Noël 2024

Noël : un événement historique

raconté par saint Luc

Nativité de Murillo

La Nativité de Jésus à Bethléem nous est racontée en détail dans l’Évangile de saint Luc. Il commence en évoquant le plus célèbre personnage du temps, César Auguste. Le recensement qu’il ordonna de la population de son empire était pour des juifs une marque suprême de démesure. En fait, il ne fut que l’occasion providentielle pour faire monter Marie et Joseph de Nazareth à Bethléem. Saint Luc, malgré sa rigueur historique, ne se soucie pas de dater l’événement, car la naissance du Fils de Dieu devient le nouveau centre de l’histoire, la nouvelle référence. Le recensement date donc... de la naissance de Jésus ! Nous sommes au soir du 24 décembre de l’an 1 avant l’ère chrétienne. (cf. “ L’an 1 de son ère, Jésus naquit à Bethléem ”, par frère Bruno Bonnet-Eymard, CRC n° 362, déc. 1999).

« Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, à la ville de David, qui s’appelle Bethléem – parce qu’il était de la maison et de la lignée de David –, afin de se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. »

Saint Joseph aurait pu faire le voyage seul pour cette formalité administrative. Mais c’est à Bethléem qu’était sa résidence ordinaire et s’il avait résolu d’y emmener Marie, malgré son état de grossesse avancée, c’était en vue de s’y établir définitivement. Cela lui semblait d’autant plus opportun qu’il savait par les prophéties que le Messie devait naître à Bethléem, la cité de David.

« Or il advint, comme ils étaient là, que les jours furent accomplis où Marie devait enfanter. » Mais « ils manquaient de place dans la salle » : la salle commune de la maison de famille de Joseph. D’autant que toute la parentèle avait rallié aussi Bethléem pour le recensement : quelle agitation pour mettre au monde un Enfant-Dieu ! Ils trouvèrent donc un refuge tranquille dans une pièce attenante servant d’étable, où logeaient le bœuf et l’âne.

Saint Luc nous raconte alors cette naissance avec une pudeur et une délicatesse merveilleuses : « Elle enfanta son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche. »

Heure d’extase, d’adoration. Sans avoir à se remettre des fatigues et des douleurs qui sont le partage des filles d’Ève, Marie prend soin de son bébé elle-même. C’est dans cette solitude inouïe que survient l’acte le plus prodigieux de l’histoire, que s’accomplissent les prophéties d’Isaïe, de Daniel et de tant d’autres, que se réalise l’espérance millénaire d’Israël : Dieu paraît au monde.

Il est le fils « premier-né » de Marie, premier-né d’une multitude de frères, nous autres, baptisés, enfants de Marie. Décidément nous découvrons dans l’Évangile, en germe, tous les privilèges de Notre-Dame, objets de notre dévotion réparatrice aujourd’hui. Après son Immaculée Conception, sa Médiation, sa virginité perpétuelle, voici annoncée sa Maternité universelle. Et nous ne sommes pas encore au bout de nos découvertes...

« Elle mit au monde... Elle enfanta... Elle l’enveloppa... » : il n’y en a que pour Elle ! Saint Joseph lui-même disparaît dans un coin d’ombre. Il ne demande d’ailleurs pas mieux et pleure tant qu’il peut en contemplant la scène.

Les anges aussi, descendus du ciel dans cette humble étable, ne perdent rien du spectacle. Dans quelques instants, c’est précisément ces deux gestes de Marie, « elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire », qu’ils donneront pour signe aux bergers.

En effet, après s’être abandonné aux adorations et aux tendresses de Marie, de Joseph, Jésus doit commencer ses audiences et les anges s’en vont convoquer ses sujets. En commençant par les bergers.

Des bergers comme le fut David, dans cette même région de Bethléem ; bergers comme le sera Jésus, notre Bon Pasteur. Ce sont des êtres pauvres, frustes, mais que leur métier tient à l’écart des villes, de Jérusalem et Bethléem, hostiles ou indifférentes à Jésus. De siècle en siècle, le Ciel a toujours eu une prédilection spéciale pour les bergers, jusqu’aux trois pastoureaux de Fatima.

Or : « L’Ange du Seigneur se tint près d’eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté. »

C’est une théophanie, une vision de Dieu. L’ange apaise leur crainte religieuse et leur annonce la bonne nouvelle : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. » Le Christ, c’est le Roi, le Messie attendu, qui a reçu l’onction divine. Et l’ange l’appelle « Seigneur », c’est-à-dire Dieu. Ce Sauveur, ce Messie, est Dieu fait homme. Quelle grandeur ! Et pourtant, voici le signe que leur donne le messager céleste : « Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. »

Ce signe de Noël, à travers les siècles, est aussi une épreuve pour notre foi : il nous est demandé d’adorer un Dieu fait enfant, un Sauveur au berceau, un Roi miséreux. Cependant, Dieu se révèle bien mieux dans cette abjection que dans le plus beau des palais ! Le Fils de Dieu surclasse toute concurrence en choisissant de se manifester dans une étable, sur de la paille, entre un bœuf et un âne. Cela, personne ne l’a jamais fait !

Tout de même, ce soir, cette petitesse se drape d’une splendeur céleste, car « soudain se joignit à l’ange une troupe nombreuse de l’armée céleste, qui louait Dieu, en disant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa complaisance ! ” » Dans les lumières et les musiques angéliques, c’est la plus belle théophanie de toute la Bible.

Bien sûr, les bergers se précipitent à la crèche. « Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche. »

Dans cette Bethléem dont le nom signifie « maison du pain », celui qui enseignera trente ans plus tard qu’Il est le Pain vivant descendu du Ciel, est couché dans une mangeoire... Quelle figure ! La Vierge le présente aux bergers, pour qu’ils l’embrassent, de la même manière qu’elle nous le présente aujourd’hui à manger, comme notre pain eucharistique, lors de nos communions réparatrices. C’est pour cela que Jésus s’est incarné !

Tandis que les bergers repartent et publient la bonne nouvelle, « Marie conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur. » Ce verset fonde notre dévotion au Cœur Immaculé de Marie ! Discrètement désignée par saint Luc, il devient évident qu’elle est le personnage principal et la source de ce récit de la nativité de notre divin Sauveur que nous voulons adorer et honorer, aimer de tout notre cœur, en ce saint jour de Noël.

Frère Guy de la Miséricorde
Extrait de Il est ressuscité ! n° 249, novembre 2023