dimanche 29 décembre

La douce rencontre au temple de Jérusalem

La douce rencontre au Temple de Jérusalem

Le court récit de saint Luc racontant le pèlerinage que fit la Sainte Famille à Jérusalem, lorsque Jésus eut douze ans, sert d’épilogue à l’enfance du Christ et préfigure sa mission à venir. Jérusalem qui a rejeté son Messie enfant nous est apparue comme d’ores et déjà déchue. Jésus ne doit plus y monter que pour s’y manifester, y mourir et ressusciter le troisième jour.

C’est ce que mime l’Enfant-Jésus en restant dans la ville « à l’insu de ses parents », s’arrachant à leur affection. Ce n’est qu’au bout de « trois jours » de recherches angoissées qu’ils le retrouvent dans le Temple, « assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant ; et tous ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses. »

La scène est charmante ! Mais que pensa Jésus des réponses des docteurs ? Dans dix-sept ans, il reviendra à Jérusalem pour confondre la mauvaise foi de ces scribes et pharisiens hypocrites, dénoncer leur orgueil et libérer le peuple de leur autorité usurpée. Et eux, ils mettront à mort celui qui les avait charmés naguère par sa sagesse précoce.

La Vierge Marie embrasse son enfant et lui demande : « Mon enfant, pourquoi nous avez-vous fait cela ? Voyez ! votre père et moi, nous vous cherchions, angoissés. »

Tandis que Marie lui désigne saint Joseph comme son père, Jésus répond en montrant le Ciel : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? »

Depuis douze ans, cet enfant délicieux, si sage, n’avait jamais rien laissé paraître de sa science divine et ses parents ne lui avaient jamais parlé des merveilles de sa naissance. Or cette parole fulgurante éclate à leur intelligence, à leur cœur : “ il sait ”. Qui lui a appris ?

Il sait tout. Dans l’échange de leurs regards, Jésus et Marie se découvrent. Tout change : de ce jour, leur vie cachée deviendra une vie ouverte, Cœur à Cœur, âme à âme, Jésus annonçant à ses parents, à eux d’abord, tout l’Évangile.

La Vierge Marie affirme qu’Elle et saint Joseph ne comprirent pas tout de suite la signification de la réponse de leur enfant. Non pas qu’ils aient ignoré son origine divine, miraculeuse, que leur avait révélée l’Ange du Seigneur. Mais cette parole de Jésus inaugurait les révélations qu’il leur ferait sur l’inhabitation du Fils dans le sein du Père ; et sa disparition de trois jours était la figure prophétique de la douloureuse passion qu’il lui faudrait endurer, de sa mort sur la Croix, et de sa résurrection « le troisième jour », par obéissance à son Père.

La Vierge Marie méditera longuement ces événements dans son cœur et tout l’Évangile de saint Jean, qui est par excellence l’Évangile de la Vierge, en gardera l’empreinte, illustrant cette révélation première de l’intimité de Jésus et de son Père.

« Il redescendit alors avec eux et revint à Nazareth ; et il leur était soumis. Et sa mère gardait fidèlement toutes ces choses en son cœur. Quant à Jésus, il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes. » (Lc 2, 51-52)

Nous n’en saurons pas plus. « L’Évangéliste après en avoir raconté le début, a fait silence sur ce mystère incomparable de trois Cœurs de chair battant au rythme d’un seul Cœur ; au rythme de Dieu ! »

Il nous revient d’imaginer, en nous aidant de ce que nous savons de la vie des saints, de la sainte famille Martin, par exemple, ce qu’ont pu être ces trente années d’intimité des trois plus saintes personnes que la terre ait portées : vie de prière, de labeur et de silence.

« Nazareth, écrit notre Père dans sa Lettre à mes amis n° 82, c’est une maison perdue, ignorée, sous le toit de laquelle une Vierge consacrée et un Prince de Vertu adorent à cœurs perdus leur Dieu et Sauveur. Il n’y a rien de plus semblable à Nazareth qu’une maison où est adoré jour et nuit le Saint-Sacrement exposé ! »

Cependant, ce silence de l’Évangéliste est significatif aussi de la condition d’abjection qu’a embrassée le Fils de Dieu. Abjection, c’est-à-dire obscurité et persécution.

Obscurité de trente années apparemment inutiles. Dieu a jugé qu’il n’en fallait pas moins pour nous révéler « le peu d’importance de bien des choses » et nous guérir de nos illusions et ambitions mondaines.

Persécution, aussi, car constamment dans la Bible, le juste est persécuté, la vertu est méprisée, l’amour n’est pas aimé. Pendant trente ans, Jésus, Marie et Joseph ont souffert de l’hostilité sourde et du péché de leurs compatriotes.

Ces trente années furent ainsi pour eux une longue et silencieuse préface au drame de la Rédemption. C’est ce que résume notre Père dans un dernier bouquet spirituel : « Nazareth – et, nous l’avons vu, l’Évangile de l’Enfance tout entier – ne s’oppose pas au drame de la vie publique et de la Croix, il y mène. »

Frère Guy de la Miséricorde
Extrait de Il est ressuscité ! n° 249, novembre 2023