DOMINUM ET VIVIFICANTEM
L’ESPRIT SAINT DANS LA VIE DE L’ÉGLISE ET DU MONDE
LE RÈGNE DE L’ESPRIT COMMENCE EN L’AN 2000 !
L’encyclique du Souverain Pontife Jean-Paul II, Dominum et vivificantem, est aux dires de tous les commentateurs, longue et difficile. Son thème m’est pourtant apparu très clairement, et quoique dissimulé, il est suffisamment signifié pour que peu à peu l’on s’en rende compte et que cette encyclique consacrée à l’Esprit-Saint produise tout son effet. (…) Le pape veut préparer l’Église au grand jubilé de l’an 2000 et à la grande révélation d’un règne universel de l’Esprit Saint à travers le monde, et sous-entendu, dans toutes les religions également. Incroyable, mais vrai ! (…)
INTRODUCTION
Après un rappel de la foi en l’Esprit Saint, tel que Notre-Seigneur nous l’a révélé dans l’Évangile et tel que l’Église l’a enseignée tout au long de son histoire, cette introduction nous conduit là où veut en venir le Pape, “ dans le cœur des hommes d’aujourd’hui ” avides d’une “ découverte nouvelle ” (sic) “ de Dieu ” (resic). Pour combler cette prétendue aspiration, le Pape va développer une gnose qui se fardera de toutes les apparences de la religion catholique.
« 2. (…) De cette manière, l'Église répond aussi à certains désirs profonds qu'elle pense lire dans le cœur des hommes d'aujourd'hui [nous ne fréquentons probablement pas le même monde et c’est pourquoi nous ne lisons pas la même chose] : une découverte nouvelle de Dieu dans sa réalité transcendante d'Esprit infini, tel que Jésus le présente à la Samaritaine ; le besoin de l'adorer “ en esprit et en vérité ” [Cf. Jn 4, 24] ; l'espoir de trouver en lui le secret de l'amour et la puissance d'une “ création nouvelle ” [Cf. Rm 8, 22 ; Ga 6, 15] : oui, vraiment celui qui donne la vie. (…) L'Église se sent appelée à cette mission d'annoncer l'Esprit [l’Esprit tout court…] alors qu'avec la famille humaine, elle arrive au terme du second millénaire après le Christ. » (…)
Tout au long de cette encyclique, le pape va se servir de 297 citations dont la plupart sont des adultérations de l’Écriture. Pour éviter ce reproche, le Pape utilise abondamment le “cf” ; ce qui veut dire en termes d’érudit : je sors cette citation de son contexte, ne m’en blâmez pas, je sais bien que ce n’est pas exactement ce que dit l’évangéliste. Mais quand ce procédé se multiplie pour à chaque fois imposer habilement le mythe d’un règne universel de l’Esprit en transposant les privilèges des seuls catholiques aux hommes de toutes les religions, il y a là, pour le moins, un abus !
PREMIÈRE PARTIE
L'ESPRIT DU PÈRE ET DU FILS DONNÉ À L'ÉGLISE
Cette première partie est classique et même enivrante par ses nombreuses citations de l’Écriture, pour une fois justement interprétées. Elle comporte cependant des omissions ô combien révélatrices. Jn 14, 17 est signalé deux fois en notes [n° 3 et n° 45], mais dans l’encyclique ce verset ne sera jamais cité dans son intégralité. Il renferme en effet une vérité que le Pape tenait absolument à mettre sous le boisseau, car elle le condamne, lui et sa gnose unanimiste : « … l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit, ni ne le connaît. Vous, vous le connaissez parce qu’il demeure en vous et qu’il est en vous. » (…)
Pourquoi le monde ne peut-il pas recevoir l’Esprit de vérité ? Parce que le monde a la haine du Christ qui est la vérité (Jn 13, 6), et il qu’il aura pareillement la haine de ses disciples. En Jn 15, 18-25 et Jn 16, 1-4, Jésus les prévient et leur annonce que pour faire face à cette hostilité meurtrière, Il va leur envoyer d’auprès du Père le Paraclet, l’esprit de vérité (Jn 15, 26) qui leur donnera la force de lui rendre témoignage au péril de leur vie. Pourquoi Jean-Paul II a-t-il omis de citer Jn 15, 18-25 et Jn 16, 1-4, alors qu’à quatre reprises (notes 20, 28, 31, 156) il a cité Jn 15, 26 en le coupant de son contexte ? Pourquoi ne jamais mentionner la relation de cause à effet entre cette hostilité du monde et l’envoi du Saint-Esprit Paraclet, secours des chrétiens ? Ces deux omissions suffisent à nous révéler l’hérésie qui serpentera tout au long de cette encyclique.
Mis en émoi par ces malhonnêtetés, nous nous rendons compte que tout ce bel agencement de citations évangéliques ne vise finalement qu’à nous rassurer pour mieux nous faire admettre sans réfléchir que l’Esprit Saint, après avoir été donné par Jésus-Christ aux apôtres et à l’Église, s’est surtout manifesté lors du Concile Vatican II. (…)
26. « Guidé par l'Esprit de vérité et rendant témoignage avec lui, le Concile a donné une particulière confirmation de la présence de l'Esprit Saint-Paraclet. En un sens [il faut toujours se méfier de cette expression] il l'a rendu nouvellement “ présent ” dans notre époque difficile. On comprend mieux, à la lumière de cette conviction, la grande importance de toutes les initiatives tendant à la réalisation de Vatican II, de son magistère et de sa visée pastorale et œcuménique. »
On ne s’étonne pas dès lors de voir le Pape invoquer Gaudium et Spes, cette novatrice constitution étant désormais revêtue de la sagesse et de l’autorité de l’Esprit Saint. Le virage est amorcé, la désorientation va suivre et aller en accélérant.
« La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » [Gaudium et spes, n° 1].
Il ne s’agit pas d’être envoyé au genre humain pour le réunir dans l’Église, pour le convertir. Il faut que l’Église s’affirme solidaire du genre humain dans son histoire.
« L'Église sait parfaitement que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du cœur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres » [GS, n° 41].
L’Église sert à la révélation de Dieu, mais elle est tout au plus porteuse « d'un message de salut » qu’il lui « faut proposer (sic) à tous. » Cette “ proposition ”, le mot est faible, n’en demeure pas moins un ordre du Christ avec récompense et châtiment à la clef : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui que ne croira pas sera condamné. » (Mc 16, 15-16)
DEUXIÈME PARTIE
L'ESPRIT QUI MET EN LUMIÈRE LE PÉCHÉ DU MONDE
Ici le Pape nous livre sa théorie du péché. Il veut par elle surmonter le reproche d’aliénation de tous les idéalistes allemands, et du marxisme en particulier, en faisant du péché une simple erreur. L’homme a été trompé par le démon en croyant que Dieu voulait l’aliéner. Le péché de l’homme étant un malentendu dont le diable est l’auteur, le pape a contenté tout le monde : les gens de gauche satisfaits de voir la liberté de l’homme exaltée, et les gens de droite satisfaits que le Pape se livre à un réquisitoire contre le péché et qu’il parle du diable...
38. « En effet, malgré tout le témoignage de la création et de l'économie du salut qui s'y rattache, l'esprit des ténèbres [Cf. Ep 6, 12 ; Lc 22, 53] est capable de montrer Dieu comme un ennemi de sa créature et, avant tout, comme un ennemi de l'homme, comme une source de danger et de menace pour l'homme. Ainsi, Satan introduit dans la psychologie de l'homme le germe de l'opposition à l'égard de celui qui, “ depuis l'origine ”, doit être considéré comme ennemi de l'homme, et non comme Père. L'homme est poussé à devenir l'adversaire de Dieu ! (…) L'homme sera enclin à voir en Dieu avant tout une limitation pour lui-même, et non la source de sa liberté et la plénitude du bien. Nous en voyons la confirmation à l'époque moderne où les idéologies athées tendent à extirper la religion en partant du présupposé qu'elle entraîne la radicale “ aliénation ” de l'homme, comme si l'homme était dépouillé de son humanité lorsque, après avoir accepté l'idée de Dieu, il attribue à ce dernier ce qui appartient à l'homme, et exclusivement à l'homme ! »
L’homme est donc engoncé par Satan dans un terrible péché qui est la révolte contre Dieu, la haine de Dieu, le désir de la mort de Dieu. (…)
« L'idéologie de la “ mort de Dieu ” montre aisément par ses effets qu'elle est, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, l'idéologie de la “ mort de l'homme ”. »
Changement de pastorale et rupture de tradition : on ne dit plus à l’homme pécheur “ Convertissez-vous ! ”, mais : “ Mon pauvre ami, vous vous êtes laissé tromper par le démon, vous êtes dans l’erreur. Dieu ne veut pas votre aliénation, mais votre épanouissement et votre liberté, alors je vous en prie, ne désirez pas la mort de Dieu, c’est non seulement trop injuste, mais de votre part c’est suicidaire... ” (…)
Les numéros 39 à 45 développent ensuite une autre dialectique hégélienne extrêmement difficile à entendre par laquelle le Saint-Esprit convertit l’homme de cette erreur. Dieu souffre de voir l’homme s’éloigner de lui parce qu’il a été trompé par le démon. La souffrance de Dieu, par l’Esprit Saint qui habite en l’homme, produit en ce dernier, par infusion, osmose, courant induit, je ne sais comment dire, une douleur d’avoir péché. L’Esprit-Saint, par une double dialectique que les gens n’ont pas comprise, convertit le cœur de l’homme par l’infusion de la douleur pleine d’amour et de miséricorde de Dieu en lui. Il est le réconciliateur par excellence de Dieu et des hommes. Poursuivant son raisonnement avec une logique imperturbable, le Pape en vient à dire que celui qui n’accepte pas de se faire convertir par l’Esprit-Saint commet alors ce terrible péché contre l’Esprit Saint dont le Christ a dit qu’il serait sans rémission.
46. « Or le blasphème contre l'Esprit Saint est le péché commis par l'homme qui présume et revendique le “ droit ” de persévérer dans le mal - dans le péché quel qu'il soit - et refuse par là même la Rédemption. »
Mais alors, tous les péchés poussés à un certain point sont des péchés contre l’Esprit-Saint ?! Encore une autre théorie d’intellectuel, elle a certes contenté les catholiques conservateurs, cependant elle n’a rien de biblique, et je me demande si la théologie catholique peut y souscrire.
Je passe, car ces théories d’intellectuels sont mises en avant dans un but bien précis. Après avoir démontré que le Saint-Esprit répandu dans l’Église s’est manifesté davantage lors du Concile Vatican II, le Pape va prophétiser qu’il va agir dans l’humanité tout entière à partir de l’an 2000.
TROISIÈME PARTIE
L'ESPRIT QUI DONNE LA VIE
1. Motif du Jubilé de l'An 2000: le Christ, qui a été conçu du Saint-Esprit [n° 49 à 51]
50. « L'Incarnation de Dieu-Fils signifie que la nature humaine est élevée à l'unité avec Dieu, mais aussi, en elle, en un sens, tout ce qui est “ chair ” : toute l'humanité, tout le monde visible et matériel. [s’est trouvé en quelque sorte uni à Dieu !] L'Incarnation a donc aussi un sens cosmique, une dimension cosmique. Le “ premier-né de toute créature ” [Col 1, 15 ], en s'incarnant dans l'humanité individuelle du Christ, s'unit en quelque sorte avec toute la réalité de l'homme, qui est aussi “ chair ”, [ Cf. par exemple Gn 9, 11 ; Dt 5, 26 ; Jb 34, 15 ; Is 40, 6 ; 52, 10 ; Ps 145 (144), 21 ; Lc 3, 6 ; 1 P 1, 24] et, en elle, avec toute “ chair ” avec toute la création. »
C’est la reprise de cette fameuse erreur que j’ai stigmatisée dans mon commentaire de Redemptor hominis, selon laquelle, le fait que Dieu ait pris une individualité humaine a fait automatiquement passer la divinité dans tout le genre humain ! Le « en quelque sorte » est une clause de style pour éviter l’accusation d’hérésie, et pouvoir dire que par l’incarnation tout homme est physiquement uni à Dieu ; qu’il soit pécheur ou en état de grâce, le Pape ne s’en préoccupe guère, il est tout obnubilé par son millénarisme. (…)
51. « L'Église ne peut se préparer à ce Jubilé autrement que dans l'Esprit Saint. Ce qui, « dans la plénitude du temps », s'est accompli par l'Esprit Saint ne peut maintenant ressortir dans la mémoire de l'Église que par lui. C'est par lui que cela peut être rendu présent dans la nouvelle phase de l'histoire de l'homme sur la terre : l'An 2000 après la naissance du Christ. »
2. Motif du Jubilé: la grâce s'est manifestée [n° 52 à 54]
52. « Dans le mystère de l'Incarnation, l'œuvre de l'Esprit, “ qui donne la vie ”, atteint son sommet. Il n'est possible de donner la vie, dont la plénitude est en Dieu, qu'en en faisant la vie d'un Homme, à savoir le Christ dans son humanité personnifiée par le Verbe dans l'union hypostatique. [Donc cette vie n’a pu passer que par l’Homme-Dieu, c’est absolument vrai.] Et en même temps, par le mystère de l'Incarnation, jaillit d'une nouvelle manière la source de cette vie divine dans l'histoire de l'humanité : l'Esprit Saint. Le Verbe, “ premier-né de toute créature ”, devient “ l'aîné d'une multitude de frères ” [Rm 8, 29] [c’est vrai.] Et il devient ainsi la tête du corps qu'est l'Église [c’est absolument vrai] laquelle naîtra de la Croix et sera manifestée le jour de la Pentecôte, et, dans l'Église, il sera la tête de l'humanité, des hommes de toute nation, de toute race, de tout pays et de toute culture, de toute langue et de tout continent, tous appelés. »
Ce premier paragraphe enthousiasmant est évidemment au-dessus de tout soupçon, mais pourtant il s’inscrit dans le cadre d’une manœuvre serpentine. L’enjeu est capital : qui sont les bénéficiaires de l’Esprit-Saint et de ses dons ? Nous avons vu que le Pape n’a pas cité Jn 14, 17, car la réponse est sans équivoque possible : « …l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit, ni ne le connaît. Vous, vous le connaissez parce qu’il demeure en vous et qu’il est en vous. » Dans les numéros 52 à 54 la pensée du Pape évolue par reptation… quand sa pensée serpentine se rétracte il accorde le don de l’Esprit Saint aux baptisés, mais c’est ensuite pour mieux projeter en avant sa gnose unanimiste et accorder cette grâce à tout homme ; et quand il a fait un grand bon en avant il se rétracte pour revenir à la vérité et rassurer son lecteur.
« Le don de cette vie nouvelle est comme la réponse définitive de Dieu aux paroles du psalmiste, dans lesquelles, en quelque sorte, la voix de toutes les créatures trouve un écho : “ Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la terre ”. [Cf. Ps 104 (103), 30] »
C’est le psalmiste hébreu qui le dit, et si on l’entend dans le sens spirituel, ce sont des Hébreux de ce peuple élu qui reçoivent l’Esprit de Dieu. Le pape a bien conscience de sa transposition, et il dit : en quelque sorte, la voix du psalmiste devient la voix de toutes les créatures : c’est trop facile !
« Celui qui, dans le mystère de la création, donne à l'homme et au cosmos la vie sous ses multiples formes visibles et invisibles, la renouvelle encore par le mystère de l'Incarnation. »
L’Esprit-Saint donne la vie aux hommes et au cosmos et par le mystère de l’Incarnation, il la renouvelle à qui ? aux hommes et au cosmos. Le lecteur avisé commence à se troubler, mais le Pape va bien vite le rassurer.
« La création est ainsi complétée par l'Incarnation et pénétrée dès lors par les forces de la Rédemption qui envahissent l'humanité et toute la création. C'est ce que dit saint Paul ; sa vision cosmique et théologique semble reprendre les termes du psaume ancien : “ La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu ” [Rm 8, 19], c'est-à-dire de ceux que Dieu a « d'avance discernés », et aussi “ prédestinés à reproduire l'image de son Fils ” [Rm 8, 29 ]. »
Bien, mais prenez garde, à partir de cette sublime citation de saint Paul, Jean-Paul II va faire un bond en avant.
« Les hommes connaissent ainsi une “ adoption filiale ” surnaturelle, et le Saint-Esprit, Amour et Don, en est l'origine. Comme tel, il est donné aux hommes. Et de la surabondance du Don incréé, chaque homme reçoit dans son cœur le don créé particulier par lequel les hommes “ deviennent participants de la nature divine ” [Cf. 2 P 1, 4 ]. [Tous les hommes ?] Ainsi, la vie humaine est pénétrée de la vie divine à laquelle elle participe, et elle acquiert, elle aussi, une dimension divine, surnaturelle. Ainsi naît la vie nouvelle, par laquelle, en participant au mystère de l'Incarnation, “ les hommes... accèdent, dans l'Esprit Saint, auprès du Père ” [Cf. Ep 2, 18 ; Dei Verbum, n° 2]. »
Le pape semble avoir oublié que saint Paul parle des seuls chrétiens sanctifiés par le ministère de la seule et unique Église du Christ. C’est donc tout le ministère de l’Église qui se trouve ici relativisé, voir nié.
« Il y a donc une étroite dépendance de causalité entre l'Esprit qui donne la vie, la grâce sanctifiante, et la vitalité surnaturelle multiforme qui en découle dans l'homme : entre l'Esprit incréé et l'esprit humain créé. » (…)
Le Pape aborde ensuite la question du salut des infidèles, difficile, car elle n’a encore jamais été parfaitement éclaircie. (…)
« Le Concile Vatican II, centré principalement sur le thème de l'Église, nous rappelle que l'Esprit Saint agit aussi “ à l'extérieur ” du corps visible de l'Église. Il parle justement de “ tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associés au mystère pascal ”. [Gaudium et spes, n° 22 ; Lumen gentium, n° 16.] »
C’est vrai que Dieu veut sauver tous les hommes. L’Église a toujours enseigné qu’à tous les hommes de bonne volonté, atteints tout de même par le péché originel, Dieu envoyait des grâces, mais comme du dehors, pour les exciter à la conversion. (…) Ce qui est vrai des païens de bonne volonté qui n’ont jamais entendu parler du Christ ni de l’Église n’est pas vrai de tous les hommes dans n’importe quelles conditions ! Et en particulier, cela ne peut pas être vrai de tous les grands chefs de religion qui hantent les palais romains et qui sont en contacts journaliers, depuis des années, avec les grands responsables de la religion catholique. Si l’Esprit-Saint était effectivement en eux ou les pressait, ils se convertiraient au Christ et à son Église. La question du salut des infidèles est donc absolument faussée par le Pape au détriment de l’Église et de ses sacrements. Pourquoi ? Parce que le Pape veut nous annoncer pour l’an 2000 une effusion de grâce telle que les hommes de toutes les nations, de toutes les religions vont se retrouver unis à Dieu, merveilleusement, sans avoir à passer par l’Église.
54. « Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c'est dans l'esprit et la vérité qu'ils doivent adorer » [Jn 4, 24]. En Jn 4, 24, Jésus s’adresse aux Samaritains, schismatiques par rapport au judaïsme, pour leur expliquer que le schisme samaritain comme aussi le judaïsme, c’est fini. Dieu vient sur terre pour fonder son Royaume par son Église catholique, et c’est en Elle que l’on adorera Dieu en esprit et en vérité. Mais quand la religion catholique, c'est-à-dire universelle, règne depuis 2000 ans, on ne peut plus dire ou sous-entendre que les différences entre catholiques, juifs, protestants, musulmans, tout cela c’est fini, l’an 2000 arrive où on va “ adorer en esprit et en vérité ”. (…)
La conclusion de ce discours est celle-ci : « Toute la vie de l'Église, tel qu'elle se manifestera dans le grand Jubilé, signifie aller à la rencontre du Dieu invisible, à la rencontre de l'Esprit qui donne la vie. »
Si vous m’avez compris, il faut ajouter le sous-entendu : dans toutes les religions, dans toutes les cultures, dans toutes les races, comme moi déjà, le Pape, je me promène dans le monde entier à la rencontre du Dieu invisible dans toutes les âmes des hommes…
3. L'Esprit Saint dans le conflit interne de l'homme : La chair, en ses désirs, s'oppose à l'esprit et l'esprit à la chair [n° 55 à 57]
Le Pape veut démontrer ici que l’Esprit Saint résout les problèmes dans lesquels se débattent les hommes. C’est cette partie qui a été remarquée des journalistes, car elle va dans le sens des discours démagogiques que l’on entend dans l’Église, dans les chaires politiques et dans toutes les assemblées internationales. Tous aspirent à la paix, la justice, l’amour, la prospérité, les droits de l’homme, etc., et le Pape leur dit : c’est l’Esprit Saint répandu dans tous les hommes qui va l’apporter au monde en l’an 2000.
Le Pape procède comme ceci : Dieu est proche de l’homme et du monde par son Esprit et il sollicite les hommes. Malheureusement, ceux-ci sont écartelés entre le bon esprit qui les meut vers la véritable liberté et la chair qui les met en malentendu avec Dieu et les pousse à se révolter. Dans la société, ce péché existe également et se résume en un mot : le matérialisme théorique et pratique, tous deux vecteurs de l’athéisme. Plutôt que Bon Pasteur luttant contre des doctrines diaboliques, le Pape fait œuvre de sociologue : « L'athéisme est le phénomène impressionnant de notre temps ». Plus d’un milliard d’hommes souffrent dans les dictatures athées des régimes communistes et sont maintenus de force dans la misère et l’éloignement de Dieu ; l’Église y est persécutée à mort… tandis que le pape n’en éprouve qu’une impression tout intellectuelle, pourquoi ? Parce qu’il ne faut pas s’en faire, l’Esprit Saint est là dans l’humanité tout entière :
« Sur cette toile de fond si caractéristique de notre temps [c’est vraiment un discours de désengagé : les camps de concentration, les révolutions, etc., sont une toile de fond…] il faut souligner les “ désirs de l'esprit ” dans la préparation du grand Jubilé : ils sont des appels qui résonnent dans la nuit d'une nouvelle période d'Avent, au terme de laquelle, comme il y a deux mille ans, “ toute chair verra le salut de Dieu ”. [Lc 3, 6 ; cf. Is 40, 5] »
Mais quand Isaïe disait en l’an 720 que toute chair verrait le salut de Dieu, c’était parce que les juifs étaient dans les ténèbres et que Dieu les éclairait et encourageait par les prophéties sur la venue du Christ. Ah oui, Isaïe a eu raison de prophétiser la naissance de Jésus… Mais quand le pape prophétise que nous vivons une période d’Avent et sommes dans l’attente d’un grand événement divin qui va bouleverser le matérialisme, qu’en sait-il ? Si c’est le mystère de Fatima, qu’il nous le dise ! Qu’il invoque la Vierge Marie à l’appui de ses théories, sinon il fait œuvre de faux prophète !
4. L'Esprit Saint vient affermir l'« homme intérieur » [n° 58 à 60]
Comment l’Esprit va-t-il tout arranger ? Il va donner la vie à l’homme et le rendre toujours plus profondément humain :
59.« Dans la perspective de l'An 2000 après la naissance du Christ, il s'agit de parvenir à ce qu'un nombre toujours plus grand d'hommes [citation du Concile] “ puissent se trouver pleinement à travers le don désintéressé d'eux-mêmes ”. Il s'agit de parvenir à la réalisation en notre monde, sous l'action de l'Esprit-Paraclet, d'un processus de vraie maturation dans l'humanité, dans la vie individuelle comme dans la vie communautaire. »
Tout est arrangé, l’Esprit Saint va nous sauver de ce terrible monde matérialiste et de ses signaux de morts : course aux armements, faim, avortement, euthanasie, etc. Les hommes trouveront en lui la vie et la force de se libérer des divers déterminismes. Ces délires millénaristes sont à réaliser en collaboration avec tous nos frères humains :
60. « … Le grand Jubilé de l'An 2000 contient donc un message de libération par l'action de l'Esprit… » Plus loin les martyrs n’ont fait que manifester « l'exaltation suprême de la dignité humaine. » … « Les chrétiens, témoins de l'authentique dignité de l'homme, par leur obéissance à l'Esprit Saint, contribuent de bien des manières au “ renouvellement de la face de la terre ” : ils collaborent avec leurs frères pour réaliser et mettre en valeur tout ce qui est bon, noble et beau dans le progrès actuel de la civilisation, de la culture, de la science, de la technique et des autres secteurs de la pensée et de l'activité humaine. [Gaudium et spes, n° 53-59.] » Etc, etc.
5. L'Église, sacrement de l'union intime avec Dieu [n° 60 à 64]
Nouveau et étrange sophisme, subsistant à travers tous les textes de Vatican II. Je vais le résumer, c’est très curieux… La mort du Christ en croix étant le préliminaire de la venue du Saint-Esprit, d’une part, et d’autre part cette mort étant sans cesse commémorée par l’Église grâce aux sacrements, comme l’eucharistie par exemple, il s’en suit que l’Église est le grand sacrement de l’Esprit-Saint. (…) (cf. n° 63)
Que l’Église soit le sacrement pour ses propres membres, pour ceux qui y entrent, je veux bien, mais au Concile on n’a cessé de dire que l’Église n’avait pas sa fin en elle-même et qu’elle était faite pour le monde. (…) L’Église-sacrement, une théorie de Congar, c’est l’Église qui va entrer en dialogue avec le monde laïcisé ou irréligieux afin de lui révéler par sa présence amicale, en toute paix et fraternité, que, dans toute religion ou irréligion, l’Esprit est à l’œuvre, puisque toutes travaillent au service de l’homme. (…)
« Vatican II ajoute que l'Église est “ le sacrement ... de l'unité de tout le genre humain ”. »
L’Église va enrichir le genre humain qui restera en dehors d’elle. À Taizé, on ne leur dit pas, faites-vous catholiques pour avoir la grâce, on leur dit : vous êtes un pont entre l’Église et le protestantisme… et comme ça on peut diviniser le genre humain.
« (…) L'Église est “ le sacrement, c'est-à-dire le signe et l'instrument ” du rapprochement des deux pôles de la création et de la Rédemption, Dieu et l'homme. Elle œuvre pour rétablir et renforcer l'unité du genre humain à ses racines mêmes, dans le rapport de communion entre l'homme et Dieu, son Créateur, son Seigneur et son Rédempteur. Il y a là une vérité, fondée sur l'enseignement du Concile [voilà une vérité qui est tellement neuve qu’elle ne vient pas de Jésus-Christ et de la Révélation, elle est fondée sur l’enseignement de Vatican II] que nous pouvons méditer, expliquer et appliquer dans toute l'ampleur de son sens, en cette période de passage du deuxième au troisième millénaire chrétien. Et il nous est bon de prendre une conscience toujours plus vive du fait que, à l'intérieur de l'action accomplie par l'Église dans l'histoire du salut, inscrite dans l'histoire de l'humanité, l'Esprit Saint est présent et agissant, lui qui anime par le souffle de la vie divine le pèlerinage terrestre de l'homme et fait converger toute la création, toute l'histoire, jusqu'à son terme ultime, dans l'océan infini de Dieu. »
L’enfer ? cela n’existe pas. Le jugement de Dieu à la fin des temps ? Cela n’existe pas. À partir du deuxième millénaire, l’Église va transmettre aux hommes cette grande nouvelle que l’Esprit de Dieu est en eux et qu’ils n’ont qu’à le suivre et le monde ira ainsi à sa fin.
6. L'Esprit et l'Épouse disent : « Viens ! » [n° 65 à 66]
Les derniers numéros sont faciles. La transformation de l’humanité va s’opérer par l’Esprit Saint souffle vital et présence dans le monde entier, notamment par la prière. (cf n° 65) (…) Le Pape fait ensuite habilement la promotion du Renouveau Charismatique en rappelant seulement à ces « nombreuses personnes qui reviennent à la prière » d’ « affermir leur engagement dans la prière en plein accord avec l'Église et avec son Magistère. »
Le dernier numéro [67] nous prépare à la réunion interreligieuse d’Assise. Rien de scandaleux puisque : « La route de l'Église passe à travers le cœur de l'homme, car c'est le lieu intime de la rencontre salvifique avec l'Esprit Saint, avec le Dieu caché, et c'est bien là que l'Esprit Saint devient une “ source d'eau jaillissant en vie éternelle ” [Lumen gentium, n° 4]. »
Pour atténuer le caractère novateur de ce principe, le Pape redevient traditionnel et rassure son public catholique par de pieuses considérations sur le Saint-Esprit et la Vierge Marie, mais c’est pour mieux le disposer à la formidable nouveauté de cette réunion interreligieuse qu’il a résolue et veut imposer à l’Église :
« Puisque le chemin de la paix passe en définitive par l'amour et tend à créer la civilisation de l'amour, l'Église tient son regard fixé vers celui qui est l'Amour du Père et du Fils et, malgré les menaces croissantes, elle ne cesse d'avoir confiance, elle ne cesse d'implorer et de servir la paix de l'homme sur la terre. Sa confiance se fonde sur celui qui, étant l'Esprit d'Amour, est aussi l'Esprit de la paix et qui ne cesse d'être présent dans notre monde humain, à l'horizon des consciences et des cœurs, pour “ remplir l'univers ” d'amour et de paix. »
JUGEMENT
« Ainsi parle le Seigneur Yahvé : Malheur aux prophètes insensés qui suivent leur propre esprit sans rien voir ! Comme des chacals dans les ruines, tels furent tes prophètes, Israël. (…C 'est qu'en effet, ILS ÉGARENT MON PEUPLE EN DISANT : “ PAIX ! ” ALORS QU'IL N'Y A PAS DE PAIX. » (Ez 13, 3-4 ; 10) (cf. Jr 6, 14)
Alors, j’en étais là tout à fait stupéfait, me demandant si je ne rêvais pas. René Laurentin confirme mon analyse, laissant entendre que cette encyclique cache un message secret que seuls pourront entendre ceux qui ont des oreilles (charismatiques) pour entendre. Il ajoute : « Peut-être arrivons-nous au moment où tous ces groupes nés d’improvisations diverses, avec souffle neuf, s’apercevront qu’ils ne sont pas seuls. Ils ont des voisins [j’ai cru d’abord que ces groupes charismatiques allaient se réunir les uns, les autres, mais non, ils ont des voisins… en dehors de l’Église], ils convergent, ils ont commencé, sans le savoir, le grand concert que l’Esprit Saint nous invite à répéter… » Taizé, le Lion de Juda, etc., cette encyclique, la réunion d’Assise, ce sont des répétitions pour la grande symphonie de tous les peuples et de toutes les religions dans l’Esprit...
« Mais quand le Fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18, 8)