EXPLICATION DU CREDO
La communion des saints, famille des élus
Pour bien comprendre cet admirable dogme de la Communion des saints, chichement expliqué dans le petit catéchisme, il faut d’abord admettre avec la meilleure des philosophies, que le genre humain n’est pas une collection d’individus, pas plus qu’un rassemblement de personnes indépendantes, indifférentes les unes aux autres, encore moins une société établie par contrat de libres volontés, mais une famille. Nous sommes tous nés les uns des autres, ou apparentés en nos ancêtres communs, selon nos nations, nos races. Et finalement nous sommes tous nés d’une souche commune, d’Adamet Ève nos premiers parents. Même scientifiquement, ce monogénisme est le plus probable. Philosophiquement, il est d’une vérité certaine. Moralement, c’est admirable ! Nous sommes donc tous dépendants les uns des autres et appelés à nous épanouir dans cette hérédité, cette solidarité, ce service mutuel, cette générosité sans limites allant jusqu’au sacrifice total.
LA FAMILLE D’ADAM...
Cette communauté d’origine a d’abord valu à tout l’humain lignage, en Adam, le don de la vie surnaturelle, de la justice et de la sainteté, et d’autres menus privilèges, tels que l’immortalité ! qui auraient été des legs d’Adam à tous ses descendants s’il n’avait péché. Pareille hérédité nous aurait été profitable. Privés de tant de biens, au contraire rebelles à Dieu, pécheurs encourant sa Colère, Adam et Ève n’en restent pas moins nos Parents. Unis à eux par les liens du sang, « pour le meilleur et pour le pire », nous voulons rester tous attachés à eux, nous acceptons naturellement notre solidarité dans la faute, hélas ! et dans ses funestes conséquences, et par cette bravoure filiale, nous bénéficions aussi de la Miséricorde divine et de la promesse d’un Rédempteur (Rm 5, 15-17).
Il y avait « communion des saints » dans le Paradis, quand Adam et Ève nous portaient déjà dans leurs cœurs, et dans leurs reins ou leurs entrailles, nous aimant d’avance comme tous les parents du monde leurs enfants à naître, désirant nous donner la Vie surnaturelle qui était en eux. Cette communion s’est muée en communauté de péché, de peine et de mort, par leur faute. Puis certes, en communion de repentir, de contrition et d’espérance. La famille humaine a connu pendant des millénaires le combat des puissances collectives du bien et du mal où chaque âme a dû se tailler son chemin, tendre vers son salut, toujours solidaire des autres, victime de son hérédité, de ses sujétions, et cependant aidée, rachetée déjà par le secours des meilleurs, la communauté de l’espérance des pauvres en Dieu leur Sauveur...
Quand naît le Fils de Dieu dans notre humanité, il n’échappe pas à cette solidarité, au contraire il l’assume, il se fait l’un d’entre nous, décidé à vivre jusqu’à l’extrême, « hormis le péché », cette communauté de destin. C’est ainsi qu’il obtient de son Père, par son Sacrifice expiatoire, l’annulation de l’antique malédiction et le salut de toute sa race, le retour en grâce par Lui, aidé par sa sainte Mère, de toute la famille humaine. Lui et Elle sont alors constitués par le Père nouvel Adam et nouvelle Ève, générateurs d’une nouvelle Vie, propagateurs d’une nouvelle humanité dont les liens ne seront plus seulement charnels, mais spirituels. C’est une nouvelle « incorporation » sociale sur le fondement de la foi au Christ mort et ressuscité, qui nous donne la Vie divine et recrée un nouveau genre humain, l’Église, la Chrétienté.
DEVENUE CORPS DU CHRIST
Mais c’est encore et toujours selon la loi de parenté humaine que nous sont transmis les dons spirituels. L’Église est épouse du Christ, et elle engendre les êtres humains à la seule vie qui compte désormais, par la nouvelle naissance du baptême. L’Église est le « corps mystique du Christ », organisme vaste comme un peuple immense, mais réglé, gouverné, administré comme par un État de droit divin, la Hiérarchie dont le Christ est le Chef souverain, le Roi.
Jésus avait peint cette Église qui ressemblerait tant à une famille, sous l’allégorie de la Vigne nouvelle et véritable, par opposition à la vigne décevante d’Israël, et à toute autre religion ou secte (Jn 15). Lisons ce qu’en dit saint Augustin. « Ce passage de l’Évangile, Frères, où le Seigneur se dit la vigne et appelle ses disciples les sarments, signifie qu’il est la tête de l’Église et nous ses membres, qu’il est médiateur entre Dieu et les hommes, en tant qu’homme, lui, le Christ. La vigne et les sarments sont en effet d’une même nature. C’est pourquoi, comme le Christ était Dieu, de cette Nature divine qui n’est pas la nôtre, il s’est fait homme, afin qu’en lui la nature humaine fût la vigne, dont nous, les hommes, nous pourrions alors être les sarments.» (Tractatus in Johannem, 80)
Saint Paul développe l’autre allégorie, bien connue, du Corps vivant dont le Christ est la Tête (I Co 12). Dans l’une et dans l’autre, on voit comment l’humanité perdue par le péché d’Adam, Adam et successeurs ! dispersée comme les orgueilleux bâtisseurs de la Tour de Babel, est reconstituée dans le Christ, par les liens d’amour de l’Esprit répandant en tous la grâce et la charité (Rm 5, 5) afin de les faire vivre tous en bonne intelligence, en « communion ».
Mais ce qu’il faut savoir enfin, c’est qu’en prêchant à ses disciples l’amour du « prochain », du proche parent, du proche voisin, du concitoyen, du compagnon de route... Jésus-Christ a voulu que les nœuds spirituels de son Église fortifient et sanctifient les nœuds charnels de nos familles humaines. De telle manière que nos familles deviennent des communautés saintes, et que nos communautés religieuses ressemblent à des familles. Et telle est bien la portée immense de ce dogme de la « Communion des Saints ». La vie de la grâce, la charité, le trésor des prières et des sacrifices, des dévouements et des mérites, s’écoulent et s’échangent par les mille canaux des artères et des veines du grand corps social de l’humanité, ainsi lentement reformé en Corps mystique du Christ. Aucune âme ne s’élève sans élever le monde. Nul ne se damne, hélas ! mais nul non plus ne se sauve tout seul. Les chrétiens s’entraînent les uns les autres. Quelle merveilleuse, quelle consolante doctrine !
La mort ne brise pas ces liens, au contraire ! D’intenses échanges relient étroitement l’Église militante de la terre à l’Église triomphante du Ciel, et toutes deux à l’Église souffrante, les âmes du purgatoire. Prières, sacrifices, célébrations de messes sur la terre pour les âmes du purgatoire... Intercessions constantes des Anges et des Saints du ciel, dons extraordinaires, en faveur de leurs dévots enfants d’ici-bas... Indulgences dues aux œuvres de miséricorde et prières des fidèles pour leurs défunts... Trésor des mérites des bienheureux applicables aux pécheurs repentis de la terre... Mais aussi, déjà, entre nous, familles, communautés, confréries, dans l’Église sainte, charité fraternelle, chrétienne, catholique, qui découle de la foi et que sanctifie l’Esprit-Vouloir du Père et du Fils. C’est cette charité-là que saint Paul Voulait qu’on préfère à tous les « charismes » qui enivraient alors sa chère communauté de Corinthe (I Co 13) !
Extraits de Toute notre religion, p. 42-43