dimanche 17 août 2025
Le chrétien est-il
pacifique ou pacifiste ?
Aujourd’hui, Jésus nous surprend par la violence de sa parole : « Pensez-vous que je sois apparu pour établir la paix sur la terre ? Non ! ». Nous sommes tellement conditionnés depuis le Concile Vatican II à penser que toute guerre est mauvaise, interdite et que la paix est un idéal à poursuivre, quel qu’en soit le prix, que cet évangile nous choque. À tort ou à raison ? Quelle est la doctrine de l’Église sur la guerre ?
Au Paradis terrestre, il n’y avait pas de guerre. Adam et Ève étaient dans un état de justice et de sainteté originelle. Et s’ils ne s’étaient pas révoltés contre Dieu, s’ils n’avaient pas désobéi, leurs descendants l’auraient été aussi. Il n’y aurait pas eu de drame ni d’attentat fratricide de Caïn sur Abel ; il y aurait eu la paix. La guerre est donc un mal qui nous est venu par le péché originel et donc sous l’instigation du démon.
Le Royaume du Christ, c’est dans la plénitude de son accomplissement, le Royaume du Ciel, mais il s’instaure par l’Église dès ici-bas. Saint Pie X disait tout simplement avec sagesse que lorsque toutes les nations pratiqueront la Religion Catholique, la Paix mondiale, universelle sera possible. La condition c’est non seulement de croire au Christ et à l’Église, mais de mettre en pratique leurs commandements. Alors, oui, la guerre pourra disparaître dès cette terre. C’est cette paix universelle que Notre-Dame de Fatima est venue apporter au monde, moyennant quelques petites conditions... On ne lui obéit pas, la guerre continue donc de ravager le monde...
La guerre, il faut bien le constater, est l’état naturel des peuples, dans notre condition terrestre, universelle, où il y a des méchants, et où les sept péchés capitaux sont la conséquence du péché originel.
La guerre peut donc survenir entre les hommes à tous les niveaux et tout le temps ; mais le chrétien, lui, est prêt à se battre pour se défendre et défendre les siens, pour établir un ordre plus vertueux. Voilà donc, comment les chrétiens dans un monde mauvais, frappé par le péché originel, doivent bien se défendre. Cela se comprend tout seul.
Dans notre condition présente de fils d’Adam, la violence est omniprésente, tout le monde peut tout d’un coup, perdre sa justice et sa sainteté habituelles, même des chrétiens excellents peuvent en venir aux mains, aux coups, aux injures, et si ce sont des nations, à des guerres. Le grand progrès de la civilisation chrétienne a été de limiter ces conflits en construisant des sociétés hiérarchiques. Lorsque, par exemple, un roi ou un gouvernement de quelque ordre qu’il soit, gère son pays avec une autorité suffisante, il arbitre les conflits par sa justice, et il les empêche de dégénérer par sa police.
Par des moyens de justice et de police, un gouvernement arrive à ôter la guerre, à réduire les conflits de telle manière que la guerre soit arrêtée par des moyens légaux et légitimes. Tel est l’immense progrès de la civilisation chrétienne, et de ce point de vue là il faut dire que Jésus-Christ a réussi son œuvre. Il est vraiment le Prince pacifique, parce que dans les sociétés vraiment catholiques bien ordonnées, les conflits sont aisément résolus par la justice que distribue l’État légitime, chrétien. Le roi très chrétien saint Louis rendait la justice et dirimait les grands conflits.
Il est dans l’ordre des choses voulu par Dieu que les États fassent régner la paix à l’intérieur des frontières avec une autorité, une souveraineté indiscutable, car elle leur vient de Dieu. Mais chaque État, c’est une constante de l’histoire, doit se méfier aussi des autres États qui peuvent être jaloux de sa prospérité, jaloux de sa richesse, jaloux de son territoire, et qui peuvent un jour venir les attaquer. Chaque État doit anticiper cette menace et donc depuis les origines jusqu’à la fin des temps, il faut que nos pays catholiques aient une armée. Cette armée doit être considérée comme la prunelle de l’œil de la Nation, comme le bras de la Nation, comme la protection de toutes ses familles.
L’armée possède une tradition militaire qui est la tradition de la force au service du pays au service de l’indépendance nationale, de ce pré carré qu’il faut défendre contre l’envahisseur ; c’est clair et c’est pour cela que l’Armée obéit au Chef de l’État. Il peut se tromper, mais néanmoins, il réfléchit en fonction du bien commun du pays. Le Christ l’enseigne dans sa parabole du roi qui médite lorsqu’il apprend qu’une armée étrangère est en marche pour envahir son pays : suis-je capable de le vaincre par la force ou faut-il que je m’entende avec lui, faute de pouvoir le vaincre ? Eh bien, si le roi décide qu’il faut faire la paix ou qu’il faut faire un armistice, il faudra bien sûr que l’armée lui obéisse et que chacun ne se dise pas, moi je suis plus intelligent que le roi et je pense qu’il faut continuer la guerre. Et si le roi dit : en avant, mobilisation générale, que le but de la guerre soit juste ou pas très juste, ou obscurément juste ou tout à fait injuste, la France est en jeu. Il faut y aller. Telle est la noblesse de l’armée française, la noblesse des armées chrétiennes. La guerre et le service de l’armée ne sont qu’un moyen pour atteindre une fin qui est la paix.
Or, force est de constater qu’aujourd’hui cette doctrine traditionnelle n’a plus cours. L’atmosphère que nous respirons actuellement dans notre Église postconciliaire est une atmosphère pacifiste où la guerre est considérée comme un mal intrinsèque ; c’est intrinsèquement mauvais de faire la guerre, de la préparer même, parce que celui qui la prépare se met sur le chemin de la guerre et finalement la provoque.
Avec de tels sophismes et équivoques, il est certain qu’aujourd’hui au nom du Christ et de l’Église, on veut que nous soyons pacifistes, c’est-à-dire que nous disions que toute guerre est mauvaise, toute guerre est interdite. Mais c’est différent de ce que nous lisons dans l’Évangile, car l’Évangile dit : « Bienheureux les pacifiques » et non pas les pacifistes. Le pacifiste, c’est celui qui veut que toutes les guerres s’arrêtent, « plus jamais la guerre », disait Paul VI. Cela n’existe pas, car il y aura toujours quelqu’un qui continuera à la faire jusqu’à ce que l’on en l’empêche.
Si nous écoutons l’Évangile à la lumière de l’Ancien Testament, et tout cela éclairé par 2000 ans d’histoire de l’Église, nous savons que le pacifique peut être aussi bien soldat, car le soldat chrétien est celui qui a voué toute sa vie à la légitime défense de ses proches et de sa cité, de sa patrie et même d’autres pays qu’il faudrait secourir. C’est un idéal chrétien, évangélique, et voilà pourquoi ni Jésus, ni les Apôtres, en particulier Saint Paul, n’ont jamais eu aucun mépris pour aucun soldat romain, aucun centurion, aucun chef de guerre et l’Église pas davantage, jusqu’au Concile Vatican II exclusivement.
Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 11 novembre 1988