Mort, jugement, éternité

AU Jugement dernier, le Christ appellera ceux qui seront placés à sa droite à entrer dans son Royaume, et il leur dira : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. » Puis il maudira les gens de sa gauche en disant : « Allez, maudits, au feu éternel ! »

Les élus sont ceux qui ont renoncé au monde, au moins de cœur, et qui se sont attachés aux préceptes évangéliques. Les autres sont des mondains. Nous n’avons pas cependant à anticiper nous-mêmes le Jugement, car nous savons qu’il sera une œuvre proprement divine tout d’abord, et qu’ensuite la frontière de ces deux camps passe aussi au milieu de notre âme. Tout de même, si nous voulons être phalangistes, il faut nous séparer des mondains. Qu’est-ce qu’un mondain ? La célèbre méditation de saint Ignace sur  les deux étendards nous permet de le définir.

Le mondain est celui qui se laisse persuader graduellement par les démons, en trois étapes : d’abord par l’attrait de l’argent. Ce premier filet empêche les hommes de se sauver. Puis lorsqu’ils sont bien liés par la cupidité et l’avarice à cette idole de l’Argent, un autre filet plus résistant les enserre : celui de l’amour-propre ou de la vanité, qui les fait renier leur maître pour des décorations, des louanges ou une popularité quelconque que le monde leur offre. Enfin quand l’homme s’est habitué à être flatté, adulé, à devenir mondain lui-même, le démon jette son dernier filet : celui de l’orgueil par lequel cet homme, dans sa suffisance, se préfère à Dieu. C’est le péché contre l’Esprit-Saint dont le Christ a dit qu’il est sans remède. À nous de nous en dégager !

Que pouvons-nous dire du chemin des élus ?

C’est celui de ce Christ serein, majestueux et tellement attirant de la méditation des “ deux étendards ”, qui envoie ses apôtres en tous lieux. Or il leur recommande précisément le contraire du démon, en excitant les hommes à se dégager de l’argent. La pauvreté est donc la première imitation du Christ. Mais une fois l’argent méprisé, l’homme devra apprendre pour être plus près du Christ à accepter les humiliations, à pratiquer l’abnégation et même l’abjection – c’est le mot qu’aimait le Père de Foucauld – se rapprocher ainsi du Christ et fendre la foule ce qui exige, bien avant l’heure de notre mort, de faire un effort pour remonter le courant.

À ce moment-là, les apôtres du Christ vous donneront leur leçon suprême : le goût et l’amour de l’humilité devant Dieu. En cette fête du Christ-Roi, il faudrait que nous voyions par avance notre propre mort. Que nous prenions la résolution de ne pas attendre cette heure-là pour être sages, sensés, fidèles à l’Évangile.

Pour combler de satisfactions le Cœur de Jésus et de Marie, détachons-nous du monde, de l’argent et de nous-mêmes, afin de remplir notre vie d’œuvres méritoires, salutaires, toutes à la gloire de Dieu, pour le salut de nos âmes et de ceux que nous aimons.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 2 novembre 1984