REDEMPTOR HOMINIS
UNE ENCYCLIQUE, DEUX RELIGIONS
L’encyclique Redemptor hominis, publiée le 15 mars 1979, juxtapose deux thèmes qui ne se fondent pas plus l’un en l’autre que l’eau et l’huile dans un verre. Plus qu’en aucun discours de Paul VI, qu’il proclame ici son « grand prédécesseur et vrai père », mais comme déjà dans “ Signe de contradiction ”, la retraite qu’il prêcha au Vatican en 1976, Jean-Paul II associe les deux thèmes de la RÉDEMPTION chrétienne et des droits de l’HOMME sans parvenir pourtant à les réunir vraiment. Ils constituent dans cette unique encyclique comme deux discours entremêlés, mais séparés. (…)
Ils sont introduits et justifiés par un préambule où Jean-Paul II expose « l’héritage singulier laissé à l’Église par les Pontifes Jean XXIII et Paul VI ».
ILLUMINISME
Cet héritage, dont Jean-Paul II fera continuellement l’éloge dans cette encyclique, n’est pas une invention des hommes, mais une révélation de Dieu. La collégialité, l’œcuménisme chrétien et l’autre, plus vaste, ultra-chrétien, ces trois nouveautés vont ainsi se trouver hausser au rang de paroles et volontés de Dieu : « Pouvons-nous — malgré toutes les faiblesses, toutes les déficiences accumulées au cours des siècles passés — ne pas avoir confiance en la grâce de Notre-Seigneur, telle qu’elle s’est révélée par la parole de l’Esprit-Saint que nous avons entendue durant le Concile ? » Stupéfiantes affirmations pour fermer la bouche des opposants.
Ce que les temps anciens n’ont ni su ni voulu entreprendre, à cause de leurs déficiences, voilà qu’une révélation d’une parole de l’Esprit divin entendue au Concile, nous en fait un devoir sacré ? (…)
J’entends par l’ŒCUMÉNISME ULTRA-CHRÉTIEN celui qui entreprend la réconciliation de tous les croyants, au-delà du christianisme, et du monothéisme même, au-delà de toutes les frontières. Le Pape fait bénéficier cette union de toutes les religions, des « réflexions précédentes », touchant la nécessité et le caractère inspiré d’une telle œuvre ! Est donc obligée et voulue de Dieu cette nouvelle étape œcuménique, cette « activité qui tend au rapprochement avec les représentants des religions non chrétiennes et qui s’exprime par le dialogue, les contacts, la prière en commun, la recherche des trésors de la spiritualité humaine (de la crotte, disait saint Paul, Phil. 3, 8), car ceux-ci, nous le savons bien, ne font pas défaut aux membres de ces religions. » (…)
II est peut-être « noble » d’estimer et de louer les fausses religions pour ce qu’elles ont de juste et de bon. Il serait pieux et charitable de dénoncer leur erreur et leur désordre essentiels, pour convertir le monde à la seule vraie et sainte foi catholique. (…)
La réalité qui crève les yeux, c’est que la pastorale conciliaire et montinienne, de libéralisme doctrinal et de morale relâchée, a provoqué en dix ans la plus grande décadence, le plus catastrophique effondrement de l’histoire de l’Église. Or c’est cette pastorale prétendument révélée par l’Esprit-Saint au Concile que le Pape entend poursuivre et contraindre toute l’Église à poursuivre avec lui ? Nous aurons les conséquences !
LA PREMIÈRE ENCYCLIQUE : LA RÉDEMPTION DU GENRE HUMAIN
« Le Rédempteur de l’homme, Jésus-Christ, est le centre du cosmos et de l’Histoire. » L’encyclique débute par cette grandiose vision de foi. (…) Jean-Paul II parle ensuite de la rédemption du genre humain en termes vrais et touchants, profondément bibliques et neufs (n° 8-9).
LE CHRIST RÉDEMPTEUR DU MONDE
C’est d’abord LE MONDE qui nous est montré « gémissant dans les douleurs de l’enfantement, selon saint Paul, attendant avec impatience la révélation des fils de Dieu ». Mais voici que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique », selon saint Jean. Alors, « de même que dans l’homme-Adam son lien originaire avec la source divine de la sagesse et de l’amour avait été brisé, dans l’Homme-Christ il a été de nouveau renoué. »
Ainsi, il n’est pas étonnant que cette « caducité du monde » apparaisse encore en notre temps, et le Pape en énumère quelques symptômes, « la pollution de l’environnement naturel, ou les conflits armés qui éclatent et se répètent continuellement, ou encore la perspective de l’autodestruction par l’usage des armes atomiques, le manque de respect pour les enfants dans le sein de leur mère. » Le monde attend encore d’être renoué à sa source divine. Par l’homme.
L’HOMME dont la ressemblance divine avait été « altérée dès le péché », retrouve la sublimité de sa vocation dans « la révélation même du mystère du Père et de son amour, dans le mystère du Verbe incarné, Nouvel Adam, qui est le Christ. » Laissons les quelques lignes qui suivent, sur lesquelles nous reviendrons plus loin ; elles sont capitales mais constituent ici les pierres d’attente d’un autre discours, celui de la « seconde » encyclique. (…)
Le paragraphe 9 rappelle et illustre magnifiquement le mystère d’amour et de justice du salut de l’humanité pécheresse par le Christ. On y lit des vérités essentielles dont nous étions déshabitués par nos nouveaux théologiens... Que « le Christ a été fait péché pour nous », que l’amour de Dieu pour nous « est un amour qui ne recule devant rien de ce qu’exige la justice » et donc assume la nécessaire expiation des péchés du monde par la Croix. (…)
Mais cela dit, la pensée tourne et les effets de la Rédemption énumérés ensuite nous transportent dans un autre système. C’est brusquement le culte de l’homme de Paul VI qui survient là, sous le titre de la « Dimension humaine du mystère de la Rédemption », dont la « Dimension divine » (n° 9) n’apparaît plus qu’un hors-d’œuvre. C’est déjà l’autre thème, la seconde encyclique (n° 10-17). Il ne va plus être question, pratiquement jusqu’à la fin, que de dignité et de droits de l’homme retrouvés !
LA MISSION RÉDEMPTRICE DE L’ÉGLISE
Sautons, si vous le voulez bien, du paragraphe 9 au paragraphe 18, intitulé « La sollicitude de l’Église pour la vocation de l’homme dans le Christ ». Faisons abstraction de cette part du préambule de l’encyclique qui a trait à l’héritage de Paul VI et du Concile, paragraphes 2 à 6. Nous obtenons ainsi un texte assurément cohérent, catholique, classique. Le Pape adore le Christ Fils de Dieu, Nouvel Adam, rédempteur du genre humain (1). Puis il explique la mort du Christ sur la Croix par notre besoin de réconciliation avec Dieu en vue de notre salut éternel ; c’est la première partie de cette encyclique catholique (7-9). La deuxième partie expose comment l’Église a pour mission de prolonger et d’appliquer à toutes les générations à venir les fruits de cette Rédemption (18-21). Pour cette mission, elle peut compter sur la Vierge Marie, c’est la fervente conclusion de l’encyclique qui s’achève dans un « appel à la prière » (22).
Cette « première » encyclique est, ainsi reconstituée, d’un style clair et ferme, elle dénote une foi profonde, elle promeut un catholicisme joyeux, conquérant, aimable, logique, hiérarchique, celui dont les prêtres et les fidèles ont laissé voir, depuis août 1978, qu’ils avaient soif ! (…)
Cependant, tant de vraies et belles paroles resteront sans fruits, elles n’animeront ici aucun « projet de société ». Il ne s’agit pas de revenir en Chrétienté… car l’autre encyclique y fait d’autant plus barrage qu’elle veut lui substituer un monde nouveau, maçonnique.
LA SECONDE ENCYCLIQUE : LE SERVICE ET LE CULTE DE L’HOMME
Cela commence au paragraphe 10 et va jusqu’au paragraphe 18. Quoi, cela ? Une autre religion, un autre système de pensée qui fonde un autre culte, un autre souci, un autre effort. Humaniste. Maçonnique. Mais ici, chose nouvelle, fondé sur l’Incarnation du Fils de Dieu.
LE CHRIST FONDATEUR DU CULTE DE L’HOMME
Voici le principe qui doit faire le passage du Christianisme à l’Humanisme universel, le joint du culte de Dieu et du Dieu fait homme, au culte de l’homme, de l’homme qui se fait Dieu :
« Le Christ est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la ressemblance divine altérée dès le premier péché - ici nous sommes encore dans la pure foi catholique, et la plus ferme, celle qui compte avec le péché originel -. Parce qu’en lui la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même (?) cette nature humaine a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. - Ça y est, c’est dit, nous voilà supérieurs à tout ! - Car, par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » Ontologiquement, physiquement, moralement, virtuellement ? Nul ne nous le dit.
C’est un texte de Gaudium et Spes (22, 2). Il fait le joint entre Dieu et l’homme ; impudemment il divinise l’Homme d’un coup, rendant superflus la Croix du Christ, l’Église, la foi, le baptême, la Chrétienté. Tout homme « a été élevé à une dignité sans égale », donc au-dessus de tout !
C’était la phrase que j’avais sautée au paragraphe 9. Au paragraphe 10, elle alimente une adulation de l’homme sans limites. La Rédemption est donnée comme une révélation de l’amour de Dieu, non de l’amour de Dieu pour les hommes pécheurs, mais du besoin d’amour et d’expérience amoureuse qui est au fond du cœur de l’homme comme une valeur divine :
« L’homme ne peut vivre sans amour... sa vie est privée de sens s’il ne reçoit pas la révélation de l’amour, s’il n’en fait pas l’expérience (!) et s’il ne le fait pas sien, s’il n’y participe pas fortement (n’importe lequel ?). C’est pourquoi le Christ rédempteur révèle pleinement l’homme à lui-même... Dans la dimension humaine du mystère de la Rédemption, l’homme retrouve la grandeur, la dignité et la valeur propre de son humanité (!!!). Dans le mystère de la Rédemption, l’homme se trouve de nouveau « confirmé » (???) et il est en quelque sorte créé de nouveau... » (…)
Voilà la plus grande éversion de la foi qui ait jamais été professée ! C’est le monde renversé. Le Christ, par son Incarnation et sa Rédemption, serait le révélateur pour l’Homme de sa propre grandeur, de sa valeur, de son mérite, et le convaincrait de sa propre excellence ! Jamais on n’avait fait ainsi de Jésus-Christ et de ses mystères de grâce le piédestal et l’ornement de l’orgueil humain. (…)
RELANCE DU MOUVEMENT D’ANIMATION SPIRITUELLE
DE LA DÉMOCRATIE UNIVERSELLE
Et voilà que renaît le grand projet du pape Montini d’une mission universelle des religions pour l’exaltation de l’homme, de sa dignité, de ses droits.
Au paragraphe 11, Jean-Paul II réduit d’abord toutes les religions, « comme phénomène universel », à un fonds commun de « grandes valeurs spirituelles ». Ainsi « les diverses religions » sont-elles « comme autant de reflets d’une unique vérité... Elles témoignent que l’aspiration la plus profonde de l’esprit humain est tournée, malgré la diversité des chemins, vers une direction unique » qui est, « par l’intermédiaire de la tension vers Dieu, dans la recherche de la dimension totale de l’humanité, c’est-à dire du sens plénier de la vie humaine ». À travers le culte de Dieu, dans toute religion, c’est l’homme qui se cherche et se trouve et s’adore lui-même.
Or la religion qui surpasse toutes les autres dans le culte de l’homme, Paul VI le proclamait déjà le 7 décembre 1965 à la clôture du Concile, c’est le christianisme. Jean-Paul II le redit : « Dans le Christ et par le Christ, l’homme a acquis une pleine conscience de sa dignité, de son élévation, de la valeur transcendante de l’humanité elle-même, du sens de son existence. » (…) Jésus est le projecteur qui fait voir, mieux que tout autre, la dignité que l’homme possède en lui-même et combien il est juste et équitable de lui rendre en tout temps et en tout lieu gloire et louange.
LA MISSION QUE DIEU A CONFIÉE À L’HOMME
Telle est « la mission que Dieu lui-même a confiée à l’homme... la grande mission qui consiste à révéler le Christ au monde, à aider chaque homme à se retrouver lui-même. » Tous les chrétiens, explique de nouveau le Pape, au paragraphe 12, et même tous les hommes ont cette mission en commun, car elle jaillit du « magnifique patrimoine de l’esprit humain, qui s’est manifesté dans toutes les religions. » Grâce à « cette union apostolique et missionnaire de tous les chrétiens, nous abordons en même temps toutes les cultures, toutes les idéologies, tous les hommes de bonne volonté... » (…)
Depuis que l’Église conciliaire se veut en état de mission, selon cet idéal si élevé ? elle ne convertit plus personne. Mais la conversion ne semble plus le but de la mission ; le Pape l’évoque, en passant : « Quant à la conversion, qui doit prendre racine dans la mission, nous savons bien qu’elle est l’œuvre de la grâce », et d’ajouter, fidèle à son obsession : « dans laquelle l’homme doit se retrouver pleinement lui-même. » Tout tourne et retourne au culte de l’homme !
LA LIBERTÉ DE LA RELIGION DE L’HOMME
Dans une telle perspective, Jean-Paul II ne voit pas pourquoi les sociétés humaines, quelles qu’elles soient, feraient obstacle à la « liberté religieuse ». Il pense avoir ainsi dépassé les contradictions des partis qui s’affrontèrent au Concile et les antinomies de la Déclaration sur la liberté religieuse dont la première partie, rajoutée in extremis pour apaiser la minorité, fonde la liberté sur la vérité, et la seconde, objet d’une défense passionnée de la part de la majorité, la fonde sur la dignité de l’homme ; vérité de Dieu ou droit de l’homme ?
Ici, tout est réconcilié. La vérité qui a droit d’expression et d’action consiste à persuader l’homme qu’il est digne, conscient, responsable et donc libre de penser, de parler, d’agir comme il veut. La liberté de la vérité consiste à proclamer la vérité de la liberté ! L’astuce verbale, si on y réfléchit, enferme toute la vérité dans la sphère close de la liberté du moi humain, et voilà assujetti le culte de Dieu au culte que l’homme se rend à lui-même.
LE SERVICE DE L’HOMME
La dignité de l’homme ainsi proclamée, tout bien, toute prospérité, toute paix redeviennent possibles. Annoncer l’Évangile de la dignité et des droits de l’homme, c’est travailler à l’avènement d’un monde meilleur. La deuxième partie de cette autre encyclique développe ce programme, d’un humanisme clos que l’on croyait jusqu’à ce jour aussi peu catholique qu’intégralement maçonnique, d’ailleurs parfaitement illusoire, absurde et catastrophique (13-17). (…)
Même si, en apparence, le Christ et l’Église disparaissent de la vie humaine, de la société, de l’horizon humain, voués à ce culte et ce service de l’homme ils sont plus que jamais présents incognito : « Jésus-Christ devient, d’une certaine manière, nouvellement présent, malgré l’apparence de toutes ses absences, malgré toutes les limitations de la présence et de l’activité institutionnelle de l’Église. » Qu’importe dès lors que les ennemis du dehors et les fous du dedans « démolissent la baraque » ?
« L’homme est la route de l’Église. » Qu’est-ce à dire ? « La sollicitude fondamentale » que lui dicte le Concile sera « que la vie en ce monde soit plus conforme à l’éminente dignité de l’homme, à tous points de vue, pour la rendre plus humaine ». Comme le Christ, l’Église a pour mission « d’être le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine. » Son service consiste à appeler les hommes à être hommes, conformes à leur dignité. (…) Le programme de l’Église (et de toute religion ou irréligion) est aujourd’hui de « rendre la vie humaine plus humaine, afin que tout ce qui compose cette vie corresponde à la dignité de l’homme. »
C’est l’idéal maçonnique. L’homme est au principe, aux moyens et à la fin. Dieu y est aussi, paraît-il ! incognito. Au service de l’Homme. (…)
L’Église se doit donc de rappeler à l’homme sa royauté, sa dignité afin qu’il domine sa peur du progrès technique (15) (…), et brise toute aliénation, celles engendrées par les systèmes économiques (16) (…), comme celles provenant des instincts d’égoïsme, de domination. (…) Il faut donc et il suffit que des hommes résolus et généreux, les chrétiens au premier rang, demandent aux hommes d’être hommes, de « penser à leurs frères qui souffrent de la faim et de la misère », de « respecter la dignité et la liberté de chacun », et le monde aura atteint son humaine perfection. (…)
L’O.N.U., NOTRE UNIQUE ESPÉRANCE
L’unique organisation qui assume cet effort gigantesque du salut du monde en notre siècle plein de menaces, d’injustices et de souffrances, c’est l’O.N.U. (…) « Nous nourrissons, écrit Jean-Paul II, la profonde conviction qu’il n’y a aujourd’hui dans le monde aucun programme qui, même avec des idéologies opposées quant à la conception du monde, ne mette l’homme au premier plan. »
C’est ahurissant. Mais poursuivons le raisonnement ; il est typiquement onusien. Si, en violation de ce culte de l’homme sincèrement professé par tous, il se trouve encore ici ou là des violences, des guerres, des crimes, c’est par quelque inconséquence des doctrines et des programmes. Donc ces systèmes défaillants sont justiciables du contrôle et du jugement de l’O.N.U., statuant souverainement au Nom de l’Homme, « point de vue unique et fondamental ». C’est ainsi par le ministère de l’O.N.U. que disparaîtront « domination, totalitarisme, néocolonialisme », bref tout ce qui fait le malheur du monde.
LES DROITS DE L’HOMME ET LA LIBERTÉ, PRINCIPES SOUVERAINS DES ÉTATS
Les droits de l’homme règnent seuls, pour cet autre Jean-Paul II que nous découvrons là ; Dieu, ses droits, sa loi ont disparu. (…) Par un vieil artifice dont les individualistes ou personnalistes libéraux sont coutumiers depuis cent ans, le Pape fait sortir le bien commun du bien particulier, et sauve donc la suprématie de l’Homme, de sa dignité, de sa liberté, de ses droits sur toute autre réalité, sur toute autorité, sur tout pouvoir. (…) Il s’en suit que « la violation des droits de l’homme va de pair avec la violation des droits de la nation (là encore, affirmation dénuée de toute preuve et de tout sérieux)… ». (…) Il n’y a pas de pire erreur, en politique, que cette confusion des droits de l’homme avec les droits de la nation, et leur érection en droits inviolables que les États doivent inconditionnellement respecter ! C’est la base de cette contestation maçonnique qui, au nom de la dignité et des droits de l’homme, consolide les Démocraties capitalo-socialistes athées, même les plus oppressives et les plus infâmes, mais renverse les États nationaux, même et surtout catholiques, qui s’opposent au règne de l’Homme qui se fait roi et se proclame Dieu.
Arrivé à ce point, tout de même le Pape hésite à souscrire au dogme révolutionnaire, il rappelle la légitimité des Pouvoirs humains : « L’Église a toujours enseigné le devoir d’agir pour le bien commun et, ce faisant, elle a éduqué aussi de bons citoyens pour chaque État. Elle a, en outre, toujours enseigné que le devoir fondamental du pouvoir est la sollicitude pour le bien commun de la société ; de là dérivent ses droits fondamentaux. » Voilà qui est de parfaite doctrine.
Mais c’est porter là un coup mortel au culte de l’homme et à son anarchisme essentiel ! Aussi notre malheureux Pape se hâte-t-il d’ajouter une exigence qui annule tout ce qu’il vient de dire et rouvre large carrière à la subversion : « Les droits du pouvoir ne peuvent être entendus que sur la base du respect des droits objectifs et inviolables de l’homme. Ce bien commun, au service duquel est l’autorité dans l’État, ne trouve sa pleine réalisation que lorsque tous les citoyens sont assurés de leurs droits. » Voilà derechef le citoyen souverain et l’État son serviteur, comme déjà il était Dieu et le Christ son esclave.
LA DÉMOCRATIE
Quoique jamais jusqu’à ce jour Jean-Paul II n’ait prononcé ce mot, du moins à notre connaissance, c’est LA DÉMOCRATIE qui est au bout de son chemin, comme idolâtrie et règne de l’homme sans contraintes. Rien ne le montre mieux que son appel final à la liberté des religions, de toutes les religions ou irréligions, comme signe souverain de perfection d’un humanisme (chrétien). « On ne demande aucun privilège, mais le respect d’un droit élémentaire. La réalisation de ce droit est l’un des tests fondamentaux pour vérifier le progrès authentique de l’homme en tout régime, dans toute société, système ou milieu. » Point final de la deuxième encyclique. (…)
AVERTISSEMENT
Jean-Paul II était si bien parti ! Prêchant l’adoration de Jésus-Christ Fils de Dieu, expliquant la rédemption du genre humain, de là montrant le rôle de l’Église dans la dispensation de la grâce de l’adoption divine et de toute sainteté. En sorte que la RENAISSANCE DE L’ÉGLISE s’annonçait au détour de chaque page et qu’on n’attendait plus qu’un signe de lui pour la rendre effective... Soudain, tout tourne court, tout s’autodétruit de l’œuvre à peine ébauchée. Sur les ruines de la foi au Christ, de la discipline de l’Église, de l’ordre chrétien, on va reconstruire le Temple maçonnique où trône l’idole moderne, l’Homme. En s’en faisant le laudateur et le serviteur, d’avance le Pape se livre et livre la Chrétienté au maçonnisme mondial, au communisme, à toutes les révolutions et à tous les désordres.
Que Jean-Paul II, à la suite de Paul VI, érige en système le oui et le non, qu’il vive dans la contradiction hégélienne, associant en paroles et en gestes la thèse catholique et l’antithèse maçonnique, et qu’il rêve d’une riche synthèse pour l’an 2000, c’est un fait navrant, mais hélas indéniable. (…) Aussi faut-il, pour l’honneur de Dieu, pour l’amour du Christ, pour le service de l’Église et des âmes, pour notre propre paix et, j’oserais dire, pour le secours de notre doux Christ en terre, S.S. Jean-Paul II, lui déclarer à lui-même le plus ferme des NON POSSUMUS.
Extraits de la CRC n° 140, avril 1979, p. 1-8