Mgr Freppel, législateur social

Mgr Freppel menait à la Chambre des députés son combat d’entente sociale, en faveur des ouvriers, mais non pas contre les patrons, en préconisant des mesures contre le travail des enfants et des femmes, pour les caisses de soutien en faveur des accidentés, des victimes du chômage, en faveur des assurances vieillesse, etc. Si les républicains et les socialistes avaient eu vraiment le souci des ouvriers, Mgr Freppel et les autres catholiques sociaux comme Albert de Mun auraient pu mettre en place toute une législation dès cette époque.

Mgr Freppel à la tribune

Hélas ! Aveuglée par ses préjugés politiques, la gauche, alliée à la droite capitaliste, sacrifia les ouvriers au profit de leur république anticléricale. Il faudra attendre dix, vingt ou trente ans pour que des projets de loi déposés par les catholiques sociaux reparaissent. Durant les années 1871-1892, la République, qu’on nous présente si soucieuse du bien des ouvriers, ne produisit que deux lois en leur faveur ! L’une en 1874, pour interdire le travail de nuit des enfants ; l’autre en 1892, pour limiter le travail des enfants à dix heures par jour, celui des femmes à onze et celui des hommes à douze... C’est dire le progrès accompli !

Citons quelques exemples des interventions de l’évêque d’Angers à la Chambre :

Le 2 février 1884, Mgr Freppel prend la parole pour expliquer que « l’élévation du salaire n’est pas la solution de la question ouvrière ». Puis, lors de la discussion du projet de loi devant aboutir au droit à l’existence des syndicats professionnels, il la réclame pour les syndicats mixtes et non pas seulement pour les syndicats ouvriers. « Car le régime corporatif tel que nous le concevons sera un instrument de paix entre les ouvriers et les patrons, tandis que la loi sur les syndicats professionnels que vous nous préparez sera une machine de guerre pour les uns contre les autres. » N’est-ce pas, hélas ! ce que nous voyons aujourd’hui sous nos yeux !

Le 22 mars 1888, Mgr Freppel prend la parole à propos des caisses de prévoyance obligatoires pour les ouvriers mineurs. Il approuvait ce projet de loi à la condition que l’État en laissât la gestion à des comités d’entreprise composés de patrons et d’ouvriers. Puis, il réclamait la réduction de la participation des ouvriers de 5 % à 4 %. La loi sur les caisses de secours et de retraite en faveur des mineurs, des 29 et 30 juin 1894, tiendra compte de cette demande de l’évêque d’Angers.

Le 11 juin 1888, la réglementation du travail des enfants est à l’ordre du jour. Par démagogie, les républicains entendaient interdire tout travail des enfants. Mgr Freppel, toujours soucieux du vrai bien, exigea de distinguer entre l’usine exploitant les enfants de manière éhontée, et l’orphelinat apprenant aux enfants à travailler pour gagner leur vie honnêtement (...).

Le 5 juillet 1890, dans un projet de loi interdisant le travail des enfants avant l’âge de treize ans, sauf pour ceux qui avaient obtenu leur certificat d’études primaires à douze ans, l’évêque dénonçait une simple mesure de démagogie puisque 84 % des enfants obtenaient leur certificat à douze ans. Autant dire que cette mesure ne changerait rien, sinon de donner bonne conscience à nos dynasties bourgeoises et capitalistes exploiteurs d’enfants.

Le 7 février 1891, nouveau projet de loi sur le travail des enfants que l’État entendait régenter. Mgr Freppel, fidèle à son principe selon lequel l’État n’est pas chargé de l’éducation des enfants, dont le soin revient à la famille et à l’Église, exigea que l’on tienne compte de l’autorité des parents. De plus, le choix du jour de congé était laissé au patron. L’évêque protesta, au nom de la liberté religieuse des ouvriers, contre une mesure destructrice de la cellule familiale. Notons que le dimanche ne redeviendra jour de repos hebdomadaire qu’avec la loi du 13 juillet 1906 !

Extraits de Il est ressuscité ! n° 12, juillet 2003, p. 12-13
et de Mgr Freppel, Tome 4 : « J’ai lutté seul », 1887-1891, p. 343-383