Il est ressuscité !

N° 243 – Mai 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


« Récitez le chapelet tous les jours. »

Les mystères glorieux du Rosaire (I)

Apparition de Notre-Seigneur à Notre-Dame au matin de Pâques.
Apparition de Notre-Seigneur à Notre-Dame au matin de Pâques.
( Stella. Peinture sur marbre polychrome, XVIIe siècle, Le Louvre ).

RÉSURRECTION

PUISQUE beaucoup ont entrepris de détruire notre foi en la Résurrection de Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur, en contestant des événements historiques qui nous ont été transmis par des témoins oculaires et serviteurs de l’Évangile au long de vingt siècles, j’ai décidé, moi aussi, après m’être informé exactement de tout depuis les origines, d’en établir l’exposé suivi, pour que vous ne vous laissiez pas désorienter par des mensonges diaboliques d’apostats.

Au cours de la nuit du 8 au 9 avril de l’an 30 après la naissance de Jésus-Christ, Celui-ci ressuscite et sort du sépulcre. La terre tremble, un ange éblouissant de lumière descend du ciel et roule la pierre qui scellait le tombeau ; il s’assied sur elle. Les gardes atterrés « devinrent comme morts » (Mt 28, 4).

« Marie de Magdala vient de bonne heure, quand il faisait encore nuit, vers le tombeau. Et elle voit la pierre enlevée du tombeau. Elle se met donc à courir et se rend auprès de Simon Pierre et auprès de l’autre disciple que Jésus aimait et leur dit :  On a enlevé le Seigneur du tombeau ! Et nous ne savons où on l’a mis... ” » (Jn 20, 1-2)

LE TÉMOIGNAGE DE LA MÈRE DE JÉSUS.

Nous, nous le savons : il est dans les bras de sa Mère ! puisque celle-ci n’est pas avec les saintes Femmes qui arrivent au tombeau « portant les aromates qu’elles avaient préparés » (Lc 24, 1). Cette absence de Marie est éloquente. Elle témoigne de la résurrection de son Fils, que les anges annoncent aux saintes Femmes au moment où elles trouvent le tombeau vide :

« “ Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est pas ici, mais il est ressuscité. Souvenez-vous de ce qu’il vous a dit, étant encore en Galilée, au sujet du Fils de l’homme  ; qu’il devait être livré entre les mains des hommes pécheurs, et être crucifié et ressusciter le troisième jour. Et elles se ressouvinrent de ces paroles. » La Vierge Marie était donc la seule à s’en souvenir. C’est pourquoi elle avait laissé les saintes Femmes monter seules au tombeau. Elle seule avait gardé la foi.

Alertés par Madeleine, Pierre et Jean accourent. En voyant le Saint Suaire, Jean « crut ».

Une tradition constante affirme que Jésus se montra à sa Mère en tout premier lieu, et la liturgie de l’Église l’atteste en célébrant la fête de cette apparition de Notre-Seigneur à sa Très Sainte Mère, dont saint Jean Eudes a composé le plus merveilleux des offices : « Ressuscitant d’entre les morts, le Christ s’en alla en toute hâte à Jésusalem pour consoler sa très Sainte Mère. Alleluia ! » (première antienne des premières vêpres)

Jésus était mort selon la loi fixée par Dieu en châtiment du péché originel, dans l’arrachement de son âme à son corps. Son âme poursuit son œuvre en descendant prêcher le salut aux enfers. Son Corps est remis à la Vierge Marie sa Mère, qui le reçoit dans ses bras avec un infini respect, une grande tendresse et une merveilleuse dévotion. Elle sait que le lien de ce Corps très saint, transpercé pour notre salut, avec la Personne divine qui se le consacra entièrement, n’est pas rompu.

Au chapitre 87 de sa Méditation sur la vie du Christ, saint Bonaventure raconte : « Le Seigneur Jésus, entouré de la cour innombrable des anges, s’en vint au sépulcre, le dimanche de grand matin. Reprenant son corps très sacré, il se ressuscita par sa propre puissance et, le sépulcre étant toujours fermé, il sortit. Or, à la même heure, c’est-à-dire d’aussi grand matin, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, après en avoir d’abord demandé la permission à Notre-Dame, se mirent en chemin vers le sépulcre avec des onguents. Mais Notre-Dame demeura à la maison, priant ainsi :  Père très clément, Père très bon, vous le savez, mon Fils est mort, il a été cloué à la croix entre deux voleurs, et moi, je l’ai enseveli de mes mains. Mais vous, Seigneur, vous êtes puissant. Rendez-le-moi sain et sauf. J’en supplie votre Majesté, rendez-le-moi ! Pourquoi tarde-t-il tant à venir vers moi ? Renvoyez-le-moi, je vous en conjure, car mon âme ne connaîtra pas de repos que je ne le voie lui-même, en personne !

 Ô mon très doux Fils, qu’en est-il de vous ? Que faites-vous ? Pourquoi vous mettre en retard ? Je vous en prie, ne différez pas davantage de venir vers moi. Car vous l’avez dit : Le troisième jour, je ressusciterai. Ô mon Fils, n’est-ce pas aujourd’hui le troisième jour ? Ce n’est pas hier, mais le jour d’avant qui fut le grand jour très amer, jour de calamité et de mort. C’est donc aujourd’hui le troisième jour, mon Fils. Levez-vous donc, ô ma gloire et tout mon bien, et revenez ! Par-dessus tout je désire vous voir. Que votre retour me console ; votre départ m’a tant affligée ! Revenez donc, mon Amour, venez, Seigneur Jésus, venez, mon espoir unique, venez à moi, mon Fils !  Comme elle priait ainsi, versant doucement des larmes, voici que tout à coup survient le Seigneur Jésus, en vêtements resplendissants, le visage serein, beau, glorieux, joyeux. Il lui dit : Je vous aime, Mère très chérie !  Et elle, se retournant aussitôt : Est-ce vous, Jésus, mon Fils ?  Et tombant à genoux, elle l’adora. Ma très douce Mère, reprit le Fils, c’est moi. Je suis ressuscité, et me voici de nouveau avec vous. 

« Alors ils se lèvent ; l’embrassant avec des larmes de joie, elle l’étreignait étroitement, tenant son visage tout accolé au sien. Puis ils s’assirent l’un à côté de l’autre, et elle le considérait, anxieuse et empressée, scrutant sa Face, les cicatrices de ses mains, et cherchant par tout son corps si toute douleur s’en était bien enfuie. Et lui : Mère vénérée, toute douleur s’est éloignée de moi ; j’ai vaincu et la mort et la douleur et toutes les angoisses, et dorénavant je ne souffrirai plus aucun mal.  Et elle : Béni soit votre Père qui vous a rendu à moi ; loué et exalté soit son Nom ; glorifié soit-il dans tous les siècles !  Ils restent ainsi à parler dans la joie mutuelle, et ils fêtent délicieusement et amoureusement la Pâque. Et le Seigneur Jésus raconte comment il a délivré son peuple des enfers, et tout ce qu’il a fait pendant ces trois jours. Ainsi commença le grand jour de Pâques. »

PREMIÈRE APPARITION : TENDRESSE DIVINE.

Pendant ce temps, Pierre et Jean repartis, Marie-­Madeleine est restée là, le cœur débordant d’amour. Elle n’attend pas la résurrection, mais elle aime. Elle ne sait qu’aimer, et ne se souvenir de rien d’autre. Elle cherche le corps de son Bien-Aimé, sachant de manière intuitive que le lien de ce corps très saint, transpercé pour notre salut, avec la Personne divine qui se le consacra entièrement, n’est pas rompu. Cette relique est sacrée, elle ne connaîtra pas la corruption du tombeau, elle est toujours le sacrement de la rédemption universelle. En parfaite et fidélissime amante, elle se sait aimée et destinée à l’union totale. Elle ne sait comment, mais elle reste auprès de Lui et en sera récompensée.

« Marie se tenait près du tombeau, au-dehors, en pleurs. Or, tout en pleurant, elle se pencha vers l’intérieur du tombeau et elle voit deux anges, en vêtements blancs, assis là où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds. »

« Ceux-ci lui disent : Femme, pourquoi pleures-tu ?  Elle leur dit : Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis. ” »

« Ayant dit cela, elle se retourna, et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. »

Regardant au fond du sépulcre, où elle voyait les anges briller dans la pénombre, elle se retourne vers le jour qui se lève. À contre-jour, à travers ses larmes et ses cheveux, elle n’a pas reconnu Jésus, qui lui dit :

« “ Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?  Le prenant pour le jardinier, elle lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai. ” »

Qui ? Jésus ! Elle ne le nomme même pas. Et parce que l’amour ne calcule pas l’effort, elle offre de l’emporter. Pour quoi faire ? Pour lui rendre un culte, pour le mettre à l’abri des profanations.

« Jésus lui dit : Marie ! ” »

« Se retournant, elle lui dit en hébreu : Rabbouni !  Ce qui veut dire : Maître ! ” »

« Elle se jette à ses pieds et s’en empare, non pas pour vérifier qu’il est ressuscité, comme fera Thomas, mais pour couvrir de baisers les saints stigmates qu’elle découvre glorieux, après avoir contemplé les douloureuses plaies au pied de la Croix ! Elle veut retenir Jésus tout à elle, mais il la repousse gentiment :

17. « Cesse de me retenir, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va plutôt trouver mes frères et dis-leur :Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu”. »

Depuis que Jésus a consommé son sacrifice, disant à Dieu son Père : « Voici vos enfants », comme il a dit à Marie sa Mère : « Voici votre fils », ses disciples ne sont plus seulement pour lui des serviteurs, ni même des amis, mais des « frères ». Il le proclamait déjà du haut de la Croix en récitant le Psaume : « J’annoncerai ton Nom à mes frères. » (Ps 22, 23) Ils sont ses frères, fils de Marie et fils de Dieu comme Lui, entrant dans la circumincessante charité qui coule du Père vers le Fils et qui remonte du Fils vers le Père, par les mains de Marie notre Mère à tous, à jamais !

Alors, pour mettre un terme aux effusions de Marie-Madeleine et se dégager de ces bras qui, tendrement, le tiennent embrassé, il lui donne une mission. Elle le lâche et y court :

18. « Marie de Magdala vient annoncer aux disciples que :J’ai vu le Seigneur, et il lui a dit cela. »

Elle est tout essoufflée : traduite littéralement, la phrase le fait voir et entendre sur le vif.

DEUXIÈME APPARITION : MISSION APOSTOLIQUE.

19. « Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit :Paix à vous ! Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. »

Mains et côté transpercés, mais nous ne le savons pas encore. Les Évangélistes n’ont même pas pensé à préciser ce détail, horrible : Jésus fut fixé à la Croix par des clous, et non pas par des cordes. Nous allons l’apprendre tout à l’heure. Rien n’est plus révélateur de la parfaite ingénuité de leur témoignage.

« Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. » On le serait à moins ! Là encore, saint Jean ne pouvait pas mieux rendre, sans l’avoir calculé, le contraste que font les élans amoureux de Marie-Madeleine et le saisissement des Apôtres qui demandent des preuves ! Mais à la vue des glorieux stigmates, comment douter ?

21. « Il leur dit alors, de nouveau :Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. »

Au temps de sa vie publique, alors qu’ils étaient en Samarie, voyant les gens alertés par la Samaritaine sortir de la ville et venir à lui, au milieu des champs de blé blondissants, Jésus disait déjà : « Je vous ai envoyés moissonner », au passé, comme si Lui, le semeur avait déjà envoyé ses moissonneurs en mission, dans sa faim et dans sa soif de voir s’accomplir l’œuvre du Père (Jn 4, 38). Maintenant, l’heure est venue de récolter le fruit de son sacrifice rédempteur.

22-23. « Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. ” »

Voilà une parole qui marque l’accomplissement de celle de Jean-Baptiste, annonçant que Jésus serait le Rédempteur du monde : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » (1, 29) Le Précurseur avait aussi proclamé qu’il avait vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et reposer sur Lui : « Et moi, j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Élu de Dieu. » (1, 34)

« C’est Lui qui baptise dans l’Esprit-Saint », promettait le Précurseur. Et l’on peut dire que tout le quatrième Évangile est marqué par cette attente du Saint-Esprit, faute duquel Jésus ne peut pas donner à son enseignement toute sa puissance et sa fécondité. Il parlait à des sourds, parce que l’Esprit ne leur avait pas encore été donné, Jésus n’ayant pas été glorifié.

Mais après sa résurrection, son souffle corporel, le souffle de sa bouche de Verbe incarné est porteur de l’Esprit-Saint promis. Il donne ainsi aux Apôtres le pouvoir qui était sien et dont il a usé pendant sa vie mortelle, de remettre les péchés et de les “ retenir ” : pouvoir de juge pour pardonner et pour condamner. (Bible, Archéologie, Histoire, p. 43-44)

TEMOINS DE SA CRUCIFIXION.

« Or, Thomas, l’un des Douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux lorsque vint Jésus. »

24. « Les autres disciples lui dirent donc :Nous avons vu le Seigneur ! Mais il leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. ” »

Des « clous » ? Seigneur Jésus, vous avez donc été fixé à la Croix par des clous ! Heureuse incrédulité de Thomas, qui nous vaut une telle révélation ! Source de la douloureuse compassion des âmes saintes, d’âge en âge, jusqu’à la découverte de ces « marques des clous » sur le Saint Suaire même, par notre génération apostate : le docteur Pierre Barbet a, comme Thomas, mis le doigt dessus, sur la plaie du poignet gauche visible sur le Saint Suaire. Puis il a reconstitué la scène dans toute sa vérité oubliée depuis deux mille ans : horrible chose ! Sur des bras fraîchement amputés, et donc encore vivants, de la salle de dissection de l’hôpital Saint-Joseph, un seul coup de son gros marteau sur un “ clou de la Passion ” piqué dans le pli antérieur du poignet, et le « clou est déjà fiché dans le bois, où quelques panpans énergiques le fixent solidement ».

Jésus n’a pas crié, mais son Visage s’est contracté et son pouce, d’un mouvement violent, impérieux, s’est fermé dans la paume. De fait, sur le Saint Suaire, chacune des deux mains, si belles et fines, paraît ne compter que quatre doigts, d’ailleurs admirablement reportés sur le Linge. Les pouces sont en opposition, cachés dans les paumes. « Son nerf médian a été touché. Mais alors, je ressens ce qu’Il a éprouvé : une douleur indicible, fulgurante, qui s’est éparpillée dans Ses doigts, a jailli, comme un trait de feu, jusqu’à Son épaule et éclaté dans Son cerveau. C’est la douleur la plus insupportable qu’un homme puisse éprouver, celle que donne la blessure des gros troncs nerveux. »

TÉMOINS DE LA RÉSURRECTION.

26. « Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau à l’intérieur et Thomas avec eux. Jésus vient, les portes étant closes, et il se tient au milieu et dit :Paix à vous.” Puis il dit à Thomas : Porte ton doigt ici : voici mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant.  Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu !  Jésus lui dit : Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. ” »

Jean a entendu battre le Cœur de Jésus, afin de nous enseigner ses secrets. Que dire de Thomas, qui l’a touché du doigt, en enfonçant sa main dans une chair ouverte par la plaie, mais ressuscitée ! Son cri décerne à Jésus un titre que personne encore ne lui avait donné : non seulement expression d’une foi pleine et entière en la nature divine de Jésus, jaillie de l’évidence de la résurrection, et sur les lèvres de l’incrédule Thomas tout le premier, mais encore élan d’un amour qui ne s’éteindra plus jamais au cœur des « croyants », même ceux qui n’ont pas vu. Car, de génération en génération, « le clou proclame, la blessure crie que vraiment Dieu est dans le Christ, se réconciliant le monde ».

Lorsqu’il commente ce texte, notre Père ne manque jamais de faire observer que Jésus était donc là, invisible, « huit jours » auparavant, lorsque Thomas se refusait à ajouter foi même au témoignage de ses frères, s’obstinant à répondre mot pour mot à leur récit enthousiaste par une froide dénégation, ne s’en rapportant qu’au témoignage de ses sens. Jésus entendait cela et se promettait de consentir aux exigences de l’incrédule. Mais, du coup, il révélait aux Apôtres que, même invisible, il est toujours présent : « Voilà comment nous sommes prévenus que Jésus est avec nous jusqu’à la consommation du monde », conclut notre Père. “ Présence sous mode d’absence ”, qui habitue les Apôtres à le savoir toujours avec eux, même quand il sera remonté aux Cieux.

30. « Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d’autres signes, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. »

Jésus ressuscité est donc apparu à Marie-Madeleine, après avoir visité sa Mère – cela n’est pas dit, mais cela va sans dire – afin de récompenser leur amour, et d’incendier leur cœur de nouvelles flammes. Puis, il s’est montré à ses Apôtres pour fonder leur ministère sur un témoignage oculaire auquel nous sommes tous appelés à ajouter foi afin d’être de ces bienheureux qui n’ont pas vu et qui ont cru. Ce témoignage apostolique porte sur des faits qui sont des « signes » lumineux, disposés par la main même de Dieu : leur simple narration est tellement pleine d’intelligence, de sagesse et de miséricorde, que le cœur de celui qui écoute rencontre le Cœur de Dieu et y trouve la Vie en baignant dans sa vérité attestée de son Sang.

LA BARQUE DE PIERRE

« Après cela, Jésus se manifesta de nouveau aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade. » (Jn 21, 1) C’est la troisième fois. La première apparition fut un envoi en mission avec la collation des pouvoirs de lier et délier (Jn 20, 19-23). La deuxième fois, Jésus s’est fait palper par Thomas (20, 27). La troisième fois, Jésus, par ce retour aux premiers temps merveilleux de Galilée, mime par avance ce que sera le temps de l’Église.

2-4. « Simon Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée », Jacques et Jean, mais Jean ne les nomme pas, selon son habitude de garder l’anonymat, puisqu’il est l’un d’eux, « et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble. Simon Pierre leur dit :  Je m’en vais pêcher. Ils lui dirent :  Nous venons nous aussi avec toi.  Ils sortirent, montèrent dans le bateau et, cette nuit-là, ils ne prirent rien. » (v. 3)

4. « Or, le matin venu, Jésus se tint sur le rivage ; pourtant les disciples ne savaient pas que c’était Jésus. »

5. « Jésus leur dit :Les enfants, vous n’avez pas du poisson ?Ils lui répondirent :  Non ! Il leur dit : Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez.  Ils le jetèrent donc et ils n’avaient plus la force de le tirer, tant il était plein de poissons. Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre :  C’est le Seigneur ! À ces mots :  C’est le Seigneur ! Simon Pierre mit son vêtement – car il était nu – et il se jeta à l’eau. »

Jean fut le premier à discerner le « signe » du Suaire dans le tombeau vide. « Et il crut. » Il est encore le premier à saisir celui de la pêche miraculeuse. Mais si Jean est le plus rapide, Pierre conserve la primauté : il entre le premier au tombeau ; il se jette à l’eau pour arriver le premier auprès de Jésus.

8. « Les autres disciples, qui n’étaient pas loin de la terre, mais environ à deux cents coudées, vinrent avec la barque, traînant le filet de poissons. Une fois descendus à terre ils aperçoivent, disposé-là, un feu de braise, avec du poisson dessus, et du pain. »

Ainsi, pendant qu’ils travaillent, Notre-Seigneur leur prépare de la nourriture : il a allumé du feu, mis le pain à cuire et fait griller du poisson... qu’il s’est procuré... où ? Tout ce mystère annonce l’avenir. Tandis que peinent ses Apôtres, Jésus pourvoit, comme un père et une mère, à leurs besoins matériels, mais le pain est surtout la figure de son propre corps dont il nourrira son Église au long des siècles.

Les premiers chrétiens verront dans le poisson lui-même, déjà à l’honneur lors de la multiplication des pains, un symbole du mystère total de « Jésus-Christ, Fils de Dieu Sauveur », en grec : Jèsus Christos Théou Huios Sôter, dont les initiales forment le mot icthus qui est un mot grec signifiant « poisson ». Grillé sur le feu, c’est la figure du sacrifice par lequel Jésus s’est offert sur la croix en “ holocauste ”, un sacrifice qui, dans la liturgie mosaïque, consistait en une destruction totale de la victime par le feu. Le Saint Sacrifice de la messe accomplit lui-même cette figure par la transsubstantiation où le pain disparaît complètement pour laisser la place au Corps du Christ, notre nourriture.

10. « Jésus leur dit :Apportez-moi de ces poissons que vous venez de prendre.” » Comme si les Apôtres devaient se nourrir du corps de Jésus sacrifié pour eux ainsi que de tous les corps des gros poissons péchés dans leurs filets qui n’ont pas rompu. « Cela signifie, disait notre Père, que non seulement l’Apôtre, mais Dieu lui-même, se nourrit de tous les saints qui viennent s’attacher à ce Corps pour être une seule Hostie, une seule Victime avec Jésus, un seul Cœur avec lui dans leur sacrifice, unis au Christ. C’est la nourriture des Apôtres, et c’est la nourriture de Dieu. »

« Simon Pierre monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein de gros poissons : cent cinquante-trois ; et quoiqu’il y en eût tant, le filet ne se déchira pas. Jésus leur dit :  Venez déjeuner. ” »

C’est à Pierre qu’il appartient de lever le filet hors de l’eau et de le détacher du bateau sans le rompre, ce qui n’alla pas sans peine. Le filet où l’on prend les poissons et qui ne se rompt pas symbolise l’Église qui doit demeurer une, si nombreux que soient les fidèles.

12-13. En présence de cette apparition inouïe d’un corps glorieux, ils restent sans voix. Ils l’ont reconnu par l’intuition du cœur, au ton de la voix, au maintien... et tout. Sa majesté tranquille leur inspire la même timidité que naguère au puits de Jacob en Samarie. Lorsqu’ils s’étonnaient qu’il parlât à une femme, Samaritaine de surcroît ! « Pourtant, pas un seul ne dit :  Que cherches-tu ? ” » ou : « “ De quoi lui parles-tu ? ” » (Jn 4, 27) Mais alors, c’étaient eux qui le priaient de manger. « “ Rabbi, mange ! ” » (Jn 4, 31) Cette fois, les rôles sont inversés : c’est lui qui les sert, après avoir récompensé leur docilité à suivre ses avis par ce magnifique coup de filet.

Ainsi en sera-t-il au long des siècles, tandis qu’il demeurera dans la gloire du Père, pendant toute l’histoire de l’Église. Il sera toujours avec eux d’une manière invisible. Après la leçon donnée à Thomas à Jérusalem, en voilà une nouvelle. Il ne quitte pas d’une semelle son Église en la personne de Pierre devenu pêcheur d’hommes dont le grand nombre et la diversité n’empêchent pas leur unité à la table du Seigneur. Jésus s’occupe des siens, et Pierre est son ministre. Il en est ainsi depuis vingt siècles. Et même si le Seigneur favorise une voyante très aimée de lumière particulière, ou envoie sa propre Mère bien-aimée, pour faire connaître la volonté de bon plaisir de son très chéri Père Céleste, l’obéissance à cette demande passe par Pierre.

C’est pourquoi il nous faut prier pour le pape François afin qu’il daigne établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Il a enfin commencé à accomplir cette volonté en consacrant la Russie à ce Cœur Immaculé l’an passé, en la fête de l’Annonciation. Qu’il achève en prescrivant à son peuple la dévotion réparatrice des premiers samedis demandée par Notre-Dame à Pontevedra, et il obtiendra la paix pour le monde, et pour lui-même l’assistance de Notre-Dame à l’heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de son âme.

PIERRE « REVIENT »

Pierre joue le premier rôle dans l’Église.

Jn 21, 15. « Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jean, me chéris-tu plus que ceux-ci ?  Il lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime.  Jésus lui dit : Pais mes agneaux. ” »

Pierre doit réparer son triple reniement par une triple profession de foi et d’amour.

En réponse à la première question de Jésus, il n’ose pas reprendre le verbe « chérir » (agapein). Sa réponse est dénuée de toute présomption. Mais il en appelle à la science de Jésus : « Tu le sais. » Alors qu’il avait largement mis en doute la prescience de Jésus, lorsque celui-ci avait annoncé la dispersion du troupeau : « Même si tous succombent, du moins pas moi ! » (Mc 14, 29 ; Mt 26, 33)

16. « Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : Simon, fils de Jean, me chéris-tu ?

 Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t’aime.

 Pais mes brebis. »

Le Seigneur ne l’invite plus à se comparer aux autres. Mais il confirme sa prééminence de Pasteur suprême, à la place du Christ qui doit remonter vers son Père, et ne sera plus visible, quoique toujours présent. Les Apôtres eux-mêmes rentrent dans le troupeau. En effet, en changeant les « agneaux » en « brebis », Jésus montre qu’il confie à Pierre tout le troupeau.

17. « Il lui dit pour la troisième fois : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ?Pierre fut peiné de ce qu’il lui eût dit pour la troisième fois :  M’aimes-tu ? ”, et il lui dit :  Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je j’aime ! Jésus lui dit ; Pais mes brebis. ” »

Cette fois, le verbe “ chérir ” a disparu ! Et à ce troisième coup, Pierre, humilié, efface son triple reniement et est investi de la charge de « confirmer ses frères », maintenant qu’il est « revenu » de son reniement dont Jésus l’avait prévenu : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamé pour vous cribler comme le froment ; mais moi, j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Luc 22, 31-32)

Jésus continue : « En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais. » (17-18) Impulsif et présomptueux que tu étais ! « Quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas. » Cette fois, Jésus lui-même annonce à Pierre, en termes voilés, qu’il le suivra jusqu’à la mort de la croix, mais dans l’obéissance, et non pas dans l’élan de sa spontanéité naturelle !

19. « Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant dit cela, il lui dit : Suis-moi !” »

Pierre “ suivit ” en effet Jésus jusque sur la croix, dont il subit le supplice sous le règne de Néron, le 13 octobre 64 après Jésus-Christ. Jésus l’avait dit après le lavement des pieds : « Tu me suivras plus tard. » (Jn 13, 36)

Jésus parle d’expérience. N’avait-il pas « étendu les mains » en croix, docilement, sans un geste pour se débattre, et le bourreau ne l’avait-il pas ceinturé pour l’élever en croix, le menant là où la nature ne voudrait pas, comme lui-même l’avait éprouvé au jardin de l’agonie : « Père, s’il est possible, éloigne de moi ce calice. » (Luc 22, 42)

20. « Se retournant, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait, celui-là même qui, durant le repas, s’était penché sur sa poitrine, et avait dit : Qui est-ce qui te livre ?

« Le voyant donc, Pierre dit à Jésus :  Seigneur, et lui ? Jésus lui dit :  Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi ! ” »

Le premier des pasteurs, c’est Pierre, le vicaire du Christ. Mais celui que Jésus aime, Pierre le sait bien, c’est Jean, le plus proche de son Cœur. À Pierre, il reste une longue route à parcourir, jusqu’au martyre. Jean, lui, « demeure », comme la Sainte Vierge, dont il est mystérieusement inséparable depuis qu’il l’a reçue pour Mère au pied de la Croix.

23. « Le bruit se répandit alors chez les frères que ce disciple ne mourrait pas. Or, Jésus n’avait pas dit à Pierre : Il ne mourra pas”, mais : Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne. ” »

Cette parole s’applique à la lettre à la Vierge Marie, dont Jean est le porte-parole, et qui, Elle, « ne mourra pas » et montera au Ciel en son corps, pour régner auprès de Jésus sur les destinées de l’Église. L’autorité hiérarchique elle-même ne demeurera pas toujours. Elle sera même sanctionnée si elle a prévariqué, éternellement, car toutes les créatures seront jugées sur l’amour, dont le Cœur Immaculé de Marie est le foyer incandescent.

La résurrection du Seigneur, au matin de Pâques, préparait elle-même un miracle encore plus éclatant, annoncé par Jean-Baptiste lorsqu’il affirmait avoir vu l’Esprit descendre du Ciel comme une colombe et reposer sur le Christ. Le quatrième Évangile est marqué tout au long par cette attente de l’Esprit qui est Amour. C’est lui qui donnera au monde la purification réelle dont le baptême d’eau du Précurseur n’était que la préfiguration.

« Au soir de la vie, une seule chose demeure, l’Amour. Il faut tout faire par amour. »

Frère Bruno de Jésus-Marie