26 MARS 2016
La guérison de l’aveugle-né :
révélation du Cœur de Jésus
NOUS avons vu avec le récit évangélique de la Samaritaine comment Notre-Seigneur sut conquérir le cœur des saintes femmes de l’Évangile. Notre-Seigneur a prouvé dans ce monde juif où les femmes étaient méprisées que, pour lui, l’homme et la femme sont dignes de la même attention, de la même affection, car l’un et l’autre sont appelés à la même conversion.
On est touché par ces sollicitudes de Notre-Seigneur envers des femmes souvent pécheresses, car ainsi elles ont été, par cet amour du Christ, ramenées à la juste perfection. Pourquoi a-t-il choisi la Samaritaine, pourquoi a-t-elle été la première personne à qui Jésus a révélé qu’il était le Sauveur du monde ? C’est le bon plaisir de son cœur.
Jésus agira de même avec les hommes, pensez à Matthieu, à Zachée, et il y en a un qui s’offre à nous aujourd’hui et à qui saint Jean a consacré un chapitre entier : c’est l’aveugle-né de Jérusalem.
Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? »
La théorie des Juifs était que la maladie était le châtiment du péché. Ce malheureux aveugle-né était méprisé parce qu’il était soupçonné d’être un grand pécheur, lui ou ses parents. Notre-Seigneur va envoyer promener cette conception des choses.
Faisons bien attention à la manière dont Jésus va s’y prendre afin que cet homme en vienne à le reconnaître comme son Sauveur. En remarquant cet amour qui sort du cœur de Jésus pour rejoindre cet aveugle, le toucher, le saisir de reconnaissance au point qu’il veuille connaître Jésus et s’attacher à lui pour toujours, nous penserons à nous, car Jésus est certainement passé dans notre vie en opérant quelque chose qui ressemble à cette guérison de l’aveugle-né...
Jésus répondit : « Ni lui ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui. Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
L’Action de Dieu c’est la puissance de sa Miséricorde, c’est elle qui va guérir cet aveugle par le moyen Cœur de Jésus. Jésus est la lumière du monde et chacun par conséquent va être jugé selon qu’il la voit ou pas. Autour de Jésus, il y a les pharisiens qui le pressent de questions, veulent le faire périr... ce sont eux les aveugles. Quant à cet aveugle-né, il va bientôt voir.
Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.
Admirable concision de l’Évangile de saint Jean. Mais pourquoi Jésus fit-Il cette boue ? Il aurait pu le guérir d’une seule parole sans se fatiguer, mais non, là nous voyons Jésus se donner de la peine, il fait un peu de boue avec sa salive et l’applique délicatement sur les yeux de l’aveugle. C’est touchant ! Déjà, nous sommes touchés et l’aveugle pendant ce temps ne sait pas ce qui se passe et quelle sorte de traitement cela peut être. Il est dans l’attente.
Cet homme qui est aveugle de naissance est connu de tout Jérusalem. Et dès qu’il voit que fait-il ? Il témoigne du miracle qui vient de se passer.
Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. » Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ’Va te laver à la piscine de Siloé. ‘ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »
Comme cet aveugle nous ressemble, il est tellement humain. On se rappelle toujours, et dans les moindres détails, les circonstances, les personnes, toutes les choses qui nous ont conduits à la guérison d’une maladie grave par exemple. Et lui, toute sa vie, il sera capable de raconter avec les moindres détails comment Jésus avait fait de la boue et lui en avait enduit les yeux, puis comment il était parti.
On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
À leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. »
Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. »
Jésus avait fait le maçon le sabbat, c’était grave !
D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » ainsi donc, ils étaient divisés.
Même parmi les pharisiens s’opère un partage des cœurs, car c’est le cœur qui éclaire l’intelligence : les uns sont aveugles, les autres clairvoyants.
Alors, ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Admirable profession de foi de cet homme simple face à ceux qui se prétendent les plus purs et parfaits des hommes. Il les voit face à face et défie les plus arrogants d’entre eux.
Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? »
Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie. Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »
Tout cela prouve qu’au moment où le miracle a eu lieu, dans les derniers mois de la vie publique de Jésus à Jérusalem, les pharisiens étaient dressés contre Jésus et persécutaient les gens qui avaient le moindre contact avec Lui.
C’est toujours comme cela dans les persécutions. Comment isoler celui qui est l’ennemi ? On sème la peur, la panique, la terreur autour de lui afin que les gens ne le suivent pas, qu’ils ne disent plus ce qu’ils pensent. C’est par peur et lâcheté que les parents disent : interrogez-le.
Nous assistons à un drame où chacun des acteurs joue son rôle. L’un va au salut, l’autre s’enfonce dans un aveuglement définitif.
Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. »
Notre aveugle ne prétend pas leur faire la leçon ni discuter de théologie avec eux, car ce sont eux les maîtres. Il leur revient de juger et de déterminer qui est pécheur, qui est innocent, qui est vrai prophète. Cet aveugle est modeste, il n’est pas comme “ gros Jean ” qui en remontre à son curé, mais au moins il y a une chose dont il est sûr et dont il témoigne : “ J’étais aveugle et grâce à Lui, Jésus, je vois. Pour le reste, c’est à vous de juger. ”
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? »
Là il s’engage un peu plus pour le Christ, il n’est pas dupe de l’hypocrisie des pharisiens et il va prendre un malin plaisir à la démasquer. Ce faisant, il sait bien qu’il va s’attirer des insultes, des vexations et peut-être pire, mais il n’hésite pas et nous montre combien il est déjà attaché à Jésus bien plus qu’à sa réputation ou à son avenir.
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
C’est toujours le même obstacle : on ne sait d’où Jésus est sorti. Jésus ne se donne jamais la peine de répondre là-dessus pour dire : non, je ne suis pas sorti de Nazareth, comme vous croyez ; je suis né à Bethléem. Il ne se rabaisse pas à discuter avec ces gens. Quand on voit ses œuvres, quand on entend sa parole, on n’a pas besoin de demander d’où il est. D’ailleurs notre aveugle ne s’y trompe pas et il leur répond avec une intelligence supérieure.
Il faut se mettre à sa place. Quand on était aveugle depuis sa naissance et que tout d’un coup, on voit clair, c’est prodigieux. Cet homme vit, depuis l’instant de sa guérison dans une espèce de rêve, de prodige. Il ne cesse de repasser dans sa mémoire les événements, les paroles de Jésus, et il cherche à savoir qui peut bien être cet homme pour lui avoir fait cela, à lui qui n’est rien.
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Et le voilà qui fait la leçon aux pharisiens en leur mettant devant les yeux l’évidence qu’ils auraient dû admettre les premiers : si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.
À la différence de ses parents, il n’a pas peur, mais pas du tout, il exulte de joie, et dans son cœur, il se dit qu’il a eu la chance de sa vie de rencontrer un prophète aussi grand et puissant qu’Élie ou Élisée.
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.
Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors, il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui.
Nous sommes en plein parallèle avec la scène de la Samaritaine. Notre aveugle se prosterne tandis que la Samaritaine était vite partie annoncer la bonne nouvelle aux gens de son village, mais c’est le même mouvement du cœur.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour un jugement : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ’Nous voyons ! ‘ votre péché demeure. »
L’humble qui ne voyait pas, par la miséricorde de Dieu, voit désormais, et grâce à ce miracle, il croit.
Les pharisiens qui prétendaient voir aussi bien avec leurs yeux de chair qu’avec ceux de l’esprit et qui pour cette raison tranchaient de tout sans consulter Jésus, le Maître qui leur était envoyé, qu’ils sachent qu’ils sont aveugles.
Profitons de la lecture et de la brève méditation de cet évangile pour faire une communion pleine d’amour à Notre-Seigneur. Comme l’aveugle-né que notre amour se manifeste par le courage à défendre notre foi. Jésus aime les gens courageux, et nous l’avons vu cet aveugle-né était courageux, il aurait pu s’esquiver comme un lâche... et se dire qu’au moment même où il retrouvait la vue ce n’était pas le moment d’avoir des ennuis avec la police... Non, son courage lui vient de son bon cœur qui a été touché par Jésus. Il va rendre témoignage. Entre Jésus et Lui un courant est passé... c’est pourquoi d’ailleurs Jésus va se débrouiller pour le rencontrer de nouveau...
Comprenons que Jésus vient de faire la conquête d’une âme, il l’a fait, non pour prouver aux pharisiens qu’Il est Fils de Dieu, mais c’est un miracle de pur amour. Il a aimé cet aveugle-né. Pourquoi ? C’est son secret. Mais ce que nous avons vu c’est que son amour a embrasé cet homme d’un amour, d’une reconnaissance éperdue, et dans cette ferveur il a tout de suite su à qui il avait eu affaire et il a tout de suite cru que Jésus était le Fils du Dieu vivant.
Depuis notre enfance, nous avons si souvent rencontré Notre-Seigneur dans le sacrement de son pardon... il nous a si souvent guéris de nos aveuglements et de tant d’autres désordres... Souvenons-nous-en, et dans le secret de la communion ayons pour Jésus les mêmes chaleureux sentiments que l’aveugle-né de l’Évangile a eus pour son Sauveur.
Abbé Georges de Nantes
Extraits des sermons du 28 mars 1993 et du 6 avril 2000