20 NOVEMBRE 2016
Le Christ a vaincu le monde par amour
NOUS fêtons aujourd’hui Jésus-Christ, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, pour parler comme l’Apocalypse. C’est une fête bien importante qui semble avoir disparu de la piété actuelle alors qu’elle est de fondation toute récente puisqu’elle date de 1925 et qu’elle a été instaurée par le Pape Pie XI. Comment expliquer cela ?
C’est très facile. Tout simplement parce cette fête est militante. C’est comme si nous étions dans un camp avant la bataille, où l’on applaudit le chef qui, demain, doit nous entraîner à travers les combats les plus redoutables vers la victoire. Oui, le Christ est Roi possède un Royaume, il a ses armées et il livre une bataille à travers l’histoire ; et pour cette bataille, il nous appelle à lui. Il s’agit d’une bataille et il s’agit d’une victoire à remporter sur des forces mauvaises.
Et voilà tout d’un coup ce que nos pseudo-théologiens modernes, avec leur prétendue seigneurie du Christ sur l’histoire, entendaient, non seulement passer sous silence, mais nier cette vérité. La seigneurie du Christ telle qu’on nous la représente actuellement, c’est une rêverie gnostique, faussement contemplative du Ciel ; on vous emporte dans les hauteurs où siège ce Christ diffus, vers lequel roule le monde dans sa marche générale et nécessaire, dans son progrès, dans sa liberté croissante comme dit Teilhard de Chardin. Ce n’est pas du tout le Ciel qu’on contemple : en réalité, ces théologiens nous font adorer l’homme, adorer le monde, adorer l’histoire, le progrès, la liberté. Ils nous font adorer Satan et honorer les œuvres de Satan, comme si elles appartenaient au Christ.
Alors pour répondre à cette hérésie, je voudrais vous faire contempler le Christ-Roi et comprendre quel est l’enseignement, la révélation infaillible, qui nous est donnée dans cette liturgie d’aujourd’hui.
Il est sûr et certain, dès l’Ancien Testament, que la Sagesse de Dieu, que le Verbe de Dieu, a créé le monde avec le Père, qu’il domine le monde, qu’il le mène au gré de leur volonté commune. Mais cette affirmation de principe a besoin d’un complément. Puisqu’il y a un dessein de Dieu dans le monde, nous attendons de savoir lequel.
Eh bien, le voici ! Voici la nouveauté émouvante que nous révèle toute la Bible, depuis la Genèse jusqu’au dernier chapitre de l’Apocalypse, c’est-à-dire depuis la première page jusqu’à la dernière de la Bible. C’est que ce Verbe de Dieu, ce Maître, ce Seigneur, ce Prince, qui est Dieu lui-même, c’est le Fils de l’homme. C’est Jésus de Nazareth. Dire que Dieu est Seigneur, nous le savons bien ! Mais dire que cet homme que l’on a rencontré dans les rues de Nazareth ou de Jérusalem, cet homme ayant toute la faiblesse apparente de l’homme, tout proche, tout fraternel, c’est lui qui détient les clés de l’histoire et qui réalise comme un chef les volontés de Dieu. C’est lui qui va rassembler le monde autour de lui et tout ce qui ne sera pas avec lui sera détruit. Voilà ce qui est prodigieux ! Voilà la révélation prodigieuse, voilà ce que nous honorons aujourd’hui.
Et qui n’est pas avec lui est contre lui. C’est donc bien une lutte puisqu’il meurt crucifié et qu’il ressuscite glorieux pour terrasser ses ennemis. Et jusqu’à la fin du monde, il rassemble derrière lui ceux qui ont pris parti pour lui – le parti de Dieu – et qu’il s’apprête à condamner toutes les puissances infernales ainsi que ceux qui se sont rangés à leur service contre lui.
Vous voyez bien que le Christ-Roi, c’est la révélation que le bien est en lutte contre le mal jusqu’à la fin du monde. Celui qui est contre lui est contre Dieu. L’histoire avance dans la mesure où elle se règle sur son pas. L’histoire piétine, l’histoire tourne à la confusion des hommes et à leur condamnation éternelle dans la mesure où elle se dresse contre lui. Il est le point fixe de l’univers. C’est à partir de lui que se réalise la volonté de Dieu dans l’histoire, et donc par son Église qu’il a fondée et par la Chrétienté qui lui est ouvertement fidèle.
Voilà pourquoi Jésus est Roi et pourquoi, même par des armes pacifiques, il imposera au monde sa loi ; comme un homme qui est Dieu, comme un homme qui est plus fort que ses ennemis et qui, finalement, sera déclaré par Dieu lui-même, Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Ah, voilà la révélation !
Il faut vraiment toute notre foi pour y croire. Où est-il, ce Royaume du Christ, aujourd’hui ? Les progressistes dont je parlais tout à l’heure ont vite fait de trouver la solution : le royaume du Christ aujourd’hui ? « Mais, disent-ils, c’est l’univers tout entier. » Les fidèles du Christ ? « Mais ce sont tous les hommes, de toute religion, de toute obédience, de tout mouvement. » La victoire du Christ ? « Mais regardez-la, c’est le sens même de l’histoire. » C’est trop facile ! c’est une apostasie en réalité.
Non, la victoire du Christ est la victoire de la vérité et de la vie. C’est la victoire de la sainteté et de la grâce, de la justice, de l’amour et de la paix. C’est donc le progrès de l’Évangile. Cette victoire du Christ nous impose un combat de chaque jour. Il faut lui être fidèle au prix de nombreux renoncements. Voilà les vrais chrétiens, voilà ceux qui vont fêter aujourd’hui en vérité le Christ-Roi. Ce sont ceux qui s’attachent à lui, à cet homme et à l’Église qu’il a fondée, et qui mettent toute leur vie, toute leur puissance d’affection, toute leur puissance de sainteté à son service.
Ce nouveau règne grandira et progressera à travers les tribulations et les persécutions, jusqu’aux affrontements les pires des derniers temps dont nous parle l’Apocalypse et dont son Église sera miraculeusement délivrée. Voilà qui nous touche et que nous avons besoin de méditer à la fin de cette année liturgique.
Avant de tourner nos regards vers le Ciel, regardons une dernière fois cette terre qui est le champ d’une lutte terrible, où nous avons besoin des consolations de l’Église parce que nous sommes dans les tribulations, et que ce Royaume du Christ ne nous apparaît pas tellement victorieux. Pour le soutien de notre foi, pour le réconfort de notre espérance, nous avons besoin de méditer sur la victoire certaine et indubitable de Jésus-Christ. Il triomphe, il triomphera certainement.
Oui, nous avons besoin que la liturgie nous le redise pour ne pas tomber dans ce pessimisme noir qui caractérise nos progressistes modernes. Car au fond, tout ce chambardement qu’ils font de la doctrine, de la liturgie, de la discipline et de la morale, tout cela qu’ils cherchent à faire pour plaire au monde moderne, ils ne le font que parce qu’ils sont persuadés que l’Église, telle qu’elle est, ne peut qu’aller à la ruine, que le Christ est en train de perdre son Royaume. Ils manquent de foi ! ils refusent de croire que Jésus est plus fort que tout, que son règne triomphera à jamais.
Il me reste à dire pourquoi le Royaume du Christ demeurera éternellement. Parce que ce Royaume est un royaume d’amour. Parce que ce Royaume est fondé sur le Christ crucifié ouvrant ses bras et tendant les bras au monde entier en signe de paix et de réconciliation, et que les hommes sont travaillés par cette grâce de Dieu, par l’Esprit-Saint afin de se convertir, et qu’ils sont malheureux loin de lui. Tous les autres pouvoirs, tous les autres empires ne peuvent demeurer que par la puissance, par la force des armes, par la violence, par les polices et les camps de concentration. Mais lui, le Christ, continue mystérieusement à attirer les cœurs par le flot débordant de l’amour jailli de son Cœur transpercé.
Voilà pourquoi nous sommes fiers de notre Roi. Même si le Royaume du Christ subit des revers étonnants, même si nous tremblons pour son avenir à certains moments, ayons foi ! Le Christ a vaincu le monde, il a vaincu le monde par l’amour. Alors, chantons ce Christ qui est si digne d’être notre chef. Chantons-le, et demandons au Père qu’il hâte l’heure de son triomphe éternel et universel !
Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du dimanche 29 octobre 1967 (S 6)