Point 23. Contre l’universalisme
de Jacques Maritain

L’impatience des divisions religieuses du monde et des trop étroites limites de l’Église catholique romaine produit des méfaits comparables à l’impatience des progressistes pour les lenteurs de l’histoire et les imperfections séculaires de l’Église.

1. À certains grands cœurs modernes, dont le type est Jacques Maritain, l’unité et la catholicité de la Chrétienté médiévale et classique, encore offusquées et abîmées par la Réforme protestante, ont paru prisonnières de limites trop étroites, dues à trop d’intolérance, indignes enfin de l’Esprit-Saint qui, lui, ne se tient point en un ghetto et que nulle barrière n’arrête ! Ils préconisèrent donc « une nouvelle Chrétienté» qui, pour être plus large, plus ouverte, enfin réellement universelle, de « sacrale» se ferait « profane ». Au lieu d’en être le Roi des rois, le Seigneur glorieux, Jésus-Christ y serait serviteur du monde, incognito. Au lieu d’y présider en « mère et maîtresse », l’Église s’en ferait la servante, proposant son Évangile comme un levain discret, anonyme, invisible, dans la pâte d’un monde païen.

2. La grande tentation des chrétiens de ce temps, tentation que le judaïsme leur présente mais qui invertit le mouvement de la révélation biblique, la faisant régresser vers ses sources charnelles et ses temps d’imperfection, est celle du sécularisme. Cet humanisme, qui se dit volontiers postchrétien, naturalise le surnaturel, pour réduire nos dogmes, nos sacrements, nos liturgies à une mythologie, à un trésor de symboles profondément et seulement humains, manifestant la valeur suprême des choses charnelles, terrestres, humaines. Puis, par un mouvement complémentaire, il surnaturalise le naturel, exaltant les réalités du monde présent jusqu’à en faire l’absolu, le divin de l’histoire humaine, rejetant totalement de nos horizons le Christ, Dieu descendu du Ciel, et son Église, notre Mère qui nous reconduit sur ses traces vers ce Ciel où Il est retourné.

3. Par une « révolution tranquille» s’accomplirait cette immense mutation voulue par l’Esprit, annoncée par les signes des temps, exigée par le monde moderne. Au lieu d’être fondée sur la foi en Dieu et soumise à l’Église romaine, la nouvelle Chrétienté serait fondée sur la foi en l’homme, base de la civilisation moderne, et gouvernée par une assemblée démocratique mondiale. L’Évangile du Christ, transposé en termes neutres, correspondrait au dénominateur commun de toutes les idéologies et croyances jadis concurrentes, désormais convergentes : la Déclaration des droits de l’homme. Décléricalisée, sécularisée, la Chrétienté deviendra l’Organisation universelle des peuples : SDN hier, aujourd’hui ONU, galvanisant les énergies et le sentiment de la solidarité par l’idéal d’une démocratie mondiale respectueuse de la dignité, de la liberté et de l’égalité de tous les hommes.

4. Le phalangiste refuse d’emblée cette chimère. Il sent le blasphème, il voit l’apostasie à peine déguisée dans cette substitution audacieuse du culte de l’Homme au culte de Dieu au centre et au sommet de cette prétendue Chrétienté nouvelle. Car enfin cette religion, c’est le culte de l’homme, de tout l’homme, de tous les hommes, sauf d’un seul, du Seul qui vraiment mérite ce culte : Jésus-Christ !

Or « sans moi, vous ne pouvez rien faire » ! L’Église est entraînée dans la déchéance de son Époux : âme de la Chrétienté sacrale, la voilà violemment dépouillée de son corps social historique et pro­stituée à de nouveaux maîtres au premier rang desquels on reconnaît la judéo-maçonnerie internationale. Cet humanisme intégral de Maritain est, avec le réformisme du Père Congar, le second moteur de la subversion conciliaire de Vatican II.