L’ÉVANGILE du miracle de la multiplication des pains que l’Église nous donne à méditer en ce 17e dimanche du temps ordinaire nous invite à approfondir le mystère du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie que nous revivons à chacune de nos messes.

Préfiguré par les sacrifices de l’Ancien Testament ; annoncé par Jésus dans son discours sur le Pain de vie à Capharnaüm après le miracle de la multiplication des pains ; institué la veille de sa Passion au cours de son dernier repas avec ses Apôtres, le Jeudi Saint ; célébré sous le rite de “ la fraction du pain ” par l’Église apostolique dès la Pentecôte et, depuis lors, à travers les siècles, sans interruption, de proche en proche, dans tous les pays du monde, le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie ou la messe, est ce qu’il y a de plus grand dans le monde, de plus divin dans l’histoire, de plus unissant le Créateur et Sauveur à sa créature rachetée.

Le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie est à la fois Présence, sacrifice et don.

  • Présence : Le Seigneur a dit à ses Apôtres : « Prenez et mangez, ceci est mon corps ». Personne ne pourra jamais ôter cette parole des Écritures inspirées, pas plus que de la mémoire de l’Église et de sa vie quotidienne. Personne ne saurait non plus en atténuer, en déformer ou en détruire le sens absolument clair et droit, tel que l’a entendu l’Église dans sa tradition catholique : Jésus-Christ, changeant le pain en son propre Corps, se rend ainsi physiquement présent parmi les siens, tel qu’en Lui-même enfin la résurrection et l’ascension l’ont éternellement établi, vivant et glorieux.

En sorte qu’il n’y a plus de pain, ni en substance ni en accidents, ou apparences, subsistants. Tout « ceci », l’hostie sur la patène et sa blancheur, sa saveur, son volume, ses diverses propriétés, sa teneur en éléments chimiques répertoriés, était précisément du pain, est à présent le Corps un et indivisible du Christ glorieux puisqu’Il le dit et qu’Il le fait être tel ! C’est Jésus que je vois, que je touche, que j’adore. Telle est notre foi.

Extension “ vraie, réelle, substantielle ”, de l’incarnation du Verbe, c’est ici son Corps adoptant intentionnellement par sa toute-puissance divine la figure et les propriétés du pain, lui ravissant son existence même, pour être regardé et adoré par ses fidèles, offert à Dieu par son Église, enfin rompu, distribué et mangé, savouré et assimilé par tous dans un repas de communion sacrée.

Cet acte divin et humain, qu’il s’agisse du pain changé en Corps de Jésus-Christ ou du vin changé en son Sang, mérite, et lui seul ! le nom de “ transsubstantiation ” que lui donne l’Église. C’est évidemment un très grand miracle, une unique merveille.

  • Sacrifice : Le Seigneur dit encore à ses Apôtres, « à la fin du repas » : « Ceci est mon sang... qui va être répandu pour la multitude en rémission des péchés ». Ces paroles opèrent le « second acte du sacrement », l’acte significatif et efficace du sacrifice qui renouvelle et représente l’immolation unique du Vendredi Saint où Jésus répandit son Sang pour notre salut. C’est “ l’Action ” comme on appelait jadis la messe, mais l’action de Jésus, rendu présent par la première consécration et maintenant Lui-même appelé, comme Souverain Prêtre, à s’immoler une nouvelle fois comme Victime sainte, par le jaillissement figuratif de tout son Sang dans le calice, « coupe du salut » qui symbolise l’épreuve suprême.

Le sacrifice de la messe continue le sacrifice de la Croix parce que, sur l’autel comme sur la croix, c’est toujours le même prêtre et la même victime : Jésus-Christ réellement présent s’offrant en expiation de nos péchés. Quel singulier miracle que celui du sacrifice rédempteur unique et parfait sur la Croix, reproduit et renouvelé par Jésus lui-même pour nous sur l’autel de nos messes quotidiennes !

Ainsi la messe est-elle un sacrifice propitiatoire par lequel Jésus, vivant et glorieux, applique les trésors infinis de grâce et de pardon obtenus par sa Croix, à la rémission des péchés, à la sanctification et au salut éternel de ceux qui assistent à cette messe, participent à ce sacrement, ou simplement de ceux à l’intention desquels elle est célébrée. Parce que c’est l’action personnelle du Seigneur physiquement présent, chaque messe est un sacrifice, vrai, réel, distinct, qui ne fait pas nombre avec le Sacrifice majeur du Calvaire, mais fait nombre, oui, avec les autres messes qui se répètent inlassablement dans l’Église pour la distribution du salut.

Le Seigneur a dit : « Prenez et mangez... Buvez-en tous... Faites cela en mémoire de moi. » Et saint Paul explique, comme si c’était la suite des paroles de Jésus à la Cène : « Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous publiez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. » (I Cor. 11, 26)

  • Don : Le sacrifice se termine ainsi en célébration de l’alliance des hommes avec Dieu, grâce à Jésus-Christ. C’est un repas de communion sacrée, une eucharistie, c’est-à-dire une action de grâces. Et depuis l’institution de ce sacrement, Jésus nourrit son Église de son propre Corps et de son propre Sang, célébrant ainsi avec elle cette éternelle Alliance qui procure à l’Épouse les biens de l’Époux, la grâce, la vie éternelle et déjà la promesse de cette gloire dont son Humanité ressuscitée déborde et resplendit.

Une si étroite participation de tous les chrétiens à ce sacrifice et à ce repas eucharistique ne peut manquer de les établir dans une profonde et douce communion fraternelle, chacun recevant de ce sacrement un accroissement de ressemblance et d’affection à Jésus crucifié dans les mêmes vertus et béatitudes évangéliques d’humilité, de pureté, de charité, dans le pardon mutuel et le don de soi aux autres jusqu’à la mort.

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la CRC N° 82, p. 8-9 et N° 116, p. 8-10