12, 2-4) »

La théophanie de Tuy a renouvelé en faveur de Lucie ce ravissement « au troisième ciel » dont bénéficia saint Paul, avec la même interdiction à la clef : « Je reçus sur ce mystère des lumières qu’il ne m’est pas permis de révéler. » (Frère François, Fatima, salut du monde, p. 224)

Comment nous représenter le songe prophétique de sainte Louise de Marillac dans sa dernière phase ? « comme une figure de celle qui nous représente la Transfiguration », écrit-elle. Notre Père commente : « Point de frayeur cette fois, mais surprise “ de grand étonnement ” et action de grâces, accompagnée d’une souffrance physique cause de son réveil. Comme il arriva aux disciples, témoins de la Transfiguration du Seigneur sur le mont Thabor, annonçant sa glorification à venir, mais par la souffrance (Mt 17, 12).

« Contre l’ordinaire » des songes qui se dissipent au contact de la réalité, celui-là impose l’identité de la « figure de femme » aperçue en rêve, et l’interprétation de sa « Transfiguration » comme « le commencement de la lumière que le Fils de Dieu devait apporter au monde ».

La Transfiguration de la Mère annonce celle du Fils avec une antériorité qui ramène la méditation de la sainte à la prosopopée de la Sagesse, l’« épître » du jour, où cette antériorité est marquée par rapport à toute la création. L’application qu’en fait la Sainte Église à la Vierge Marie se conjugue avec la vision du songe pour imposer l’idée de la préexistence de la Sainte Vierge, formulée par la sainte religieuse avec une précision admirable. Elle marche d’un bon pas dans ce sentier si étroit, si élevé... comment ne pas la suivre lorsqu’elle pousse la barrière des théories abstraites, scolastiques ? Notre Père s’y engageait avec enthousiasme, non sans avoir observé que « rien ne distingue la Vierge des autres créatures dans la pensée de Dieu si elle ne s’y trouve que par la “ prescience ” en laquelle Dieu connaît tout, dans son éternel présent » de ce qui est sur terre, au ciel et dans les enfers. Mais la Sainte Église fait davantage : elle applique à la Sainte Vierge « son être devant la Création du monde ». Qu’est-ce à dire ? Rien d’autre que ce que nous lisons dans la liturgie de la fête de l’Immaculée Conception, le 8 décembre : « Le Seigneur m’a conçue au début de ses desseins, avant ses œuvres les plus anciennes. » (Pr 8, 22)

INTERMÈDE : PRÉEXISTENCE

«JE ne veux pas disputer  avec les théologiens, pour savoir de cette présence de Marie dans les siècles des éternités divines, si elle est de toujours à toujours, ou de l’origine des temps à la fin des temps et des jours, ou du moment de la création du premier homme et de la première femme, je n’en saurais discuter savamment, et encore moins sais-je, comme eux tous le savent indubitablement ! si cette présence de Marie au Père, au Fils, au Saint-Esprit, et son amour d’elle, répon­dant au leur, est encore une simple conception idéale, une pensée de Dieu, oui ! si Marie est éternellement et à jamais une première et merveilleuse idée divine, figée dans l’immuable éternité de la sagesse divine, là où, sans le savoir, le sentir ni le vivre, nous sommes aussi, et toutes choses, des idées... ou si Marie est dès l’aurore du monde, dès avant le lancement du balancier de la grande horloge cosmique, le big-bang initiateur, si elle est déjà esprit et cœur, âme vivante, déjà notre Reine, avant notre autorisation d’exister, éternellement saisie d’admiration, adorante, et dans une pureté supé­rieure à celle d’aucune créature décevante de ce Dieu qui se propose à son regard et à ses lèvres spirituelles comme Père, Époux et Roi, Esprit infus en elle, en plénitude d’amour mutuel, trinitaire, éternel.

« Je ne sais ! Qui le sait ? Je ne sais même pas ce que veulent dire les sages et les savants, quand ils pensent qu’en Dieu sont des Idées éternelles, et des Amours de ces Idées, et des vouloirs être de ces Idées aimées, sans que pourtant rien n’en existe vraiment, pas même une miette, laissant pendant une éternité d’avant ce qui sera plus tard, dans les années d’après, le monde et toute son histoire, des myriades d’anges bien chantant, et des multitudes d’êtres humains, saints et saintes bien vivants pour une destinée bienheureuse, laissant mon esprit écartelé entre la pensée d’un Dieu d’avant, éternellement et nécessairement solitaire en ses trois Personnes se réjouissant l’une l’autre et la troisième sans aucun témoin, ni aucune confidente, ni fille, ni épouse, ni mère – mon Dieu, quel ennui pour vous ! – et passant d’un saut-en-longueur-record, à l’avenir du monde, après sa fin, à la pensée de ce même Dieu d’après, éternellement et gracieusement comblé de multitudes d’anges et de saints remplissant, enfin ! toutes les immenses salles et chambres de son céleste palais !

« Il me vient alors une ­demi-mesure. Une modeste manière d’intermédiaire entre le Tout d’avant, ab­solument dépourvu de cadeau de Noël, ni mère, ni enfant nouveau-né dans la crèche, et le Tout d’après, absolument encombré de milliards d’adorateurs, et cet intermédiaire, c’est une Immaculée Idée des Personnes divines faite Vierge vivante, adorante, aimante... si petite qu’Elle ne porte aucune ombre à la solitude, à l’unicité, à la perfection ni à l’altière béatitude du Dieu d’Aristote, l’Acte pur... et cependant qu’en Elle déjà se trouve créée une telle merveille et perfection de sagesse, de soif d’adoration, et de vaillant amour, que tout le poids et le volume et le nombre et la figure du reste de l’univers n’y ajoutent pas le moindre surcroît d’être, de vie, de vertu.

« Au point que, si seulement les théologiens et les métaphysiciens me donnaient la permission d’imaginer la toute sage et belle, et espérante et aimante Immaculée Conception : Marie toujours Vierge, dans les embrassements éternels du Père et du Fils l’envahissant de leur Esprit d’amour saint et créateur, il me semble qu’avant le monde tout le monde était déjà en Elle, en son Cœur Immaculé et, qu’après, tout ce monde s’y retrouvera sans que rien en Dieu n’ait vraiment changé, cependant que pour nous autres, changement inouï, d’une seule fois et pour toujours, enfantés de Marie, créés pour Elle par la divine triade, nous serions en ce court intervalle passés du néant à l’être et de l’être terrestre à la béatitude céleste.

« La différence n’est pas grande, et c’est pourquoi je ne retiendrai même pas l’attention de nos vrais philosophes et de nos grands théologiens dont je ne suis même pas le dernier. La différence n’est émouvante que pour les simples et les pauvres, les ignorants et les martyrs de la vie, parce qu’ils espèrent fortement, immensément aller la voir un jour au Ciel dans la patrie ! mais ils n’en ont vraiment la certitude qu’en pensant d’Elle que depuis toujours, évidemment, elle est, Elle, dans les bras du Bon Dieu, qu’ils se connaissent et s’aiment absolument depuis toujours ! et qu’enfin si Jésus est, il a bien fallu qu’éternellement elle ait été sa mère terrestre et qu’elle soit toujours de même, Marie Immaculée, la Mère du Bon Dieu ! Alors, elle nous connaît bien, elle sait bien ce que nous sommes, que nous n’étions que misère et même rien du tout, que nous sommes devenus à travers les milliards d’années, à sa prière, sous son regard, objets de miséricorde et donc que bientôt nous serons transformés de misère en miséricorde, en gloire et béatitude auprès d’Elle dans le sein du Père, de notre bon Père Céleste.

« Tout cela dit par manière de louange à Marie, comme en un prologue de pauvre à l’Évangile de Marie, sans prétention, et faites comme si c’était du délire sans consistance d’un esprit simplement dérangé...! » (25 décembre 1997).

Abbé Georges de Nantes.

Le latin traduit possedit me, « m’a possédée », mais le verbe hébreu qanani est traduit par le grec : « m’a créée ». Cependant, le verbe qâna ne signifie pas “ créer ”. Employé par Ève « qui conçut et enfanta Caïn, elle dit : J’ai acquis un homme de par Yahweh. ” » (Gn 4, 1) Elle ne dit pas qu’elle l’a “ créé ”... Elle l’a seulement “ conçu ”. Ainsi en va-t-il de la Sagesse, qui continue : « Dès l’éternité, je fus sacrée, dès le commencement, avant l’origine de la terre. » (Pr 8, 23) Le verbe hébreu nâsak est le même que celui du Psaume 2, touchant le Messie : « C’est moi qui ai sacré mon roi sur Sion, ma montagne sainte. » (Ps 2, 6)

« Le chaos primitif n’existait pas encore et j’étais déjà enfantée. » (Pr 8, 24) Appliqué à l’« être » de la Sainte Vierge, ce texte lu en latin par sainte Louise évoque successivement sa « conception » (et ego jam concepta eram) puis sa naissance (ego parturiebar).

À tout cela, l’esprit de la sainte religieuse a « acquiescé » avec une vigueur extraordinaire, « pensant que non seulement elle était de toute éternité en l’idée de Dieu par sa prescience, mais encore préférablement à toute autre créature pour la dignité à laquelle Dieu la destinait de Mère de son Fils ». Ce n’est donc pas tant par une antériorité temporelle qu’elle précède les autres créatures, mais c’est par la place qu’elle tient dans la pensée de Dieu. Toutes les autres créatures ensemble ne sont rien en comparaison de la Vierge Marie conçue par Dieu pour être la Mère de son Fils. Sa dignité est l’expression de cette vocation, de ce rôle qu’Elle va jouer, Dieu le sait. Et Elle aussi le sait.

« Il a su... » Qui “ il ” ? « Son être » : mot choisi entre mille avec un merveilleux à-propos métaphysique, pour désigner « son être » dans son existence concrète, tellement parfait qu’il était déjà existant, consistant : elle a su qu’elle avait été voulue « avant la création de toutes choses terrestres qui pouvaient être témoins du péché de nos pères ». La Vierge Marie est l’Immaculée Conception parce qu’elle est venue avant la création, avant que le péché originel n’apparaisse, et même avant qu’aucune créature ne survienne qui pourrait un jour en être témoin. Elle est tout à fait séparée, antérieure donc, dans sa venue auprès de Dieu, chez Dieu, à tout ce qui va être abîmé, souillé par le péché.

« Dieu a voulu faire un acte de sa volonté spécifiée pour la création de l’âme de la Sainte Vierge » : dès le moment où Dieu a décidé de la faire exister, il l’a vue, il l’a “ conçue ”, il lui a donné d’être, comme Celle qui saurait être la Mère de Dieu. Elle est venue à l’être d’une manière tout à fait particulière, création de cette âme avant même qu’il soit question de son corps.

« Et ce pourrait aussi avoir été un acte effectif. » C’est véritablement un acte divin particulier, qui fait venir à l’existence l’âme de la Vierge Marie avant même qu’au­cune autre créature n’apparaisse, ange, homme, terre ou ciel. En raison de sa vocation de Mère de Dieu qui la met au-dessus de tous et de tout. Et donc, la Vierge Marie est avec Dieu, existentiellement, bien avant le péché originel ; avant le commencement du monde, elle est coéternelle à Dieu. Saint Thomas lui-même n’y saurait contredire, lui qui admet comme métaphysiquement plausible, sur la foi d’Aristote, l’éternité de la matière !

« Ce que je soumets entièrement à la Sainte Église » : admirable réserve ! couronnant une extraordinaire au­dace ! N’y ayant là aucune curiosité indiscrète, ni vanité... mais seulement le désir d’ « honorer davantage la Sainte Vierge », par sublime tendresse et dévotion envers notre Mère plus divine qu’humaine, comme infinie par participation ; elle est dans l’amour infini, elle est la liberté de l’amour infini, de toute éternité, parce qu’elle a toujours existé et qu’elle existera toujours. Voilà ce qu’on osera peut-être dire un jour, dans le sillage de sainte Louise de Marillac... et de l’abbé de Nantes.

« Et lui renouveler notre dépendance », dans les termes proposés par la “ pensée ” qui vient ensuite, comme l’expression de la consécration, renou­velée chaque 8 décembre, par la « Compagnie », depuis sa fondation et jusqu’au­jourd’hui.

« Adorez » : comme on adore la Croix, à cause de Jésus qui y est attaché ; ou le Saint Suaire en raison du Précieux Sang dont il est empreint. Sachant qui Elle est, quoi de plus légitime ?

SIGNE DE CONTRADICTION

On lit au numéro 62 de la constitution Lumen gentium du concile Vatican II, que « l’Église professe sans hésitation le rôle subordonné de Marie », alors que la prière millénaire de l’Église, citant l’Écriture, ne cesse de la mettre au commencement et à la fin des œuvres du Très-Haut. Après avoir affirmé, au contraire son « rôle subordonné », le texte de la constitution du Concile sur l’Église ajoute : « Elle ne cesse d’en faire l’expérience ; elle la recommande au cœur des fidèles... » “ Expérience ” concluante : soixante ans après le Concile, avec le pape François, le “ Synode sur la synodalité ” ne réserve aucun “ rôle ” à la Sainte Vierge, bien qu’Elle soit devenue au fil des siècles, observe frère Pierre-Julien de la Divine Marie, « la grande évangélisatrice des temps modernes avec les innombrables sanctuaires qu’elle s’est elle-même choisis pour y attirer les pauvres âmes ployant sous leurs misères et leurs péchés, mais demandant humblement grâce et miséricorde pour se convertir et mener une vie meilleure ». (Il est ressuscité n° 248, octobre 2023, p. 26)

frère Bruno de Jésus-Marie.