5 AVRIL 2020
Athlète et Victime
POUR mieux comprendre quels furent les sentiments du Cœur de Jésus durant ces événements terribles de la Passion et nous préparer à revivre ces jours saints durant lesquels Jésus a opéré la rédemption du genre humain, il nous est bon de reprendre le cours de théologie Kérygmatique de notre Père sur le mystère de la Rédemption qui jette un flot de lumière sur les événements que nous allons revivre au cours de cette semaine sainte.
Jésus est à la fois athlète et victime. Notre-Seigneur a commencé par donner du pain aux affamés, guérir les malades, protester contre les injustices et les oppressions de ce monde. Il a pris le parti des pauvres et bravé les puissants. Il a systématiquement démoli le prestige des fausses autorités spirituelles de son temps et de son pays. Il cherchait véritablement à instaurer le Royaume de Dieu sur la terre.
Et puis brutalement, cet athlète redoutable, de fort est devenu faible. Il se cache, il connaît les larmes et la sueur de sang, il est envahi par l’effroi. Bien que pouvant tous les dominer, il se soumet à ses ennemis, se laisse conduire chez Anne comme un agneau à l’abattoir. Il se soumet au simulacre de procès pour être livré aux mains des impies sans un mot de protestation, sans un geste d’indignation.
En réalité ce qui prend les apparences de deux étapes distinctes dans la vie du Christ constitue les deux inséparables composantes de toutes ses actions : quand il débat avec les pharisiens, il y a déjà en Lui cette oblation à son Père, cet abandon, cette disposition à tout souffrir qui se manifesteront pleinement sur la Croix. Mais dans Jésus écrasé d’angoisse et d’effroi, Jésus flagellé, Jésus portant sa Croix, toute la force du lutteur se déploie encore plus que jamais.
L’agonie elle-même mérite son nom de combat, combat contre lui-même effrayant, terrible, où chancelle le salut du monde. Mais ce combat extrême se termine par la victoire de Jésus ! La mort sur la Croix est une démonstration de puissance et une affirmation anticipée de victoire, d’un être humain comme on n’en avait jamais vu et qu’on n’en verra jamais plus. Il domine sa douleur, il résiste à l’épuisement, il accepte l’injure, et enfin il meurt dans un grand cri, non en homme épuisé mais en puissant athlète qui dépose sa vie à l’heure marquée...
En conséquence, Rédemption et Libération ne font qu’un. De sa conception au jour encore à venir de son ultime retour le Verbe fait chair opère son œuvre de salut en un seul regard : obéissance et oblation sacrificielle à son Père, en même temps qu’amour et lutte libératrice pour ses frères.
En entrant dans le monde, Jésus se consacre à l’œuvre sacrée de la rédemption et de la restauration de la création à délivrer du joug de Satan, et il est animé par cette volonté fondamentale d’être à la fois Prêtre et Oblation sainte à Dieu pour ses frères.
Précisément dans sa volonté d’oblation et de consécration universelle, Notre-Seigneur entre dans le monde comme un subversif, pour renverser la domination de Satan qui y règne. Jésus est entré dans le monde tel qu’il est !... Aussi vient-il en contestataire, en lutteur et en juge comme le proclame le Magnificat.
Un tel combat est en Lui l’œuvre d’un triple amour : amour du Père outragé par le mal, amour de Lui-même rejetant cette inacceptable solidarité du péché, amour des pauvres, des innocents, broyés par les puissances de haine et de mort.
Jésus avait une si parfaite soumission et oblation à son Père très Saint et un si parfait zèle et amour pour tout le bien qu’il en est résulté cette pure ligne droite de sa vie ou la Libération passe par la Servitude volontaire, où le combat se fait Passion, où la révolte passe par la Croix, où la Victoire est emportée par le Sacrifice.
Cette lutte contre les méchants, qui paraît au grand jour durant sa vie publique, demeure en Jésus jusque dans sa Passion. Il y marche pour ressusciter et fonder hors de leurs prises son Royaume de vérité, d’amour, de justice et de paix.
Abbé Georges de Nantes
Extrait de Il est ressuscité ! n° 81, reprenant la CRC 70 de juillet 1973