31 DÉCEMBRE 2023 - SAINTE FAMILLE

La vie quotidienne de la Sainte Famille à Nazareth

NOTRE ancien catéchisme nous dit que « La vie de Jésus à Nazareth a été une vie de prière, d’obéissance et de travail. » C’est net, c’est dur, c’est pur, et suffisant pour régler toute notre conduite.

Une vie de travail... Il fallait travailler, pour occuper son temps, pour gagner son pain quotidien, pour subvenir aux nécessités domestiques. Nos grands Amis de Nazareth étaient soumis à cette loi de la nature et, parce qu’ils étaient pauvres parmi les pauvres, le travail leur fut certainement pénible, souvent même accablant. Ils partageaient ainsi la misère de l’humanité, ils portaient ce fardeau comme le châtiment des péchés du monde, mais l’amour ôtait son aiguillon à cette souffrance bien acceptée.

Nous aussi travaillons, et faisons comme eux de nécessité vertu ! N’allons cependant pas plus loin que nos incomparables modèles. Ils travaillèrent en pensant à Dieu, en faisant saintement sa volonté, en acceptant de grand cœur les croix quotidiennes ; ils accomplissaient les besognes domestiques et leur ouvrage d’artisans, joyeux de se dévouer ainsi les uns aux autres, d’aider les voisins, s’efforçant de contenter leurs clients. Mais des œuvres de leurs mains, de son ménage, de leur menuiserie, il ne reste rien. Grande leçon pour l’orgueil de notre humanisme moderne. Que Nazareth épargne aux chrétiens de sombrer dans cette fausse religion du travail et ce culte idolâtrique du Monde fait de main d’homme !

Une vie d’obéissance... Car l’obéissance est la consécration de toutes nos œuvres terrestres. La nature exige de nous bien des actions diverses, manger, dormir, aller à la fontaine et au marché, fréquenter les voisins, parfois donner un conseil, se récréer. Voilà pour nous bien des « problèmes » et l’objet de « révisions de vie » incessantes. Cela ne faisait pas tant de difficultés pour nos Saints Parents, parce qu’ils savaient la Loi de Dieu et ne pensaient qu’à la mettre en pratique. Saint Joseph et Marie et Jésus lui-même ne pensaient être que des juifs ordinaires, tout soumis à la Loi de Moïse qu’ils savaient par cœur, qu’ils méditaient sans cesse pour s’en imprégner et y soumettre tout le détail de leurs actions. Ainsi étaient-ils Justes aux yeux des hommes et amis de Dieu. Ainsi demeurent-ils nos modèles. Une morale nouvelle pour notre temps ? Ah ! qu’il n’en soit pas question ! Nous n’en voulons d’autres que celle de l’Église, celle que les saints ont tirée de l’exemple de Nazareth !

Une vie de prière enfin et surtout... La prière, disait-on autrefois, est la respiration de l’âme. Cela ne paraît plus du tout compris. Puisque notre vie terrestre est marquée par la grande loi du temps qui s’écoule, il faut meubler cette durée d’actions répétées. Comme notre corps a besoin de nourriture quotidienne et de repos, notre organisme spirituel ne subsiste et ne se fortifie qu’en s’alimentant aux sources de la grâce et en s’y reposant. Comme les affections humaines ont un impérieux besoin de se manifester par des gestes et des mots de tendresse, ainsi en va-t-il de l’amour de Dieu, et l’amour du prochain s’y retrouve et s’y épanouit.

La vie pour les Saints de Nazareth, c’était d’abord prier, s’unir dans la contemplation, s’y renouveler, s’y fortifier, s’y réjouir. Je crois que nous cherchons trop loin comment vivre en bon chrétien. Tout ce que nous savons de la Sainte Famille nous assure que cela consiste à prier dans les formes voulues par Dieu, instituées par son Église. Oui, aller souvent à l’Église, s’y tenir près de Jésus, l’adorer, recevoir les sacrements, réciter son chapelet. Tout cet univers de dévotion est l’équivalent dans nos vies des longues heures du culte divin et de l’admirable piété de Marie et de Joseph auprès de Jésus...

Cette description de la vie quotidienne à Nazareth vous paraîtra peut-être un peu courte, au fond, mesquine. Point là de grands projets, rien qui soit exaltant pour notre humanisme, et même aucune trace de cet esprit d’apostolat, de cette ardeur missionnaire dont on fait grand cas de nos jours. C’est vrai. Nous ne voyons pas qu’il y ait même eu dans ce foyer de véritable ouverture au monde.

Et bon nombre de nos familles chrétiennes sont à son image et à sa ressemblance, fermées, cachées, secrètes comme des sanctuaires. Mais un jour, comme de l’humble maison de Nazareth, s’envole de la cage aux barreaux protecteurs, un élu, une recrue pour la grande Cause de Dieu, vierge contemplative, missionnaire, prêtre ou moine, qui portera invinciblement partout cet exemple, gravé au fond de lui-même pour la vie, de l’amour et de la foi, de la paix et des joies que Dieu donne aux chrétiens. Oui, mais cela se mûrit lentement, dans l’humilité et le silence. De Nazareth, que peut-il sortir de bon ?... Le Sauveur du monde. Voilà de toutes les leçons de l’Évangile la plus utile à notre temps. Si vous voulez le salut du monde, recréez de saintes Familles et d’autres Nazareth !

Abbé Georges de Nantes
Extraits de la Lettre à mes Amis n° 221, janvier 1966