Il est ressuscité !

N° 211 – Juillet 2020

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Une mystique réparatrice

LES premières lignes du document épiscopal,  destinées à accuser notre Père d’une conduite ignominieuse, manifestent une étonnante méconnaissance de la Sainte Écriture de la part des cinq “ théologiens ” qui en ont été chargés par les six évêques de la commission “ doctrinale ” de la conférence des évêques de France !

L’Histoire sainte est celle de la révélation de l’amour de Yahweh, Dieu d’Israël, pour son peuple qu’il s’est formé et que le prophète Ézéchiel représente comme une enfant abandonnée dans le désert. Dieu l’adopte, la lave et l’orne de vêtements et de bijoux royaux à dessein d’en faire son épouse.

Mais Israël s’infatue de sa beauté et trahit son divin bienfaiteur en courant après des amants qui ne sont autres que les faux dieux des “ autres religions ”.

Toute l’Histoire sainte est le récit des infidélités continuelles de l’épouse avec laquelle Dieu avait scellé une alliance éternelle.

Et pourtant, elle aboutit en la Personne de l’Immaculée Conception à laquelle Dieu envoie l’archange Gabriel lui annoncer qu’elle sera la Mère du Sauveur. Par son « fiat », cette Vierge Mère accomplit la prophétie du Cantique des cantiques, dont le premier verset exprime l’amour de la Bien-Aimée par la demande d’un baiser à son Bien-Aimé, son Dieu.

Les artistes ont fait de ce baiser mystique un thème extraordinairement concret d’œuvres très belles, très fortes, pour illustrer les événements joyeux, douloureux, glorieux de notre Rosaire. Notre Père a répondu, par son commentaire mystique, à la demande de Notre-Dame de Fatima à Pontevedra, nous invitant à lui « tenir compagnie pendant quinze minutes en méditant sur les quinze mystères du Rosaire, en esprit de réparation », c’est-à-dire pour la consoler des outrages, sacrilèges et indifférences qui lui transpercent le Cœur continuellement ; à Pontevedra, l’Enfant-Jésus l’accompagnait, « porté par une nuée lumineuse », dans la visite qu’Elle rendit à sœur Lucie dans sa cellule, le 10 décembre 1925. Il prend la parole :

« Aie compassion du Cœur de ta très Sainte Mère, entouré des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment, sans qu’il y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer. » À Paray- le-Monial, le Sacré-Cœur de Jésus se plaignait d’être Lui-même victime de ces ingratitudes. Ici, il ne s’occupe que du Cœur Immaculé de Marie.

Et Notre-Dame approuve aussitôt : « Vois ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats m’enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. »

Ainsi, nous comprenons que ce qui blesse le Cœur de Jésus, ce sont les péchés commis contre le Cœur de sa Mère.

Comme l’écrit notre Père dans une Page Mystique fulgurante :

« Il y a des outrages qu’un homme peut souffrir et qu’il est héroïque pour un prince, pour un roi d’accepter en silence, comme d’être souffleté, couvert de crachats, flagellé et crucifié. C’est une merveille rare de voir un supplicié faire miséricorde encore, encore, jusqu’à la dernière goutte de sang, jusqu’au dernier élan conscient de son cœur qui éclate. Mais toucher à l’honneur de sa mère, un homme ne peut pas le supporter, il ne le pardonnera jamais. Même un Dieu. Moins encore un Dieu ! Dieu ne vengerait pas l’outrage fait à sa Mère ?

« Ah, vous avez touché à ma Sainte Mère, vous avez osé ! Épouvante...

« Il faudrait réparer... »

C’est ce que l’Enfant-Jésus est venu nous dire à Pontevedra.

Réparer en entrant dans l’intelligence mutuelle du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie, que notre Père nous expliquait si bien. Quand il disait : l’Enfant-Jésus et sa Mère « sont en bonne intelligence », c’était beaucoup mieux que d’être tendres l’un avec l’autre, très attachés, très amoureux. La Vierge Marie et l’Enfant-Jésus sont en intelligence. Marie et Jésus sont en intelligence parfaite. C’est un extraordinaire approfondissement du mystère.

LE BAISER MYSTIQUE.

Dans cet embrassement, il y a certes toute la tendresse d’une mère pour son enfant, mais il y a plus : une sorte d’égalité entre la mère et son fils... qui déjà l’emporte sur Elle. Car il y a quelque chose de véritablement mystérieux dans l’échange de ces deux regards : de cet Enfant unique au monde que sa Mère regarde dans les yeux avec une sorte de curiosité.La contemplation d’une œuvre de Quentin Metsys, maître de l’école d’Anvers, nous permet d’entrer dans les mystères joyeux de la Sainte Famille. Ce tableau, daté de 1510, a admirablement mis en scène cette rencontre d’un Dieu, Fils de Dieu fait fils de Marie, avec sa divine Mère qui lui demande son baiser, selon le premier verset du Cantique des cantiques : « Qu’il me baise des baisers de sa bouche. »

La Vierge Marie, dans cet échange de regard avec son Fils en même temps que de baisers et de caresses, est persuadée que c’est Quelqu’un qui la regarde pour lui montrer qu’il sait très bien ce qu’il fait et pour donner à ces gestes d’amour un contenu conscient, adulte, plus qu’adulte, où elle est comme sa servante, elle est comme son épouse, comme sa fille, comme sa créature.

La Sainte Vierge sait, par l’Annonciation, que cet Enfant est un enfant du mystère, c’est l’Enfant incomparable, c’est le Messie, c’est le fils de David, c’est le Fils de Dieu. Alors la Vierge soupçonne, discerne, pour ne pas dire sait, que c’est son Dieu, cette forme d’enfant qui lui témoigne sous ce mode enfantin son amour de Dieu pour sa créature parfaite et immaculée, pour sa créature unique au monde.

Il n’y a point sur la terre, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais sur la terre, d’amour d’une jeune maman pour son enfant, pareil à cet amour-là :

« Ô mon Jésus, venu de Dieu notre Père
mon enfant né de moi pour m’être Époux de sang, »
Époux : une seule chair formée et nourrie de son Sang pendant neuf mois.
« de votre baiser pudique donnez-moi
votre Souffle Saint d’amour
créateur. »

Créateur de l’âme d’Adam au commencement. Ici, d’une nouvelle création.

« N’ai-je pas le droit de chercher votre bouche,
en toute liberté ma droite soutenant votre corps,
et tournant vers mes lèvres vos lèvres affamées »,

affamées d’amour de sa créature, qu’il n’a pas obtenu d’Israël,

« puisque d’immaculée conception »,

à la différence de tout être humain depuis le péché d’Adam,

« vierge je suis et demeure
sans crainte d’aucun mal ? Me voilà bien hardie
jusqu’à prendre, j’ose ! et recevoir
de mon enfant son baiser d’époux ! »

et non pas seulement d’enfant, car cet Enfant est Dieu ! maître et Seigneur :

« Tandis que d’une main avisée de maître
et de Seigneur vous découvrez mon sein,
et de votre gauche plus courageuse
vous m’ôtez le voile de notre hymen heureux
afin d’en user avec moi selon votre plaisir,
je sais ! jusqu’à vous passionner d’amour
à me transpercer d’un glaive de douleur »

annoncé par les Écritures, et par le vieillard Siméon au jour de la Présentation de cet Enfant au Temple.

« Nos bouches se baisent d’un baiser innocent,
mais nos regards disent clairement notre différence
que nos trente ans de vie encor [à Nazareth]
m’apprendront. Car je perçois au fond de vos yeux, mais c’est en secret,
que nonobstant votre âge tendre, déjà
vous me connaissez, vous me commandez
et me baisez dans un aveu d’amour éternel
tandis que vous vous amusez de me voir naïve,
votre jeune servante, ignorante de vous,
vouée à vous en tout n’ayant d’autres vœux,
moi, que les vôtres,
étant enfant de mon agneau,
agnelle de mon enfant,
éprise de ses jouissances, prête à toutes souffrances,
béate devant vous,
mon Jésus !

Le peintre, certes, ne m’a point faite belle,
ni vous beau mon tendre ami,
mais pour l’audace de ce baiser de nos bouches
et le génie de ce double regard de nos yeux,
pardonnons-lui,
car en cette union de nos chairs il dit bien la vérité
de l’étreinte et fusion de nos amours
dans le face à face éternel
où nous sommes l’un en l’autre extasiés,
tournés vers le sein du Père. »

(Noël 1990)

LE BAISER PATHÉTIQUE.

Quentin Metsys retrouve en 1530 l’inspiration de ce baiser de la Mère à son Fils. Seulement, le Fils est mort. C’est une descente de Croix pathétique. Jésus est là, dans les bras de sa Mère, comme quand il était enfant, comme quand il l’avait retrouvée au Temple, mais là, il est véritablement bien mort. Est-ce fini ?

XIIIe STATION : JÉSUS EST DESCENDU DE LA CROIX

JÉSUS est mort selon la loi fixée par Dieu en châtiment du péché originel, dans l’arrachement de son âme à son corps. Son âme poursuit son œuvre en descendant prêcher le salut aux Enfers. Son Corps est remis à la Vierge Marie sa Mère, qui le reçoit dans ses bras avec un infini respect, une grande tendresse et une merveilleuse dévotion. Elle sait, ainsi que les saintes Femmes et les quelques fidèles qui l’entourent, de manière intuitive, que le lien de ce Corps très saint, transpercé pour notre salut, avec la Personne divine qui se le consacra entièrement, n’est pas rompu. Cette relique est sacrée, elle ne connaîtra pas la corruption du tombeau, elle est toujours le sacrement de la rédemption universelle.

Adorons, aimons, contemplons ce Corps divin marqué de tous les stigmates de sa cruelle Passion. Et soyons reconnaissants au Père de tous biens, de nous l’avoir donné pour signe et sacrement éternel de notre salut. C’est en le voyant, c’est en le vénérant, c’est en le recevant à notre tour dans nos âmes par la communion que nous participons à sa grâce sanctifiante.

Ô Marie Immaculée, qui avez tenu avec une si grande piété ce doux Corps immolé en vos bras maternels, aidez-nous, apprenez-nous à Le recevoir, vivant et vrai, dans nos cœurs et à lui demeurer toujours unis par notre pureté de corps et de cœur, par notre renoncement et notre piété spirituels.

Georges de Nantes.

« MARIE, ô Mère des douleurs
Il n’est plus là votre enfant chéri, il est parti
Il s’en est allé, âme expirée,
amour enfui
descendu aux enfers,
L’heure n’est plus de NOËL, des baisers, des caresses
De la jeune maman à son doux Enfant !
L’heure de tout à l’heure n’est plus non plus,
du supplice de la CROIX offert en sacrifice
par Vous, nouvelle Ève de ce nouvel Adam,
mêlant le sang de votre cœur au sang de son corps
ensemble transpercés.
L’heure du mot de la dernière sagesse
et de l’ultime don :
 Mère, voici votre Fils ”,
amer comme une dernière tâche, adieux définitifs
et abandon : Fils, voici votre Mère... 
L’heure n’est plus aux amours de la Mère, de l’Épouse,
au bonheur,
mais à la séparation des âmes puis des corps.
Laissez, laissez Celui-ci au silence, à la mort
Tandis que de mille lumières Jérusalem
commence sa folle fête des agneaux sacrifiés.
– Il est ici, mon enfant, c’est son Corps »

qui n’est pas un cadavre, qui ne peut pas être un cadavre, car ce Corps divin, c’est une Chair de Fils de Dieu fait homme.

« c’est son Sang versé
dans ce lin blanc, innocent
de mon voile en seul linceul. »

Le baiser de sa Mère explique, de toute manière, que ce ne sera jamais fini.

« L’heure est à la divine paix du Ciel
et des enfers réconciliés,
de l’âme du Fils de Dieu, et des âmes perdues
dans ces lieux ténébreux qu’elle va prêcher,
évangéliser, délivrer, joie là-bas
déjà pour elles,

L’heure est proche de la paix, donnée à la terre,
aussi ! du baiser de paix de ces lèvres
de mon Bien-Aimé
à toute âme fidèle, et à moi la première,
sa modeste servante qui le veille
attendant son réveil
et déjà là, le regardant, car il sommeille, pour
surprendre sur ses lèvres le premier mouvement
de son souffle, le battement de son cœur
et le premier regard
de mon doux Jésus en ses yeux morts, son âme revenue,
ressuscité ! »

Pour ainsi dire, la vie de la Mère passe encore dans ce Corps de son Enfant, et le regard que Quentin avait si bien saisi au temps de l’enfance, de la joie, ce regard qui n’est plus celui de la douleur, ce regard est celui de la consommation de l’œuvre de Dieu.

Elle le regarde en sachant qu’il vit encore. Il est véritablement mort humainement puisque son âme s’est séparée pour aller aux enfers, prêcher aux générations passées le salut de l’Évangile. Le Corps n’en est pas moins le Corps de Dieu, du Fils de Dieu qui vit, lui, d’une vie divine.

« Il dort trois jours depuis sa mort,
mais mon cœur veille.
C’est le corps de mon fils et de mon Dieu
qui ne peut mourir de totale mort.
De mort humaine qu’est-ce ? et non
de mort de Dieu ! C’est mon enfant qui dort et s’il dort
il vit encore, et revivra !
Ô mon tendre fils, époux et père en Dieu
ô mon Créateur et Sauveur et Semence sainte,
en cette Chair, en ce Sang par ces plaies,
signes sacrés,
je discerne le lien infrangible
de ton âme en voyage aux enfers et de ton corps
ici livré à mes pâles embrassements,
et ce lien tient de notre amour »...

qui s’exprime par ce baiser pathétique. Les lèvres ne sont pas jointes, elle attend de surprendre sur les lèvres de son Fils, le retour de la vie, le souffle qui va revenir. Mais les yeux du Christ sont restés ouverts. On ferme les yeux d’un cadavre avant de le mettre en terre.

Mais là, ce sont des yeux de mort, mais de mort qui va revivre, comme sur le Saint-Suaire ! et dans le regard de la Vierge, on lit une infinie douleur de compassion. Mais on y lit encore cette interrogation muette de la Mère avec son Enfant de deux ans.

Elle discerne que ce regard est tout pour elle, et de fait, la tête est abandonnée entre ses bras. Elle l’a entourée de son voile, mais qui là paraît comme quand il était enfant, comme un lin blanc immaculé. Elle lui donne tout son amour, persuadée dans la flamme de sa prière, dans l’élan de son Cœur Immaculé embrasé d’amour, qu’elle va encore faire revivre son Fils.

« Je suis MARIE,
ta mère, ton épouse vierge t’appelle,
te rappelle à la vie
non pour la terre, mais pour le Ciel.
Repasse prendre ton corps et emmène-moi avec Toi
auprès du Père, mon Bien-Aimé,
mon tout sur la terre
et dans les enfers où je n’irai pas,
mais dans le Ciel au sein de mon Père et ton Père,
immense béatitude
de Noël, de Pâques et de 15 août. »

(15 août 1991)

Jésus avait dit qu’il ressusciterait. Les Apôtres n’avaient pas compris. La Vierge Marie, si ; Elle attend. Et nous, en attendant d’aller les rejoindre au Ciel, nous savons qu’il a dit qu’il reviendrait. Personne ne l’attend. Nous, oui ; nous attendons, éveillés, son retour. Ainsi soit-il !

frère Bruno de Jésus-Marie.