4 AOÛT 2024

Le discours sur le pain de vie de Capharnaüm

APRÈS le miracle de la multiplication des pains, dont nous avons entendu le récit dimanche dernier, lorsqu’il arrive à Gennésareth, non loin de Capharnaüm, Notre-Seigneur est aussitôt reconnu par les Juifs qui le cherchaient partout : il n’était pas monté dans la barque avec ses disciples, et pourtant il n’était plus là ! L’ayant enfin trouvé, « ils lui dirent :  Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? 

« 26 Jésus leur répondit :  En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non pas parce que vous avez vu des signes, – c’est-à-dire, “ non pas parce que vous avez compris la leçon de ce signe que je vous ai donné ” – mais parce que vous avez mangé du pain et avez été rassasiés. 27 Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, car c’est lui que le Père, Dieu, a marqué de son sceau. ” » (Jn 6, 26-27)

Admirons la sérénité de Jésus, son “ audace ” même, de tenir un langage si élevé, divin, presque inaccessible à cette foule travaillée par des ambitions terrestres et des désirs charnels, et qui vient à Lui dans l’espoir d’être rassasiée. Ici Notre-Seigneur use encore de sa divine pédagogie : il utilise un signe sensible, tangible, le pain qu’il a multiplié, pour révéler la nourriture spirituelle qu’il veut donner aux âmes.

Et, tout de même, ces Galiléens le suivent, et sont prêts à faire ce qu’il dit :

« Ils lui dirent alors :  Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ?  29 Jésus leur répondit :  L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. ” »

Donc ce n’est plus un précepte moral, la pratique de la Loi. C’est la Foi, la soumission, la confiance en Dieu, la communion à l’œuvre de Rédemption qu’il est en train d’accomplir.

« 30 Ils lui dirent alors :  Quel signe fais-tu donc, pour qu’à sa vue nous te croyions ? Quelle œuvre accomplis-tu ? 31 Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit : Il leur a donné à manger du pain venu du ciel. ” »

Ils sont en retrait : pour croire en Jésus, qui leur promet une nourriture céleste, ils demandent un signe plus grand que la simple multiplication du pain terrestre qu’il vient d’accomplir, puisque leurs pères dans le désert ont eu mieux !

« 32 Jésus leur répondit :  En vérité, en vérité, je vous le dis, non, ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel ; – cette manne était la nourriture des corps, mais non pas le vrai aliment célestiel – mais c’est mon Père qui vous le donne, le Pain qui vient du ciel, le vrai ; 33 car le Pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde. » (Jn 6, 28-33)

Et les Galiléens, là encore, le suivent :

« 34 Ils lui dirent alors :  Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là.  35 Jésus leur dit :  Je suis le Pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim ; qui croit en moi n’aura jamais soif. ” »

Révélation sublime, stupéfiante, mais qu’ils ne vont pas, qu’ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne sont pourtant pas endurcis dans leur impiété, comme les juifs de Jérusalem, mais ils sont enfermés dans les réalités charnelles de l’ancienne Alliance. Jésus ne leur en veut pas, il va leur expliquer le mystère qui préside à cette élection divine :

« 36 Mais je vous l’ai dit : vous me voyez et vous ne croyez pas. 37 Tout ce que me donne le Père viendra à moi, et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors ; »

Celui qui vient à Jésus ne peut le faire que par une certaine grâce du Père Céleste qui l’attire vers son Fils. Et Jésus reçoit, aime et évangélise ceux qui viennent à lui, par amour de son Père qui les lui confie :

« 38 Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la Volonté de Celui qui m’a envoyé. 39 Or c’est la Volonté de Celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour. »

À évoquer ce mystère, Jésus paraît ravi, impressionné par la grandeur de sa mission :

« 40 Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. »

Jésus est la nourriture vivifiante, salutaire pour ceux qui croient en lui. Mais, bien plus, il achève la révélation de son Cœur Eucharistique : « Et même, le Pain que je donnerai, c’est ma Chair, pour la vie du monde » (Jn 6, 43-51)

C’est par la manducation de sa propre Chair que notre âme sera rassasiée. Notre-Seigneur a voulu élever ces juifs charnels au désir de la nourriture spirituelle que Dieu leur donne, qu’Il est lui-même. Et maintenant, avant même qu’ils ne réclament encore un signe sensible de ce don spirituel, il leur annonce la grâce meilleure, l’offre indépassable : le don de sa propre Chair, offerte en sacrifice, devenue victime expiatrice, donnée en nourriture pour la vie du monde.

Ces paroles sont Esprit, il faudra que ces âmes reçoivent l’Esprit-Saint pour pouvoir les comprendre, et elles sont Vie, Vie que Jésus pourra communiquer quand il sera ressuscité d’entre les morts. En attendant, on voit Jésus se heurter à un mur d’incompréhension, pour ainsi dire : parce que l’Esprit-Saint n’a pas encore été donné, les cœurs sont fermés. Il faudra passer par la Croix.

La Sainte Vierge assistait à tout cela dans la synagogue, admirant immensément la Sagesse des paroles de Jésus, et son courage. Elle comprenait tout, elle qui depuis son tout jeune âge, se nourrissait de ce Pain de Dieu, sa Parole, son Verbe. Et c’est Elle, l’Immaculée Conception, qui a formé dans son corps non voué à la corruption, cette Chair qui donne la Vie et la résurrection à ceux qui la mangent. Elle était navrée de l’incompréhension des Juifs, de leur dureté de cœur et d’esprit, sachant bien qu’ils en viendront à le tuer. Mais aussi, comme son Fils, cela lui faisait désirer cette Passion, justement pour que ces âmes puissent se convertir, et que ce magnifique dessein eucharistique s’accomplisse.

Frère Bruno de Jésus-Marie
Extrait de L’annonce de la Croix, Il est ressuscité ! n° 254, février 2024