20 JANVIER 2021
Les invisibles et merveilleux accroissements
de l’église dans la tourmente
ON a beau prévoir les peines et parfois accepter par avance les souffrances qu’il plaira à Dieu de nous envoyer, elles nous trouvent souvent désemparés lorsqu’elles surviennent. Or, sachez-le bien, nous ne sommes pas au bout de nos peines...
Mais à nous tous qui sommes peu courageux devant la douleur et le sacrifice ou préoccupés à l’excès des difficultés de nos proches, l’Écriture sainte adresse cet oracle que Jérémie dicta un jour à son secrétaire, Baruch, toujours consterné et inquiet pour lui-même des sombres prophéties qu’il lui fallait sans cesse écrire : « “ Ainsi parle Yahweh. “ Ce que j’avais bâti, je le démolis, ce que j’avais planté, je l’arrache : je vais frapper toute la terre. Et toi, tu réclames pour toi un sort exceptionnel ! Ne réclame pas, car voici que j’amène le malheur sur toute chair, oracle de Yahweh. Quant à toi, je t’accorde pour privilège ta propre vie, partout où tu iras. ” » (Jr 45)
Promesse touchante conservée dans l’Écriture pour réconforter les âmes pusillanimes. Nous voyons l’humanité plongée dans un grand drame où se joue la destinée éternelle de millions d’êtres. Nous attendons de l’avenir, peut-être proche, la victoire du Seigneur de Gloire Jésus-Christ ; dans cette perspective les persécutions que subit l’Église ne nous déconcertent pas.
Eh bien ! recevons de Dieu, pour notre propre réconfort, cette assurance que les disciples de Jésus, comme le secrétaire du Prophète jadis, auront dans les jours à venir le privilège de sauver leur propre vie, j’entends la vie de l’âme qui seule importe après tout ! Quant à éprouver des peines, oui, ils en éprouveront. Vous ne voudriez pas tout de même être seuls épargnés tandis que le monde vacille sur ses bases ! Soyons courageux et confiants, mais pas trop exigeants avec ça !
Il y a mieux à faire qu’à craindre. Puissions-nous imiter saint Paul dans la tempête. Il ne gémit pas comme Baruch, ni ne s’affole comme les marins et les passagers du bateau. Il sait que Dieu le conduit au véritable port et ce nouveau péril ne l’émeut pas. C’était bon pour Jonas lorsqu’il fuyait le service de Dieu de trembler, non pour celui qui remplit sa mission d’Apôtre.
Mais écoutez-le convaincre matelots et passagers : « II fallait m’écouter, mes amis, et ne pas quitter la Crète ; on se serait épargné ce péril et ce dommage. Quoi qu’il en soit, je vous invite à avoir bon courage, car aucun de vous n’y laissera la vie, le navire seul sera perdu. Cette nuit en effet m’est apparu un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers. Il m’a dit : “ Sois sans crainte, Paul. Il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi. ” Courage donc, mes amis ! Je me fie à Dieu de ce qu’il en sera comme il m’a été dit. Mais nous devons échouer sur une île. »
Jonas le fuyard attirait sur le bateau qui l’emmenait la colère de Dieu. Baruch le timoré se voyait accorder le salut mais Paul, homme de Dieu et bon serviteur, obtient plus que sa propre vie : celle de tous ses compagnons de traversée. C’est un nouveau symbole du salut qui vient au monde par Jésus-Christ et son Église. Celle-ci non plus n’est pas écoutée lorsqu’elle donne partout de sages conseils aux hommes ; ils préfèrent engager leur vaisseau dans les tempêtes et courir des périls mortels.
Cela doit se comprendre d’abord en Jésus-Christ à qui son Père devait bien accorder sa propre vie, c’est-à-dire le salut de l’Église qui est son propre Corps, car « Jésus-Christ est UN avec l’Église, portant ses péchés : l’Église est UNE avec Jésus-Christ portant sa Croix », et cela doit se comprendre des chrétiens pour lesquels tous les hommes sont des compagnons de route.
Comme il est naturel, ce désir de parvenir au but du voyage avec tous ses compagnons de route, sans en perdre un seul : « Je gardais en ton nom ceux que tu m’as donnés. J’ai veillé sur eux et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition », disait Jésus. Je dirai même que c’est ce vœu profond de n’abandonner personne de nos proches au long de notre vie qui est le ressort premier du salut, le désir qui, dans la plénitude de la grâce, obtient le salut de la multitude par la sainteté et le sacrifice de quelques-uns.
Comme Baruch, acceptons de souffrir puisque « rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour du Christ », mais surtout réjouissons-nous de voir qu’une ville est sauvée s’il s’y trouve dix justes (Gn 18), et tout un équipage si un Apôtre s’y est joint pour la traversée. Aimez vos compagnons de traversée, aimez avec la Vierge Sainte jusqu’aux plus vastes limites la multitude des âmes de bonne volonté et vous entendrez encore la voix de l’ange vous assurer dans la tourmente qu’avec votre salut Dieu vous accorde la vie de tous ceux pour lesquels vous l’avez prié !
Comprenez-vous mieux de quels invisibles et merveilleux accroissements l’Église bénéficie dans la tourmente ?
Abbé Georges de Nantes
Extraits de la Lettre à mes Amis n° 4 de 1956